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Politique Publié le jeudi 14 avril 2011 | Le Patriote

Conférence de presse / Alassane Ouattara : “La Côte d’Ivoire doit être un modèle”

48 heures après l’arrestation de Laurent Gbagbo ex-Chef d’Etat, le Président de la République était face à la presse nationale et internationale à l’hôtel du Golf. Se prêtant au jeu des questions-réponses, Alassane Ouattara a fait, mercredi, le point de la situation sécuritaire et levé le voile sur ses grandes ambitions pour la Côte d’Ivoire.

Propos liminaires

Les élections se sont bien déroulées. Les Ivoiriens ont voté massivement, avec un taux de participation de plus de 80%. Le résultat de l’élection était connu de tous. Je voudrais également dire que je salue l’esprit de démocratie et de paix qui a animé mes compatriotes. Parce que nous sommes allés à l’élection dans la paix. Je voudrais remercier tous ceux qui ont participé au vote, bien entendu ceux qui ont voté pour moi mais également ceux qui n’ont pas voté pour moi. Parce que c’est cela la démocratie. Je voudrais dire à tous mes compatriotes que la Côte d’Ivoire sera tenue et bien tenue. Nous allons nous mettre au travail. Nous allons relever les défis. Dans quelques mois, nous serons dans une Côte d’Ivoire réhabilitée. Faites-moi confiance chers compatriotes. Nous sortirons de cette crise. Nous en sortirons d’ailleurs grandis, parce que nous allons nous mettre au travail, les Ivoiriens ont le sens de la responsabilité et de la solidarité. Ces épreuves aussi douloureuses qu’elles soient, doivent nous permettre de dire : « plus jamais ça ». La Côte d’Ivoire doit être définitivement en paix. Les Ivoiriens doivent connaître une paix durable, une paix définitive. L’hospitalité et la fraternité doivent être renforcées.
Chers amis de la presse, je suis à votre disposition.

Question : Certains éléments des Forces républicaines sont accusés d’avoir commis des pillages, quelle est votre réaction ?
Alassane Dramane Ouattara : Effectivement, nous avons été informés de quelques cas de pillage. Le Premier ministre, ministre de la Défense et le ministre de l’Intérieur ont donné des instructions très fermes. Tous les soldats des Forces républicaines qui seront identifiés comme ayant été des pilleurs seront immédiatement radiés des FRCI.

Q : Où est actuellement l’ancien Chef de l’Etat et qui assure sa sécurité, est-ce les FRCI ou les Nations Unies ?
ADO : A l’heure où je vous parle, M. Laurent Gbagbo n’est plus à l’hôtel du Golf. Il est en Côte d’Ivoire, bien sécurisé. Vous savez, moi j’ai été ici pendant quatre mois dans une suite équivalente à celle dans laquelle Laurent Gbagbo était. Même si ces suites sont confortables, il faut dire que c’est une prison. M. Laurent Gbagbo est un ancien Chef de l’Etat, nous devons le traiter avec considération. C’est pour cela qu’il sera en résidence surveillée, dans une villa équipée à cet effet. Nous tenons à respecter ses droits en tant qu’ancien Chef de l’Etat. Nous devons faire en sorte que la considération qui est due à son rang soit respectée. Bien entendu, son intégrité physique sera également respectée.

Q : Rassurez-vous que tous ceux qui ont été arrêtés seront bien traités ?
ADO : C’est un piège, parce que le ministre de l’Intérieur doit me faire le point cet après-midi. Mais les consignes sont claires. Nous ne voulons pas de brutalité, nous ne voulons pas de violence. Nous allons tout faire pour que ces arrestations se passent dans les meilleures conditions. Je voudrais d’ailleurs dire à certains responsables du parti politique de M. Laurent Gbagbo qu’ils se sentent en sécurité. Tous ceux qui souhaitent venir à l’hôtel du Golf pour être sûrs d’avoir une protection sont les bienvenus.

Q : Vous avez dit dans votre discours que Laurent Gbagbo sera jugé, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
ADO : Je ne peux pas en dire plus, parce que c’est une procédure judiciaire qui sera engagée. Le ministre de la Justice, Garde des sceaux, est en train de faire ce qu’il faut. Quand tout sera prêt, il pourra informer la presse et surtout les Ivoiriens de toutes les démarches qui seront entreprises.

Q : Comment va fonctionner la commission vérité et réconciliation que vous comptez mettre en place?
ADO : Je voudrais vous dire que c’est un chapitre important. Je vous ai parlé tout à l’heure de réconciliation. La réconciliation ne peut se faire sans justice. La réconciliation ne peut également se faire sans le pardon. C’est pour cela qu’avant-hier, après l’arrestation de M. Laurent Gbagbo, j’ai téléphoné au Président Jacob Zuma pour l’en informer et lui dire que j’aurai besoin de son expérience et de son soutien pour la mise en œuvre effective de cette commission. Tous les Ivoiriens sont égaux devant la loi quel que soit leur bord politique, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur religion, quelle que soit leur race. Cette commission aura une autonomie totale. Le ministre de la Justice devra nous dire comment cette commission sera composée. Nous devons la faire présider par des personnalités crédibles, consensuelles et respectées. Je peux vous donner l’assurance qu’il n’y aura pas de discrimination. Les débats se tiendront de la même manière et les résultats de ces séances seront rendus public. Ces débats permettront à la Côte d’Ivoire de connaître la vérité. Vous savez, ce qui nous a manqué, c’est la vérité sur ce qui s’est réellement passé. Depuis plusieurs années, je dirais même depuis 1999, depuis le coup d’Etat de cette année, beaucoup de mensonges ont été dits. Nous devons faire la lumière sur tous ces évènements. Que ce soient les évènements de 99, ceux de 2000, de 2004, il faut que les Ivoiriens sachent ce qui s’est passé, qui a fait quoi et pour quel motif. Ces personnes doivent venir demander pardon à la nation, elles doivent reconnaître leurs crimes. La commission fera des propositions. Nous ferons en sorte que ces propositions soient respectées. Nous allons lutter contre l’impunité. Je peux vous assurer que l’impunité n’aura plus cours. L’Etat de droit sera renforcé et la Côte d’Ivoire sera un exemple dans le monde. Quand j’ai eu longuement au téléphone le Président Obama, hier soir, c’est ce que je lui ai dit. Je lui ai dit : « Vous avez fait un discours historique à Accra, vous avez dit que se sont les institutions qui importent et non les hommes. J’ai bien retenu cette phrase ». Nous allons construire des institutions fortes pour la Côte d’Ivoire, car elles ont beaucoup failli ces dernières années. Il faut un redressement rapide du fonctionnement des institutions.

Q : Avez-vous, M. le Président, fait le point sur l’enlèvement de deux Français et d’autres personnes au Plateau ?
ADO : Non. Malheureusement, nous sommes en contact avec le ministre de l’Intérieur et les services de renseignements pour savoir où ils sont. Mais à l’heure où je vous parle, nous n’avons aucune information sur ces quatre personnes ni d’ailleurs sur le colonel-major Dosso. Un ancien colonel de l’armée de l’air qui a été mon pilote lorsque j’étais Premier ministre. Nous continuons les recherches pour retrouver ces personnalités.

Q : Je voudrais savoir si les actions judiciaires concerneront uniquement Gbagbo et son épouse ou tous ceux qui étaient avec lui en sa résidence ? Je voudrais ensuite savoir si le cabinet que vous avez mis en place pour gérer la crise sera reformé rapidement.
ADO : En ce qui concerne la première partie, il est clair que nous devons faire en sorte que les choses avancent. Nous allons nous employer à cela. Il est important que le pays sorte rapidement de la crise et que tous les engagements doivent être respectés. Nous sommes dans une situation où nous avons besoin de sécuriser le pays, notamment Abidjan. Cela prendra certainement quelques mois. Mais, je voudrais dire que tous les engagements que nous avons pris, seront respectés.

Q : Vous avez déjà été investi. Est-ce qu’une nouvelle cérémonie d’investiture est à envisager?
ADO : Vous confondez deux choses. Il y a la prestation de serment que j’ai eu à faire par écrit et une cérémonie d’investiture qui aura lieu. Les juristes sont en train de voir la meilleure façon de la faire. Je considère que la priorité maintenant, c’est de sécuriser les Ivoiriens. C’est de maintenir l’ordre public. C’est de remettre le pays en activité, réparer les routes, faire fonctionner l’électricité, mettre les banques, notamment la Banque Centrale en activité. C’est de faire en sorte qu’il y ait le carburant, le gaz butane, que les transporteurs se remettent au travail. L’investiture se fera en temps opportun.

Q : Quand allez-vous travailler au Palais présidentiel du Plateau?
ADO : Dans les tous prochains jours, je serai au Palais présidentiel au Plateau. Ce sera en fin de semaine ou en début de semaine prochaine.

Q : Comment voyez-vous le rôle de la France dans le règlement de la crise ivoirienne ?
ADO : La France est un pays ami. Nous avons des liens forts, historiques. Nous avons une forte solidarité avec le peuple français. Le gouvernement français a apporté un secours conséquent à nos populations dans le cadre du mandat de la résolution 1975 et même bien avant, dans le cadre des résolutions de l’ONU. Nous devons beaucoup à la France et aux Français. J’ai demandé à tous ceux qui sont partis, que ce soient les Français, les Libanais, nos frères des pays voisins qui ont fui la Côte d’Ivoire à cause de cette situation, je leur demande de revenir. La Côte d’Ivoire est une terre d’hospitalité. Nous allons sécuriser notre pays. Mes compatriotes ont le sens de l’hospitalité et de la solidarité. Nous attendons impatiemment que tous les amis reviennent, Français, Libanais, Africains. Je demande à tous ceux qui vivaient en Côte d’Ivoire et qui ont contribué à la construction de ce pays de revenir.
La Côte d’Ivoire doit être un modèle, un pays d’intégration comme cela a été des années durant du temps d’Houphouët-Boigny. Vous verrez dans quelques mois, ce pays sera transformé, ce sera un pays où il fait bon vivre. Parce qu’il n’y aura pas de discrimination d’aucune sorte.

Q : Les FRCI ont été pointées du doigt dans les exactions qui ont eu lieu à Duékoué, qu’avez-vous à dire sur ce sujet ?
ADO : D’abord, je condamne ces massacres, ces tueries. Mais, il faut faire une enquête. J’ai instruit le ministre de la Justice qui a demandé à un procureur qui est à Daloa d’entreprendre une enquête nationale. Cette enquête est en cours. J’ai demandé également à la commission des droits de l’homme de venir faire une enquête internationale. Cette commission viendra dans les prochains jours. Je devrais avoir un entretien avec le procureur général de la Cour pénale internationale, je n’ai pas pu le faire. Je vais le faire tout à l’heure et je lui demanderai également de faire des investigations. Nous voulons que la lumière soit faite sur ces massacres. La condamnation ne suffit pas. Les personnes qui sont responsables de ces crimes, quelles qu’elles soient, seront jugées et condamnées, selon les lois nationale et internationale. Ces massacres sont inadmissibles. Je suis révolté et indigné qu’on puisse assassiner autant de personnes. Une personne tuée est une personne de trop. Je ferai tout pour que ces condamnations soient un exemple non seulement pour tour tous les Ivoiriens, mais pour l’Afrique et pour le monde entier. Nous, nous respectons la vie humaine. La vie humaine est sacrée. Nous allons procéder à ces investigations. Nous ferons tout pour que cela soit fait le plus rapidement possible.

Q : Vous avez dit qu’une procédure sera engagée contre Laurent Gbagbo, est-ce le cas pour les autres membres de son clan?
ADO : Vous savez, les questions de justice, il faut les laisser se dérouler. Le ministre de la Justice est en train de travailler à cela. Il y aura des chefs d’accusation au plan national, mais également des chefs d’accusation sans doute au plan international. Il devra faire le tri pour déterminer ce qui doit être traité au plan national et au plan international. Ceci me permet de rebondir sur la question de votre collègue. Nous avons 107 personnes qui sont arrivées (au Golf Hôtel). Nous avons lui (Laurent Gbagbo) et son épouse, les membres de sa famille, des politiques, des employés et des militaires. Le ministre de la Justice est en train de faire le tri. Il est clair que tous les mineurs doivent être relâchés le plus tôt possible, mais à condition qu’ils puissent être recueillis par des familles de ces personnes. Le personnel de la résidence sera entendu et libéré immédiatement. Resteront les politiques, M. Laurent Gbagbo, son épouse, ses proches. La justice fera son travail. J’ai demandé que cela soit fait avec impartialité et célérité. Si j’ai décidé que la plupart d’entre eux restent ici, c’est pour leur sécurité. J’ai rencontré M. Choi ce matin. Je lui ai dit que je demandais la protection de l’hôtel du Golf. J’ai demandé que tous ceux qui sont ici aient la même protection que nous.

Q : Quels sont les chefs d’accusations qui seront retenus contre lui (Laurent Gbagbo) ?
ADO : C’est la justice qui va déterminer cela. Je ne veux pas me substituer à la justice. Ce que je peux dire c’est que tous ceux qui doivent être poursuivis seront poursuivis. La justice sera égale pour tous.

Q : Le chef d’état-major de Laurent Gbagbo vient de vous faire allégeance, allez-vous le maintenir à son poste ?
ADO : J’ai indiqué que nous sommes dans un processus de réconciliation nationale. Vous avez entendu hier le général Mangou. J’ai reçu tous les généraux de manière bilatérale. Je considère qu’il faut tout faire pour que les Ivoiriens se réconcilient. Ces gestes vont dans ce sens.

Q : Le chaos prédit n’a pas eu lieu, qu’en pensez-vous ?
ADO : C’est une question importante. Parce que les uns et les autres nous avaient prédit l’apocalypse. J’ai toujours dit que je connais mes compatriotes et que les Ivoiriens sont des personnes épris de paix. Je n’ai jamais eu de doute que la majorité ne s’adonnerait pas à la violence. C’est ce qui s’est passé. Toutes ces perturbations sont le fait des miliciens et mercenaires. Vous avez vu que l’armée régulière n’a pas pris part aux combats. Cela veut tout dire. D’où la priorité de débarrasser Abidjan et le reste du pays de mercenaires. Je leur demande de déposer les armes immédiatement. Une fois que nous serons débarrassés des mercenaires et des miliciens, la tranquillité qui a toujours caractérisé ce beau pays reviendra. Il y a bien entendu des caches d’armes qu’il faudra découvrir. Mais tout cela se fera avec les forces impartiales. J’ai demandé qu’un accent soit mis sur la détection des armes à Abidjan, mais aussi partout en Côte d’Ivoire. Il faut que ces armes soient ramassées au plus vite. Une fois que nous aurons réussi cette opération pour laquelle je me donne un à deux mois, vous verrez que la pacification sera totale.

Q : Confirmez-vous qu’une liste de personnalités RHDP devant être assassinées avait été dressée par le camp Gbagbo ?
ADO : Je préfère ne pas revenir sur le passé. Je ne veux pas revenir sur les rancœurs. Des personnes ont été assassinées, des résidences de plusieurs ministres et cadres ont été pillées, il y a eu des violences. Tout cela malheureusement avait été planifié. Mais c’est une page que nous devons tourner. Nous devons demander et je le demande à nouveau, qu’il n’y ait pas de représailles. Il ne faudrait pas que nous, membres du RHDP, nous engagions dans la voie qui a été utilisée par le FPI. Ce qui pourrait nous conduire à une plus grande catastrophe dans le pays. Il faut donc bannir la violence. Nous devons tout faire pour protéger tous les Ivoiriens. C’est cela mon engagement. Je ferai tout pour que tout Ivoirien puisse vivre partout en paix et soit protégé. Nous allons créer une nouvelle armée, comme je l’ai indiqué à l’occasion de la mise en place des FRCI. Cette armée sera une armée républicaine. La police et la gendarmerie recevront également de nouveaux messages de protection des populations et non pas de chasse à l’homme. Nous allons faire en sorte que les uns et les autres soient responsables du fonctionnement de leur unité, de leur corps, des corps qu’ils contrôlent. Nous allons être vigilants dans l’armée comme dans l’administration. Nous voulons que ce pays retrouve une paix définitive.

Q : Quel est en ce moment le sort de Désiré Tagro ?
ADO : Quand Désiré Tagro est arrivé ici à l’hôtel, on m’a informé qu’il était en très mauvais état, avec le visage ensanglanté. Nous avons donné instruction aussitôt pour qu’il soit conduit dans un centre hospitalier. Et c’est ce qui a été fait. Malheureusement j’ai été informé par la suite de son décès. Là encore, nous allons faire la lumière sur les circonstances de sa mort. Nous ferons cette enquête le plus tôt possible. J’ai instruit le ministre de la Justice pour cela.

Q : Quand l’exportation du café et du cacao sera-t-elle effective?
ADO : Le port est sous contrôle. J’ai désigné un directeur intérimaire du port. Tout est en marche pour que le cacao puisse être évacué. J’ai également été en contact avec les opérateurs du secteur. Le chemin de fer a été mis en état. Pour le moment, je veux que tous les produits passent par Abidjan. L’ouverture des banques, malheureusement, ne dépend pas totalement de moi, bien que je sois ancien Gouverneur et Gouverneur honoraire (de la BCEAO). Nous avons été en contact avec le Gouverneur de la Banque centrale, qui nous a rassurés que la banque centrale sera ouverte très bientôt. Il faut d’abord que la banque centrale ouvre avant les banques commerciales. Nous avons donné notre accord pour la nomination d’un nouveau directeur national, Aman Ayaye qui prendra fonction immédiatement. J’ai demandé qu’Abidjan soit approvisionné en billets de banque pour que les banques puissent se réalimenter. Les banques commerciales doivent également faire le point sur les dégâts qui ont été causés, notamment sur leur système électronique, et sur l’enlèvement des stocks de billets. J’ai également été soulagé par la contribution du gouvernement français. J’ai eu longtemps au téléphone le Président français. Il m’a annoncé que la France m’était en place un crédit de 400 millions d’euros pour nous aider à faire face aux dépenses urgentes, salaires, arriérés de salaires, fonctionnement . L’Union Européenne, également, est disposée à nous octroyer 200 millions d’euros. Les choses sont allées très vite. Mais, il faut renforcer la sécurité du pays.
Recueillis par Thiery Latt
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