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Société Publié le samedi 30 avril 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Ediémou Blin Jacob, président du Forum des confessions religieuses rassure : "Nous allons prier pour que Alassane Ouattara achève son mandat dans la paix"

© L’intelligent d’Abidjan
Crise post-électorale : Images de l`inhumation de l`Imam Cissé et de sa famille assassinés à Williamsville
Lundi 21 mars 2011 à Abidjan :Ediémou Blin Jacob, Pdt du Forum des Confessions religieuses lors des funérailles de l`Imam Cissé
Redoutée de tous, mais réclamée par les extrémistes des deux camps, l’option militaire a pris le pas sur celle politique pour le dénouement de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Dans cet entretien, Ediémou Blin Jacob, président du Forum des confessions religieuses lève un coin de lève sur la complexité de leur tâche pour empêcher le crépitement des armes. Le leader du Christianisme céleste de Côte d’Ivoire se confie à l’Intelligent d’Abidjan et fait des révélations…

Quel regard porte l’homme de Dieu que vous êtes sur la crise postélectorale ivoirienne qui a viré à la belligérance armée ?
Il faut dire d’emblée que Dieu ne fait rien sans au préalable révéler ce qu’il doit faire. En nous créant à son image et à sa ressemblance, Dieu manifeste sa bonté pour nous. Ce qui arrive en Côte d’Ivoire actuellement n’est pas nouveau. Dieu a béni la Côte d’Ivoire. Le président Houphouët-Boigny a eu la grâce d’être dans la bénédiction par l’Amour, l’ouverture, la fraternité entre les différents peuples et citoyens. Depuis sa mort, aucun de ses successeurs n’a terminé son mandat. Il faut s’interroger. Ce n’est pas fortuit. Dieu a béni la Côte d’Ivoire et il était bon pour ce pays, pour tous ses fils et ses filles de rester dans cette bénédiction. Mais ce ne fut pas le cas. On a cherché la colère de Dieu par le rejet de l’autre, la division. On a tourné le dos aux commandements et préceptes divins. Notamment l’amour, le pardon, la tolérance, la spiritualité et surtout le vivre ensemble. La Côte d’Ivoire était une oasis. Mais, dès qu’Houphouët est mort, on a sorti le concept de l’Ivoirité. On ne connaissait pas qui est qui, qui vient d’où. On vivait ensemble avec nos différences et dans nos différences. C’était le vivre ensemble. Dieu ordonne de ne pas aller contre ce qu’il a établi. Si on agit ainsi, le diable passe aux commandes de la nation. Quand un peuple est dans la grâce, il faut continuer dans la bonté, il faut toujours réjouir Dieu et faire sa volonté. Cette crise a donc été révélée d’avance. A la lumière de la parole de Dieu, elle était prévisible. Car les germes de la division étaient dans la nation et dans le cœur des Ivoiriens. Et partant, des acteurs politiques. Ce qui importe aujourd’hui, c’est de ne pas s’arc-bouter sur le passé. Il faut en tirer des enseignements et avancer. C’est pourquoi nous allons prier pour que le président Alassane Ouattara achève son mandat dans la paix pour le bonheur des Ivoiriens. Nous allons prier pour qu’il échappe au sort de ses prédécesseurs qui n’ont pu achever leur mandat depuis la mort du président Houphouët-Boigny. Bédié n’a pu terminer son mandat suite au coup d’Etat de 1999. Le Gl Guéi n’a pu avoir un mandat en tant que tel quand il a perdu le pouvoir en 2000. Le président Gbagbo de son côté, n’a pu terminer son mandat avec la rébellion de 2002.

Quels sont les défis qui attendent le président Ouattara ?
Il y a prioritairement trois grands axes. Ce sont la sécurité, la réconciliation et la reconstruction nationale. Mais avant la reconstruction, il faut d’abord réconcilier les Ivoiriens dans leurs différences. Il faut les réunir tous avec leurs différences autour de la mère-patrie pour la reconstruire ensemble. Déjà le président Alassane Ouattara a posé des pas qui augurent que ce pari est à portée de main. Il a donné des instructions fermes pour que l’intégrité physique de son prédécesseur Laurent Gbagbo soit respectée et cela a été fait. Puis, il s’est engagé à le traiter conformément à son statut d’ancien Chef de l’Etat. Nous apprécions ces gestes à leur juste valeur. Car pour nous, il faut tout faire pour éviter à la Côte d’Ivoire notre pays de nouveaux lendemains malheureux et douloureux. Moi, Ediémou qui aimait la bagarre hier, si tu me gifles aujourd’hui, je te dis merci. Vous savez là où Dieu bénit, Satan maudit. Et il faut veiller à ce que Satan ne nous manipule pas pour détruire notre pays. Dieu, c’est l’addition (l’union des différences), la multiplication (le brassage, le vivre ensemble). C’est cela que le diable, qui est la soustraction et la division, détruit en semant dans les cœurs la rancœur, le mépris et la haine pour l’autre. Moi, ma paroisse a été fouillée de fond en comble par des éléments des forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) au motif qu’ils recherchaient des armes de guerre des miliciens pro-Gbagbo. Ils ont fouillé, ils n’ont rien trouvé parce qu’il n’y a rien ici et ils sont partis. J’ai déploré l’acte de violation de l’édifice religieux mais je pardonne. Il faut éviter la guerre religieuse en Côte d’Ivoire. Cette guerre n’a pas de fin. Car la foi n’est pas une affaire d’amusement. Nous les religieux, réunis au sein du Forum des confessions, avons tout fait depuis 2002 pour qu’il n’y ait pas cette guerre-là dans notre pays. Mais ceux qui travaillent dans ce dessein macabre, ceux qui posent des actes de violation de l’édifice religieux, d’enlèvement de dignitaires spirituels et leurs assassinats sont sans foi et sont en réalité instrumentalisés par le diable. Ce qui s’est passé dans ma paroisse n’est pas pire. Souvenez-vous que des Imams ont été tués soit dans le lieu de culte soit à leurs domiciles.

La condamnation semble n’avoir pas été ferme dans le milieu chrétien…
C’est une lecture qui n’est pas juste. Nous avons catégoriquement déploré et condamné ces actes. Et nous remercions les dignitaires musulmans du CNI et du Cosim qui ont appelé leurs fidèles à la retenue, au calme. Et non à la vengeance et à des actes de représailles contre les symboles des autres confessions religieuses. C’est là un fruit du travail du Forum qui est hélas royalement ignoré par l’Etat qui n’a pas jugé opportun de le doter d’un siège ou de lui allouer un budget de fonctionnement. Il y a des gens justes dans ce pays. Pour eux, Dieu aura toujours sa main sur le pays.

Dans l’opinion, votre image est quelque peu écornée. Les Ivoiriens estiment que vous êtes amorphes voire laxistes. D’autres vous jugent évasifs dans vos prises de position. En clair, nos dignitaires religieux sont des militants…
Ceux qui nous accusent font de la philosophie. Or, la religion, c’est du concret et non la spéculation. Chez nous, on dit quand tu envoies le cheval au bord de l’eau, il ne faut pas l’obliger à boire. Le cheval qui n’est pas aveugle voit lui-même l’eau. Si tu l’obliges à boire l’eau que lui-même voit, soit il va mal boire et se faire mal pour te créer des problèmes. Soit il ne va pas boire pour te tenir tête et t’énerver. Alassane Ouattara et Gbagbo sont tous les deux des croyants. Pourquoi n’appliquent-ils pas les commandements divins, les enseignements que nous leur donnons ? C’est trop facile de nous accuser de religieux politiciens ou de religieux militants. Les Ivoiriens parlent mais ils ne connaissent pas Dieu. Il ne nous appartient pas d’imposer nos vues aux acteurs politiques. Le bon religieux prêche et c’est aux fidèles d’accepter la parole. C’est Dieu qui touche le cœur et non l’Imam, le Pasteur ou le Prêtre. Je vous dis qu’on n’oblige pas un cheval qu’on a conduit au bord de l’eau à boire. Gbagbo est Chrétien. Il a la foi. Il sait ce que Dieu prescrit. Aime ton prochain comme toi-même ; aime ton ennemi…, il sait tout cela. Il a embrassé une carrière d’homme politique. Or la politique n’a pas de religion. L’homme politique connaît Dieu mais, il fait la politique qui elle ne connaît pas la religion. Ce que tout politicien connaît, c’est comment gagner, comment battre son adversaire et la manière importe peu. Il doit gagner : c’est cela la règle. Le président Ouattara, c’est pareil. Il est musulman. Et la seule salutation de l’Islam est un appel à la fraternité entre les hommes, créatures de Dieu. Assalam Aleykoum n’est rien d’autre que la paix et le salut de Dieu sur son frère. Ouattara le sait. Mais, il fait la politique. Tout comme Gbagbo, il gère son Dieu dans son cœur. Ils sont tous des croyants. On nous accuse à tort.

Si on suit bien, l’opinion vous fait un faux procès…
Absolument. En 2002, au prix de nos vies, nous sommes allés à Bouaké puis à l’Ouest. Nous avons préparé le terrain du dialogue direct Gbagbo-Soro. Personne ne voulait à l’époque en entendre parler. Nous avons arrêté la guerre inter communautaire à l’Ouest. Où étaient ceux qui nous vilipendent aujourd’hui ? Les Ivoiriens sont prompts à critiquer l’autre sans reconnaître les efforts déployés. Ils voulaient à tout prix des élections. Ils les ont eues. Que nous veulent-ils ? Dans aucun pays, il n’y a eu une mobilisation aussi exceptionnelle autour des élections. Quatorze candidats, avec plus de 80% de taux de participation au premier comme au second tour. Ce furent des élections de qualité mais, le résultat final a été bâclé par la CEI et le Conseil constitutionnel. Ces deux institutions n’ont pas été républicaines au deuxième tour. Si bien qu’on s’est retrouvé avec deux résultats contradictoires. En outre, il y a eu un goût d’inachevé dans le travail du panel de haut niveau pour n’avoir clairement pas dit parmi les trois acteurs clés du processus (CEI, Conseil constitutionnel et certification onusienne), la voix de la structure qui compte. Si cela avait été fait, nous aurions été à l’aise pour demander à celui qui n’a pas les faveurs des textes de s’effacer pour sauver le pays sans recours aux armes. La politique, c’est l’art de déplacer les solutions. Or, nous les religieux sommes directs et véridiques. Mais, quand tu dis la vérité, surtout celle de l’Ivoirité, on te taxe d’être de tel ou tel autre camp. Ou on t’accuse d’avoir été corrompu. Moi, j’ai été à maintes fois accusé d’avoir reçu de l’argent d’Alassane Ouattara pour le défendre. J’entends dire que j’ai reçu tantôt 30 millions, tantôt 40 ou 50 millions F Cfa. Il n’en est rien. Ces accusations tendancieuses et malveillantes ont pris Abidjan. Et le jour que je vais rencontrer Alassane Ouattara, je vais lui dire, on dit que tu m’as donné de l’argent. Comme je n’ai jamais rien reçu, donne-moi ce que la rumeur rapporte que tu m’aurais offert. Non, soyons sérieux ! Arrêtons de vilipender les religieux.

Avez-vous un appel à lancer ?
Nous sommes soucieux du devenir de notre pays. C’est pourquoi j’appelle tous les Ivoiriens au sursaut citoyen en mettant en avant l’intérêt du peuple. Nous sommes des frères dans ce pays. Le diable veut que nous nous détruisions. La vie est un don de Dieu. Les catastrophes naturelles déciment des milliers de vies ailleurs. Ici, Dieu nous épargne de cela. Pourquoi, devons-nous nous entretuer ? Ne laissons pas le diable nous utiliser pour nous détruire. Il ne faut pas que la politique change les enfants de Dieu que nous sommes en enfants du diable. Les Ivoiriens dans leurs différences et avec leurs différences n’ont pas d’autres choix que de se parler et de faire la paix. Courageusement. Si nous voulons faire seulement notre volonté, la Côte d’Ivoire sera maudite. N’endurcissons pas nos cœurs de haine et de rancœurs. N’entraînons pas la colère de Dieu. Au contraire, cherchons sa miséricorde pour nous sauver du déluge.
Réalisé par M Tié Traoré
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