Contribution

Laurent, la paix de ton esprit et de ton âme est encore possible !
Depuis cinquante ans qu'elle existe, les Ivoiriens ont vu à la télévision des files d'enfants, de femmes, de vieillards, d'hommes et même d'animaux fuyant les violences, la faim, la mort, en un mot : la guerre ! Mais cela se passait ailleurs en Afrique et ne risquait pas de leur arriver.
Aujourd'hui, ce sont eux qui sont sur les routes, les pistes et les sentiers de Côte d'Ivoire, en voiture, à moto, à bicyclette, en brouette ou à pied, les yeux hagards, rougis de larmes et de peur, les pieds enflés de fatigue et de maladie. Car la guerre est venue chez eux.
Oh non, elle n'est même pas venue d'ailleurs, cette guerre ! C'est toi, Laurent Gbagbo, qui la leur a déclarée.
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Les rues d'Abobo, de Cocody, de la Riviera, de Marcory, Yopougon, Port-Bouët II, Williamsville, Adjamé, Koumassi, Angré, Treichville, et aussi de Toulepleu, Zouin-Hounien, Doké, Duékoué, Guiglo, Yamoussoukro, Daoukro, Abengourou etc. sont jonchées de cadavres d'enfants, de femmes, de jeunes, de vieillards, parfois livrés aux charognards qui rôdent ou à l'incinération...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Un charnier de plus de cinquante corps criblés de balles, entassés dans une forêt voisine de la Maison d'Arrêt et de Correction d'Abidjan (MACA)...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
En zone Centre-Nord-Ouest (CNO), en ce 21ème siècle, au pays de feu Félix Houphouët-Boigny, des femmes et des enfants qui se suivent en portant sur la tête des seaux, des calebasses et des bidons remplis d'eau non potable de puits et de rivières...
Les habitations, les hôpitaux, les échoppes, les boutiques, les pharmacies, les restaurants, dans les villes, les villages et les hameaux, éclairés à l'aide de bougies et de lampes à pétrole...
Laurent, pour leur avoir coupé l'eau et l'électricité, à ces populations de ton propre pays, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'Ivoire !
Une multitude de femmes innocentes, ne présentant aucun danger, décapitées, éventrées à la roquette et aux mortiers d'obus dans une marche pacifique à Abobo...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des étudiants transformés en miliciens armés dans des campus universitaires devenus caches d'armes, poudrières et repères de mercenaires…
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
D'innocentes populations soumises au « supplice du pneu », transformées en brasier humain consumant sous les ovations et l'étroite surveillance de « patriotes-miliciens » débordants de haine…
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des compatriotes de la sous-région pourchassés, pillés et assassinés par des « jeunes patriotes », contraints de chercher refuge par milliers dans leurs consulats et ambassades, à défaut de pouvoir quitter le pays…
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des étrangers notamment Français, Béninois et Malaisiens, enlevés en plein jour dans un hôtel de la place et disparus depuis lors sans laisser la moindre trace…
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des corps d'hommes de Dieu, guides religieux musulmans, de jeunes fidèles musulmans et d'une mère de plus de 100 ans, criblés de balles, alignés à la mosquée pour la prière mortuaire devant des dizaines d'autres fidèles invoquant le repos de leurs âmes...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des lieux de culte et des livres saints, notamment musulmans, attaqués, profanés, saccagés et brûlés...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des cimetières et des tombes profanées, des morts « réveillés » par des tirs assourdissants d'obus et de kalachnikovs...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Un avion présidentiel transportant « ton » Premier Ministre et les membres de son cabinet, attaqué à la roquette à son atterrissage à l'aéroport de Bouaké, entraînant de nombreux morts et blessés graves...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des journalistes à la tête froidement explosée par la balle de l'un de tes fidèles « policiers patriotes » ou qui disparaissent simplement dans la filière café/cacao...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Neuf militaires français déchiquetés et d'autres grièvement blessés par une bombe lâchement lancée de l'un de tes avions d'attaques « Sukkoï » au dessus de Bouaké...
Des populations civiles de Bouaké et de la Zone CNO tuées sans discernement dans des bombardements intensifs de tes mêmes avions d'attaques « Sukkoï »...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Un ancien Chef de l'Etat froidement assassiné avec toute sa famille et son personnel de maison (dix-huit personnes au total) dont le corps, simplement vêtu d'un pyjama, est jeté au bord de la route...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des magistrats des plus hautes juridictions du pays instrumentalisés pour organiser une élection « calamiteuse » en ta faveur, ou bien pour voler le vote de centaines de milliers d'Ivoiriens en vue de ta confiscation du pouvoir...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des populations civiles violemment assassinées en 2000, 2001, 2002, 2004, 2010 et 2011 notamment, aux seules fins de conserver le pouvoir d'Etat et en exécution de ton mot d'ordre « Mille morts à droite, mille morts à gauche, moi j'avance ! »...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des escadrons de la mort dans les rues d'Abidjan et des dizaines d'innocents citoyens enlevés, mutilés pour les plus « heureux », assassinés froidement et sommairement sinon simplement disparus à jamais pour les autres...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Un énorme bateau du nom de Probo Koala, débordant de déchets toxiques déversés « judicieusement » à divers endroits de la ville d'Abidjan après un long voyage depuis Amsterdam (Pays-Bas). Les morts innombrables qui s'ensuivent, les séquelles graves et multiformes, des nouveaux nés atteints d'horribles malformations...
Des indemnisations versées pour le compte des victimes pour un montant d'au moins cent milliards de francs CFA et réparties de la façon la plus opaque et la plus discriminatoire...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
« Quelques » crimes économiques dans les filières café/cacao et pétrole en particulier, au détriment des sociétés d'Etat, avec à la clé plusieurs milliards en euros, dollars, yen chinois, francs suisses, roubles russes, entassés dans les comptes de banques étrangères, notamment en Suisse, pour environ cinq milliards d'euros soit un peu plus de trois mille deux cent cinquante milliards de francs CFA...
Laurent, toi « l'enfant de pauvre qui n'a qu'un seul compte en Côte d'Ivoire à la SGBCI et aucun hors du pays », voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire : plus de trois cent vingt cinq milliards de francs CFA (cinq cent millions d'euros) volés à la Côte d'Ivoire chaque année pendant tes dix ans au pouvoir !
La Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) braquée. Les banques commerciales braquées. La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) braquée...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des tonnes d'armements lourds et de munitions évalués à plus de quatre cents milliards de francs CFA, achetées pour la seule défense de ton fauteuil présidentiel, et pour assassiner le Peuple que tu exigeais de gouverner...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
L'adultère officialisé au sommet de l'Etat, au nez et à la barbe du Nonce apostolique, doyen du corps diplomatique accrédité en Côte d'Ivoire et de l'église protestante évangélique...
Laurent, toi le chrétien, l'ami du Cardinal Agré et de Monseigneur Kutwa, le mari légal de Simone, Marraine des pasteurs évangéliques de Côte d'ivoire, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Une pâte de « boulanger » qui semblait inépuisable, pétrie avec l'art d'un Maître Boulanger pendant vingt et un ans, de 1990 à 2011, pour commettre le hold-up électoral de l'an 2000 ; pour reporter environ six fois l'élection présidentielle entre 2005 et 2010 ; pour finalement braquer l'élection présidentielle du 28 novembre 2010 puis enflammer la Côte d'Ivoire dans un feu d'artifice mortel...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Des dizaines de médiateurs et de négociateurs, tous enfarinés les uns après les autres, et quelques fois même emballés en rouleaux de printemps et trempés dans leur jus...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Ta chute grandiose et pathétique le 11 avril 2011, ce même 11 avril (1814) où Napoléon abdique et est exilé à l'île d'Elbe ; ce même 11 avril (1946) où le travail forcé est aboli par la loi Houphouët-Boigny ; ce même 11 avril (1979) où Idi Amin Dada fuit Kampala, la capitale ougandaise...
Extrait du bunker présidentiel comme un forcené hagard, en compagnie de l'exaltée Simone, passionaria tragique et meurtrière, « emballé » dans un lourd gilet pare-balles puis coiffé d'un casque à l'épreuve des projectiles les plus mortels...
Laurent, voici l'image que tu laisses et que la postérité retiendra dans l'histoire de la Côte d'ivoire !
Oui Laurent, oui, toi l'historien! Tu le sais, le passé est indélébile et aucun de ces faits ne disparaitra dans la mémoire du temps pour apaiser ton esprit et ton âme !
Vois toi-même :
A-t-on oublié l'exode des Dahoméens de Côte d'Ivoire dans les années soixante ?
A-t-on oublié l'exode des ghanéens à la suite d'un certain match de football Asec/Kotoko ?
A-t-on oublié le « massacre des Guébiés » ?
A-t-on oublié la marche des femmes sur Grand-Bassam ?
A-t-on oublié le complot de 1963 ?
Et pourtant, Laurent, la paix de ton esprit et de ton âme est encore possible.
Pour cela, tu dois confesser la Vérité au Peuple que tu as eu le privilège de diriger pendant dix ans !
Tu dois avouer ta part de responsabilité dans l'ivoirité dont tu es le géniteur camouflé depuis 1990, l'année où tu réclamas publiquement l'exclusion des « étrangers » de la vie politique ivoirienne, et où tu indexas déjà le premier, M. Alassane Ouattara, comme un « étranger ».
Tu dois avouer ta responsabilité dans l'ivoirité que ton parti politique le FPI et toi-même avez introduite dans la Constitution falsifiée de l'an 2000.
Tu dois avouer ta responsabilité dans l'ivoirité que tu as légalisée dès après ton accession calamiteuse au pouvoir d'Etat en l'an 2000.
Tu dois avouer tes crimes de ces dix dernières années.
Tu dois avouer ton coup d'état militaro-électoral d'octobre 2000.
Tu dois avouer ta défaite électorale du 28 novembre 2010.
Tu dois délivrer la Côte d'Ivoire du manteau de haine, de xénophobie, de division, d'exclusion, de mensonge, de médiocrité, de manipulation, de corruption en tout genre, de népotisme, de négation de la sacralité de la vie humaine, que ton règne a jeté sur la Nation !
Tu dois demander le pardon des vivants, des blessés et des morts afin que tout soit consigné et que l'on puisse y recourir en cas de besoin, avant de te tourner vers ton destin et de l'affronter en toute responsabilité.
Responsabilité qui t'offrira une sortie honorable mais, beaucoup mieux, la paix de ton esprit et de ton âme.
Me Fakhy KONATÉ
Avocat
Commissaire National des Droits
de l'Homme (CNDH-CI)
Abidjan - Côte d'Ivoire