Invité de TV 5, RFI et le journal le monde, Abdou Diouf, secrétaire général de la francophonie, s’est prononcé sur la situation de la Côte d’Ivoire. Pour lui, en plus des sanctions, il faut une mesure plus radicale pour mettre fin aux souffrances des Ivoiriens.
Q : Après le choc et la compassion qu’on peut avoir pour la Japon, est-ce qu’une organisation comme la votre, l’OIF, peut venir en aide d’une manière ou une autre au Japon et à la population japonaise ?
Abdou Diouf : je voudrais dire que ce sont des images insoutenables. C’est une tragédie. J’ai beaucoup d’amitié pour le peuple japonais et j’exprime ma sympathie et ma solidarité très fortement. Je souhaite que le monde entier se mobilise pour soutenir le Japon. Evidemment, le Japon n’est pas membre de notre organisation, mais ce pays participe à l’aventure francophone. Parce qu’il y a des francophones au Japon. Ce que je veux exprimer encore une fois, c’est ma solidarité très forte.
Q : il y a finalement des débats sur le nucléaire, est-ce que vous pouvez vous prononcer sur la question ? Il y a des centrales nucléaires en Afrique, notamment au Niger, est-ce un élément qui potentiellement peut vous paraitre dangereux ?
AD : Jusqu’à ces évènements, j’étais un des partisans de l’énergie nucléaire. J’avais toujours des réserves. J’avais des réserves sur la sécurité et le problème des déchets. Vu ce que je viens de voir au Japon, qui est un pays très développé, et où malgré tout, deux centrales nucléaires ont été touchées et mettent actuellement en danger le peuple japonais, au-delà, je crois que je suis moins favorable à cette énergie.
Q : Vous avez réclamé dès le mois de décembre de l’année dernière, le départ de Laurent Gbagbo. Manifestement, vous et d’autres n’avez pas été entendus ?
AD : je crois que nous sommes dans une impasse politique. Parce que du point de vue juridique, du point de vue légal, les choses sont claires. M Ouattara a gagné l’élection et l’Union africaine vient encore de le dire. Il faut maintenant que la communauté internationale prenne ses responsabilités et fasse en sorte que le droit soit respecté. C’est en cela que nous sommes engagés. Je fonde beaucoup d’espoir sur les sanctions qui sont prises, que ce soient sur les plan économique, monétaire, sur les embargos. Je crois que tout cela va finir par porter ses fruits. Mais, j’aurais préféré une solution radicale et plus rapide. Parce que c’est le peuple ivoirien qui va souffrir de cette situation.
Q : Vous avez quitté en 2000 votre poste et vous aviez félicité votre adversaire d’alors pour sa victoire. En tant qu’ancien Président du Sénégal et secrétaire général de la Francophonie, qu’avez-vous à dire à Laurent Gbagbo, par rapport à la Côte d’Ivoire qui glisse vers la guerre civile ?
AD : Je lui dis, à Laurent Gbagbo, qui est un ami, qui est un frère : « tu as perdu l’élection présidentielle. Il faut que tu acceptes de quitter le pouvoir dans l’honneur et dans la dignité » ; je lui dis : «Aie pitié de ton peuple, qui est en train de souffrir, aie pitié de ton peuple qui risque d’aller vers une guerre civile, qui se dessine de plus en plus ». C’est ce que je lui dis. Je crois que c’est ce que tout le monde lui dit depuis, c’est que tout le monde de bonne volonté lui dit à travers le monde.
Q : Vous savez que ses partisans rétorquent que la victoire de Ouattara a été fabriquée par la communauté internationale et que lui est le garant de la légitimité populaire et une sorte de héros de la résistance africaine face à des offensives occidentales ?
AD : Ce sont des arguments faciles et fallacieux, je dois dire. Vous savez très bien que tous les protagonistes avaient accepté la certification des résultats par les Nations Unies. Cela a été fait. La Commission électorale indépendante a proclamé le résultat, la même CEI avait proclamé le résultat du premier tour, qui était favorable à Ouattara dans le nord. En ce moment-là, le Président Laurent Gbagbo n’avait pas fait un recours contre les résultats du premier tour. C’est au deuxième tour, quand il a été vaincu, qu’il a fait un recours. Le Conseil constitutionnel, dont l’indépendance évidemment est sujette à caution, ont le sait très bien, n’est pas un organisme fiable. Et les Nations Unies, à la demande de toutes les parties, ont certifié les résultats.
Q : Il faut rappeler que le Conseil constitutionnel a donné Laurent Gbagbo vainqueur.
AD : Ce que vous dites est exact, le Conseil constitutionnel a donné Laurent Gbagbo vainqueur, après avoir pratiquement annulé le scrutin dans toutes les circonscriptions électorales du nord, où Alassane Ouattara avait gagné. Ce n’est pas acceptable. Et nous considérons que les Nations Unies ont fait leur travail de certification et ont reconnu que les résultats donnés par la CEI étaient les bons résultats.
Q : Concernant les sanctions, ne craignez-vous pas qu’avant qu’elles n’aient leurs effets, qu’avant que les sanctions produisent leurs effets, la situation ne s’empire ?
AD : Je le crains forcement. C’est pourquoi, j’aurais préféré une solution et plus radicale et plus rapide. Que M. Gbagbo reconnaisse sa défaite. Je crois que c’est une chose qui est de moins en moins certaine, ou bien alors on trouve une opération de force, une opération militaire.
Q : Est-ce que le temps ne joue pas pour Gbagbo ?
AD : Le temps ne joue pas pour lui, parce qu’il est en train de gouverner un pays qui tangue, un pays qui, économiquement, s’affaibli de jour en jour, un pays qui s’affaiblit socialement de jour en jour. Je ne vois pas où est la victoire dans cette situation. Je crois que vraiment, il est actuellement dans une fuite en avant. Je le dis comme je le pense sincèrement, avec tout se qui se passe, qu’il finira devant la Cour pénale internationale.
Q : Est-ce qu’il peut y avoir d’autres solutions ? On a parlé par exemple de partage du pouvoir, d’une scission du pays?
AD : Non. Depuis le début, nous avons dit qu’il n’était pas question d’avoir une solution à la kenyane ou une solution à la zimbabwéenne. Ça ne règle rien du tout. Même Raila Odinga qui du Kenya a dit que cette solution n’était pas viable.
Q : Donc, pas de partage du pouvoir ?
AD : Non. Par contre, nous, nous avons dit depuis le début, et Alassane Ouattara l’avait dit et l’Union africaine le répète, qu’Alassane Ouattara ayant vraiment l’effectivité du pouvoir, doit faire un gouvernement d’union nationale qui intégrera même les partisans de Gbagbo. Parce que la Côte d’Ivoire a besoin, pour se reconstituer, pour refaire sa cohésion politique, économique et sociale, que tous ses fils mettent la main à la pâte.
Q : Est-ce que ce n’est pas un échec pour l’UA qui a fait des médiations à répétions et qui, pour l’instant n’aboutit pas au départ de Laurent Gbagbo ?
AD : Je ne pense pas que ce soit un échec de l’UA. Si échec il y a, c’est l’échec de l’ensemble de la communauté internationale. Je crois que tout le monde était au chevet de la Côte d’Ivoire. Vous vous rendez compte de l’argent, de l’énergie, du temps qui ont été dépensé pour régler le problème en Côte d’Ivoire ? C’est donc tout le monde qui a échoué. Et cela, par la faute d’un homme, Gbagbo et de son clan.
Q : Est-ce que la clé de la crise ivoirienne n’est pas le rôle que va jouer, que pourrait jouer, dans les prochains mois l’armée ivoirienne ? Tant qu’elle reste fidèle au Chef, il restera au pouvoir.
AD : Cette armée m’a beaucoup déçue. Parce que j’ai toujours considéré, il est vrai que je suis sénégalais et que je connais une armée républicaine, patriotique, compétente qui respecte l’Etat de droit, qui obéit au chef légitime et élu par le suffrage universel. J’avais espéré de l’armée ivoirienne, la même attitude. Je suis déçu de constater que cette armée, malheureusement, n’obéit pas au chef légitime de la Côte d’Ivoire.
Q : Comment expliquez-vous cela ?
AD : Je le constate. Je ne veux pas aller sonder les cœurs. Je constate simplement que ça se passe comme cela. J’avais espéré fortement que l’armée se rangerait du côté de la légitimé.
Q : Vous avez évoqué une action militaire pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir, y croyez-vous vraiment ?
AD : Je répète toujours que la francophonie est une organisation de normes, de valeurs, de procédures, de sanctions politiques…. Mais, je constate simplement que dans le cas de la Côte d’Ivoire comme dans le cas de la Lybie d’ailleurs, il faut quand même que la communauté internationale soit un peu plus dynamique et rapide.
Q : Quels sont les pays qui ont les moyens d’intervenir militairement en Côte d’Ivoire ?
AD : Ecoutez, nous à la francophonie, nous nous sommes beaucoup battus avec d’autres sur le principe de la responsabilité de protéger. La responsabilité de protéger, cela veut dire quoi ? Tout gouvernement a le devoir de protéger sa population. Si le gouvernement faillit à cette tâche ou si le gouvernement, pire, agresse sa population, il est du devoir de la communauté internationale de se substituer à ce gouvernement pour protéger la population. Je le dis, dans ce cas, la communauté internationale peut pratiquer le droit d’ingérence, mieux le devoir d’ingérence. Il faut qu’il y ait un devoir d’ingérence pour régler les cas comme celui de la Côte d’Ivoire et celui de la Lybie. Dans cette notion de la responsabilité de protéger, on dit que la communauté internationale doit se substituer à tout gouvernement qui agresse sa population. Qui est la communauté internationale ? La communauté internationale, c’est le Conseil de sécurité, en vertu du chapitre 7, qui doit prendre la décision. Malheureusement, nous devons constater une certaine impuissance du Conseil de sécurité. Regardez la situation en Lybie, on parle d’une zone d’exclusion aérienne, c’est évident qu’il faut le faire.
Q : Dans le cas de la Côte d’Ivoire, pensez vous que l’ONUCI, puisse intervenir ?
AD : Je demande que le conseil de sécurité prenne ses responsabilités. Et il ne faut pas qu’on puisse nous dire, la Russie a posé son véto, ou la Chine met son véto. Le reste n’est pas de ma responsabilité. Moi, je demande que le Conseil de sécurité prenne ses responsabilité pour que force reste à la légalité internationale et à la loi nationale qui a élu M. Ouattara.
Q : Et si malheureusement, la guerre civile intervenait en Côte d’Ivoire, quelles vont être les conséquences pour l’Afrique et l’Afrique de l’ouest que vous connaissez particulièrement ?
AD : Justement, il ne faut pas qu’on laisse s’installer cette guerre civile. Il faut même empêcher quelle démarre. C’est pour cela que je reviens à cette notion de responsabilité de protéger. Cela dit, l’Afrique de l’ouest, l’Afrique en général n’est pas mal en point. On vient de réussir des élections en Guinée, on vient réussir des élections au Niger. On est en train de voter au Benin. On a réussi, il n’y a pas longtemps une élection au Togo. Ce n’est parce qu’il y de mauvais élèves, de mauvais exemples qu’il faut généraliser. L’alternance démocratique fait des progrès. La tendance est bonne. Evidemment, on fait deux pas en avant, un pas en arrière. Mais la tendance est bonne. On est dans la bonne direction. Nous travaillons de toute notre force pour que cette direction soit maintenue.
Q : Vous demandez au conseil sécurité de prendre une résolution rapidement sur la Côte d’Ivoire ?
AD : C’est ce que je demande.
Retranscris par Thiery Latt
Q : Après le choc et la compassion qu’on peut avoir pour la Japon, est-ce qu’une organisation comme la votre, l’OIF, peut venir en aide d’une manière ou une autre au Japon et à la population japonaise ?
Abdou Diouf : je voudrais dire que ce sont des images insoutenables. C’est une tragédie. J’ai beaucoup d’amitié pour le peuple japonais et j’exprime ma sympathie et ma solidarité très fortement. Je souhaite que le monde entier se mobilise pour soutenir le Japon. Evidemment, le Japon n’est pas membre de notre organisation, mais ce pays participe à l’aventure francophone. Parce qu’il y a des francophones au Japon. Ce que je veux exprimer encore une fois, c’est ma solidarité très forte.
Q : il y a finalement des débats sur le nucléaire, est-ce que vous pouvez vous prononcer sur la question ? Il y a des centrales nucléaires en Afrique, notamment au Niger, est-ce un élément qui potentiellement peut vous paraitre dangereux ?
AD : Jusqu’à ces évènements, j’étais un des partisans de l’énergie nucléaire. J’avais toujours des réserves. J’avais des réserves sur la sécurité et le problème des déchets. Vu ce que je viens de voir au Japon, qui est un pays très développé, et où malgré tout, deux centrales nucléaires ont été touchées et mettent actuellement en danger le peuple japonais, au-delà, je crois que je suis moins favorable à cette énergie.
Q : Vous avez réclamé dès le mois de décembre de l’année dernière, le départ de Laurent Gbagbo. Manifestement, vous et d’autres n’avez pas été entendus ?
AD : je crois que nous sommes dans une impasse politique. Parce que du point de vue juridique, du point de vue légal, les choses sont claires. M Ouattara a gagné l’élection et l’Union africaine vient encore de le dire. Il faut maintenant que la communauté internationale prenne ses responsabilités et fasse en sorte que le droit soit respecté. C’est en cela que nous sommes engagés. Je fonde beaucoup d’espoir sur les sanctions qui sont prises, que ce soient sur les plan économique, monétaire, sur les embargos. Je crois que tout cela va finir par porter ses fruits. Mais, j’aurais préféré une solution radicale et plus rapide. Parce que c’est le peuple ivoirien qui va souffrir de cette situation.
Q : Vous avez quitté en 2000 votre poste et vous aviez félicité votre adversaire d’alors pour sa victoire. En tant qu’ancien Président du Sénégal et secrétaire général de la Francophonie, qu’avez-vous à dire à Laurent Gbagbo, par rapport à la Côte d’Ivoire qui glisse vers la guerre civile ?
AD : Je lui dis, à Laurent Gbagbo, qui est un ami, qui est un frère : « tu as perdu l’élection présidentielle. Il faut que tu acceptes de quitter le pouvoir dans l’honneur et dans la dignité » ; je lui dis : «Aie pitié de ton peuple, qui est en train de souffrir, aie pitié de ton peuple qui risque d’aller vers une guerre civile, qui se dessine de plus en plus ». C’est ce que je lui dis. Je crois que c’est ce que tout le monde lui dit depuis, c’est que tout le monde de bonne volonté lui dit à travers le monde.
Q : Vous savez que ses partisans rétorquent que la victoire de Ouattara a été fabriquée par la communauté internationale et que lui est le garant de la légitimité populaire et une sorte de héros de la résistance africaine face à des offensives occidentales ?
AD : Ce sont des arguments faciles et fallacieux, je dois dire. Vous savez très bien que tous les protagonistes avaient accepté la certification des résultats par les Nations Unies. Cela a été fait. La Commission électorale indépendante a proclamé le résultat, la même CEI avait proclamé le résultat du premier tour, qui était favorable à Ouattara dans le nord. En ce moment-là, le Président Laurent Gbagbo n’avait pas fait un recours contre les résultats du premier tour. C’est au deuxième tour, quand il a été vaincu, qu’il a fait un recours. Le Conseil constitutionnel, dont l’indépendance évidemment est sujette à caution, ont le sait très bien, n’est pas un organisme fiable. Et les Nations Unies, à la demande de toutes les parties, ont certifié les résultats.
Q : Il faut rappeler que le Conseil constitutionnel a donné Laurent Gbagbo vainqueur.
AD : Ce que vous dites est exact, le Conseil constitutionnel a donné Laurent Gbagbo vainqueur, après avoir pratiquement annulé le scrutin dans toutes les circonscriptions électorales du nord, où Alassane Ouattara avait gagné. Ce n’est pas acceptable. Et nous considérons que les Nations Unies ont fait leur travail de certification et ont reconnu que les résultats donnés par la CEI étaient les bons résultats.
Q : Concernant les sanctions, ne craignez-vous pas qu’avant qu’elles n’aient leurs effets, qu’avant que les sanctions produisent leurs effets, la situation ne s’empire ?
AD : Je le crains forcement. C’est pourquoi, j’aurais préféré une solution et plus radicale et plus rapide. Que M. Gbagbo reconnaisse sa défaite. Je crois que c’est une chose qui est de moins en moins certaine, ou bien alors on trouve une opération de force, une opération militaire.
Q : Est-ce que le temps ne joue pas pour Gbagbo ?
AD : Le temps ne joue pas pour lui, parce qu’il est en train de gouverner un pays qui tangue, un pays qui, économiquement, s’affaibli de jour en jour, un pays qui s’affaiblit socialement de jour en jour. Je ne vois pas où est la victoire dans cette situation. Je crois que vraiment, il est actuellement dans une fuite en avant. Je le dis comme je le pense sincèrement, avec tout se qui se passe, qu’il finira devant la Cour pénale internationale.
Q : Est-ce qu’il peut y avoir d’autres solutions ? On a parlé par exemple de partage du pouvoir, d’une scission du pays?
AD : Non. Depuis le début, nous avons dit qu’il n’était pas question d’avoir une solution à la kenyane ou une solution à la zimbabwéenne. Ça ne règle rien du tout. Même Raila Odinga qui du Kenya a dit que cette solution n’était pas viable.
Q : Donc, pas de partage du pouvoir ?
AD : Non. Par contre, nous, nous avons dit depuis le début, et Alassane Ouattara l’avait dit et l’Union africaine le répète, qu’Alassane Ouattara ayant vraiment l’effectivité du pouvoir, doit faire un gouvernement d’union nationale qui intégrera même les partisans de Gbagbo. Parce que la Côte d’Ivoire a besoin, pour se reconstituer, pour refaire sa cohésion politique, économique et sociale, que tous ses fils mettent la main à la pâte.
Q : Est-ce que ce n’est pas un échec pour l’UA qui a fait des médiations à répétions et qui, pour l’instant n’aboutit pas au départ de Laurent Gbagbo ?
AD : Je ne pense pas que ce soit un échec de l’UA. Si échec il y a, c’est l’échec de l’ensemble de la communauté internationale. Je crois que tout le monde était au chevet de la Côte d’Ivoire. Vous vous rendez compte de l’argent, de l’énergie, du temps qui ont été dépensé pour régler le problème en Côte d’Ivoire ? C’est donc tout le monde qui a échoué. Et cela, par la faute d’un homme, Gbagbo et de son clan.
Q : Est-ce que la clé de la crise ivoirienne n’est pas le rôle que va jouer, que pourrait jouer, dans les prochains mois l’armée ivoirienne ? Tant qu’elle reste fidèle au Chef, il restera au pouvoir.
AD : Cette armée m’a beaucoup déçue. Parce que j’ai toujours considéré, il est vrai que je suis sénégalais et que je connais une armée républicaine, patriotique, compétente qui respecte l’Etat de droit, qui obéit au chef légitime et élu par le suffrage universel. J’avais espéré de l’armée ivoirienne, la même attitude. Je suis déçu de constater que cette armée, malheureusement, n’obéit pas au chef légitime de la Côte d’Ivoire.
Q : Comment expliquez-vous cela ?
AD : Je le constate. Je ne veux pas aller sonder les cœurs. Je constate simplement que ça se passe comme cela. J’avais espéré fortement que l’armée se rangerait du côté de la légitimé.
Q : Vous avez évoqué une action militaire pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir, y croyez-vous vraiment ?
AD : Je répète toujours que la francophonie est une organisation de normes, de valeurs, de procédures, de sanctions politiques…. Mais, je constate simplement que dans le cas de la Côte d’Ivoire comme dans le cas de la Lybie d’ailleurs, il faut quand même que la communauté internationale soit un peu plus dynamique et rapide.
Q : Quels sont les pays qui ont les moyens d’intervenir militairement en Côte d’Ivoire ?
AD : Ecoutez, nous à la francophonie, nous nous sommes beaucoup battus avec d’autres sur le principe de la responsabilité de protéger. La responsabilité de protéger, cela veut dire quoi ? Tout gouvernement a le devoir de protéger sa population. Si le gouvernement faillit à cette tâche ou si le gouvernement, pire, agresse sa population, il est du devoir de la communauté internationale de se substituer à ce gouvernement pour protéger la population. Je le dis, dans ce cas, la communauté internationale peut pratiquer le droit d’ingérence, mieux le devoir d’ingérence. Il faut qu’il y ait un devoir d’ingérence pour régler les cas comme celui de la Côte d’Ivoire et celui de la Lybie. Dans cette notion de la responsabilité de protéger, on dit que la communauté internationale doit se substituer à tout gouvernement qui agresse sa population. Qui est la communauté internationale ? La communauté internationale, c’est le Conseil de sécurité, en vertu du chapitre 7, qui doit prendre la décision. Malheureusement, nous devons constater une certaine impuissance du Conseil de sécurité. Regardez la situation en Lybie, on parle d’une zone d’exclusion aérienne, c’est évident qu’il faut le faire.
Q : Dans le cas de la Côte d’Ivoire, pensez vous que l’ONUCI, puisse intervenir ?
AD : Je demande que le conseil de sécurité prenne ses responsabilités. Et il ne faut pas qu’on puisse nous dire, la Russie a posé son véto, ou la Chine met son véto. Le reste n’est pas de ma responsabilité. Moi, je demande que le Conseil de sécurité prenne ses responsabilité pour que force reste à la légalité internationale et à la loi nationale qui a élu M. Ouattara.
Q : Et si malheureusement, la guerre civile intervenait en Côte d’Ivoire, quelles vont être les conséquences pour l’Afrique et l’Afrique de l’ouest que vous connaissez particulièrement ?
AD : Justement, il ne faut pas qu’on laisse s’installer cette guerre civile. Il faut même empêcher quelle démarre. C’est pour cela que je reviens à cette notion de responsabilité de protéger. Cela dit, l’Afrique de l’ouest, l’Afrique en général n’est pas mal en point. On vient de réussir des élections en Guinée, on vient réussir des élections au Niger. On est en train de voter au Benin. On a réussi, il n’y a pas longtemps une élection au Togo. Ce n’est parce qu’il y de mauvais élèves, de mauvais exemples qu’il faut généraliser. L’alternance démocratique fait des progrès. La tendance est bonne. Evidemment, on fait deux pas en avant, un pas en arrière. Mais la tendance est bonne. On est dans la bonne direction. Nous travaillons de toute notre force pour que cette direction soit maintenue.
Q : Vous demandez au conseil sécurité de prendre une résolution rapidement sur la Côte d’Ivoire ?
AD : C’est ce que je demande.
Retranscris par Thiery Latt