Charles Blé Goudé, ministre de la Jeunesse et de l`Emploi, veut donner une nouvelle dynamique à son département. Hier, au terme d`un séminaire à Abidjan, il s`est prêté à nos questions, non sans évoquer la crise post-électorale en Côte d`Ivoire.
M. le ministre, votre département, le Ministère de la Jeunesse et de l`Emploi achève aujourd`hui (vendredi 28 janvier 2011, Ndlr) un séminaire portant sur ``l`état des lieux et les perceptives`` dans ce département. Que retenir au terme de ces trois jours de séminaire?
Charles Blé Goudé: Vous savez que nous avons pris la tête du ministère de la Jeunesse et de l`Emploi il y a seulement quelques semaines. Il nous fallait, pour mieux appréhender les choses, faire l`état des lieux, l`inventaire de ce qui est, le point de ce qui n`a pas marché et ce que nous pouvons faire ensemble, mes collaborateurs et moi, pour faire avancer les choses. C`est à partir de l`existant que nous voulons travailler. Durant trois jours qu`a duré ce séminaire, les responsables des départements du ministère ont, chacun dans son domaine, exposé et nous avons pris bonne note. Il nous faut imprimer notre marque à la politique de l`emploi en Côte d`Ivoire.
Qu`allez-vous apporté de neuf à ce ministère pour faire avancer les choses?
C.B.G: Avant d`être ministre de la Jeunesse et de l`Emploi, nous avions organisé, en son temps, la Foire pour l`insertion et l`orientation des jeunes (FIOJ), qui a connu le succès que vous savez. Nous pensons ne pas vouloir jouer les figurants dans le gouvernement Aké N`gbo, parce que nous voulons jouer réellement notre rôle. Nous ne voulons pas faire du surplace, il nous faut apporter autre chose et rompre avec la politique traditionnelle que l`on a faite jusque-là au sein du ministère de la Jeunesse et de l`Emploi. C`est sur cette rénovation que les jeunes m`attendent et je dois répondre à leurs attentes. C`est donc dire que nous avons nos visions, mais il fallait d`abord faire l`état des lieux et le séminaire qui a été organisé est à propos. Je remercie tous mes collaborateurs, les différents directeurs généraux et tous les autres participants pour leur apport appréciable à ce séminaire. Nous avons vu ce qui ne va pas, ce qui peut marcher. A partir de là, qu`on accepte que nous puissions rompre avec la politique traditionnelle. En clair, nous comptons faire bouger les choses dans notre ministère. Chacun doit jouer son rôle dans ce département. Celui qui ne veut pas jouer son rôle, c`est qu`il n`est pas prêt pour la jeunesse. Un directeur de l`Emploi par exemple doit normalement avoir un programme, lequel programme doit être accompagné d`un chronogramme. C`est de cette façon que nous allons faire bouger les choses et nous y sommes engagés.
Votre ministère est en séminaire au moment où le gouvernement auquel vous appartenez se voit privé d`apports financiers de la Banque centrale des Etats de l`Afrique de l`Ouest (BCEAO), la signature ivoirienne étant désormais avec Alassane Ouattara. N`est-ce pas là un gros handicap pour le camp Gbagbo?
C.B.G: La Banque centrale des Etats de l`Afrique de l`Ouest ne pond pas de l`argent, elle n`a pas une machine à fabriquer de l`argent pour le distribuer à chaque pays. Chaque pays de la zone de l`Union Economique et monétaire ouest-africaine ( UEMOA) est fort en fonction de la solidité de son économie locale. La Côte d`Ivoire est un pays solide et fait face à un défi, notre pays fait face à un chalenge. C`est dans cette période difficile que toutes forces vives et tous les cerveaux de ce pays doivent se retrouver pour montrer aux uns et autres que la Côte d`Ivoire est débout et que les Ivoiriens ne peuvent pas permettre à qui que ce soit de marcher sur sa souveraineté politique, économique et monétaire.
M. le ministre, beaucoup d`Ivoiriens se demandent si le gouvernement auquel vous appartenez peut tenir la route, surtout qu`il est aujourd`hui question de menace de salaires dans le Privé...
C.B.G: Arrêtez de vous faire peur parce que le gouvernement Aké Ngbo va tenir la route. C`est un gouvernement d`hommes capables, d`hommes de défi ; c`est un gouvernement de mission qui saura relever tous les défis. Sachez, monsieur, que nous tiendrons la route, avec le Président Laurent Gbagbo.
Un sommet de l`Union africaine(UA) se tient ce week-end, et qui va notamment plancher sur la question ivoirienne. Que faut-il attendre de ce sommet de l`UA?
C.B.G: C`est un sommet certainement ordinaire mais j`entends dire que la Côte d`Ivoire sera au centre des débats. Je souhaite que l`Afrique digne se retrouve et qu`elle tranche de façon objective sur la question ivoirienne. Que s`est-il passé en Côte d`Ivoire, ce pays en crise? Qu`est-ce que l`Afrique peut apporter et non former des commandos pour détruire la Côte d`Ivoire. Pour moi, il faut une solution africaine à la crise ivoirienne. Il y a eu un contentieux électoral au Kenya, cela a été accepté et Raila Odinga lui-même a accepté d`être Premier ministre du président kenyan alors qu`il se reconnaît vainqueur. Au Zimbabwe, il y a eu un contentieux électoral, l`Afrique a trouvé une solution sans faire de guerre. Il y a eu des règlements de beaucoup de contentieux électoraux en Afrique mais je pense que l`activisme autour de la Côte d`Ivoire montre que la crise ivoirienne est bien au-delà de la question électorale.
Les derniers développements de l`actualité politique sur la crise post-électorale en Côte d`Ivoire vous permettent-ils de croire en la victoire du camp Gbagbo, dans le bras de fer avec le camp Ouattara? .
C.B.G: Nous avons toujours cru en notre victoire et ce sont ceux qui ne nous connaissent pas qui jouent avec nous. Nous avons un projet pour la Côte d`Ivoire, nous avons un objectif pour la Côte d`Ivoire. Nous avons une Côte d`Ivoire à rendre véritablement indépendante politiquement et économiquement et la BCEAO est en train de nous y aider. Je voudrais dire simplement que nos adversaires ont commencé par là où on termine et aujourd`hui, ils sont essoufflés. La précipitation est source d`erreur. Est-ce que vous avez vu la précipitation avec laquelle le président français Nicolas Sarkozy s`est jeté dans la crise ivoirienne, que l`ONU s`est jetée dans la crise ivoirienne? Aujourd`hui ils sont à découvert parce que le temps, l`autre nom de Dieu, finit toujours par avoir raison ; la vérité finit toujours pas éclater et les gens commencent à découvrir réellement ce qui s`est passé en Côte d`Ivoire.
Le camp Ouattara aussi joue la montre, il espère que le président Gbagbo et son gouvernement seront essoufflés. Qu`en dites-vous?
C.B.G: A ce stade-là, on n`a plus à avoir peur. Après les échecs des appels à l`insurrection, à la grève générale pour paralyser le pays, tout cela a échoué. Les appels à des commandos internationaux, à une armée étrangère pour venir tuer les Ivoiriens, tout cela est en train d`échouer. Maintenant on va travailler à affamer les Ivoiriens. Voilà quelqu`un qui veut diriger un peuple qu`il affame. Le pauvre paysan de Duékoué, de Mankono, de Dimbokro, qu`est-ce qu`il a à voir avec une crise politique? Ils se réjouissent qu`on ne paie pas les salaires des Ivoiriens mais nous allons continuer de payer les salaires des Ivoiriens malgré cela parce que les Ivoiriens travaillent. Et la rémunération de leur travail, c`est leurs salaires. Dieu est en train d`étaler Ouattara. Comme le dit l`adage, ce n`est qu`après la mort du crapaud qu`on voit sa longueur.
Le président Sarkozy est l`invité spécial de l`UA à Addis-Abeba. Ne craignez-vous pas un retournement de situation de quelques Africains qui voudraient apporter leur soutien au président Gbagbo?
C.B.G: Je voudrais faire une précision: le président Sarkozy n`a pas été invité, mais il s`invite au sommet de l`UA. Est-ce qu`un chef d`État africain peut s`inviter au sommet de l`Union européenne? Voilà un chef d`État français qui s`invite au sommet de l`UA. C`est un sommet de l`Union africaine, lui Sarkozy qui arrive est uni à qui à l`UA? Cet esprit de colon est un esprit dépassé et je voudrais dire aux chefs d`État africains de ne nullement se laisser influencer par celui-là. Il a échoué à la CEDEAO et il sait très bien que le sommet de l`UA est le sommet de la digne Afrique où il y a des révolutionnaires qui se retrouvent. Les Moammar Kadhaffi, les Jacob Zuma, les Dos Santos. C`est tous ceux-là qui se retrouvent. Et Sarkozy arrive avec cet esprit de corruption pour amener les chefs d`Etat africains à rallier sa mauvaise position. J`espère et j`ai foi que la digne Afrique saura dire non et saura résister.
La palabre avec les Casques bleus continue sur le terrain avec les jeunes patriotes. Qu`allez-vous faire?
C.B.G: Quel est le rôle de l`ONUCI en Côte d`Ivoire? Si ce n`est de se promener et faire de la provocation un peu partout, dans un premier temps. Ensuite, transporter les rebelles, aller prendre des coordinateurs de la jeunesse du PDCI pour faire des réunions au Golf hôtel, venir organiser la rébellion. Voilà le rôle de l`ONUCI. Il n`y a plus de conflit entre la rébellion et le président Gbagbo, sur le terrain, il n`y a plus match. Il y a que l`ONUCI a remplacé la rébellion. Quand vous entendez des tirs, ce n`est plus la rébellion qui tire, ce sont les Casques bleus de l`ONUCI qui tirent. Quand vous entendez des blessés au corridor de Yopougon, ce ne sont plus les rebelles, c`est l`ONUCI qui tire. L`ONUCI s`est carrément discréditée en Côte d`Ivoire et s`est éloignée de sa mission de paix et est en conflit avec la Côte d`Ivoire. C`est un constat que nous faisons et nous continuerons de récuser les Casques bleus en Côte d`Ivoire jusqu`à ce qu`ils quittent définitivement ce pays.
L`ONUCI vous accuse particulièrement de dresser vos partisans contre elle. Que répondez-vous?
C.B.G: Nous ne sommes pas en guerre contre l`ONUCI, c`est l`ONUCI qui est en guerre contre nous. Nous mobilisons nos partisans pour les mettre dans la rue quand on n`est pas content, comme cela se fait en France, aux USA. Partout, quand le peuple n`est pas content et qu`il veut exprimer sa position, il descend dans la rue et c`est de par sa grande mobilisation qu`on prend ses revendications en compte. Mais pourquoi en Côte d`Ivoire, quand on fait des mobilisations, on nous menace? Le Tribunal pénal international dont on parle n`est pas là pour sanctionner ceux qui descendent dans la rue. Le TPI est là pour sanctionner ceux qui tuent et égorgent et ceux-là sont protégés aujourd`hui par l`Organisation des Nations unies. C`est dommage. Regardez ceux qui ont tué Patrice Lumumba, ils sont vivants. Et il n`y a pas de tribunal pénal international pour eux.
Le dernier rapport de Human Rigths Watch sur la crise post-électorale ivoirienne accuse les partisans de Gbagbo d`organiser la chasse aux militants de Ouattara. Qu`en dites-vous?
C.B.G: Ces gens-là sont coupés de la réalité, ils ne font que jouer le rôle que la France leur a confié. Sinon, en tant qu`Ivoirien, vous savez ce que le camp de Ouattara fait. Incendier un immeuble dans lequel a été calciné un soldat, ça n`existe pas dans le rapport. Les policiers ivoiriens, près de 11 tués par balles par le camp de Ouattara, ça n`existe pas dans le rapport. Les réfugiés de Duékoué, les maisons incendiées de Lakota ne figurent pas dans le rapport. Cela veut dire que ces gens sont en mission. Rappelez-vous au moment où le président Gbagbo prêtait serment le 26 octobre 2000, déjà le même soir, l`on découvrait un charnier dans la forêt du Banco à Yopougon. Et on mettait ce charnier sur le compte d`un président qui le même jour était en train de prêter serment. Cela veut dire qu`il n`avait pas encore les rênes du pouvoir. Le coup d`Etat et le complot orchestré contre Gbagbo depuis 2000, les gens veulent l`achever à travers un simulacre d`élection. Maintenant qu`ils ont échoué, ils vont sur le terrain des droits de l`Homme. Là encore, vous allez vous rendre compte qu`ils vont échouer.
Est-ce que les sanctions internationales notamment économiques ne finiront pas par emporter le régime de Gbagbo?
C.B.G: Nous ne sommes pas le seul pays qui traverse une telle situation et de telles sanctions. Le Togo a traversé une telle situation, la Libye a traversé cette période. Ces pays sont là aujourd`hui, c`est à nous de savoir ce que nous voulons. Voulons-nous réellement notre liberté? Nos maîtres d`hier qui ont nos richesses en main et qui les exploitent, qui décident de ce qu`ils veulent, ils ne vont pas se laisser faire, ils vont faire feu de tous bois. C`est à nous d`être des résistants. Ce n`est pas ce que l`adversaire fait, c`est la détermination de la victime qui compte.
Il est de plus en plus question de la création d`une monnaie ivoirienne, qu`est-ce qu`en sait le ministre que vous êtes?
C.B.G: D`abord, je suis partisan de cette idée. La politique économique d`un pays doit être basée sur l`autonomie, sur l`indépendance. On ne peut pas vouloir être indépendant et puis ne pas avoir sa propre monnaie. Avoir sa propre monnaie est un symbole de souveraineté. L`on nous a poussés à la porte, c`est un défi qui est lancé à nos monétaristes, à nos économistes, il faut relever ce défi. En tout cas, je suis partisan de cette idée. Pour finir, je demande à la jeunesse ivoirienne d`être vigilante et je lui demande de relever le défi qui est lancé à la Côte d`Ivoire. Il n`y a pas de bonheur sans douleur, voilà ce que la jeunesse doit retenir. Les gens veulent mesurer notre capacité de résistance, de ténacité. Le Ghana a traversé des moments très difficiles, le Ghana est stable aujourd`hui. L`Afrique du sud a traversé des moments difficiles et l`Afrique du sud est devenue un pays stable au point où on lui confie l`organisation de la coupe du monde. La Libye, Kadhaffi qu`on prend aujourd`hui pour exemple, il a été enfermé, il a été soumis à des sanctions économiques, il a été présenté comme le diable international. Aujourd`hui, c`est un héros. Je souhaite que les Ivoiriens s`apprêtent à ce qu`on traverse ces moments difficiles ensemble pour qu`on soit libre demain.
Interview réalisée par
TRA BI Charles
M. le ministre, votre département, le Ministère de la Jeunesse et de l`Emploi achève aujourd`hui (vendredi 28 janvier 2011, Ndlr) un séminaire portant sur ``l`état des lieux et les perceptives`` dans ce département. Que retenir au terme de ces trois jours de séminaire?
Charles Blé Goudé: Vous savez que nous avons pris la tête du ministère de la Jeunesse et de l`Emploi il y a seulement quelques semaines. Il nous fallait, pour mieux appréhender les choses, faire l`état des lieux, l`inventaire de ce qui est, le point de ce qui n`a pas marché et ce que nous pouvons faire ensemble, mes collaborateurs et moi, pour faire avancer les choses. C`est à partir de l`existant que nous voulons travailler. Durant trois jours qu`a duré ce séminaire, les responsables des départements du ministère ont, chacun dans son domaine, exposé et nous avons pris bonne note. Il nous faut imprimer notre marque à la politique de l`emploi en Côte d`Ivoire.
Qu`allez-vous apporté de neuf à ce ministère pour faire avancer les choses?
C.B.G: Avant d`être ministre de la Jeunesse et de l`Emploi, nous avions organisé, en son temps, la Foire pour l`insertion et l`orientation des jeunes (FIOJ), qui a connu le succès que vous savez. Nous pensons ne pas vouloir jouer les figurants dans le gouvernement Aké N`gbo, parce que nous voulons jouer réellement notre rôle. Nous ne voulons pas faire du surplace, il nous faut apporter autre chose et rompre avec la politique traditionnelle que l`on a faite jusque-là au sein du ministère de la Jeunesse et de l`Emploi. C`est sur cette rénovation que les jeunes m`attendent et je dois répondre à leurs attentes. C`est donc dire que nous avons nos visions, mais il fallait d`abord faire l`état des lieux et le séminaire qui a été organisé est à propos. Je remercie tous mes collaborateurs, les différents directeurs généraux et tous les autres participants pour leur apport appréciable à ce séminaire. Nous avons vu ce qui ne va pas, ce qui peut marcher. A partir de là, qu`on accepte que nous puissions rompre avec la politique traditionnelle. En clair, nous comptons faire bouger les choses dans notre ministère. Chacun doit jouer son rôle dans ce département. Celui qui ne veut pas jouer son rôle, c`est qu`il n`est pas prêt pour la jeunesse. Un directeur de l`Emploi par exemple doit normalement avoir un programme, lequel programme doit être accompagné d`un chronogramme. C`est de cette façon que nous allons faire bouger les choses et nous y sommes engagés.
Votre ministère est en séminaire au moment où le gouvernement auquel vous appartenez se voit privé d`apports financiers de la Banque centrale des Etats de l`Afrique de l`Ouest (BCEAO), la signature ivoirienne étant désormais avec Alassane Ouattara. N`est-ce pas là un gros handicap pour le camp Gbagbo?
C.B.G: La Banque centrale des Etats de l`Afrique de l`Ouest ne pond pas de l`argent, elle n`a pas une machine à fabriquer de l`argent pour le distribuer à chaque pays. Chaque pays de la zone de l`Union Economique et monétaire ouest-africaine ( UEMOA) est fort en fonction de la solidité de son économie locale. La Côte d`Ivoire est un pays solide et fait face à un défi, notre pays fait face à un chalenge. C`est dans cette période difficile que toutes forces vives et tous les cerveaux de ce pays doivent se retrouver pour montrer aux uns et autres que la Côte d`Ivoire est débout et que les Ivoiriens ne peuvent pas permettre à qui que ce soit de marcher sur sa souveraineté politique, économique et monétaire.
M. le ministre, beaucoup d`Ivoiriens se demandent si le gouvernement auquel vous appartenez peut tenir la route, surtout qu`il est aujourd`hui question de menace de salaires dans le Privé...
C.B.G: Arrêtez de vous faire peur parce que le gouvernement Aké Ngbo va tenir la route. C`est un gouvernement d`hommes capables, d`hommes de défi ; c`est un gouvernement de mission qui saura relever tous les défis. Sachez, monsieur, que nous tiendrons la route, avec le Président Laurent Gbagbo.
Un sommet de l`Union africaine(UA) se tient ce week-end, et qui va notamment plancher sur la question ivoirienne. Que faut-il attendre de ce sommet de l`UA?
C.B.G: C`est un sommet certainement ordinaire mais j`entends dire que la Côte d`Ivoire sera au centre des débats. Je souhaite que l`Afrique digne se retrouve et qu`elle tranche de façon objective sur la question ivoirienne. Que s`est-il passé en Côte d`Ivoire, ce pays en crise? Qu`est-ce que l`Afrique peut apporter et non former des commandos pour détruire la Côte d`Ivoire. Pour moi, il faut une solution africaine à la crise ivoirienne. Il y a eu un contentieux électoral au Kenya, cela a été accepté et Raila Odinga lui-même a accepté d`être Premier ministre du président kenyan alors qu`il se reconnaît vainqueur. Au Zimbabwe, il y a eu un contentieux électoral, l`Afrique a trouvé une solution sans faire de guerre. Il y a eu des règlements de beaucoup de contentieux électoraux en Afrique mais je pense que l`activisme autour de la Côte d`Ivoire montre que la crise ivoirienne est bien au-delà de la question électorale.
Les derniers développements de l`actualité politique sur la crise post-électorale en Côte d`Ivoire vous permettent-ils de croire en la victoire du camp Gbagbo, dans le bras de fer avec le camp Ouattara? .
C.B.G: Nous avons toujours cru en notre victoire et ce sont ceux qui ne nous connaissent pas qui jouent avec nous. Nous avons un projet pour la Côte d`Ivoire, nous avons un objectif pour la Côte d`Ivoire. Nous avons une Côte d`Ivoire à rendre véritablement indépendante politiquement et économiquement et la BCEAO est en train de nous y aider. Je voudrais dire simplement que nos adversaires ont commencé par là où on termine et aujourd`hui, ils sont essoufflés. La précipitation est source d`erreur. Est-ce que vous avez vu la précipitation avec laquelle le président français Nicolas Sarkozy s`est jeté dans la crise ivoirienne, que l`ONU s`est jetée dans la crise ivoirienne? Aujourd`hui ils sont à découvert parce que le temps, l`autre nom de Dieu, finit toujours par avoir raison ; la vérité finit toujours pas éclater et les gens commencent à découvrir réellement ce qui s`est passé en Côte d`Ivoire.
Le camp Ouattara aussi joue la montre, il espère que le président Gbagbo et son gouvernement seront essoufflés. Qu`en dites-vous?
C.B.G: A ce stade-là, on n`a plus à avoir peur. Après les échecs des appels à l`insurrection, à la grève générale pour paralyser le pays, tout cela a échoué. Les appels à des commandos internationaux, à une armée étrangère pour venir tuer les Ivoiriens, tout cela est en train d`échouer. Maintenant on va travailler à affamer les Ivoiriens. Voilà quelqu`un qui veut diriger un peuple qu`il affame. Le pauvre paysan de Duékoué, de Mankono, de Dimbokro, qu`est-ce qu`il a à voir avec une crise politique? Ils se réjouissent qu`on ne paie pas les salaires des Ivoiriens mais nous allons continuer de payer les salaires des Ivoiriens malgré cela parce que les Ivoiriens travaillent. Et la rémunération de leur travail, c`est leurs salaires. Dieu est en train d`étaler Ouattara. Comme le dit l`adage, ce n`est qu`après la mort du crapaud qu`on voit sa longueur.
Le président Sarkozy est l`invité spécial de l`UA à Addis-Abeba. Ne craignez-vous pas un retournement de situation de quelques Africains qui voudraient apporter leur soutien au président Gbagbo?
C.B.G: Je voudrais faire une précision: le président Sarkozy n`a pas été invité, mais il s`invite au sommet de l`UA. Est-ce qu`un chef d`État africain peut s`inviter au sommet de l`Union européenne? Voilà un chef d`État français qui s`invite au sommet de l`UA. C`est un sommet de l`Union africaine, lui Sarkozy qui arrive est uni à qui à l`UA? Cet esprit de colon est un esprit dépassé et je voudrais dire aux chefs d`État africains de ne nullement se laisser influencer par celui-là. Il a échoué à la CEDEAO et il sait très bien que le sommet de l`UA est le sommet de la digne Afrique où il y a des révolutionnaires qui se retrouvent. Les Moammar Kadhaffi, les Jacob Zuma, les Dos Santos. C`est tous ceux-là qui se retrouvent. Et Sarkozy arrive avec cet esprit de corruption pour amener les chefs d`Etat africains à rallier sa mauvaise position. J`espère et j`ai foi que la digne Afrique saura dire non et saura résister.
La palabre avec les Casques bleus continue sur le terrain avec les jeunes patriotes. Qu`allez-vous faire?
C.B.G: Quel est le rôle de l`ONUCI en Côte d`Ivoire? Si ce n`est de se promener et faire de la provocation un peu partout, dans un premier temps. Ensuite, transporter les rebelles, aller prendre des coordinateurs de la jeunesse du PDCI pour faire des réunions au Golf hôtel, venir organiser la rébellion. Voilà le rôle de l`ONUCI. Il n`y a plus de conflit entre la rébellion et le président Gbagbo, sur le terrain, il n`y a plus match. Il y a que l`ONUCI a remplacé la rébellion. Quand vous entendez des tirs, ce n`est plus la rébellion qui tire, ce sont les Casques bleus de l`ONUCI qui tirent. Quand vous entendez des blessés au corridor de Yopougon, ce ne sont plus les rebelles, c`est l`ONUCI qui tire. L`ONUCI s`est carrément discréditée en Côte d`Ivoire et s`est éloignée de sa mission de paix et est en conflit avec la Côte d`Ivoire. C`est un constat que nous faisons et nous continuerons de récuser les Casques bleus en Côte d`Ivoire jusqu`à ce qu`ils quittent définitivement ce pays.
L`ONUCI vous accuse particulièrement de dresser vos partisans contre elle. Que répondez-vous?
C.B.G: Nous ne sommes pas en guerre contre l`ONUCI, c`est l`ONUCI qui est en guerre contre nous. Nous mobilisons nos partisans pour les mettre dans la rue quand on n`est pas content, comme cela se fait en France, aux USA. Partout, quand le peuple n`est pas content et qu`il veut exprimer sa position, il descend dans la rue et c`est de par sa grande mobilisation qu`on prend ses revendications en compte. Mais pourquoi en Côte d`Ivoire, quand on fait des mobilisations, on nous menace? Le Tribunal pénal international dont on parle n`est pas là pour sanctionner ceux qui descendent dans la rue. Le TPI est là pour sanctionner ceux qui tuent et égorgent et ceux-là sont protégés aujourd`hui par l`Organisation des Nations unies. C`est dommage. Regardez ceux qui ont tué Patrice Lumumba, ils sont vivants. Et il n`y a pas de tribunal pénal international pour eux.
Le dernier rapport de Human Rigths Watch sur la crise post-électorale ivoirienne accuse les partisans de Gbagbo d`organiser la chasse aux militants de Ouattara. Qu`en dites-vous?
C.B.G: Ces gens-là sont coupés de la réalité, ils ne font que jouer le rôle que la France leur a confié. Sinon, en tant qu`Ivoirien, vous savez ce que le camp de Ouattara fait. Incendier un immeuble dans lequel a été calciné un soldat, ça n`existe pas dans le rapport. Les policiers ivoiriens, près de 11 tués par balles par le camp de Ouattara, ça n`existe pas dans le rapport. Les réfugiés de Duékoué, les maisons incendiées de Lakota ne figurent pas dans le rapport. Cela veut dire que ces gens sont en mission. Rappelez-vous au moment où le président Gbagbo prêtait serment le 26 octobre 2000, déjà le même soir, l`on découvrait un charnier dans la forêt du Banco à Yopougon. Et on mettait ce charnier sur le compte d`un président qui le même jour était en train de prêter serment. Cela veut dire qu`il n`avait pas encore les rênes du pouvoir. Le coup d`Etat et le complot orchestré contre Gbagbo depuis 2000, les gens veulent l`achever à travers un simulacre d`élection. Maintenant qu`ils ont échoué, ils vont sur le terrain des droits de l`Homme. Là encore, vous allez vous rendre compte qu`ils vont échouer.
Est-ce que les sanctions internationales notamment économiques ne finiront pas par emporter le régime de Gbagbo?
C.B.G: Nous ne sommes pas le seul pays qui traverse une telle situation et de telles sanctions. Le Togo a traversé une telle situation, la Libye a traversé cette période. Ces pays sont là aujourd`hui, c`est à nous de savoir ce que nous voulons. Voulons-nous réellement notre liberté? Nos maîtres d`hier qui ont nos richesses en main et qui les exploitent, qui décident de ce qu`ils veulent, ils ne vont pas se laisser faire, ils vont faire feu de tous bois. C`est à nous d`être des résistants. Ce n`est pas ce que l`adversaire fait, c`est la détermination de la victime qui compte.
Il est de plus en plus question de la création d`une monnaie ivoirienne, qu`est-ce qu`en sait le ministre que vous êtes?
C.B.G: D`abord, je suis partisan de cette idée. La politique économique d`un pays doit être basée sur l`autonomie, sur l`indépendance. On ne peut pas vouloir être indépendant et puis ne pas avoir sa propre monnaie. Avoir sa propre monnaie est un symbole de souveraineté. L`on nous a poussés à la porte, c`est un défi qui est lancé à nos monétaristes, à nos économistes, il faut relever ce défi. En tout cas, je suis partisan de cette idée. Pour finir, je demande à la jeunesse ivoirienne d`être vigilante et je lui demande de relever le défi qui est lancé à la Côte d`Ivoire. Il n`y a pas de bonheur sans douleur, voilà ce que la jeunesse doit retenir. Les gens veulent mesurer notre capacité de résistance, de ténacité. Le Ghana a traversé des moments très difficiles, le Ghana est stable aujourd`hui. L`Afrique du sud a traversé des moments difficiles et l`Afrique du sud est devenue un pays stable au point où on lui confie l`organisation de la coupe du monde. La Libye, Kadhaffi qu`on prend aujourd`hui pour exemple, il a été enfermé, il a été soumis à des sanctions économiques, il a été présenté comme le diable international. Aujourd`hui, c`est un héros. Je souhaite que les Ivoiriens s`apprêtent à ce qu`on traverse ces moments difficiles ensemble pour qu`on soit libre demain.
Interview réalisée par
TRA BI Charles