La crise ivoirienne est maintenant derrière nous. Mais l’entame de la reconstruction passe aussi par la prise en compte des quartiers précaires.
Attécoubé-Mossikro. Ce lundi matin, Lama Appolinaire, âgé de 23 ans et deux de ses camarades, reviennent d’un pâté de maisons situées sur l’une des nombreuses collines de ce quartier précaire. Ils sont tachetés de boue, et ont en main pelles et pioches. Ce ne sont pas des creuseurs de puits, ils viennent de fouiller une maison tombée, dans la nuit de samedi à dimanche, sous la forte pluie qui s’est abattue sur la ville. L’éboulement a tué une femme dans la quarantaine, Gbélémou, la mère d’Apollinaire et deux filles, Victor Lama, âgée de 15 ans et Rita Lama, à peine 6 ans. C’étaient ses sœurs. Pourtant, ce lundi, le garçon semble indifférent au drame. Il a le temps d’expliquer les faits et d’indiquer la cour avec un stoïcisme assez rare. La maison, située sous une colline effondrée, est béante. La toiture est ouverte, la moitié du mur est tombée sous la pression de l’avalanche de boue provenant de la colline. A l’intérieur, un matelas boueux, des meubles, des vêtements, une poupée sous des décombres, un petit peigne d’enfant, un bulletin d’école… Arrêté devant ce qui reste de sa maison, Lama Eric, le père éploré, a du mal à contenir ses larmes en expliquant les faits. Samedi, elles étaient encore toutes vivantes. Ce soir-là, ils étaient à la maison, quand, vers 19h, il décide d’aller chercher sa télévision restée chez le réparateur. Dès qu’il arrive chez ce dernier, la pluie se met à tomber à torrents. Il est obligé de s’abriter. Vers 20h, il décide de rentrer avec l’appareil malgré l’averse. A son approche de sa maison, il voit du monde autour. On lui annonce que la colline s’est effondrée sur sa maison. « Où sont ma femme et mes enfants ? », demande-t-il. Les voisins ignorent s’ils se trouvaient à l’intérieur pendant le drame. Mais aux yeux de tous, cela paraît évident. Et en fouillant sous la boue, ils découvrent trois corps. Ceux de la mère, des deux filles, Victor et Rita. « C’est ma télé qui m’a sauvé la vie », explique-t-il avec chagrin. Ici, c’est un drame comme tout autre, on boit de la liqueur et on présente les condoléances. Mais, en réalité, cet éboulement tire la sonnette d’alarme sur d’autres phénomènes de ce type qui peuvent arriver à tout moment dans ce quartier précaire. Les constructions sont faites sur le flanc des collines, en-dessus et en-dessous, au mépris de toutes dispositions sécuritaires. «On n’a nulle part où aller. C’est ici que nous avons toujours vécu», explique Bourahima Kouyaté, un habitant d’Attécoubé-Mossikro. «C’est un quartier de pauvres, où voulez-vous qu’on aille habiter, les maisons sont très chères à Abidjan. Ici, les prix sont accessibles à tous», renchérit Hyppolite Kodjo, un menuisier qui habite le quartier depuis 5 ans. Si les maisons coûtent moins cher, la mort l’est aussi avec les risques imminents d’effondrements de maisons et de glissements de terrains. Le problème n’est pas sectoriel. Ce sont presque tous les non lotis quartiers d’Abidjan qui sont sous la menace des éboulements. Au Banco, chaque année, les éboulements font parler d’eux. Si l’année dernière, le quartier a connu un bilan sans mort, ce ne fut pas le cas l’année d’avant. En 2009, les glissements de terrain avaient fait plus de 20 morts. Cette année, depuis le début des averses sur Abidjan, Banco I est devenu une zone boueuse. La population commence à creuser des canalisations pour faciliter le passage de l’eau, en vain. Mais le principal constat, c’est que les habitants de ce quartier à risque n’ont jamais été déguerpis comme promis depuis belle lurette par les autorités ivoiriennes. A chaque fois, un simulacre de déguerpissement est entrepris (après des morts) puis le projet est mis en stand-by. Ce lundi, en l’absence de l’imam Mory Fofana responsable des négociations avec les autorités sur la question, quelques habitants sont d’accord qu’il faut régler ce problème une bonne fois pour toutes. « Le nouveau gouvernement doit nous aider à trouver un autre site. Tout le monde dit que les pluies seront violentes cette année, nous avons peur des éboulements », explique Cissoko Lamine, un résident du quartier. Ako Yapo, le chef du village, a longtemps insisté auprès de l’ancien responsable du plan Organisation des secours (Orsec), Sam Etiassé, pour leur venir en aide. Ils n’ont jamais rien obtenu de concret. Avec la nomination d’un nouveau préfet d’Abidjan, Diakité Sidiki qui va diriger le plan Orsec, l’espoir est de nouveau permis pour de nombreuses populations dans les zones à risque. Il s’agit, entre autres de Gobelet, des II Plateaux, d’Adjamé-Zoo, d’Abobo-Agbékoi, etc. Diakité Sidiki et les membres du plan Orsec ont tenu récemment une réunion sur la situation des quartiers précaires. En attendant des actions concrètes, les habitants de ces zones s’en remettent à Dieu.
Raphaël Tanoh
Attécoubé-Mossikro. Ce lundi matin, Lama Appolinaire, âgé de 23 ans et deux de ses camarades, reviennent d’un pâté de maisons situées sur l’une des nombreuses collines de ce quartier précaire. Ils sont tachetés de boue, et ont en main pelles et pioches. Ce ne sont pas des creuseurs de puits, ils viennent de fouiller une maison tombée, dans la nuit de samedi à dimanche, sous la forte pluie qui s’est abattue sur la ville. L’éboulement a tué une femme dans la quarantaine, Gbélémou, la mère d’Apollinaire et deux filles, Victor Lama, âgée de 15 ans et Rita Lama, à peine 6 ans. C’étaient ses sœurs. Pourtant, ce lundi, le garçon semble indifférent au drame. Il a le temps d’expliquer les faits et d’indiquer la cour avec un stoïcisme assez rare. La maison, située sous une colline effondrée, est béante. La toiture est ouverte, la moitié du mur est tombée sous la pression de l’avalanche de boue provenant de la colline. A l’intérieur, un matelas boueux, des meubles, des vêtements, une poupée sous des décombres, un petit peigne d’enfant, un bulletin d’école… Arrêté devant ce qui reste de sa maison, Lama Eric, le père éploré, a du mal à contenir ses larmes en expliquant les faits. Samedi, elles étaient encore toutes vivantes. Ce soir-là, ils étaient à la maison, quand, vers 19h, il décide d’aller chercher sa télévision restée chez le réparateur. Dès qu’il arrive chez ce dernier, la pluie se met à tomber à torrents. Il est obligé de s’abriter. Vers 20h, il décide de rentrer avec l’appareil malgré l’averse. A son approche de sa maison, il voit du monde autour. On lui annonce que la colline s’est effondrée sur sa maison. « Où sont ma femme et mes enfants ? », demande-t-il. Les voisins ignorent s’ils se trouvaient à l’intérieur pendant le drame. Mais aux yeux de tous, cela paraît évident. Et en fouillant sous la boue, ils découvrent trois corps. Ceux de la mère, des deux filles, Victor et Rita. « C’est ma télé qui m’a sauvé la vie », explique-t-il avec chagrin. Ici, c’est un drame comme tout autre, on boit de la liqueur et on présente les condoléances. Mais, en réalité, cet éboulement tire la sonnette d’alarme sur d’autres phénomènes de ce type qui peuvent arriver à tout moment dans ce quartier précaire. Les constructions sont faites sur le flanc des collines, en-dessus et en-dessous, au mépris de toutes dispositions sécuritaires. «On n’a nulle part où aller. C’est ici que nous avons toujours vécu», explique Bourahima Kouyaté, un habitant d’Attécoubé-Mossikro. «C’est un quartier de pauvres, où voulez-vous qu’on aille habiter, les maisons sont très chères à Abidjan. Ici, les prix sont accessibles à tous», renchérit Hyppolite Kodjo, un menuisier qui habite le quartier depuis 5 ans. Si les maisons coûtent moins cher, la mort l’est aussi avec les risques imminents d’effondrements de maisons et de glissements de terrains. Le problème n’est pas sectoriel. Ce sont presque tous les non lotis quartiers d’Abidjan qui sont sous la menace des éboulements. Au Banco, chaque année, les éboulements font parler d’eux. Si l’année dernière, le quartier a connu un bilan sans mort, ce ne fut pas le cas l’année d’avant. En 2009, les glissements de terrain avaient fait plus de 20 morts. Cette année, depuis le début des averses sur Abidjan, Banco I est devenu une zone boueuse. La population commence à creuser des canalisations pour faciliter le passage de l’eau, en vain. Mais le principal constat, c’est que les habitants de ce quartier à risque n’ont jamais été déguerpis comme promis depuis belle lurette par les autorités ivoiriennes. A chaque fois, un simulacre de déguerpissement est entrepris (après des morts) puis le projet est mis en stand-by. Ce lundi, en l’absence de l’imam Mory Fofana responsable des négociations avec les autorités sur la question, quelques habitants sont d’accord qu’il faut régler ce problème une bonne fois pour toutes. « Le nouveau gouvernement doit nous aider à trouver un autre site. Tout le monde dit que les pluies seront violentes cette année, nous avons peur des éboulements », explique Cissoko Lamine, un résident du quartier. Ako Yapo, le chef du village, a longtemps insisté auprès de l’ancien responsable du plan Organisation des secours (Orsec), Sam Etiassé, pour leur venir en aide. Ils n’ont jamais rien obtenu de concret. Avec la nomination d’un nouveau préfet d’Abidjan, Diakité Sidiki qui va diriger le plan Orsec, l’espoir est de nouveau permis pour de nombreuses populations dans les zones à risque. Il s’agit, entre autres de Gobelet, des II Plateaux, d’Adjamé-Zoo, d’Abobo-Agbékoi, etc. Diakité Sidiki et les membres du plan Orsec ont tenu récemment une réunion sur la situation des quartiers précaires. En attendant des actions concrètes, les habitants de ces zones s’en remettent à Dieu.
Raphaël Tanoh