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Économie Publié le jeudi 27 janvier 2011 | Nord-Sud

Bceao : conséquences du départ de Dacoury-Tabley - Les banques vont-elles abandonner Gbagbo?

Le départ de Philippe-Henry Dacoury-Tabley de la tête de la Bceao va sans doute changer la donne dans l’économie et le système bancaire ivoiriens. Les analystes et les banquiers estiment que les risques sont de plus en plus grands en cherchant à composer avec le pouvoir «illégitime» de Gbagbo.


Les changements opérés à la Ban­que centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) marquent un tournant décisif dans la stratégie d’asphyxie financière engagée par le président de la République, son Excellence M. Alassane Ouattara contre son rival Laurent Gbagbo qui refuse de passer la main. Le départ du gouverneur Philippe-Henry Dacoury-Tabley de la tête de l’institut d’émission, accusé d’avoir autorisé le «décaissement frauduleux de 100 milliards de Fcfa» au profit du camp Gbagbo, va impacter ou modifier l’environnement économique et financier dans le pays, notamment le fonctionnement des banques commerciales. En effet, la confirmation d’Alassane Ouattara par les chefs d’Etat de l’Uemoa comme gestionnaire exclusif des comptes de la Côte d’Ivoire, logés à la Bceao, fait dire à certains dirigeants du monde bancaire que les choses risquent d’être compliquées en ce qui concerne la conduite de certaines opérations. Si éventuellement, l’ancien régime «illégitime» continue de faire le forcing.

La compensation :
un épineux problème

Selon une source proche de la Banque centrale, les activités liées à la compensation pourraient connaî­tre des difficultés. De quoi s’agit-il? C’est un mécanisme permettant à des banques et à des institutions financières, membres de la chambre de compensation, de régler les montants dus et de recevoir les actifs correspondants aux transactions qu’el­les ont effectuées sur les marchés. Elle porte sur les chèques et virements entre banques et met en jeu un système de paiement en présence d’un arbitre qui est la banque centrale. Plus simplement, lorsque par exemple, la Biao et la Sgbci reçoivent simultanément des chèques (appartenant aux deux banques) de leurs clients, chacune de son côté procède en fin de journée au solde de toutes ces valeurs avant de saisir la Bceao pour le règlement. Si la Biao enregistre un solde de 3 milliards de Fcfa et la Sgbci un solde de 2 milliards, le différentiel sera réglé par l’institut d’émission qui est la banque des banques. «Dans tous les cas, la Bceao intervient pour faire l’arbitrage», explique un spécialiste. Toujours à l’en croire, c’est quasiment le même dispositif qui est mis en place pour le règlement des salaires des fonctionnaires. L’Etat qui a ses principaux comptes à la Banque centrale, formule des bons de virements ou chèques détenus par les différents trésoriers autorisés pour faire les mouvements. Sur ces valeurs, est adossée la liste des fonctionnaires. «La Banque centrale qui est une banque de l’Etat, après réception des différents documents, débite le compte du trésor (qui doit être toujours alimenté) dans ses livres au profit des banques bénéficiaires pour le paiement des salaires», renchérit un autre expert. Avant d’ajouter qu’avec les changements à la tête de l’institution, l’agence nationale ne va pas prendre de risque pour collaborer avec des trésoriers dont la signature n’est plus reconnue. Or, c’est environ 1.500 milliards de Fcfa de recettes fiscales qui sont déposés via le Trésor public sur le compte de la Bceao. C’est clair que le camp Gbagbo qui ne pourra plus disposer de ce fonds, sera véritablement en difficulté financière, d’autant qu’il a perdu son soutien à la Banque centrale, l’ex-gouverneur. Certains analystes font remarquer que, dans son projet de contournement, le groupe d’Aké N’Gbo pourrait recourir à la Banque des Dépôts du Trésor Public (Accd) ou à d’autres banques publiques telles que la Bni, la Bfa, la Versus Bank ou même la Cnce pour recueillir contre toute norme, les taxes et impôts payés par les opérateurs économiques. Même si par extraordinaire, elles arrivent à mobiliser les ressources dans les mois à venir, comment feront-elles pour payer le solde des 160.000 fonctionnaires disséminés sur toute l’étendue du territoire? Une tâche herculéenne ! Les ban­ques commerciales, dans lesquelles sont domiciliés les comptes des fonctionnaires, vont-elles faire con­fiance à de telles opérations non cautionnées et non autorisées par la Commission bancaire de la Bceao qui contrôle, régule l’activité et attribue les agréments? Pas du tout évident.

Les salaires menacés à terme

Même si les gains (agios) consécutifs à cette activité sont estimés à plus de 96 milliards de Fcfa et que ces ressources constituent une des principales niches des établissements bancaires. Sans compter les intérêts issus des fonds flottants (fonds qui proviennent d’emprunts à termes rapprochés). Pour l’accomplissement de sa mission, la Commission Bancaire peut, le cas échéant, étendre ses contrôles aux sociétés apparentées. Elle peut requérir toutes informations et dispose de larges pouvoirs de sanctions administratives et disciplinaires pour toute infraction à la réglementation bancaire. Cet organe peut aussi, dans certaines circonstances, proposer la nomination d’administrateurs provisoires ou de liquidateurs pour les banques et établissements financiers. Un vrai puzzle que les banquiers savent bien. Des spécialistes dans les milieux bancaires estiment que si des incertitudes existent à moyen terme sur la conduite des opérations visant à régler les salaires des agents de l’Etat avec l’ex-pouvoir d’Abidjan, les autres clients seront épargnés par ces difficultés. Mais, le financement de l’activité économique peut s’effriter eu égard au risque-pays qui reste «élevé et préoccupant». Ceci étant, les autres sources de revenus nécessaires à la Côte d’Ivoire que sont les bons du trésor émis par l’Etat, environ 600 milliards de Fcfa par an, sont eux aussi, garantis sur le marché par la Bceao. En l’état actuel des choses, il paraît impossible que la Banque des banques garantisse de tels bons s’ils devaient être émis par le bloc du président déchu. Idem pour les obligations, dans la mesure où la confiance risque de manquer aux acheteurs potentiels. C’est indéniable, la forte contraction de l’activité économique du fait de l’impasse politique donne lieu à une baisse drastique des indicateurs socio-économiques qui pourraient se muer en une véritable crise humanitaire. On estime déjà à plus de 500.000 les pertes d’emplois. Les départs des immigrés ont été supérieurs à 1 million. Si les grands groupes dont les primes de risques flambent peuvent se prévaloir d’une certaine capacité de résistance, il en va autrement pour les Pme. D’ores et déjà, le port d’Abidjan voit se réduire comme peau de chagrin son trafic. Le constat est net. A cause de l’obstination de Gbagbo, la Côte d’Ivoire est au creux de la vague.

Cissé Cheick Ely

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