Le médiateur de l`Union africaine dans la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, le Premier ministre kenyan Raila Odinga a affiché une position quelque peu démarquée de toutes les déclarations faites concernant la crise ivoirienne. Hier vendredi 28 janvier 2011 à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, dans le cadre de la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) ce même jour, M. Odinga a proposé, devant la presse, que les deux protagonistes de l`élection présidentielle en Côte d`Ivoire, à savoir Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, négocient « face à face ». « Le sommet (de l`Union africaine) doit envoyer un message fort et sans équivoque (qui est) que les deux parties doivent négocier face à face », a clairement affirmé M. Odinga, selon l`Agence France presse. Le médiateur kenyan qui lisait une déclaration, a tout de même laissé entendre qu’il considérait Alassane Ouattara comme le président élu, tout comme la grande majorité de la communauté internationale, avec en tête Nicolas Sarkozy, le président français, qui est d’ailleurs annoncé au sommet des Africains à Addis Abeba. M. Sarkozy, faut-il le rappeler, est un ami très proche d’Alassane Ouattara, et il y va sans doute pour faire du lobbying pour renforcer le soutien international au président du Rassemblement des républicains (Rdr). Raila Odinga a soutenu que les discussions de l’UA pourraient porter essentiellement sur la formation d’un gouvernement d’union, incluant certains partisans de Laurent Gbagbo. Le Premier ministre kenyan a par ailleurs estimé que l’Afrique vit une tragédie avec des présidents sortants qui refusent de quitter le pouvoir bien qu’ils aient perdu les élections dans leurs pays respectifs. « La Côte d`Ivoire symbolise la grande tragédie qui paraît frapper l`Afrique, à savoir que certains (présidents) sortants refusent de céder le pouvoir quand ils perdent », a assené M. Odinga, avant de faire son rapport devant le Conseil de paix et de sécurité. « Ce refus est particulièrement flagrant en Côte d`Ivoire, car jamais il n`y a eu une telle unanimité parmi les institutions indépendantes, dans la région et dans le monde, à propos du résultat d` une élection contestée en Afrique », a soutenu le médiateur kényan. Il a affirmé que l’UA elle-même avait pris position très tôt pour Alassane Ouattara dans la crise qui l’oppose à Laurent Gbagbo. Le Premier ministre du Kenya n’a cependant pas donné de précision sur l’enjeu des négociations qu’il estime vitales. Pour lui, le débat ne devrait pas porter sur l’issue du scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire, mais sur les conditions de partage du pouvoir en tenant compte des propositions d’Alassane Ouattara. M. Odinga a rappelé que M. Ouattara avait d’ailleurs annoncé, lors des discussions à Abidjan, qu’il était prêt à céder un quart des portefeuilles ministériels à certains partisans de Laurent Gbagbo. « Ce sommet de l`UA doit absolument accoucher d`une position unifiée » sur la Côte d`Ivoire, a signifié Salim Lone, le porte-parole de M. Odinga. Ainsi, à en croire M. Lone, la seule condition pour le camp Ouattara de discuter, reste la levée du blocus imposé par l’armée ivoirienne aux locataires de l’hôtel du Golf, où s’est retranché Alassane Ouattara avec son gouvernement après la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle, donnant Laurent Gbagbo vainqueur. Après deux missions de médiation à Abidjan, soldées par des échecs, le Premier ministre de Mwaï Kibaki, un soutien indéniable du camp Ouattara, a estimé qu’un face à face Gbagbo-Ouattara pourrait permettre de trouver une solution durable à la crise ivoirienne. A la fin de sa mission à Abidjan, le Premier ministre kenyan s’était rendu à Accra, au Nigeria, au Burkina Faso, en Angola, en Afrique du Sud, avant de rentrer dans son pays. À son retour, Raila Odinga avait affirmé à l`aéroport de Nairobie qu’il fallait privilégier et accroitre les sanctions notamment économiques pour faire plier l’échine à Laurent Gbagbo, repoussant finalement l’option militaire souhaitée par la CEDEAO et le camp Ouattara. Raila Odinga avait lui-même préconisé l’usage de la force au début de la crise pour faire partir du pouvoir Laurent Gbagbo, le président déclaré élu et investi par le Conseil constitutionnel ivoirien. Tous les yeux sont rivés sur la capitale éthiopienne, Addis-Abeba, où les chefs d’Etat africains décideront de l’attitude à tenir pour aider la Côte d’Ivoire à sortir de la crise.
Hervé KPODION
Hervé KPODION