x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Économie Publié le mercredi 18 mai 2011 | Nord-Sud

Conséquences des destructions d’entreprises Le calvaire des chômeurs de la crise post-électorale

Ils sont à la peine et inconsolables. Du fait des effets pervers du conflit post-électoral avec l’anéantissement de l’outil de production, de nombreux travailleurs du privé se retrouvent à la rue et appellent l’Etat à l’aide.


La démarche nonchalante et l’air médusé de cet homme aux habits froissés et défraîchis par la sueur en disent long sur le passage à vide qu’il traverse. En effet, T. Konan agent dans un cabinet de notariat est inconsolable depuis le 2 mai, au lendemain de la fête du travail. Paradoxalement, c’est à cette date que son patron lui a adressé une lettre de licenciement puisque la société est confrontée à une baisse fulgurante de ses activités du fait de l’incidence fâcheuse des effets pervers de la crise post-électorale. Son moral était au plus bas lorsqu’on le rencontre ce dimanche 16 mai, alors qu’il flânait désespérément dans les rues de son quartier au Plateau-Dokoui.

La dure réalité

Les déboires de ce père de famille de six enfants avaient commencé au mois de février quand son employeur a mis tout le personnel au chômage technique pour deux mois au plus fort de la fermeture en cascades des banques commerciales, une réponse à l’anarchie instaurée dans le système par les proches de l’ex-chef de l’Etat. Il espère que tout rentrerait dans l’ordre au moment de la normalisation de la vie socio-économique. Un espoir ruiné après cette décision inattendue et brutale de son patron. «J’avoue que je n’ai plus le moral parce que je ne m’attendais pas à une telle décision. Comment vais-je faire maintenant pour m’occuper convenablement de ma famille, surtout que quatre de mes enfants vont à l’école. Sans compter le loyer et autres imprévus. C’est vraiment terrible», se désole T. Konan qui n’attend plus que le paiement de ses droits et encore... Selon lui, il ne sait pas à quel moment cela pourrait intervenir. A l’en croire, les employés qui n’ont pas été touchés par le licenciement, ont vu leurs salaires connaître un abattement d’au moins 30%. C’est indéniable, les destructions massives de biens publics et surtout privés entraînent un drame social. Puisque contrairement à ce cabinet de notariat qui a échappé à la barbarie des pilleurs, de nombreuses entreprises comme Sicomex à Marcory-Vge et la Dpci installée en zone industrielle de Yopougon et spécialisée dans la distribution de produits pharmaceutiques, ont payé un lourd tribut à cette crise et ne pourront pas sortir la tête de l’eau aussi rapidement. De fait, les locaux et les équipements de ces deux structures sont totalement partis en fumée pendant les violents combats à Abidjan. La ruine indescriptible cache difficilement en ces lieux, la terrifiante désolation. A telle enseigne que les employés de ces différentes structures s’interrogent sur leur avenir. «Je ne passe plus que des nuits blanches car le stress et l’angoisse de ne plus retrouver mon poste me hantent et empoisonnent ma vie. Nous sommes à un chômage forcé sans argent. D’ailleurs, nous avons appris que notre entreprise va procéder à une rupture définitive et massive de contrats d’avec de nombreux travailleurs. Vrai ou faux, en tout cas, nous sommes démesurément apeurés par ces informations qui donnent le tournis», commente J.P., un ouvrier d’une des sociétés décimées en zone portuaire de Yopougon. A l’en croire, après s’être longtemps atterrés chez eux à cause de l’aggravation des affrontements, des dizaines d’ouvriers sortis de leur cachette, se rassemblent souvent par affinité sur les trottoirs du 3ème pont de la cité la plus grouil­lante de la capitale économique (qui retrouve progressivement son animation d’avant-crise) pour deviser. Ils sont même prêts à faire autre chose, le temps que la situation se normalise dans la zone industrielle. Certains attendent impatiemment l’arrivée d’un certain entrepreneur dans les travaux de bâtiment ou le cas échéant, d’un particulier en quête de maçons, de peintres ou de plâtriers. L’essentiel, c’est de pouvoir s’occuper et gagner un peu d’argent. Visiblement, aucun secteur n’a été épargné par les conséquences tragiques des évènements post-électoraux.
Dembélé B. et trois de ses camarades, des chauffeurs de taxi, sont aussi à la rue. Les véhicules qui leur servaient d’outil de travail ont disparu dans la nature depuis environ un mois. «Nos véhicules ont été emportés depuis plusieurs semaines par des inconnus. On ne sait plus à quel saint se vouer. Qu’allons-nous devenir maintenant?», se demande le transporteur, la voix étreinte de douleur.

L’Etat ou l’espoir!

Si aujourd’hui il ne peut compter que sur le petit commerce de sa femme (qui fait de la restauration), il se dit cependant prêt à conduire à nouveau un taxi. Cette fois-ci, il sera obligé de travailler comme employé. Mais, il reste convaincu, l’homme de foi qu’il est, que Dieu fera en sorte qu’il retrouve son véhicule grâce auquel il survenait sans grandes difficultés aux besoins de sa famille.
Au niveau des activités commerciales, précise Soumahoro Farikou, président de la Fédération nationale des commerçants de Côte d’Ivoire, la cessation d’activités et le chômage font rage dans ce secteur. Dans la mesure où des milliers de commerces ont été détruits. C’est pourquoi, il souhaite des allègements fiscaux voire l’annulation pure et simple d’impôts compte tenu de la gravité de la crise. De l’avis du président de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire (Cci-CI), Jean-Louis Billon, plusieurs entreprises notamment dans le secteur privé ont disparu du fait de l’intensification du conflit. Comme corollaire, ce sont de nombreux travailleurs qui sont livrés à eux-mêmes. D’où un préjudice moral et financier incalculable! D’urgence, a-t-il suggéré vendredi dernier sur les antennes de la radio onusienne, «il y a des secteurs entiers qui doivent être revus et corrigés avec des mesures d’accompagnement et de sauvetage». Sans omettre le volet sécuritaire qui constitue un indicateur précieux chez les opérateurs éco­no­miques. Pour booster justement la reprise économique, le gouvernement ivoirien a décidé d’o­ctroyer au privé une enveloppe de 6 milliards de Fcfa avec pour conditionnalité, l’emploi-jeune. Ce qui porte maintenant à 12 milliards, le montant global du fonds de réserve. Si M. Billon a salué cette initiative des pouvoirs publics, il a cependant estimé que cette enveloppe reste encore «faible» au regard des besoins exprimés. Mais, en définitive, il estime que le plus important, c’est que le secteur privé soit écouté et entendu.


Cissé Cheick Ely

PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Économie

Toutes les vidéos Économie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ