Après quatre mois passés loin de son bureau, le président du Cnp, Eugène Dié Kacou, revient sur l’épisode de sa démission. Ses rapports avec Laurent Gbagbo et le rôle de la presse ivoirienne dans le processus de réconciliation prôné par le président Ouattara.
l Comment avez-vous passé votre temps après votre démission par Ouattara Gnonzié au plus fort de la crise post-électorale ?
Quand j’ai été démis par M. Ouattara Gnonzié et le président Gbagbo, parce que j’avais été nommé par décret et qu’il a fallu un décret pour me démettre, le président Ouattara avait dit que c’était nul et de nul effet. Comme c’était lui le président élu, je me considérais comme étant toujours président du Cnp. Seulement je n’ai pas voulu faire, à 66 ans aujourd’hui, la bagarre sur ceci ou cela. Aussi, ce que les gens ne savent pas, c’est que j’étais menacé. Ma famille était menacée. Mes petits enfants et mes enfants étaient en péril. On me mettait en garde, si je faisais quoi que ce soit, parce qu’on me connaît de caractère, de les prendre en otage ou de les tuer. C’est ainsi que j’ai décidé de partir tranquillement. J’ai fait une passation en sachant pertinemment que cela n’allait rien changer puisque dès que le président Ouattara allait prendre sa place, je reviendrais à mon poste. Et, c’est ce qui s’est passé. Non seulement le ministre Hamed Bakayoko avait rejeté la décision, mais le président a pris un décret pour signifier que cette décision était nulle et de nul effet. Figurez-vous que des gens sont venus chez moi pour tirer des coups de feu.
l Et pourtant, vous êtes un ami de longue date du président Gbagbo…
Nous sommes condisciples. Nous avions fait l’école ensemble. Nous nous fréquentions. Nous avions mis en place, quand il a été élu, le club des caïmans (anciens du lycée classique d’Abidjan) pour l’aider à travailler. Nous nous sommes dit que s’il y avait un problème il pouvait compter sur nous. Mais, nous nous sommes aperçus très vite, qu’on voulait faire de nous des militants du Front populaire ivoirien (Fpi). Moi je ne suis pas un militant du Fpi. Et en plus, ici au Cnp, on est apolitique. Alors qu’on voulait m’obliger à prendre des sanctions contre certains et ne pas en prendre contre d’autres. Or, ce n’est pas ce que la loi me dit. C’est sur ce point que nous nous sommes affrontés. J’ai dit la loi, elle est dure mais c’est la loi. Elle est faite pour tout le monde. Si je prends des sanctions contre tel journal, il n’y a pas de raison que je n’en prenne pas contre un tel autre. On ne s’est pas entendu là-dessus, mais moi, c’est comme cela que je suis. Nous venons de célébrer, mardi, la Journée de la liberté de la presse.
l Quel est l’état des lieux de la presse ivoirienne après cinq mois de crise post-électorale ?
A un certain moment, tout se passait bien. Pendant les élections, les choses allaient tout de go même si là encore, le Cnp est allé contre ce que voulait faire La majorité présidentielle (Lmp). Parce que nous devrions faire passer dans le journal gouvernemental Fraternité matin, des déclarations de candidats. Il s’est trouvé que le Conseil national de la communication audiovisuelle (Cnca), a pris une décision de faire passer le candidat de Lmp en dernière position. Alors que ce que les lecteurs ou téléspectateurs lisent ou regardent en dernière position leur reste dans la tête. Nous avons choisi de tirer au sort. Déjà là, nous avons eu des problèmes avec Lmp. D’où leur refus de faire passer la déclaration de leur candidat. Pendant les élections, nous avions fait en sorte que la presse soit unie. Tout s’est donc bien passé jusqu’à ce qu’il y ait les résultats et que le président Gbagbo les conteste. Alors qu’ils étaient clairs et que la presse soit encore divisée en presse pro-Gbagbo et pro-Alassane. Sinon, la presse ivoirienne commençait à très bien se comporter.
l Et aujourd’hui, quel est le constat ?
Nous avons des problèmes comme nous en avons eu en 2004. Car, il ne faut pas oublier qu’en 2004 le constat était le même. Certaines personnes parlent comme si cela commençait aujourd’hui. En 2004, avec les patriotes et tout ce qui s’en est suivi, des journaux ont été pillés. Il y a eu un qui n’est plus revenu sur le marché. En ce moment, j’ai demandé à Diégou Bailly qui était au Cnca et à Samba Koné qui était à l’Olped que nous produisions un texte pour dénoncer cela. Nous avons pris rendez-vous avec le président Gbagbo pour lui rendre compte. Il n’y a pas eu de suite, mais nous l’avons dénoncé. Aujourd’hui, il y a des pillages, des excès. Des rédactions ont été mises à sac. Nous le condamnons. Nous avons publié deux communiqués. Le Cnp est là pour le pluralisme et pour la pluralité. Nous ne pouvons pas accepter de voir que des journaux qui vont tous dans le même sens. Nous nous battons. Mardi, nous avons fait venir le ministre Hamed Bakayoko. Nous lui avons posé le problème et nous allons prendre un nouveau rendez-vous pour aller voir et essayer de faire quelque chose pour les journaux qui ne sortent pas actuellement. Mais, ils ne sont pas les seuls. Même ceux qui sortent ont des problèmes. Nous allons poser le problème de façon globale. Sinon laisser les choses prendre une seule direction, ne servira à rien. Nous nous sommes battus depuis 1990 pour le pluralisme et nous n’allons pas, aujourd’hui, perdre tout cela.
l Le ministre Hamed Bakayoko dans sa déclaration, mardi, a dit et je cite : « Nous ne rentrerons pas dans des discours politiciens du genre on ne mettra pas un journaliste en prison ». Qu’en pensez-vous ? Est-ce la fin de la loi sur la peine privative d’emprisonnement des journalistes obtenue après plus de vingt ans de combat ?
Non je ne crois. Et, attention à une mauvaise interprétation des propos du ministre Hamed Bakayoko. Il n’a pas dit que la peine privative des libertés était mauvaise. Il a dit que même s’il y a cette loi, il faut que les journalistes sachent que là où commence la liberté de quelqu’un, c’est là où commence celle de l’autre. Il ne faut pas croire que parce qu’on dit qu’on ne met pas un journaliste en prison qu’il faut écrire n’importe quoi. Il y a des confrères qui trempent leur plume dans du vitriol pour écrire. La peine privative dit qu’on ne vous met plus en prison pour vos écrits, mais on peut vous condamner, par exemple, à payer 10 millions. Si vous ne pouvez pas payer les 10 millions, on vous mettra en prison. La meilleure des conduites, c’est de respecter le code de la déontologie, l’éthique et la loi sur la presse. Le ministre, ni le président Ouattara ne veulent faire reculer la presse. Au contraire.
l Dans ce contexte de réconciliation prônée par le président, quelle doit être l’attitude des hommes de presse ?
Au niveau de la presse, il faut la solidarité. Certains, aujourd’hui, ne peuvent pas travailler, il faut aider ceux qui ont peur et qui vivent cachés à sortir. Qu’on discute avec eux. Que les gens sachent que la presse est unie. Si nous pouvons les aider pour qu’ils puissent travailler, nous devons le faire. Une rédaction comme Notre Voie emploie plus de 100 travailleurs. Donc nourrit plus de 1.000 personnes. Il faut que nous soyons solidaires. Il faut faire en sorte que la presse soit professionnelle, mais aussi qu’elle soit là, plurielle.
Entretien réalisé par Sanou A.
l Comment avez-vous passé votre temps après votre démission par Ouattara Gnonzié au plus fort de la crise post-électorale ?
Quand j’ai été démis par M. Ouattara Gnonzié et le président Gbagbo, parce que j’avais été nommé par décret et qu’il a fallu un décret pour me démettre, le président Ouattara avait dit que c’était nul et de nul effet. Comme c’était lui le président élu, je me considérais comme étant toujours président du Cnp. Seulement je n’ai pas voulu faire, à 66 ans aujourd’hui, la bagarre sur ceci ou cela. Aussi, ce que les gens ne savent pas, c’est que j’étais menacé. Ma famille était menacée. Mes petits enfants et mes enfants étaient en péril. On me mettait en garde, si je faisais quoi que ce soit, parce qu’on me connaît de caractère, de les prendre en otage ou de les tuer. C’est ainsi que j’ai décidé de partir tranquillement. J’ai fait une passation en sachant pertinemment que cela n’allait rien changer puisque dès que le président Ouattara allait prendre sa place, je reviendrais à mon poste. Et, c’est ce qui s’est passé. Non seulement le ministre Hamed Bakayoko avait rejeté la décision, mais le président a pris un décret pour signifier que cette décision était nulle et de nul effet. Figurez-vous que des gens sont venus chez moi pour tirer des coups de feu.
l Et pourtant, vous êtes un ami de longue date du président Gbagbo…
Nous sommes condisciples. Nous avions fait l’école ensemble. Nous nous fréquentions. Nous avions mis en place, quand il a été élu, le club des caïmans (anciens du lycée classique d’Abidjan) pour l’aider à travailler. Nous nous sommes dit que s’il y avait un problème il pouvait compter sur nous. Mais, nous nous sommes aperçus très vite, qu’on voulait faire de nous des militants du Front populaire ivoirien (Fpi). Moi je ne suis pas un militant du Fpi. Et en plus, ici au Cnp, on est apolitique. Alors qu’on voulait m’obliger à prendre des sanctions contre certains et ne pas en prendre contre d’autres. Or, ce n’est pas ce que la loi me dit. C’est sur ce point que nous nous sommes affrontés. J’ai dit la loi, elle est dure mais c’est la loi. Elle est faite pour tout le monde. Si je prends des sanctions contre tel journal, il n’y a pas de raison que je n’en prenne pas contre un tel autre. On ne s’est pas entendu là-dessus, mais moi, c’est comme cela que je suis. Nous venons de célébrer, mardi, la Journée de la liberté de la presse.
l Quel est l’état des lieux de la presse ivoirienne après cinq mois de crise post-électorale ?
A un certain moment, tout se passait bien. Pendant les élections, les choses allaient tout de go même si là encore, le Cnp est allé contre ce que voulait faire La majorité présidentielle (Lmp). Parce que nous devrions faire passer dans le journal gouvernemental Fraternité matin, des déclarations de candidats. Il s’est trouvé que le Conseil national de la communication audiovisuelle (Cnca), a pris une décision de faire passer le candidat de Lmp en dernière position. Alors que ce que les lecteurs ou téléspectateurs lisent ou regardent en dernière position leur reste dans la tête. Nous avons choisi de tirer au sort. Déjà là, nous avons eu des problèmes avec Lmp. D’où leur refus de faire passer la déclaration de leur candidat. Pendant les élections, nous avions fait en sorte que la presse soit unie. Tout s’est donc bien passé jusqu’à ce qu’il y ait les résultats et que le président Gbagbo les conteste. Alors qu’ils étaient clairs et que la presse soit encore divisée en presse pro-Gbagbo et pro-Alassane. Sinon, la presse ivoirienne commençait à très bien se comporter.
l Et aujourd’hui, quel est le constat ?
Nous avons des problèmes comme nous en avons eu en 2004. Car, il ne faut pas oublier qu’en 2004 le constat était le même. Certaines personnes parlent comme si cela commençait aujourd’hui. En 2004, avec les patriotes et tout ce qui s’en est suivi, des journaux ont été pillés. Il y a eu un qui n’est plus revenu sur le marché. En ce moment, j’ai demandé à Diégou Bailly qui était au Cnca et à Samba Koné qui était à l’Olped que nous produisions un texte pour dénoncer cela. Nous avons pris rendez-vous avec le président Gbagbo pour lui rendre compte. Il n’y a pas eu de suite, mais nous l’avons dénoncé. Aujourd’hui, il y a des pillages, des excès. Des rédactions ont été mises à sac. Nous le condamnons. Nous avons publié deux communiqués. Le Cnp est là pour le pluralisme et pour la pluralité. Nous ne pouvons pas accepter de voir que des journaux qui vont tous dans le même sens. Nous nous battons. Mardi, nous avons fait venir le ministre Hamed Bakayoko. Nous lui avons posé le problème et nous allons prendre un nouveau rendez-vous pour aller voir et essayer de faire quelque chose pour les journaux qui ne sortent pas actuellement. Mais, ils ne sont pas les seuls. Même ceux qui sortent ont des problèmes. Nous allons poser le problème de façon globale. Sinon laisser les choses prendre une seule direction, ne servira à rien. Nous nous sommes battus depuis 1990 pour le pluralisme et nous n’allons pas, aujourd’hui, perdre tout cela.
l Le ministre Hamed Bakayoko dans sa déclaration, mardi, a dit et je cite : « Nous ne rentrerons pas dans des discours politiciens du genre on ne mettra pas un journaliste en prison ». Qu’en pensez-vous ? Est-ce la fin de la loi sur la peine privative d’emprisonnement des journalistes obtenue après plus de vingt ans de combat ?
Non je ne crois. Et, attention à une mauvaise interprétation des propos du ministre Hamed Bakayoko. Il n’a pas dit que la peine privative des libertés était mauvaise. Il a dit que même s’il y a cette loi, il faut que les journalistes sachent que là où commence la liberté de quelqu’un, c’est là où commence celle de l’autre. Il ne faut pas croire que parce qu’on dit qu’on ne met pas un journaliste en prison qu’il faut écrire n’importe quoi. Il y a des confrères qui trempent leur plume dans du vitriol pour écrire. La peine privative dit qu’on ne vous met plus en prison pour vos écrits, mais on peut vous condamner, par exemple, à payer 10 millions. Si vous ne pouvez pas payer les 10 millions, on vous mettra en prison. La meilleure des conduites, c’est de respecter le code de la déontologie, l’éthique et la loi sur la presse. Le ministre, ni le président Ouattara ne veulent faire reculer la presse. Au contraire.
l Dans ce contexte de réconciliation prônée par le président, quelle doit être l’attitude des hommes de presse ?
Au niveau de la presse, il faut la solidarité. Certains, aujourd’hui, ne peuvent pas travailler, il faut aider ceux qui ont peur et qui vivent cachés à sortir. Qu’on discute avec eux. Que les gens sachent que la presse est unie. Si nous pouvons les aider pour qu’ils puissent travailler, nous devons le faire. Une rédaction comme Notre Voie emploie plus de 100 travailleurs. Donc nourrit plus de 1.000 personnes. Il faut que nous soyons solidaires. Il faut faire en sorte que la presse soit professionnelle, mais aussi qu’elle soit là, plurielle.
Entretien réalisé par Sanou A.