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Politique Publié le vendredi 21 janvier 2011 | Le Mandat

Crise ivoirienne : comment Simone Gbagbo tire les ficelles

Dans l’ombre de l’homme-fort de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbabgo, qui refuse toujours de quitter le pouvoir, une femme tire les ficelles. On la surnomme la «Hillary Clinton des tropiques», la «Dame de sang» ou tout simplement «Maman». Sur son site officiel, celle qui se proclame la Première Dame de Côte d’ivoire, se définit comme une femme forte, engagée, belle et visionnaire. Première épouse de Laurent Gbagbo, avec qui elle a eu deux enfants, Simone Ehivet est redevenue la personnalité la plus redoutée de Côte d’Ivoire et a supplanté en cour la deuxième épouse du président ivoirien, Nady Bamba, depuis que les résultats du second tour de la présidentielle ont été dévoilés. Samedi 15 janvier dernier, à Abidjan, au Palais de la Culture, devant près de 5000 militants acquis à leur cause, la spécialiste des Lettres modernes, (elle a une Maîtrise de littérature passée en France et un Doctorat obtenu à Dakar) -, a harangué la foule avec un discours simple (pour ne pas dire simpliste) et percutant. Pour la passionaria du régime d’Abidjan, Nicolas Sarkozy est «le diable», tandis qu’Alassane Ouattara est «le chef des bandits». «Le temps des débats sur les élections entre Gbagbo et le 'chef bandit' est passé. Notre président est vigoureusement installé au pouvoir et il travaille», a-t-elle proclamé, sous les vivats d’une foule hystérique. «Le diable est persévérant dans la défaite. C'est parce que le diable est persévérant que notre pays est dans la tourmente. Aujourd'hui encore, il persiste», a-t-elle ajouté. Pour l’évangéliste, le terme est choisi avec soin. Celle qui explique sur son site officiel que «le salut et le développement de la Côte d’Ivoire sont possibles si nous croyons en Jésus Christ comme la solution et si nous nous mettons au travail de façon résolue», est intimement persuadée que Dieu a choisi le camp de Laurent Gbagbo. «Dieu mène notre combat. Dieu nous a déjà donné la victoire», assure-t-elle. «Nous allons retrouver notre indépendance, notre souveraineté totale. Le mouvement de libération de l'Afrique entière est en train de naître en Côte d'Ivoire.»

Une femme politique

Née en 1949, à Moossou, dans la commune de Grand Bassam, Simone Gbagbo a toujours fait de sa vie un combat d’abord syndical puis politique. Fille de gendarme, militante au sein de la Jeunesse Estudiantine Catholique (JEC), elle rencontre Laurent Gbagbo au sein de la cellule «Lumumba» d’inspiration marxiste. «Adèle», son nom de code, tombe déjà sous le charme de l’homme politique, qui sortait alors toujours de prison, et une profonde amitié nait alors. En décembre 1980, ils forment avec trois amis de longue date «le noyau des cinq» et décident de former un parti politique clandestin, qui deviendra en 1988 le Front populaire ivoirien (FPI). En 1989, les deux «révolutionnaires», devenus amants convolent en juste noce. A la suite des manifestations populaires du 18 février 1992, Simone et Laurent Gbagbo sont emprisonnés à Abidjan. Cela n’altère pas la détermination de la «Dame de sang», bien au contraire. En novembre 1995, elle est élue pour la première fois député de la circonscription électorale d’Abobo, un quartier populaire d’Abidjan, et devient ensuite vice-présidente du Parlement ivoirien puis Première Dame de Côte d’Ivoire, après l’investiture de son mari, Laurent Gbagbo, le 26 octobre 2000. Proche de Charles Blé Goudé, le leader de l'Alliance des Jeunes Patriotes, milice soupçonnée être l’auteur d’exactions et même de massacres par l’Onuci, la force de l’ONU en Côte d’Ivoire, Simone Gbagbo n’est pas une personnalité aussi lisse que son site Internet le laisse supposer. Ainsi, son proche entourage est accusé par la famille du journaliste français Guy-André Kieffer d’avoir planifié son enlèvement le 16 avril 2004 – il avait rendez-vous avec Michel Legré, le beau-frère de Simone Gbagbo. Spécialisé dans les matières premières et les affaires économiques et financières, il enquêtait sur les malversations dans la filière cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial. Lors de l’enquête préliminaire, le ministre de l’Economie et des Finances, Paul-Antoine Bohoun Bouabré, avait été mis nommément en cause par Michel Legré. Convoquée par la justice française, comme témoin, en juillet 2008, Simone Gbagbo, dont le nom a été cité à plusieurs reprises lors des interrogatoires, ne s’est jamais déplacée. Elle sera néanmoins entendue par les magistrats français Patrick Ramaël et Nicolas Blot à Abidjan, en avril 2009. Le 2 décembre de la même année, ces derniers saisissaient la Cour pénale internationale pour une demande d’entraide, afin que celle-ci puisse collecter des informations sur des membres présumés d’escadrons de la mort. Joint par Le Figaro.fr, le frère du disparu, Bernard Kieffer, expliquait alors que l’entourage direct de Simone Gbagbo était dans le collimateur des enquêteurs français. «On présume que Simone Gbagbo n’est pas très éloignée des escadrons de la mort», avait-il déclaré. Le nom de Simone Gbagbo figure bien sûr sur la liste des 85 personnalités ivoiriennes, proches du président sortant, directement visées par l’Union Européenne. Ses avoirs européens ont été gelés par Bruxelles qui lui a également interdit tout visa.
Source Paris Match


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