Un huis clos de cinq heures. Puis, une rencontre tripartite entre l’ONU, l’UA et la CEDEAO.
Ensuite, de nombreuses rencontres bilatérales en tête-à-tête entre le Président du G8 et les
Présidents du Nigéria, du Sénégal et du Gabon. Au cœur des débats: la crise en Côte d’Ivoire.
Alors que des chefs d’Etat de l’Afrique australe étaient venus à Addis-Abeba, avec la ferme
volonté de repositionner Laurent Gbagbo en tant qu’acteur du jeu et donc de remettre en
cause les résultats du scrutin du 28 novembre, certifiés par les Nations unies, en faisant droit
à ses propositions de recomptage de voix et de mise en place d’un comité d’experts sous sa
responsabilité, le vent n’a pas tourné en leur faveur. Vendredi déjà, la CEDEAO avait flairé le
coup. Jacob Zuma est arrivé très remonté à la réunion. Contre qui ? Sarkozy et la CEDEAO.
Une source proche de la réunion précise que le chef de l’Etat sud-africain et son homologue
du Zimbabwe, Robert Mugabe, embouchant la trompette de LMP, ont dénoncé « une trop
grande interférence de la France dans les affaires africaines ». Ils poursuivent pour dire qu’il
s’agit de trouver une « réponse africaine à un problème africain ». En outre, les deux avocats
défenseurs de Gbagbo remettent en cause la sincérité de la certification de l’ONU, qui aurait
trop vite pris position. « Il n’appartenait pas aux chefs d’Etat de la CEDEAO de dire qui a
gagné les élections ou pas. Du moment où il y eu divergence de vue, il fallait amener une
équipe pour savoir ce qui s’est passé réellement », ont-ils laissé entendre.
Intervenant au nom de la facilitation, Compaoré avait vite démonté les thèses de Gbagbo,
expliquant avoir eu « un regard neutre et objectif » sur les différentes étapes du processus.
Le matin déjà, les ministres des Affaires étrangères des pays membres du CPS, avaient été
largement convaincus par les explications du Représentant spécial du Secrétaire général
des Nations unies en Côte d’Ivoire, Choi Young-Jin. Le président du Nigeria, Goodluck
Jonathan, est alors intervenu pour dénoncer le jeu trouble des pays de la SADC dans cette
crise ouest-africaine qui menace directement la stabilité de la sous-région. « Nous avons les
moyens de la régler », d’une manière ou d’une autre, a-t-il dit, avant de dévoiler quelques
aspects de l’opération militaire en préparation. « Plusieurs médiations africaines, dont celle
de la CEDEAO et de l’UA ont échoué », a-t-il laissé entendre. Devant la détermination de
la CEDEAO, Zuma lâche du lest. Pas question de revenir sur l’élection d’Alassane Ouattara.
Alors, il change de fusil d’épaule. Il faut mettre sur pied un groupe de haut niveau, un panel
de chefs d’Etat, dit-il. Visiblement, le chef de l’Etat sud-africain insiste qu’il doit s’agir d’une
affaire africaine. La proposition est adoptée. Qu’à cela ne tienne. La CEDEAO qui ne croit
pas un seul instant que Gbagbo pourrait plier, même si l’ensemble des chefs d’Etat du monde
se déplaçait à Abidjan, lève le pied. Le Président de la Commission de l’UA a prononcé, plus
tard, une Conférence de presse, samedi, pour donner plus amples informations sur la réunion
de la veille convoquée par le Conseil de paix et de sécurité. Jean Ping a répondu à plusieurs
questions dont une relative à l’usage de la force, au cas où la stratégie du panel arrivait à ne
pas convaincre Gbagbo de rendre le tablier : « si nous échouons, nous reconsidérerons notre
décision ». L’option militaire n’est donc pas totalement écartée. Pour l’instant, il s’agit de
négocier pour éviter de verser le sang comme en RDC, insistent des chefs d’Etat.
Toutefois, des garde-fous sont posés sur la durée de la mission du Panel des cinq chefs d’Etat,
son mandat et la force de ses Résolutions. Les amis de Gbagbo ont été très peu satisfaits de
cet échec. Le lendemain, samedi, alors qu’ils étaient annoncés à une réunion tripartite au siège
de l’UA, Zuma et Mugabe ont brillé par leur absence. Préférant se faire représenter par de
seconds couteaux. Quant à la CEDEAO, elle était presqu’au grand complet. Le Sénégalais
Abdoulaye Wade, le Malien Amadou Toumani Touré, le Béninois Boni Yayi, le Togolais
Faure Gnassingbé, le Burkinabé Blaise Compaoré, le Mauritanien Mohamed Ould Abdel
Aziz. Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon et Choi ont assisté à la réunion, à
laquelle ont également participé le président de la Commission de l’UA, Jean Ping et le
Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi. Il s’y est agi de discuter des contours du Panel de
chefs d’Etat à constituer avant ce lundi.
Au cours de cette réunion, le Secrétaire général de l’ONU n’a pas tardé à faire connaitre sa
position. Dans un aide-mémoire de quatre pages, que nous avons pu consulter, le Coréen
a indiqué qu’il faut tourner la page. « Nous voulons mettre fin à une décennie de crise et
empêcher un retour à la guerre civile », a-t-il dit. Ban Ki-Moon a d’abord souhaité une
position de l’UA sur la levée « immédiate du blocus autour du Golf Hôtel ». Le Secrétaire
général de l’ONU a pris le temps d’expliquer à la réunion que la certification résulte d’un
accord entre ivoiriens, depuis Pretoria en 2005 et que « rien n’a été imposé à aucune des
parties. » Tout en appelant à l’unicité de vue et à la cohésion, il a dénoncé les medias d’Etat
qui sont devenus « des armes qui disséminent les messages de haine et incitent à la violence ».
Puis, il a mis en garde les chefs d’Etat et les délégués : « la position que nous prendrons aura
un impact, pas seulement sur notre crédibilité, mais aussi sur les transitions démocratiques ou
les sociétés divisées. »
Pour terminer, il a défini une feuille de route pour le Groupe de haut niveau qui doit se
déplacer dans quelques jours à Abidjan, rencontrer les protagonistes de la crise.
1) Il est impératif de regarder vers le futur et pas dans le passé. Rouvrir le sujet des résultats
du scrutin, serait une grave injustice et un fâcheux précédent.
2) Il faut une sortie paisible et honorable au président Gbagbo et exhorter Alassane Ouattara
à former un gouvernement d’unité nationale.
3) Envisager des actions concrètes pour lever le siège de l’hôtel du Golf et autres obstructions
au travail essentiel des Nations unies sur le terrain.
4) Apporter un plein appui au gouvernement légitime pour s’occuper des défis sociaux,
économiques et promouvoir la réconciliation et préserver les droits de l’Homme et la justice.
5) Pour l’ONU, le Panel à créer devrait y travailler en étroite collaboration avec l’ONU dans
toutes les étapes du processus. De ce point de vue, l’ONU, a-t-il promis, est prête à désigner
un haut fonctionnaire qui collaborera avec le Panel.
Charles Sanga (Envoyé spécial)
Ensuite, de nombreuses rencontres bilatérales en tête-à-tête entre le Président du G8 et les
Présidents du Nigéria, du Sénégal et du Gabon. Au cœur des débats: la crise en Côte d’Ivoire.
Alors que des chefs d’Etat de l’Afrique australe étaient venus à Addis-Abeba, avec la ferme
volonté de repositionner Laurent Gbagbo en tant qu’acteur du jeu et donc de remettre en
cause les résultats du scrutin du 28 novembre, certifiés par les Nations unies, en faisant droit
à ses propositions de recomptage de voix et de mise en place d’un comité d’experts sous sa
responsabilité, le vent n’a pas tourné en leur faveur. Vendredi déjà, la CEDEAO avait flairé le
coup. Jacob Zuma est arrivé très remonté à la réunion. Contre qui ? Sarkozy et la CEDEAO.
Une source proche de la réunion précise que le chef de l’Etat sud-africain et son homologue
du Zimbabwe, Robert Mugabe, embouchant la trompette de LMP, ont dénoncé « une trop
grande interférence de la France dans les affaires africaines ». Ils poursuivent pour dire qu’il
s’agit de trouver une « réponse africaine à un problème africain ». En outre, les deux avocats
défenseurs de Gbagbo remettent en cause la sincérité de la certification de l’ONU, qui aurait
trop vite pris position. « Il n’appartenait pas aux chefs d’Etat de la CEDEAO de dire qui a
gagné les élections ou pas. Du moment où il y eu divergence de vue, il fallait amener une
équipe pour savoir ce qui s’est passé réellement », ont-ils laissé entendre.
Intervenant au nom de la facilitation, Compaoré avait vite démonté les thèses de Gbagbo,
expliquant avoir eu « un regard neutre et objectif » sur les différentes étapes du processus.
Le matin déjà, les ministres des Affaires étrangères des pays membres du CPS, avaient été
largement convaincus par les explications du Représentant spécial du Secrétaire général
des Nations unies en Côte d’Ivoire, Choi Young-Jin. Le président du Nigeria, Goodluck
Jonathan, est alors intervenu pour dénoncer le jeu trouble des pays de la SADC dans cette
crise ouest-africaine qui menace directement la stabilité de la sous-région. « Nous avons les
moyens de la régler », d’une manière ou d’une autre, a-t-il dit, avant de dévoiler quelques
aspects de l’opération militaire en préparation. « Plusieurs médiations africaines, dont celle
de la CEDEAO et de l’UA ont échoué », a-t-il laissé entendre. Devant la détermination de
la CEDEAO, Zuma lâche du lest. Pas question de revenir sur l’élection d’Alassane Ouattara.
Alors, il change de fusil d’épaule. Il faut mettre sur pied un groupe de haut niveau, un panel
de chefs d’Etat, dit-il. Visiblement, le chef de l’Etat sud-africain insiste qu’il doit s’agir d’une
affaire africaine. La proposition est adoptée. Qu’à cela ne tienne. La CEDEAO qui ne croit
pas un seul instant que Gbagbo pourrait plier, même si l’ensemble des chefs d’Etat du monde
se déplaçait à Abidjan, lève le pied. Le Président de la Commission de l’UA a prononcé, plus
tard, une Conférence de presse, samedi, pour donner plus amples informations sur la réunion
de la veille convoquée par le Conseil de paix et de sécurité. Jean Ping a répondu à plusieurs
questions dont une relative à l’usage de la force, au cas où la stratégie du panel arrivait à ne
pas convaincre Gbagbo de rendre le tablier : « si nous échouons, nous reconsidérerons notre
décision ». L’option militaire n’est donc pas totalement écartée. Pour l’instant, il s’agit de
négocier pour éviter de verser le sang comme en RDC, insistent des chefs d’Etat.
Toutefois, des garde-fous sont posés sur la durée de la mission du Panel des cinq chefs d’Etat,
son mandat et la force de ses Résolutions. Les amis de Gbagbo ont été très peu satisfaits de
cet échec. Le lendemain, samedi, alors qu’ils étaient annoncés à une réunion tripartite au siège
de l’UA, Zuma et Mugabe ont brillé par leur absence. Préférant se faire représenter par de
seconds couteaux. Quant à la CEDEAO, elle était presqu’au grand complet. Le Sénégalais
Abdoulaye Wade, le Malien Amadou Toumani Touré, le Béninois Boni Yayi, le Togolais
Faure Gnassingbé, le Burkinabé Blaise Compaoré, le Mauritanien Mohamed Ould Abdel
Aziz. Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon et Choi ont assisté à la réunion, à
laquelle ont également participé le président de la Commission de l’UA, Jean Ping et le
Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi. Il s’y est agi de discuter des contours du Panel de
chefs d’Etat à constituer avant ce lundi.
Au cours de cette réunion, le Secrétaire général de l’ONU n’a pas tardé à faire connaitre sa
position. Dans un aide-mémoire de quatre pages, que nous avons pu consulter, le Coréen
a indiqué qu’il faut tourner la page. « Nous voulons mettre fin à une décennie de crise et
empêcher un retour à la guerre civile », a-t-il dit. Ban Ki-Moon a d’abord souhaité une
position de l’UA sur la levée « immédiate du blocus autour du Golf Hôtel ». Le Secrétaire
général de l’ONU a pris le temps d’expliquer à la réunion que la certification résulte d’un
accord entre ivoiriens, depuis Pretoria en 2005 et que « rien n’a été imposé à aucune des
parties. » Tout en appelant à l’unicité de vue et à la cohésion, il a dénoncé les medias d’Etat
qui sont devenus « des armes qui disséminent les messages de haine et incitent à la violence ».
Puis, il a mis en garde les chefs d’Etat et les délégués : « la position que nous prendrons aura
un impact, pas seulement sur notre crédibilité, mais aussi sur les transitions démocratiques ou
les sociétés divisées. »
Pour terminer, il a défini une feuille de route pour le Groupe de haut niveau qui doit se
déplacer dans quelques jours à Abidjan, rencontrer les protagonistes de la crise.
1) Il est impératif de regarder vers le futur et pas dans le passé. Rouvrir le sujet des résultats
du scrutin, serait une grave injustice et un fâcheux précédent.
2) Il faut une sortie paisible et honorable au président Gbagbo et exhorter Alassane Ouattara
à former un gouvernement d’unité nationale.
3) Envisager des actions concrètes pour lever le siège de l’hôtel du Golf et autres obstructions
au travail essentiel des Nations unies sur le terrain.
4) Apporter un plein appui au gouvernement légitime pour s’occuper des défis sociaux,
économiques et promouvoir la réconciliation et préserver les droits de l’Homme et la justice.
5) Pour l’ONU, le Panel à créer devrait y travailler en étroite collaboration avec l’ONU dans
toutes les étapes du processus. De ce point de vue, l’ONU, a-t-il promis, est prête à désigner
un haut fonctionnaire qui collaborera avec le Panel.
Charles Sanga (Envoyé spécial)