C`est connu depuis le samedi dernier. Après l`avoir annoncé, le nouveau président de la République ivoirien a révélé le nom de la personnalité sur qui il a porté son choix pour conduire le processus de réconciliation en Côte d`Ivoire. Charles Konan Banny, c`est de lui qu`il s`agit, a été désigné président de la commission ``Dialogue, Vérité et Réconciliation`` que vient de mettre sur pied le successeur de Laurent Gbagbo. On le pressentait à la Primature promis à son parti, le PDCI-RDA, au cours des ralliements pour le 2ème tour de la présidentielle. Mais, les exigences du moment l`ayant contraint à garder au poste de Premier ministre le sortant Guillaume Soro, leader des Forces nouvelles (ex-rébellion), le président Alassane Ouattara a choisi de lui confier la charge de restaurer la cohésion brisée des Ivoiriens pendant ces dernières décennies, particulièrement au cours des récents événements dramatiques. Un choix qui ne surprend guère, pour qui sait la nécessité du nouveau dirigeant de respecter sa parole donnée à son plus grand allié politique. Mais, en fait, c`est un véritable challenge qui échoit à l`ex-gouverneur de la Banque centrale des Etats de l`Afrique de l`ouest (BCEAO), présent dans le pays les 5 années passées, pour participer à la vie de la Côte d`Ivoire. Charles Konan Banny peut-il réussir cette tâche difficile que lui confie celui qui passe pour être un de ses grands amis dans le milieu des finances, hier ? Est-il vraiment l`homme de la situation? Est-ce le choix idéal pour recoller les morceaux d`une société ivoirienne encore plus en lambeaux, après la tentative avortée en 2001 du ``Forum pour la réconciliation nationale`` créée en son temps par l`ex- président déchu et confié à l`ancien Premier ministre Seydou Elimane Diarra? Natif de Yamoussoukro, l`homme qui a à charge depuis samedi de donner à la Côte d`Ivoire la stature d`une vraie nation, de par l`unité et l`harmonie au sein de ses habitants, peut compter sur certains avantages. Ressortissant du centre du pays, mais également de de l`ethnie Baoulé du grand groupe Akan, il a la chance d`être issue d`une communauté peu problématique quand on parle de conflit tribal aigu sur le sol ivoirien. Le peuple Baoulé ne se caractérise-t-il pas par son pacifisme et son ouverture aux autres peuples du pays? Aussi, un membre de cette communauté, qui plus est du centre, pour rapprocher le Nord et le Sud, qui se vouent une antipathie depuis un bon moment, est un choix bien pensé au départ par les dirigeants actuels. Ce choix est d`autant plus judicieux que l`on ne peut ignorer la tradition de ``l`arbre à palabre`` cultivée en pays Akan, cette sagesse qui appelle toujours à laver le linge sale en famille. Banny saura-t-il puiser dans cet héritage culturel pour réconcilier les Ivoiriens? L`on est en droit de se fier, a priori, à l`âge (69 ans bientôt) et à l`expérience de l`homme, descendant d`une lignée de chefs, très proche de la grande famille Houphouët-Boigny (père de la nation ivoirienne, ``apôtre du dialogue et de la paix``) dont il est l`un des purs produits et héritiers politiques. Premier ministre ivoirien de 2006 à 2007, Charles Konan Banny a un passé récent qui peut militer en sa faveur. Il aura été l`un des acteurs clés dans la tentative de dénouement de la crise militaro-politique en Côte d`Ivoire. L`homme qui a prôné, dans sa fonction de Premier ministre, ``le tandem`` au sommet de l`Etat avec le président d`alors, Laurent Gbagbo, pour décrisper l`atmosphère entre lui et celui-ci, après lui avoir été imposé par la communauté internationale pour conduire le processus de sortie de crise, a toujours un tour de main dans le sac. D`ailleurs, c`est lui qui va être le premier à réussir un rapprochement entre les principaux protagonistes de cette crise peu après sa succession à Seydou Diarra. On se rappelle encore de cette rencontre historique dite des ``4 grands`` (Gbagbo, Bédié, Ouattara et Soro), le mardi 28 février 2006, au pied de la Basilique ``Notre Dame de la Paix`` à Yamoussoukro, qui va constituer le véritable déclic de la tombée du mur de méfiance entre les parties au conflit pour ensuite se traduire en des actes de décrispation précurseurs du retour à la paix. Nanti d`une forte personnalité, Charles Konan Banny a du coffre pour conduire la mission que lui assignent les nouveaux dirigeants du pays. Le pilote du ``train de la réconciliation``, à l`époque de sa gestion à la Primature, n`a été rappelé, en réalité que dans sa cabine pour assurer un devoir déjà entamé mais inachevé en son temps. Toutefois, il faut se méfier cette fois du folklore qu`on a connu dans sa primature plus que des actes qui ont fait avancer le processus entre ses mains. En plus, si sa fougue à la tâche est un atout pour M. Banny, elle peut constituer pour lui une faiblesse. L`ex-Premier ministre a bien des fois eu du mal à se contenir, et l`on peut craindre que cette difficile maîtrise de soi puisse lui jouer un bien vilain tour dans sa nouvelle mission qui appelle à la pondération et à l`humilité. En plus, l`échec de son tandem avec le chef de l`Etat déchu a laissé une toute autre image dans les esprits des partisans de ce dernier, qui voient en lui une personnalité marquée et partisane, plus qu`un interlocuteur fiable pour une réconciliation vraie. Membre influent du PDCI, figure de proue du Rassemblement des Houphouétistes qui a adoubé la candidature de l`actuel président de la République, ces données ne vont pas faciliter la tâche au président de la commission ``Dialogue, Vérité et Réconciliation``. Cette commission qu`il va falloir diriger avec beaucoup de dextérité et de baraka pour convaincre les Ivoiriens quant à une volonté réelle de les réconcilier. Notamment après ces longues années de frustrations accumulées, d`injustices subies çà et là, mais aussi et surtout ces nombreux morts durant ces décennies où la vie en Côte d`Ivoire ne rime plus qu`avec politique, tentatives de coups d`Etat, rébellion et autres violations des droits humains. Charles Konan Banny réussira-t-il à relever ce gros défi, désormais entre ses mains? En tout cas, ce sera un grand coup qui sonnera comme un tremplin pour le natif de Yamoussoukro encore dans l`anti-chambre de la Primature après Guillaume Soro, et pourquoi pas pour les futures joutes présidentielles à venir.
Félix D.BONY
Félix D.BONY
