Le sommet de l`Union africaine qui va se tenir en cette fin de semaine, sera très déterminant dans la résolution de la crise post-électorale en Côte d`Ivoire. Les deux personnalités ivoiriennes, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, seront en effet situées sur leur sort. Une solution (pacifique ou militaire) devrait être trouvée soit pour permettre à Laurent Gbagbo de continuer à exercer le pouvoir d`Etat, soit à engager les actions en vue de donner l`effectivité du pouvoir à Alassane Ouattara, soit encore aboutir à un dialogue entre les deux hommes pour le partage du pouvoir. En attendant, chacun affûte ses armes et active ses réseaux pour sortir victorieux du sommet. Alassane Ouattara, déclaré président par la Commission électorale indépendante et très soutenu par une grande partie de la communauté internationale, bénéficie déjà d`une bonne assise au niveau international. Les diplomates qu`il a nommés aux Nations unies et en France ont été reconnus par ces administrations comme leurs interlocuteurs pour l`Etat de Côte d`Ivoire. Il a fait interdire l`espace européen aux membres du gouvernement Aké N`Gbo et à bon nombre de personnalités du camp Gbagbo. De plus, et cela peut être considéré comme l`une des plus grandes victoires de Ouattara, les chefs d`Etat de l`espace de l`Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) ont décidé de confier la gestion des comptes de la Côte d`Ivoire à la Banque Centrale de l`Afrique de l`Ouest (Bceao) au camp Ouattara. Une mesure qui semble annoncer le début de l`asphyxie financière, inscrite parmi les mesures restrictives destinées à faire partir Laurent Gbagbo du pouvoir. Cependant, en dépit de cette montée en puissance d`Alassane Ouattara dans la bataille pour le contrôle de l`Etat, son adversaire Laurent Gbagbo reste encore solidement assis dans le fauteuil présidentiel. Il demeure toujours l`homme fort de Côte d`Ivoire. Le président déclaré élu par le Conseil constitutionnel a même réussi à arracher l`estime de nombre de ses pairs africains. Isolé au début de la crise post-électorale, Gbagbo marque peu à peu des points et élargit son cercle de soutien. Cela avant le sommet de l`Ua qui s`annonce déterminante. Le président en exercice de cette union, le Malawite Bingu Wa Mutharika, était en visite en Côte d`Ivoire le mardi 25 janvier dernier. Après avoir rencontré les deux protagonistes de la crise, il a déclaré face à la presse qu`il ira présenter les propositions de « son frère et ami » Laurent Gbagbo à Addis-Abeba. Discours diplomatique ou annonce d`un nouvel engagement ? Faut-il le rappeler, le président de l`Ua n`avait pas été du tout tendre avec « son ami » Laurent, qu`il sommait de « céder le pouvoir à Ouattara pour éviter un bain de sang », rapporte l`Afp. Avant lui, c`est le médiateur désigné par l`Union africaine, le Premier ministre kenyan Raila Odinga qui a viré à 180°. Au début décidé à faire partir Gbagbo du pouvoir, par la force si nécessaire, Odinga a finalement déclaré, après deux passages non fructueux à Abidjan, qu`il fallait « éviter cette perspective » et envisager plutôt des mesures diplomatiques et économiques. Le clou des soutiens de Laurent Gbagbo reste certainement l`adresse du président sud-africain Jacob Zuma. Il a ouvertement souhaité qu`il soit envisagé des solutions autres que la mise à l`écart d`un des deux protagonistes. C`est une réelle bouffée d`oxygène pour le locataire du palais d`Abidjan, dont le départ du pouvoir était évoquée dans toutes les instances de décisions internationales. Mieux, comme Gbagbo qui a parlé de recomptage des voix, Zuma propose « une vérification des faits » avant toute prise de décision, écartant ainsi, en tout cas jusqu`au sommet de l`Ua qu`il invite à se pencher sur la question, l`option militaire en Côte d`Ivoire. Autre soutien à Gbagbo, celui du président Ougandais, Yoweri Museveni, qui lui aussi écarte la force et demande « une approche sérieuse concernant l`examen du processus électoral ». Idem, selon l`Afp, pour le président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema, annoncé à la tête de l`Union africaine. Il pourrait proposer la création d`une commission spéciale pour le règlement de la crise ivoirienne, en privilégiant la voie pacifique. Obiang N`guema, qui a des liens forts avec le président angolais Dos Santos, un autre soutien de taille, sinon le plus affiché de Laurent Gbagbo, épouse ainsi la position de l`Angola dans le dossier ivoirien. Le président déclaré élu par le Conseil constitutionnel n`est donc plus seul, comme cela semblait le cas au début de la crise. Selon une source diplomatique qui analyse la situation, et citée par l`Afp, « le président ivoirien sortant a réussi à fédérer autour de lui les pays qui sont frustrés par l`hégémonie occidentale, par l`idéologie anticolonialiste, mais aussi certains pouvoirs autoritaires qui ne voient pas d`un bon oeil l`ordre donné à Gbagbo de partir, surtout à la lumière de ce qui se passe en Tunisie ». Pour la porte-parole d`Alassane Ouattara, Mme Anne Ouloto, « ceux qui étaient curieusement silencieux jusque-là et dont les langues se délient aujourd`hui ne sont pas les plus démocrates. Ils voient bien que ce qui se passe en Côte d`Ivoire les met en danger chez eux », souligne-t-elle, parlant des soutiens de Gbagbo. Le sommet de l`Ua promet donc d`être houleux. Le camp Ouattara qui analyse ces derniers développements de l`actualité concernant la crise ivoirienne, ira lui aussi à ce sommet, fort de ses soutiens. Outre des chefs d`Etat africains, Ouattara pourra certainement compter avec la présence du président français Nicolas Sarkozy, annoncé avec une forte délégation de personnalités françaises.
Hamadou ZIAO
Hamadou ZIAO