Le couvre-feu instauré à Abobo, par Laurent Gbagbo, a de sérieuses conséquences sur les activités des restauratrices, qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Certaines ont même fermé leurs restaurants.
Les habitants de la célèbre commune d’Abobo, notamment les restauratrices et petits commerçants de nuit ne savent plus à quel saint se vouer dans le climat d’anxiété et de privation de liberté qui prévaut sur les bords de la lagune Ebrié. Contraints à vivre sous un couvre-feu instauré par le candidat malheureux à la présidentielle du 28 novembre, ces débrouillards aux multiples charges familiales ont vu leurs habitudes changer et leurs bourses s’amincir considérablement. Vu qu’ils ne peuvent plus être dehors au-delà de 21 heures. En effet, depuis le revers subit par les éléments des forces de défense et de sécurité (Fds) à Abobo, le mardi 12 janvier- alors qu’ils partaient débusquer, selon eux, des armes qui y étaient cachées- Laurent Gbagbo a décidé d’imposer une sorte de punition à ces habitants. Abobo est devenu une zone instable capable de s’embraser à tout moment. Conséquence, plusieurs habitants ont aménagé dans d’autres communes pour se mettre à l’abri. Mais aujourd’hui, les restauratrices de nuit qui ont décidé, malgré les risques de continuer leurs activités, commencent à se poser des questions. Faut-il rester dans une commune où l’on ne peut plus travailler ou partir au risque de voir ses enfants livrés à la famine ? Ces petites activités étant leur seule source de revenus. Entre ces deux options, le choix est vite fait : Assurer la pitance quotidienne aux enfants. Mais cela n’est pas sans risque à ‘’Bagdad’’, allusion à la capitale d’Irak, où des attentats ont lieu presque tous les jours. Pourtant, Abobo est une commune qu’on pourrait qualifier de cité dortoir. Les habitants partent le matin travailler à Adjamé ou au Port autonome d’Abidjan (Paa). A leur retour le soir, c’est chez ces femmes qu’ils trouvent de quoi manger. On y trouve du riz, de la salade, de l’attiéké, communément appelé APF (Attiéké poisson fumé) et bien d’autres plats qu’on peut déguster rapidement.
Commerçantes et clients n’en peuvent plus.
Abobo Banco, PK 18, Marley, Samaké, Sagbé et Kennedy sont tous logés à la même enseigne. Les vendeuses que nous avons rencontrées sont désemparées et se demandent encore pourquoi Gbagbo maintient son couvre-feu. D. Fatim est une veuve avec une dizaine de rejetons que lui a laissés son mari. Ils vivent tous du petit commerce d’attiéké que tient la vieille dame à la santé chancelante. C’est la gorge nouée qu’elle déballe son calvaire depuis l’avènement du couvre-feu. « J’ai la tension, j’évite d’être fréquemment près du feu. J’ai donc engagée une fille que je paye à 15 000 Fcfa le mois. En plus de cela, je dois payer la maison à 25 000 Fcfa et le courant qui oscille entre 10 et 15 000 Fcfa. Bien avant cette crise, je m’en sortais difficilement, mais le couvre-feu m’a porté un véritable coup », explique-t-elle. Elle dit être contrainte de baisser les prix des poissons. Malgré cela, les résultats ne suivent pas. Les clients ne viennent plus parce que le couvre-feu a aussi changé leurs habitudes. Alors quand le poisson braisé lui reste sous la main, elle ne peut pas le conserver pour le lendemain. Elle est obligée de le céder à vil prix. Parce qu’il faut rentrer à la maison. D’autant plus qu’elle et ses filles ont échappé, dit-elle, le mardi 12 janvier, à la furia des Fds qui faisaient des descentes dans les quartiers. Ami Coulibaly, une autre vendeuse, compte laisser tomber toute activité si le couvre-feu persiste. Elle ne supporte plus d’acheter des produits périssables qui lui restent chaque soir sous la main. Et qu’elle est amenée à jeter à la poubelle les matins. « Malgré le fait que j’ai diminué la quantité des plats, ça ne marche pas. J’ai décidée de sortir un peu plus tôt (17 h), mais mes clients étaient habitués à venir à partir de 20 heures. Alors que c’est à cette heure que je commence à ranger mes affaires pour entrer », fait-elle remarquer. C’est un énorme manque à gagner pour ces femmes qui ont décidé de gagner dignement leur vie à la sueur de leur front. Certaines, n’en pouvant plus, ont carrément fermé. C’est le cas à Abobo Anador où un célèbre restaurant sénégalais nommé ‘’la Teranga ’’ a fermé. Le lieu rallie des centaines de clients chaque nuit. La maitresse des lieux, dit-on, a préféré ne pas prendre de risque. Vu que son local se trouve en bordure de route. Du côté du carrefour Samaké, plusieurs autres restaurants ont baissé pavillon. Les restauratrices ont peur de se retrouver au milieu d’affrontements entre jeunes du quartier et forces de l’ordre. Elles ont fermé avec toutes les conséquences que cela suppose. Abobo camp commando, une ressortissante nigériane confie ne plus faire de recette. Contrairement à ses habitudes, elle ferme son restaurant à 20 heures. « Nous n’arrivons plus à joindre les deux bouts. Regardez la marmite devant vous, bientôt on doit fermer, mais elle est encore pleine de nourriture », explique-t-elle en indiquant une marmite pleine de pâte à base de mil. Elle ajoute que du fait du couvre-feu, la clientèle a diminué. Les kiosques à café encaissent également le coup. Ces lieux, qui restent ouverts jusqu’à l’aube et où on peut manger à moindre coût, ferment. Dans ce bourbier, les chauffeurs de Gbaka et apprentis ne sont pas épargnés. Célibataires pour la plupart, c’est chez ces bonnes dames qu’ils mangent les soirs après le travail. « Cette situation de couvre-feu n’est pas faite pour nous arranger. Souvent, nous travaillons toute la journée sans avoir de pause pour manger. C’est donc le soir à la descente que nous mangeons. Ce n’est plus possible, nous sommes obligés de manger du pain pour dormir », explique Drissa Diakité, chauffeur de Gbaka. Loin de prendre fin, parce que les gens n’en peuvent plus, le Machiavel des lagunes continue de prolonger le couvre-feu. Pendant ce temps, que vont faire ces dames qui ne vivent que de ce commerce de nuit.
Kuyo Anderson
Légende : Les restauratrices d’Abobo sont obligées de tout ranger avant la tombée de la nuit.
Les habitants de la célèbre commune d’Abobo, notamment les restauratrices et petits commerçants de nuit ne savent plus à quel saint se vouer dans le climat d’anxiété et de privation de liberté qui prévaut sur les bords de la lagune Ebrié. Contraints à vivre sous un couvre-feu instauré par le candidat malheureux à la présidentielle du 28 novembre, ces débrouillards aux multiples charges familiales ont vu leurs habitudes changer et leurs bourses s’amincir considérablement. Vu qu’ils ne peuvent plus être dehors au-delà de 21 heures. En effet, depuis le revers subit par les éléments des forces de défense et de sécurité (Fds) à Abobo, le mardi 12 janvier- alors qu’ils partaient débusquer, selon eux, des armes qui y étaient cachées- Laurent Gbagbo a décidé d’imposer une sorte de punition à ces habitants. Abobo est devenu une zone instable capable de s’embraser à tout moment. Conséquence, plusieurs habitants ont aménagé dans d’autres communes pour se mettre à l’abri. Mais aujourd’hui, les restauratrices de nuit qui ont décidé, malgré les risques de continuer leurs activités, commencent à se poser des questions. Faut-il rester dans une commune où l’on ne peut plus travailler ou partir au risque de voir ses enfants livrés à la famine ? Ces petites activités étant leur seule source de revenus. Entre ces deux options, le choix est vite fait : Assurer la pitance quotidienne aux enfants. Mais cela n’est pas sans risque à ‘’Bagdad’’, allusion à la capitale d’Irak, où des attentats ont lieu presque tous les jours. Pourtant, Abobo est une commune qu’on pourrait qualifier de cité dortoir. Les habitants partent le matin travailler à Adjamé ou au Port autonome d’Abidjan (Paa). A leur retour le soir, c’est chez ces femmes qu’ils trouvent de quoi manger. On y trouve du riz, de la salade, de l’attiéké, communément appelé APF (Attiéké poisson fumé) et bien d’autres plats qu’on peut déguster rapidement.
Commerçantes et clients n’en peuvent plus.
Abobo Banco, PK 18, Marley, Samaké, Sagbé et Kennedy sont tous logés à la même enseigne. Les vendeuses que nous avons rencontrées sont désemparées et se demandent encore pourquoi Gbagbo maintient son couvre-feu. D. Fatim est une veuve avec une dizaine de rejetons que lui a laissés son mari. Ils vivent tous du petit commerce d’attiéké que tient la vieille dame à la santé chancelante. C’est la gorge nouée qu’elle déballe son calvaire depuis l’avènement du couvre-feu. « J’ai la tension, j’évite d’être fréquemment près du feu. J’ai donc engagée une fille que je paye à 15 000 Fcfa le mois. En plus de cela, je dois payer la maison à 25 000 Fcfa et le courant qui oscille entre 10 et 15 000 Fcfa. Bien avant cette crise, je m’en sortais difficilement, mais le couvre-feu m’a porté un véritable coup », explique-t-elle. Elle dit être contrainte de baisser les prix des poissons. Malgré cela, les résultats ne suivent pas. Les clients ne viennent plus parce que le couvre-feu a aussi changé leurs habitudes. Alors quand le poisson braisé lui reste sous la main, elle ne peut pas le conserver pour le lendemain. Elle est obligée de le céder à vil prix. Parce qu’il faut rentrer à la maison. D’autant plus qu’elle et ses filles ont échappé, dit-elle, le mardi 12 janvier, à la furia des Fds qui faisaient des descentes dans les quartiers. Ami Coulibaly, une autre vendeuse, compte laisser tomber toute activité si le couvre-feu persiste. Elle ne supporte plus d’acheter des produits périssables qui lui restent chaque soir sous la main. Et qu’elle est amenée à jeter à la poubelle les matins. « Malgré le fait que j’ai diminué la quantité des plats, ça ne marche pas. J’ai décidée de sortir un peu plus tôt (17 h), mais mes clients étaient habitués à venir à partir de 20 heures. Alors que c’est à cette heure que je commence à ranger mes affaires pour entrer », fait-elle remarquer. C’est un énorme manque à gagner pour ces femmes qui ont décidé de gagner dignement leur vie à la sueur de leur front. Certaines, n’en pouvant plus, ont carrément fermé. C’est le cas à Abobo Anador où un célèbre restaurant sénégalais nommé ‘’la Teranga ’’ a fermé. Le lieu rallie des centaines de clients chaque nuit. La maitresse des lieux, dit-on, a préféré ne pas prendre de risque. Vu que son local se trouve en bordure de route. Du côté du carrefour Samaké, plusieurs autres restaurants ont baissé pavillon. Les restauratrices ont peur de se retrouver au milieu d’affrontements entre jeunes du quartier et forces de l’ordre. Elles ont fermé avec toutes les conséquences que cela suppose. Abobo camp commando, une ressortissante nigériane confie ne plus faire de recette. Contrairement à ses habitudes, elle ferme son restaurant à 20 heures. « Nous n’arrivons plus à joindre les deux bouts. Regardez la marmite devant vous, bientôt on doit fermer, mais elle est encore pleine de nourriture », explique-t-elle en indiquant une marmite pleine de pâte à base de mil. Elle ajoute que du fait du couvre-feu, la clientèle a diminué. Les kiosques à café encaissent également le coup. Ces lieux, qui restent ouverts jusqu’à l’aube et où on peut manger à moindre coût, ferment. Dans ce bourbier, les chauffeurs de Gbaka et apprentis ne sont pas épargnés. Célibataires pour la plupart, c’est chez ces bonnes dames qu’ils mangent les soirs après le travail. « Cette situation de couvre-feu n’est pas faite pour nous arranger. Souvent, nous travaillons toute la journée sans avoir de pause pour manger. C’est donc le soir à la descente que nous mangeons. Ce n’est plus possible, nous sommes obligés de manger du pain pour dormir », explique Drissa Diakité, chauffeur de Gbaka. Loin de prendre fin, parce que les gens n’en peuvent plus, le Machiavel des lagunes continue de prolonger le couvre-feu. Pendant ce temps, que vont faire ces dames qui ne vivent que de ce commerce de nuit.
Kuyo Anderson
Légende : Les restauratrices d’Abobo sont obligées de tout ranger avant la tombée de la nuit.