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Politique Publié le mercredi 2 février 2011 | Le Patriote

La Côte d’Ivoire au Sommet de l’UA - Comment Gbagbo s’est fait humilier à Addis-Abeba

© Le Patriote
Sommet de L`Union africaine (UA) a Addis Ababa
Le Président Sud-Africain, Jacob Zuma (Centre) arrive à la 16e session ordinaire de l`Union africaine, l`UA, dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba le 28 Janvier 2011
Les lampions se sont éteints depuis lundi après-midi, sur les travaux du 16ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine. De loin, la crise en Côte d’ivoire aura étouffé tous les autres dossiers chauds du continent. En y envoyant à ce sommet, des proches collaborateurs, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, voulaient simplement, pour l’un, confirmer sa présence au plan internationale et pour l’autre, revenir dans le jeu diplomatique. Qu’en est-il en fin de compte ? Quelles leçons peut-on tirer de cette semaine au cours de laquelle la crise s’est déplacée aux sièges de l’UA et des Nations Unies à Addis-Abeba ?

« Groupe de Haut niveau » ou fuite en avant ?

A l’origine, rendez-vous capital, ce Sommet de tous les espoirs s’est avéré du réchauffé, du dilatoire et une rencontre qui aura donné lieu à des décisions très peu courageuses et fort contestables. Les Ivoiriens avaient les yeux rivés vers la capitale éthiopienne. Dans la crise postélectorale qui secoue leur pays, toutes les instances régionales ou internationales avaient pris position. CEDEAO, UEMOA, UE, ONU… Il ne restait que la position de l’Union africaine. L’attente est devenue d’autant plus importante que certains chefs d’Etat, pas de moindre importance sur le continent, avaient commencé à ramer à contre-courant de la volonté ferme affichée par la communauté internationale dans sa quasi-totalité de s’insurger contre le hold-up électoral que tente d’opérer Laurent Gbagbo. Hélas, la moisson n’a pas tenu la promesse des fleurs. Les chefs d’Etat africains ayant préféré un « Groupe de haut niveau », censé venir à Abidjan, obtenir le départ de Laurent Gbagbo. Ils se sont cachés derrière cette création, pour ainsi dire, en étouffant leurs propres contradictions. La composition de ce Groupe laisse plutôt penser à une diplomatie plus spectaculaire qu’efficace. A force de chercher à vouloir arrondir les angles et à gérer les susceptibilités et états d’âme de ceux qui voient dans les réprobations contre la dictature de Laurent Gbagbo « des ingérences étrangères », en souhaitant « une solution africaine à une crise africaine», l’UA se met une pression supplémentaire sur le dos. Car, tout le monde le sait, Laurent Gbagbo n’est plus lui-même. Pris en otage par une confrérie de pasteurs et d’évêques comploteurs, le tout savamment malaxé dans un sursaut ethno-tribal que gère directement Simone, sa première épouse en liaison avec la mafia financière établie par les proches du clan, l’ancien chef de l’Etat est aujourd’hui l’instrument de conservation de privilèges malhonnêtement acquis pendant dix années de prévarication des biens publics. Le Laurent Gbagbo de ce mois de janvier 2011, est égal à ce Charles Taylor de juin 2003, qui a repoussé du revers de la main toutes les bonnes volontés qui lui demandaient de quitter le pouvoir.

Que peut obtenir Jacob Zuma, là où Thabo Mbeki n’a pas réussi ? Que peuvent Compaoré et les autres chefs d’Etat de la Tanzanie, de la Mauritanie, du Tchad, là où des envoyés de la CEDEAO, appuyés d’Obasanjo ont mordu la poussière ? L’UA n’a-t-elle pas déjà envoyé deux mission conduites respectivement par Jean Ping, président de la Commission et Raila Odinga, désigné médiateur ? Quelles garanties n’ont-elles pas été faites à Laurent Gbagbo par son successeur ? Presque tout. Alassane Ouattara est allé jusqu’à empiéter sur sa notoriété d’héraut de la lutte contre l’impunité en promettant, au nom de la paix et à la demande des médiateurs, l’amnistie à un Laurent Gbagbo dont on sait qu’il a pillé les fonds publics et commandité de nombreuses exactions contre les populations civiles, sinon protégé les auteurs.
La mission du « Groupe de haut » ne s’annonce pas comme une partie de plaisir. Le Président sud africain qui en a fait la proposition, est-il vraiment sincère ou cache-t-il une idée derrière la tête ? Car, rappelons-le, le schéma de l’Afrique du sud était à deux volet. La mission du Groupe devait être de répondre favorablement à la requête de Gbagbo de mettre sur pied un « groupe d’experts » afin de procéder au recomptage des voix. Le seul changement, notable, il est vrai, est que ce Groupe ne relève pas de Gbagbo et ses conclusions seront applicables à tous.

Ouattara, grand vainqueur

Sans conteste, le chef de l’Etat aura été la star invisible de ce sommet. Alassane Ouattara peut être fier des chefs d’Etat de la CEDEAO. A l’exception de la dictature de Banjul, tous sont arrivés en bloc à Addis-Abeba. D’abord, pour réaffirmer leur soutien au peuple de Côte d’Ivoire dont la victoire est en danger par la faute d’une junte militaro-tribale, ensuite dire, haut et fort, qu’ils sont prêts à employer tous les moyens conventionnels pour faire partir Gbagbo du pouvoir qu’il usurpe. Enfin, remettre à sa place, l’Afrique du sud et sa diplomatie hégémonique. Le Nigéria, puissance économique et militaire a conduit, au nom de la CEDEAO qu’il préside, la résistance. En fin de compte, les Robert Mugabe et autres Obiang ou Zuma, se sont pliés. L’UA a adopté une position sans ambiguïté. Le Premier ministre du Kenya, ex-médiateur dans la crise ivoirienne ne croyait pas si bien dire, quand, avant l’ouverture du sommet, il mettait les chefs d’Etat devant leur responsabilité. Dans une déclaration, il indiquait : « La Côte d’Ivoire symbolise cette tragédie qui semble s’abattre sur l’Afrique, où des Présidents en fonction refusent de quitter le pouvoir quand ils perdent. Ce refus est singulier dans le cas ivoirien, puisqu’il n’y a jamais eu une aussi grande unanimité au sein des institutions indépendantes au plan interne, régional et international, sur les résultats d’une élection contestée en Afrique ». Et de poursuivre : « Si le choix du peuple ne compte plus dans le processus de désignation de celui qui va diriger la nation, la chose la plus élémentaire en démocratie, les élections deviendront insignifiantes, la démocratie perdra son lustre, et le futur sera émaillé d’agitations et d’instabilités ». Et, Ban Ki Moon, Secrétaire général de l’ONU, d’enfoncer le clou : « La réouverture des résultats de l`élection serait une grave injustice et un précédent fâcheux ». Le Communiqué de la 259 ème réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS), a réaffirmé les décisions arrêtées ultérieurement. Tout en les rappelant, le Président de la Commission a dit que « l’UA reconnait Monsieur Alassane Dramane Ouattara comme Président élu, sur la base des résultats certifiés par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, conformément à la Résolution 1765 du 16 juillet 2007 et conformément aux différents accords signés par les parties ivoiriennes et entérinés par la CEDEAO, l’UA et les Nations Unies ». Jean Ping a insisté pour dire que « l’UA ne reviendra pas en arrière. Il y a des gens qui demandent de recompter les voix. Les opinions sont libres. Les gens sont libres de dire ce qu’ils veulent. Mais, nous, notre position est claire ».

Sans être forcement présent dans la capitale éthiopienne, Ouattara, a manifestement pesé sur ses décisions. Car, pour la première fois de son histoire, l’UA composée en majorité d’ennemis de la démocratie, s’est alignée avec beaucoup d’engagement, derrière un opposant face au Président sortant.

Gbagbo humilié, ses parrains reculent

Ils ont beau faire le dos rond et hocher leurs épaules en signe de désintérêt, Laurent Gbagbo et ses hommes parviendront, difficilement, à convaincre l’opinion qu’ils n’attendaient pas autre chose du sommet de l’UA. Quatorze personnes sont venues d’Abidjan à la charge de la Présidence du Plateau. Elles ont été rejointes par d’autres qui étaient en tournée dans les capitales d’Afrique. L’attente principale du camp LMP, était le recomptage des voix, ce qui, du coup, signifie que l’élection de Ouattara n’est pas définitive. En tête de mission, Alcide Djédjé, ex-ambassadeur aux Nations unies. Logé dans un grand hôtel de la capitale, il a pu échanger avec des autorités gouvernementales qui ont bien voulu lui accorder quelques mots, entre deux gorgées de verre dans le hall. Puis, rien. Alcide Djédjé n’a été vu nulle part dans les belles allées du Centre de Conférence des Nations Unies, au contraire de Gervais Kacou, ministre des Affaires étrangères, nommé par Alassane Ouattara, qui a été reçu au très niveau par des ministres ou des chefs d’Etat. Les hommes de Gbagbo se sont contentés d’inonder le Centre de conférence de tracts et de messages manipulateurs.
Ils s’étaient juré de diviser le front contre eux et se remettre dans le jeu. Echec. Gbagbo est toujours hors-jeu. Un autre échec, est la participation au sommet et l’ovation dont le président du G20, Nicolas Sarkozy et le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon, présents à Addis-Abeba, ont bénéficié de la part du sommet. L’« Invité d’honneur du sommet » contre l’avis d’un Jacob Zuma plutôt boudeur, avait déjà planté le décor : « tout un peuple voit bafoué le choix qu’il a librement exprimé ». Message entendu. Les soutiens à Gbagbo et à son Conseil constitutionnel ont été noyés dans la forêt d’appuis au peuple ivoirien et sont restés plutôt discrets, souvent effacés. Dans les échanges, des délégués s’interrogent plutôt à savoir comment un tel homme qui s’est battu pour les élections depuis longtemps peut-il « tomber aussi bas et prendre le risque de sortir par la petite porte ».

Recours à la force légitime : l’échéance reportée

Ce Sommet de l’Union africaine, auquel ont activement participé bon nombre de chefs d’Etat de l’Afrique occidentale et le Secrétaire général de l’ONU, a été l’occasion pour l’opinion de voir nettement les camps qui se sont dégagés en faveur de l’une ou l’autre des personnalités au centre du débat postélectoral. Mais, sans conteste, parce qu’il a avec lui le verdict des urnes et la légitimité, la CEDEAO est sortie vainqueur de ce duel à distance avec les pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe. A deux reprises. Aussi bien au CPS qu’en plénière, la SADC a été mise en minorité.
Quid de l’utilisation de la force légitime pour faire partir Gbagbo ? Jean Ping a annoncé en conférence de presse que l’option est toujours sur la table. Toutefois, au point 3 du son dernier communiqué, le CPS a souligné « la nécessité d’une solution pacifique ». Repoussant à un peu plus d’un mois le recours à la force. Il reste évident, pour les esprits lucides, que Laurent Gbagbo ne quittera pas le pouvoir par des paroles douces, même sortant de la bouche d’un Jacob Zuma. On le voit, en Somalie, en RDC, au Burundi, au Darfour ou au Niger, l’Union africaine est arrivée rarement à imposer une solution. Peut être, l’Afrique de l’ouest et les Ivoiriens devraient penser à prendre leur destin en main. Il y va de la stabilité de la sous région.

Charles Sanga, envoyé spécial à Addis-Abeba
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