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Société Publié le mercredi 23 mars 2011 | Nord-Sud

Déplacement massif des populations - Les Abidjanais à l’assaut d’Aboisso

Le spectre de la guerre civile a conduit les populations abidjanaises à déserter la capitale économique. A la gare d’Aboisso, le spectacle est impressionnant.

Oumou Doumbouya, mère de 4 enfants, a les larmes aux yeux. Elle est depuis deux jours à la gare de Bianouan à Aboisso. Elle a quitté Williamsville, un quartier d’Abidjan où la tension reste vive, pour trouver un asile ailleurs, notamment à Abengourou, dans l’Est ivoirien. Elle a déjà passé une nuit dans cette gare. Mais les chances d’avoir un véhicule pour l’Indénié sont minces. Elle tente de s’agripper comme elle peut à la portière d’un minicar stationné à la gare, cherchant coûte que coûte à se trouver une place dans le véhicule. Elle n’y parvient pas. Le véhicule est plein à craquer. Désemparée, elle retourne s’asseoir à même le sol. C’est le décor à la gare d’Aboisso. Les déplacés sont contraints à une lutte âpre pour avoir une place dans l’un des minicars appelés «Massa ». Comme Oumou Doumbouya, nombreux sont les déplacés d’Abidjan qui, en partance pour le Moyen-Comoé, sont obligés de passer par le Sud-Comoé, pour fuir d’autres exactions sur leur chemin. « J’ai fui Williamsville à cause de la barbarie des soldats de Laurent Gbagbo. C’’était infernale. J’ai voulu passer par N’dotré pour aller à Abengourou, mais je suis obligée de passer par Aboisso. Le trajet est plus long, mais, sur l’autre tronçon, les ‘’jeunes patriotes’’ ont dressé des barrages pour racketter et violenter les voyageurs, surtout les Malinké », raconte-t-elle, en sanglots. Un drame intérieur que vit aussi Maïga Youssouf, contraint de convoyer ses deux enfants et sa femme à Agnibilekro, chez son frère aîné.
Les atrocités d’Abobo, quartier où il vivait, hante son esprit. « J’ai fui Abobo à cause de l’insécurité. Des cadavres çà et là. Des traces de sang sont perceptibles sur la voie. Je ne pouvais plus vivre dans cette horreur », tente-t-il de justifier son départ précipité d’Abidjan. Et, si lui également a choisi d’emprunter la route d’Aboisso, c’est pour être sûr d’arriver à destination.
Outre, ces déplacés internes, obligés de passer par Aboisso pour atteindre le Moyen-Comoé, il y a ceux qui ont choisi de se refugier au Ghana voisin. Le spectacle est tout aussi impressionnant. La majorité des Abidjanais, surtout des femmes et des enfants, débarque de jour comme de nuit à destination de Noé, considéré comme la « terre promise ». C’est du reste ce que croient dame E. Florence et sa famille qui attendent à la gare de Noé. Si pour cette déplacée (dont le mari travaille dans cette petite bourgade ghanéenne, frontalière d’Aboisso), l’hébergement n’est pas un souci, ce n’est pas le cas pour la majorité des Ivoiriens qui fuit la guerre dans leur pays. Mais pour tout ce monde, l’essentiel est d’abord de partir loin des détonations d’armes lourdes. Lieu d’accueil ou pas, Louti Françoise, habitante d’Abobo, n’avait visiblement pas d’alternative. « Avec ma famille, nous allons nous refugier chez des bonnes volontés. L’Ouest d’où je suis originaire, est aussi troublé. Je n’ai donc pas d’autres endroits où partir », assure-t-elle.
Dans ce désastre, et tels des rapaces, les « coxers », tentent de faire de bonnes affaires sur le dos des déplacés. Ils n’hésitent pas à happer les passagers, en leur proposant des services. Mais, la réalité est là, implacable : il est difficile d’avoir un véhicule. En effet, ce sont des centaines de déplacés voire des milliers qui attendent d’embarquer. Et, pour compléter le tableau du triste spectacle des réfugiés qui s’impatientent dans les longues files d’attente, il y a la rareté des véhicules et surtout le coût du transport qui a pris l’ascenseur. Une augmentation que les transporteurs imputent à la rareté du gasoil dans les stations services. A Aboisso, toutes les gares fourmillent de monde. Celle de Noé en passant par Tiapoum, Bianouan est noir de monde. Un responsable de la gare explique les difficultés auxquelles sont confrontés les transporteurs, du fait de cette affluence inhabituelle. « De jour comme de nuit, ce sont des femmes et enfants traumatisés qui débarquent des véhicules venant d’Abidjan dans l’espoir de se mettre à l’abri des tirs d’obus et autres armes. Les passagers qui embarquent à la gare se dirigent pour la plupart à Bianouan et à Noé. Sur ces lignes, l’offre est inférieure à la demande». II poursuit : « En plus de cette marée humaine nous sommes confrontés à un manque de véhicules. La plupart de nos véhicules sont hors d’usage du fait du mauvais état des routes. La route Aboisso-Bianouan est impraticable. Pour environ 80 Km, il vous faut passer plus de 4 heures pour atteindre Bianouan, frontière Aboisso-Abengourou. Il faut ajouter à cela, les barrages dressés par les villageois. Ces derniers rançonnent les chauffeurs. Ce qui rend la traversée plus difficile. Les passagers devront prendre leur mal en patience ». Pour dame Doumbouya, c’est un véritable enfer que vivent les déplacés. «Tantôt le convoyeur nous demande de monter. Une fois à bord, il nous demande de descendre. Pendant qu’un groupe attend d’embarquer, il vend les tickets à l’intérieur du car », s’offusque-t-elle ». A côté d’elle, dame K.T est également déboussolée. Bébé au dos, elle tente en vain de se trouver une place dans le minicar stationné à la gare en partance pour Bianouan. Elle a également passé la nuit à la gare avec ses 3 filles et sa sœur cadette, après avoir fui Abobo, commune martyre. Elle raconte son calvaire : « J’habite Abobo centre. Nous avons marché pour arriver jusqu’au Dokui. Le spectacle est insoutenable, les traces de sang des personnes tuées sont encore visibles partout. Une fois au Dokui, nous avons payé 500f par personne pour nous rendre à Adjamé, avant de prendre un autre véhicule pour Aboisso. Là-bas aussi, nous avons dormi à la gare pour espérer avoir un car pour rallier Aboisso. Une fois ici, il faut encore lutter pour avoir une place dans le minicar», raconte-t-elle amère. Elle ne veut plus vivre cette terreur.
Affoué Yebouah est exténuée, elle attend depuis 6 heures à la gare de Noé. Elle a fait escale à la gare d’Aboisso, en provenance de Port-Bouët. Affoué Yebouah part à Noé pour trouver un logis pour sa famille. Mine crispée, elle attend un véhicule. Pour elle, sa famille sera en sécurité à Noé au regard de cette guerre civile que Laurent Gbagbo veut servir au peuple.

Emmanuelle Kanga à
Grand-Bassam
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