Théâtre de violents affrontements dans la nuit du 11 au 12 janvier dernier, le secteur Marley (Abobo-gare) vit dans la peur. Quel est ce quartier qui crée tant de psychose à la seule évocation de son nom ? Reportage.
«Mon vieux, si tu quittes ici, faut pas demander à quelqu’un encore. Sinon si on dit c’est zôgôya (espionnage) ou bien ? On peut t’agresser à cause de ça». Cette instruction de notre interlocuteur, nous la suivrons à la lettre. Quelques minutes après, ouf ! Nous sommes hors de Marley, la bourgade abobolaise dont l’évocation du nom donne le tournis à plus d’un habitant d’Abidjan. Il est 11h 20, samedi. Cinq véhicules militaires calcinés s’offrent tristement à la vue devant l’agence de téléphonie mobile Moov d’Abobo-marché et devant le collège Saint Joseph. De jeunes gnambros (chargeurs de véhicules de transport en commun) hèlent les clients en direction d’Adjamé-mosquée ou Renault. L’espace occupé a été dans la nuit du 11 au 12 janvier, le théâtre de violents affrontements entre les Forces de défense et de sécurité (Fds) et des individus armés non encore identifiés. Mais, nous ne pouvons partir sans jeter un coup d’œil derrière nous, un regard sur Marley.
Marley : un sous-quartier du secteur Banco II
La rue contiguë à la gare Utb d’Abobo conduit directement au cœur du quartier. La voie grouille de monde. Les devantures des premières habitations sont occupées par des commerces qui offrent des services variés : des kiosques à café, des boutiques de vente de céréales, des vendeuses de nourriture, des cabines téléphoniques, des cybercafés, etc. Ce quartier mi-habitation, mi-lieu d’échanges est plombé par un marché (Chaka Koné) qui occupe toute une ruelle. Malgré le brouhaha du marché, une certaine quiétude règne ce matin. « On pense que nous qui vivons ici, on est des extraterrestres », soutient celui que nous appelons Rofa. Mais, ce sont les doyens du quartier regroupés dans un kiosque à café qui donnent de plus amples informations sur le secteur.
Selon C. Moussa, Marley fait partie du carré Banco II qui part du rond-point d’Abobo-Anador, à celui de Gagnoa gare. Sous-secteur de cet ensemble, le rayon que les jeunes ont nommé Marley (en relation avec Bob Marley, artiste-chanteur reggae jamaïcain) se situe entre le carrefour Coopec et la mosquée Chaka Koné sur le côté gauche en provenance d’Adjamé. Il est limité par la voie express Abobo-Anyama et les rails (Juste après les rails, on parle de derrière-rail). Le bourg a bénéficié d’un plan d’urbanisation. « Le goudron qu’on voit là, a été fait par le maire Koutouan Gérard », indique Moussa. Les jeunes ont surnommé toutes les ruelles. «La route où on est s’appelle Albator. De l’autre côté, c’est Globin’s. On a Play-boy, carrefour mouton, Camera, Kabadougou et marché Chaka Koné», précise Rofa. Mais d’où est venue la réputation de violence de ce territoire qui semble si calme ?
«Nos jeunes sont pacifiques, mais solidaires. Ici on ne fait pas de distinction entre les habitants.
Lorsque quelqu’un vient de dehors pour nous attaquer, on lui montre que l’union fait la force »,
spécifie le doyen Moussa. Seulement, cette solidarité est appréciée différemment et de nombreux observateurs parlent plutôt de violence. Ce qui fait monter le doyen Coulibaly au créneau. « De part sa situation géographique, Marley se trouve au cœur d’Abobo. Il n’est pas loin des gares routières, de la mairie et de l’hôpital.
Le bâton et la carotte
Ce qui fait que lorsqu’il y a des actions policières telles que des rafles, ce sont nos jeunes qui sont les plus touchés. A force de côtoyer la violence, on finit par devenir violent», se convainc-il. «On ne se promène plus avec nos pièces pour ne pas qu’on nous tue à cause de nos noms», confie D. T. Les jeunes sont certains d’avoir reçu la bagarre en héritage. «Nos vieux, continue D.T., ont fait la guerre avec les Ebrié pour créer ce quartier ». C’est pourquoi, croit-il, «on doit défendre notre territoire».
Quant aux agressions, les jeunes affirment de façon unanime qu’ils n’en sont pas les auteurs.
«Beaucoup de personnes quittent leurs quartiers pour venir agresser les gens à Marley. Mercredi, nous sommes allés les chasser», affirme G., footballeur international qui a reçu une balle dans le dos lors des représailles après l’instauration du couvre-feu, la veille du second tour de l’élection présidentielle. Des cas de ce type sont légion à Marley, qui a été récemment le théâtre d’affrontements armés. « Nous avons vécu les derniers affrontements dans la peur. De 24h 40 à 3 heures du matin, nous n’avons pas fermé l’œil. Les maisons tremblaient. On avait peur », indique le doyen Moussa. Quant aux jeunes, nombreux sont ceux qui ont été contraints de quitter le quartier avant de revenir. «On ne savait pas qui tirait. Personne ne pouvait sortir. Quand on a vu les dégâts le matin, nos mères et nos femmes nous ont demandé de quitter les lieux à cause des représailles. Nous sommes partis à Derrière-rail pour revenir après», explique G. La situation n’a pas effrayé pour autant tout le monde. «On dit que Marley est dangereux, mais il y a des gens qui quittent Yopougon pour venir ici parce qu’ils ont peur là-bas», explique S.T. A notre arrivée, celui-ci avait émis beaucoup de réserves avant de s’engager dans la conversation. Après avoir décliné notre identité, il s’était exclamé : «on a peur oh». Et de se justifier : «On a peur la journée, mais pas la nuit ». Au-delà de la confiance que nous avons pu instaurer, beaucoup de sujets ont été bottés en touche par nos interlocuteurs. «Mon vieux comme c’est la première fois, y a pas drap. Si ça là sort, on va t’appeler pour te donner les vrais sons», nous rassure S.T. Comme à notre arrivée, nous filons du quartier à l’anglaise. Ni vu, ni connu. Pour ne pas être pris pour un zôgô.
Sanou A
«Mon vieux, si tu quittes ici, faut pas demander à quelqu’un encore. Sinon si on dit c’est zôgôya (espionnage) ou bien ? On peut t’agresser à cause de ça». Cette instruction de notre interlocuteur, nous la suivrons à la lettre. Quelques minutes après, ouf ! Nous sommes hors de Marley, la bourgade abobolaise dont l’évocation du nom donne le tournis à plus d’un habitant d’Abidjan. Il est 11h 20, samedi. Cinq véhicules militaires calcinés s’offrent tristement à la vue devant l’agence de téléphonie mobile Moov d’Abobo-marché et devant le collège Saint Joseph. De jeunes gnambros (chargeurs de véhicules de transport en commun) hèlent les clients en direction d’Adjamé-mosquée ou Renault. L’espace occupé a été dans la nuit du 11 au 12 janvier, le théâtre de violents affrontements entre les Forces de défense et de sécurité (Fds) et des individus armés non encore identifiés. Mais, nous ne pouvons partir sans jeter un coup d’œil derrière nous, un regard sur Marley.
Marley : un sous-quartier du secteur Banco II
La rue contiguë à la gare Utb d’Abobo conduit directement au cœur du quartier. La voie grouille de monde. Les devantures des premières habitations sont occupées par des commerces qui offrent des services variés : des kiosques à café, des boutiques de vente de céréales, des vendeuses de nourriture, des cabines téléphoniques, des cybercafés, etc. Ce quartier mi-habitation, mi-lieu d’échanges est plombé par un marché (Chaka Koné) qui occupe toute une ruelle. Malgré le brouhaha du marché, une certaine quiétude règne ce matin. « On pense que nous qui vivons ici, on est des extraterrestres », soutient celui que nous appelons Rofa. Mais, ce sont les doyens du quartier regroupés dans un kiosque à café qui donnent de plus amples informations sur le secteur.
Selon C. Moussa, Marley fait partie du carré Banco II qui part du rond-point d’Abobo-Anador, à celui de Gagnoa gare. Sous-secteur de cet ensemble, le rayon que les jeunes ont nommé Marley (en relation avec Bob Marley, artiste-chanteur reggae jamaïcain) se situe entre le carrefour Coopec et la mosquée Chaka Koné sur le côté gauche en provenance d’Adjamé. Il est limité par la voie express Abobo-Anyama et les rails (Juste après les rails, on parle de derrière-rail). Le bourg a bénéficié d’un plan d’urbanisation. « Le goudron qu’on voit là, a été fait par le maire Koutouan Gérard », indique Moussa. Les jeunes ont surnommé toutes les ruelles. «La route où on est s’appelle Albator. De l’autre côté, c’est Globin’s. On a Play-boy, carrefour mouton, Camera, Kabadougou et marché Chaka Koné», précise Rofa. Mais d’où est venue la réputation de violence de ce territoire qui semble si calme ?
«Nos jeunes sont pacifiques, mais solidaires. Ici on ne fait pas de distinction entre les habitants.
Lorsque quelqu’un vient de dehors pour nous attaquer, on lui montre que l’union fait la force »,
spécifie le doyen Moussa. Seulement, cette solidarité est appréciée différemment et de nombreux observateurs parlent plutôt de violence. Ce qui fait monter le doyen Coulibaly au créneau. « De part sa situation géographique, Marley se trouve au cœur d’Abobo. Il n’est pas loin des gares routières, de la mairie et de l’hôpital.
Le bâton et la carotte
Ce qui fait que lorsqu’il y a des actions policières telles que des rafles, ce sont nos jeunes qui sont les plus touchés. A force de côtoyer la violence, on finit par devenir violent», se convainc-il. «On ne se promène plus avec nos pièces pour ne pas qu’on nous tue à cause de nos noms», confie D. T. Les jeunes sont certains d’avoir reçu la bagarre en héritage. «Nos vieux, continue D.T., ont fait la guerre avec les Ebrié pour créer ce quartier ». C’est pourquoi, croit-il, «on doit défendre notre territoire».
Quant aux agressions, les jeunes affirment de façon unanime qu’ils n’en sont pas les auteurs.
«Beaucoup de personnes quittent leurs quartiers pour venir agresser les gens à Marley. Mercredi, nous sommes allés les chasser», affirme G., footballeur international qui a reçu une balle dans le dos lors des représailles après l’instauration du couvre-feu, la veille du second tour de l’élection présidentielle. Des cas de ce type sont légion à Marley, qui a été récemment le théâtre d’affrontements armés. « Nous avons vécu les derniers affrontements dans la peur. De 24h 40 à 3 heures du matin, nous n’avons pas fermé l’œil. Les maisons tremblaient. On avait peur », indique le doyen Moussa. Quant aux jeunes, nombreux sont ceux qui ont été contraints de quitter le quartier avant de revenir. «On ne savait pas qui tirait. Personne ne pouvait sortir. Quand on a vu les dégâts le matin, nos mères et nos femmes nous ont demandé de quitter les lieux à cause des représailles. Nous sommes partis à Derrière-rail pour revenir après», explique G. La situation n’a pas effrayé pour autant tout le monde. «On dit que Marley est dangereux, mais il y a des gens qui quittent Yopougon pour venir ici parce qu’ils ont peur là-bas», explique S.T. A notre arrivée, celui-ci avait émis beaucoup de réserves avant de s’engager dans la conversation. Après avoir décliné notre identité, il s’était exclamé : «on a peur oh». Et de se justifier : «On a peur la journée, mais pas la nuit ». Au-delà de la confiance que nous avons pu instaurer, beaucoup de sujets ont été bottés en touche par nos interlocuteurs. «Mon vieux comme c’est la première fois, y a pas drap. Si ça là sort, on va t’appeler pour te donner les vrais sons», nous rassure S.T. Comme à notre arrivée, nous filons du quartier à l’anglaise. Ni vu, ni connu. Pour ne pas être pris pour un zôgô.
Sanou A