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Politique Publié le samedi 28 mai 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Diomandé Adama, président de l’Association pour la Défense de la Démocratie et des Libertés : ‘’Ouattara doit emmener les Ivoiriens à changer de mentalité’’

De passage en Côte d’Ivoire dans le cadre de la cérémonie d’investiture du président de la République de Côte d’Ivoire SEM. Alassane Ouattara, le président de l’Association pour la Défense de la Démocratie et des Libertés (ADDL), Diomandé Adama s’est confié à ‘’L’Intelligent d’Abidjan’’. Dans cette interview, le défenseur des Droits de l’Homme et promoteur du programme de gouvernement du mentor du RDR en Europe, décortique le discours du chef de l’Etat et fait des propositions de sortie de crise durable sur la base des textes qui régissent la Côte d’Ivoire.

Quelle leçon retenez-vous du message du président de la République lors de son investiture ?
D’abord la cérémonie a été émouvante. Et puis d’après mes informations, c’est la troisième fois au monde qu’un chef d’Etat est investi de la sorte. Il y a eu Nelson Mandela, Barack Obama et aujourd’hui Alassane Ouattara. Pour moi, l’Afrique de l’Ouest a une chance qu’Alassane Ouattara ait accédé au pouvoir en Côte d’Ivoire. Je voudrais faire maintenant référence au discours de Madame Diabaté qui a retracé un long parcours du combat pour la démocratie. Cela ne pouvait être qu’une joie immense. J’avoue que je n’ai pas pu me retenir. Mes larmes ont coulé. Quand on a subi des humiliations et qu’on voit l’aboutissement de son combat vivant, cela ne peut que représenter un bonheur inouï. En ce qui concerne la cérémonie elle-même, l’organisation a été dans l’ensemble bien. Il y a eu certes quelques petites frustrations, mos le discours du président Alassane, et la qualité des invités, 19 chefs d’Etats, ont prouvé que c’était une cérémonie exceptionnelle. Le discours du président Alassane Ouattara a été un discours de réconciliation et de vérité. Son discours a été clair. Il n’y aura pas d’impunité. Je crois que tout Ivoirien doit se positionner pour pouvoir aider le président de la République dans la réussite de son programme de gouvernement. D’abord la réconciliation puis la reconstruction. Maintenant une Côte d’Ivoire nouvelle a besoin d’une mentalité nouvelle et d’un Ivoirien nouveau. Il faudrait que nous ayons le courage nécessaire pour pouvoir être un citoyen modèle. C’est dire qu’il faudrait que le salarié ordinaire ne se dise pas qu’il vient travailler uniquement pour son salaire. Il y a aussi que les deniers de l’Etat ne doivent pas être considérés comme un bien personnel. Le fonctionnaire des impôts ne doit pas considérer que les impôts qu’il perçoit lui appartiennent. Ce n’est pas pour lui, mais pour l’Etat, c’est-à-dire des fonds destinés à développer le pays. Ils doivent se dire aussi qu’ils doivent s’acquitter de leurs impôts. J’ai l’impression que les Ivoiriens ne sont pas conscients du développement de leur pays. Tout le monde ne peut pas devenir fonctionnaire ou ministre. Et puis dans le programme du président Ouattara que j’ai défendu au niveau de l’Europe, si nous avons le courage de l’appliquer, il nous ouvrira la voie du développement.

Pensez-vous que le président Alassane Ouattara pourra se distinguer de ses prédécesseurs ?
La différence est faite déjà puisqu’ils ne sont pas arrivés au pouvoir de la même manière. Ça fait 17 ans qu’il se bat. Le combat a commencé quand il a senti le besoin de se porter candidat seulement. Est-ce que cela est un crime ? Cette bataille a duré 7 ans pour qu’on accepte sa candidature. Il va à une élection qu’il gagne de manière démocratique. Et au-delà de la victoire démocratique, il a gagné une victoire militaire aussi puisqu’il a vaincu quelqu’un qui voulait s’accaparer du pouvoir. La crise ivoirienne était d’abord économique, mais comme les gens étaient incapables de la résoudre, ils l’ont transformée en une crise sociale identitaire. Ce qu’il peut apporter, c’est donner de l’espoir à toute une génération sacrifiée. Souvenez-vous que Laurent Gbagbo a menacé notre sous-région. Aujourd’hui, tout le monde entier se mobilise auprès du président Alassane Ouattara. Ce qui veut dire que son cas fera jurisprudence. C’est dire que personne ne pourra désormais voler les élections impunément. La génération ivoirienne qui a 20 à 35 ans aujourd’hui a été sacrifiée dans les études, l’éducation morale. Laurent Gbagbo a transformé cette jeunesse en mendiant. Voilà le travail qui attend Alassane. Et le fait qu’il a accumulé plusieurs expériences fait qu’il a un plus par rapport aux autres chefs d’Etat. Avec Alassane Ouattara, le citoyen ivoirien sera considéré comme un citoyen total. C’est dire qu’il ne sera plus considéré comme un Dioula, un Baoulé ou un Bété. Les chefs d’Etat d’alors ont joué sur cette fibre ethnique et souvent religieuse. La preuve est que Gbagbo voulait utiliser cette fibre-là pour déclencher une guerre civile. Heureusement que les religieux ne l’ont pas suivi. Même ceux qui sont les fervents supporteurs d’Alassane doivent faire des concessions pour que cette réconciliation soit totale. C’est-à-dire que l’Ivoirien, qu’il soit du sud ou du nord, doit se sentir un citoyen total. Aussi pour le changement réel, le président Ouattara doit emmener tous les Ivoiriens à un changement de mentalité. Et, il a la possibilité de le faire puisqu’il a vécu longtemps aux Etats-Unis.

Déjà des voies s’élèvent pour décrier l’attitude de certains collaborateurs du président de la République qui n’auraient pas bonne presse. Elles craignent que ceux-ci ne l’amènent à prendre des décisions impopulaires...
Je n’ai aucune crainte pour cela, je sais d’où vient Alassane Ouattara qui a fait ses preuves au FMI. Pour l’instant, il est obligé de fonctionner avec le personnel politique qu’il a sous la main. Je pense que ces personnes dont on parle ont lu son programme de gouvernement. L’Ivoirien nouveau, c’est celui-là même qui doit changer de mentalité pour se conformer à l’idée qu’Alassane se fait. Laissons le temps au président Ouattara, il saura les mettre sur le bon chemin et s’il y a des brebis galeuses dans son entourage, il saura tirer les leçons qui s’imposent. Je me situe dans le créneau des hommes politiques capables de dénoncer les travers du pouvoir. Si j’ai dénoncé l’Ivoirité sous Bédié, la confiscation du pouvoir par les militaires sous Guéi et la catégorisation des Ivoiriens sous Gbagbo, se serait malhonnête de ne pas dénoncer ceux qui veulent obstruer la pouvoir de Ouattara même si ce sont ses proches collaborateurs. Ne pas le faire, ce serait ne pas lui rendre service. Et s’il s’avère que des personnes de sa famille politique s’adonnent à des pratiques peu recommandables, ils me trouveront sur leur chemin. C’est pourquoi, je dénonce d’ailleurs le comportement de tous ceux qui tentent d’introduire des gens de moralité douteuse auprès du président de la République.

Des affaires d’atteinte à la sûreté de l’Etat défraient en ce moment la chronique. Quel commentaire ?
La Côte d’Ivoire nouvelle a besoin d’une mentalité nouvelle et d’un comportement nouveau. Moi, j’ai soutenu le programme du président Alassane Ouattara et j’ai espoir qu’il aura l’occasion de l’appliquer. Je compte rentrer définitivement en Côte d’Ivoire pour m’impliquer dans la politique. Parce que le programme du président de la République est un programme qui ne s’arrête pas à notre génération ni à la génération de ceux qui ont déjà tout eu. Dans quel état nous allons laisser notre pays à nos enfants, à nos jeunes frères et même à nos petits-enfants si nous nous faisons passer pour des intermédiaires, des personnes qui doivent beaucoup d’argent et qui ont soutenu l’ancien régime, qui ont financé des actes qu’on doit condamner. On veut forcer la main du président de la République. Je crois que nous devons tous aider Alassane Ouattara à appliquer son programme. En cela, je m’adresse au RHDP pour dire que ce combat est un combat de renouveau. On s’est opposé à un moment donné ; on a compris qu’on a fait une erreur ; nous devons être solidaires pour appliquer le programme qu’Alassane a fait valider par les partis politiques. Pour cela, nous devons être vigilants et dénoncer tous les opportunistes qui veulent s’enrichir sur le dos de la Côte d’Ivoire. Que ceux qui ont des problèmes avec la Côte d’Ivoire les règlent et qu’ils se mettent à jour. Tous ceux qui sont poursuivis en Côte d’Ivoire pour des crimes économiques, doivent y répondre. Il ne revient pas à quelqu’un d’autre de les défendre. J’ai combattu
Laurent Gbagbo, je combattrai aussi pour que la promesse du président Alassane Ouattara soit tenue.

Quel est votre avis sur les aménagements que compte prendre le président Ouattara concernant la justice ivoirienne ?
Je crois que c’est le plus gros chantier puisque lui-même a été à plusieurs reprises victime d’injustice et de catégorisation. Il faudrait que la justice ivoirienne soit reformée. Il ne faudrait plus une justice aux ordres. Il faudrait des juges et des institutions indépendantes. La justice aux ordres nous a emmené la guerre dans notre pays. Si Tia Koné et Yao N’Dré avaient été justes ; s’ils avaient appliqué ce qu’ils ont appris, ils n’allaient pas sortir une décision qui a entraîné la destruction de notre pays. Le président le dit dans tous ses discours, ‘’la justice doit être libre et indépendante’’. Est-ce que pour être bien jugé, il faut avoir les moyens ? Cela doit être le combat du nouveau gouvernement.

Ne pensez-vous pas que certains de ses proches soient accablés par la Justice si on s’en tient aux crimes commis depuis 2002?
Mais je crois que le président de la République a été clair. Quel que soit son bord politique, la justice passera. Même celui qui prononce le mot justice est concerné. Chacun doit expliquer le geste qu’il a posé. C’est à la justice de dire si tu es pardonné ou si tu es condamné. Cela n’a rien à voir avec la réconciliation. La réconciliation, c’est vous et moi. Si tu as tué des gens sous prétexte que tu défends une conviction ou l’Etat, tu dois répondre. Le président de la République a été clair. Tout acte illégal posé doit être sanctionné.

Est-ce que la mise en résidence surveillée de Laurent Gbagbo peut sauver la démocratie naissante en Côte d’Ivoire ?
Bien sûr ! Quelqu’un qui a posé des actes graves contre sa population et la communauté internationale doit être jugée. Le chantage à la réconciliation ne marchera pas. Quelqu’un qui disait défendre son peuple et le laisse à des supposés rebelles. Supposons que les FRCI étaient des rebelles, mais il a livré la Côte d’Ivoire. Un pays se défend à partir de ses frontières. On ne met pas tous les armements qu’on a achetés à sa résidence et à son bureau, et livrer toute la Côte d’Ivoire. La preuve en est que les mercenaires ont fait des dégâts à l’Ouest. N’eut été les militaires qui ont instauré la démocratie, Laurent Gbagbo aurait confisqué le pouvoir. Laurent Gbagbo a trahi la communauté internationale, notamment l’ONU. Il a fait tuer des agents de la communauté internationale. La résidence surveillée pour moi, c’est la première phase. Moi, je souhaiterais qu’il soit conduit devant la Cour pénale internationale pour les crimes qu’il a commandités contre l’humanité. Donc pour moi, la réconciliation ne doit pas être caution de l’impunité. Tous ceux qui ont commis des crimes contre la Côte d’Ivoire doivent passer devant les tribunaux.

Après deux mois d’absence sur le marché, les journaux de l’opposition sont de retour dans les kiosques. Quel commentaire ?
Les journaux d’opposition ont leur place dans la vie d’une nation. A la création des journaux ‘’bleus’’ au début des années 90, c’était l’espoir de notre génération. Ces journaux étaient le reflet de toute une jeunesse. Ils dénonçaient les travers du pouvoir du président Houphouët-Boigny. Mais avec l’arrivée du président Gbagbo au pouvoir, ces journaux se sont transformés en des organes de propagande et de haine. Ils ont trahi leurs idéaux socialistes et la déontologie de leur métier. Avec un contexte difficile, ces journaux ont soutenu et même aggravé la crise. Je salue le retour de ces journaux qui, je crois, feront leur travail honnêtement pour faire avancer le pays, parce qu’ils ont une place de choix. Il faudra donc vite réhabiliter les journaux d’opposition qui ne doivent pas attiser la haine. Les promoteurs de ces organes doivent s’inscrire résolument dans le processus de réconciliation lancé par le président de la République. Il faudra une presse libre et indépendante qui prend position pour les faibles. Cela est aussi valable pour la presse proche du pouvoir qui doit informer honnêtement les Ivoiriens et non chercher à nous cacher la vérité en faisant croire que tout est beau dans l’entourage du président de la République. Je veux une presse libre et professionnelle qui doit bénéficier de la subvention de l’Etat. Le gouvernement doit veiller à ce que les journalistes aient un barème de salaire afin de leur permettre d’exercer de façon professionnelle leur métier. En un mot, je souhaite le retour d’une presse d’opposition libre et responsable.

Peut-on savoir quelques unes des actions que vous avez déjà menées avec l’Association pour la Défense de la Démocratie et des Libertés (ADDL) que vous dirigez ?
L’association est créée depuis 1995. Nous avons défendu la liberté et la démocratie. Nous avons dénoncé les conséquences de l’ivoirité sous Bédié. Nous avons dénoncé le fait que le général Robert Guéi ait fait un coup d’Etat au nom de la démocratie et qu’il n’ait pas respecté sa parole. Nous avons dénoncé la manière calamiteuse dont Gbagbo est arrivé au pouvoir. Moi-même j’ai été violenté au cours de la première visite de Gbagbo à Paris. A l’époque, Eugène Djué était le représentant du FPI. J’ai mené plusieurs activités avec des ONG comme l’association de Benoît Scheuer. Et puis quand Zorro Bi Ballo était le président du MIDH ici, sa première visite en France, c’est moi qui l’ai introduit auprès de Laurent Fabius. Voilà quelques activités que je mène depuis fort longtemps. Je suis un peu connu dans les milieux associatifs en France.

Votre retour en Côte d’Ivoire ne va-t-il pas nuire à vos activités ?
Je serais amené à céder ma place à quelqu’un d’autre qui fera peut-être mieux que moi. Il est temps que je vienne dans mon pays d’origine faire partager mes expériences à toute une génération. Nous qui avons vécu en France pendant près de quarante ans, nous avons accumulé des expériences de pensée qu’on voudrait mettre au service de la jeunesse. Et c’est pour cela que le programme d’Alassane doit être soutenu. Le fait de revenir au pays donnera à la jeune génération le courage de rester au pays, le développer, plutôt que d’aller échouer sur la mer. La réconciliation me tient à cœur. Mes parents sont originaires du Nord, mais je me sens citoyen partout en Côte d’Ivoire. Un citoyen ivoirien ne doit plus être taxé de par son origine. Si je suis malinké et que ma région de naissance est mon village, je suis malinké de ce village. Moi, Diomandé Adama, je suis malinké de Zikisso. Donc je me battrai pour le développement de mon lieu de naissance. C’est ça la Côte d’Ivoire nouvelle ; c’est ça l’Ivoirien nouveau.

Réalisée par Dosso Villard
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