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Politique Publié le mardi 19 avril 2011 | Le Nouveau Réveil

Eugène Dié Kacou (président du Cnp) après son retour révèle : “Je suis parti parce qu`on menaçait de tuer ma femme, mes enfants et petits-enfants”,“On me demandait de ne pas sanctionner les journaux pro-Gbagbo”

Eugène Dié Kacou a retrouvé depuis hier son poste de président du Conseil national de la presse (Cnp). Dans cette interview, il parle des circonstances de son départ, de son retour et de ses ambitions pour le Cnp. Au niveau politique, il regrette l'entêtement de Gbagbo à vouloir coûte que coûte garder le pouvoir.

Vous avez produit récemment un communiqué invitant les organes de presse à reprendre le travail ce lundi 18 Avril (Ndlr : hier). Est-à-dire que vous reprenez votre poste à la tête du Cnp ?
Je suis à la tête du Cnp. Quand il s'est agi de me faire partir, le président Ouattara, par voix de son ministre de la Communication, avait dit que la décision était nulle et de nul effet. En fait, j'étais là. Le président Ouattara a sorti encore une ordonnance pour que toutes les décisions du 5 décembre 2010 soient nulles. Donc, je suis à la tête du Cnp.

Mais on vous a vu partir. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est réellement passé ?
Comme on le dit chez nous, celui qui a vu le lion et celui qui l'a entendu rugir, n'ont pas la même manière de courir. Moi, j'ai été menacé. J'étais en France pour une réunion de l'Union de la presse francophone (Upf) avec Dan Moussa quand à Abidjan, ils ont décidé de supprimer un certain nombre de journaux. Ils ont décidé de ne pas les imprimer. Je suis rentré un samedi et j'ai tenu une réunion du Conseil au cours de laquelle, nous avons trouvé la décision illégale. Nous avons donc produit un communiqué pour dire que les journaux devraient revenir. Ce qui a été fait. Ensuite, et cela, personne ne le sait, j'ai les preuves que je peux vous donner. Le ministre Ouattara Gnonzié m'a adressé une lettre confidentielle pour me demander d'arrêter un certain nombre de journaux. J'ai donc consulté le Conseil qui m'a dit qu'il n'en était pas question. A partir de là, je savais que ma tête était mise en jeu puisque j'avais refusé de faire ce qu'il voulait que je fasse. Donc ils ont décidé de me faire partir. Je suis donc parti. Mais je suis parti parce que j'étais menacé et je ne pouvais pas le dire à tout le monde. Cependant, " Le Nouveau Réveil" en a parlé. Ils ont menacé de venir m'attaquer, piller ma maison et tout. Cela n'était rien. Mais ils ont menacé d'enlever mes enfants, mes petits-enfants pour aller les tuer. A ma place, qu'auriez-vous fait ? J'étais obligé de faire une passation. Mes enfants, mes petits-enfants, ma femme, tout le monde était menacé. On voulait les tuer si je ne partais pas. C'est finalement à 17 heures que j'ai fait la passation parce que j'étais en train de me battre contre tout le monde. Je ne voulais pas sacrifier ma famille pour moi seul.

C'était un enfer ?
Oui. C'était cornélien. C'était un enfer. Même après mon départ, ils sont venus tirer des coups de feu chez moi. Quand je suis parti, j'ai mis la famille en lieu sûr chez des frères et des proches. Mais n'empêche qu'ils sont venus et tirer sur la maison. Heureusement, il n'y avait personne.

L'ex-président Gbagbo est quand même votre ami. Pourquoi il ne vous a pas protégé ?
Il était mon ami jusqu'à ce que je décide d'utiliser la loi. Il y a un président du Conseil constitutionnel français qui a dit : Président, au moment où vous me nommez, vous faites de moi votre ennemi. Et c'est cela. Il y a des textes, moi je les applique. Parce que l'on m'a mis là pour les appliquer. Et je dois les appliquer pour tout le monde. Pourquoi voulez-vous que j'applique les textes pour certains et je ne le fasse pas pour les autres ? C'est cela qui a été mon problème avec Gbagbo qui est mon condisciple parce que nous avons fait le lycée ensemble. Je ne peux pas dire que c'était un ami. Je le connaissais, c'était un condisciple. Il est un camarade, nous avons fait la gauche ensemble. N'oubliez pas que j'étais un homme de gauche. Je ne crois même plus à la gauche, du moins dans mon pays. Moi, j'étais Pit quand eux, étaient Fpi. Nous avons tout fait ensemble, j'ai participé à la marche du 18 février. Mais la loi, c'est la loi. Elle est dure mais c'est la loi.

Votre mandat était de trois (03) ans irrévocables. Mais vous avez été tout de même limogé ? Est-ce ce fait vous a choqué ?
Oui, cela m'a choqué. Mon mandat était de trois (03) ans. J'ai été nommé en mai 2009, donc je finissais en 2012. Mais ils ont fait fi de cela. Ils ont fait sortir un papier comme si le Cnp n'a jamais existé. Au bout de trois (03) ans, je partais ou on renouvelait mon mandat. Mais ils ont fait fi de cela comme si le Cnp n'existait pas, comme si je n'existais pas.

Le président Ouattara vient de mettre fin à cette injustice. Maintenant que vous revenez, dans quel état d'esprit allez-vous travailler ?
Je suis revenu pour continuer à travailler et surtout correctement. Au Cnp, nous sommes pour le professionnalisme, pour la pluralité et le pluralisme de la presse écrite. Je suis un homme qui suit la loi dans la discipline et pour tout le monde. Aujourd'hui, je suis revenu, je ferai la même chose. J'appliquerai la loi pour tout le monde. Je ne dirai pas parce que le président Ouattara nous a dit de revenir que je n'appliquerai pas la loi. D'ailleurs, je ne suis pas d'accord qu'on dise qu'il y a des journaux pour tel clan ou tel clan. Je demande l'utilisation de la déontologie et la loi sur la presse. C'est tout. Vous pouvez travailler comme vous voulez, mais dès l'instant où vous respectez le code de déontologie, vous respectez la loi sur la presse, vous n'avez aucun problème.

En votre absence, des journaux ont été fermés. Est-ce que cela vous a surpris ?
Cela ne m'a pas surpris. S'ils m'ont fait partir, c'est parce que je ne voulais pas prendre des sanctions contre certains journaux. Même si ces journaux n'avaient pas tort. Comment voulez-vous que je sanctionne des journaux qui n'ont pas tort alors qu'on me demande de ne pas sanctionner des journaux qui avaient tort ? C'est une décision qui ne m'a pas surpris. Ils ont sanctionné des journaux parce que c'était la raison du plus fort.

Il y avait, au Cnp, du temps de Debi Dally, une équipe de onze (11) membres. Comment allez-vous gérer cette situation ?
L'ordonnance qui est sortie dit que tout ce qui avait été mis en place avant le 5 décembre 2010 est nul et de nul effet. Donc il n'existe pas. Il appartient au ministre de la Communication sur proposition de certains organismes, la loi sur la presse dit que les organismes proposent au ministre de la Communication qui lui propose au chef de l'Etat qui adopte et met en place le nouveau conseil. Ceux qui étaient là avant, s'ils sont désignés par leur organisme, peut-être qu'ils reviendront mais cela m'étonnerait parce que d'autres avaient été désignés par leur organisme mais ils ont été balayés parce que leur tête ne plaisait pas. Je prends l'exemple de Patrice Pohé qui est un cas. Ce qui n'était pas normal.

Avez-vous des nouvelles de Débi Dally ?
Non, je ne sais pas où il est. Je téléphone à sa secrétaire mais personne ne répond. Il a la voiture de service. Je lui avais tout rétrocédé avant de partir.

Comment avez-vous pris possession du bureau ?
J'ai fait venir un huissier qui a tout relevé y compris ses affaires personnelles. Il a mis ses affaires dans un carton en présence de plusieurs personnes de la maison (Cnp). Et j'ai fait changer la serrure du bureau puisqu'il avait déjà changé la première serrure. Je suis venu changer à nouveau. Il a la voiture de service. Il parait qu'il a fait changer la plaque numérologique. Ce qui n'est pas normal.

Etes-vous dans l'attente de la passation de service ?
Il ne peut pas avoir de passation de service puisque la décision est nulle et de nul effet. Le ministre Hamed Bakayoko m'a dit qu'il n'y a pas de passation. Moi également, je le savais. Je viens m'installer au bureau comme avant. Peut-être qu'il ira à l'Aip, c'est là-bas qu'il était.

Les entreprises de presse ont repris leurs activités, mais il y a beaucoup de difficultés à cause des dégâts subis par Edipresse. Qu'entend faire le Cnp pour faciliter leur tâche ?
Mais il faut que le Cnp lui-même s'installe d'abord (Rire). Si le Cnp lui-même n'est pas assis, comment peut-il aider ? Ce qui est sûr, c'est le Cnp va se battre afin que la presse soit professionnelle. Vous savez que les ¾ d'Edipresse ont été détruits, donc il y a déjà des difficultés au niveau de la distribution. Les journaux qui sont sortis aujourd'hui (Ndlr : hier) vont être dans la périphérie d'Abidjan. Pour l'intérieur du pays, nous verrons. Personnellement, je n'avais pas pensé que tout cela allait aller si vite. Je ne savais pas que les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (Frci) allaient partir de l'intérieur du pays et allaient arriver à Abidjan en trois (3) ou quatre (4) jours. Je n'avais jamais pensé que tout cela allait se terminer aussi rapidement. Donc, il faut croire. Il y a eu beaucoup de morts, mais il y aurait pu avoir plus. La situation aurait pu être pire.

Et pourtant, on aurait pu faire l'économie de ces morts ?
Nous aurions pu éviter cette situation tranquillement parce que ce sont les élections. Moi, je ne fais pas de politique et le Cnp n'en fait pas. Mais nous sommes des Ivoiriens, tous observateurs, électeurs. Nous avons mis nos bulletins dans l'urne. Quand les élections proclament un vainqueur, il faut respecter le résultat. C'est tout. Ce n'est pas compliqué. Pensez-vous sérieusement que le Rdr et le Pdci se mettent ensemble, le président Bédié et Ouattara se mettent ensemble, est-ce que vous pensez que quelqu'un peut les battre ? C'est impossible. En plus de cela, quand on a signé des accords, il faut les respecter. L'on me parle du Conseil constitutionnel mais nous avons signé un accord qui dit qu'il fallait la certification de l'Onuci et tout le monde entier dit que c'est Ouattara qui a gagné. Vous savez, chez nous, on dit qu'une seule tête ne peut décider des affaires d'un pays, il faut plusieurs têtes pour pouvoir agir.

Monsieur le président, le monde entier a vu la capture de l'ex-président Laurent Gbagbo. Comment avez-vous regardé ces images ?
Il fallait éviter tout cela. Si on s'était arrêté au niveau du verdict des urnes où le perdant serre la main du vainqueur, et pour se donner rendez-vous dans cinq (5) ans. Ce n'est pas bien ces images, mais voir les images de quelqu'un en débardeur à la télévision, ce n'est pas plus choquant que voir des femmes aux mains nues tuées à Abobo, les tueries à Duékoué et à Guiglo.

C'est donc bien dommage ?
Oui, c'est dommage !

Interview réalisée par Djê KM
et Foumséké Coulibaly
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