Les femmes enceintes la redoutent. Et pourtant, selon les praticiens, l’épisiotomie est une intervention bénigne. En Côte d’Ivoire, elle est de plus en plus pratiquée dans nos hôpitaux. Parce que trop répandue peut-être? L’épisiotomie est une petite intervention chirurgicale pratiquée par l’accoucheur ou la sage-femme au moment de l’enfantement. Elle consiste à sectionner une partie du périnée pour réduire les risques de déchirures graves de cet organe et surtout pour permettre au bébé de sortir facilement. En Côte d’Ivoire, dans les maternités, l’épisiotomie est très pratiquée. Elle peut être réalisée assez tôt lors de l’accouchement, et est en principe indolore en raison de l’anesthésie péridurale, ou d’une anesthésie locale. Elle peut parfois être pratiquée plus tard, au cours des efforts d’expulsion. Gnonsahé Hélène, sage-femme et par ailleurs secrétaire générale du Syndicat national des Sages-femmes Ivoiriennes (Synsfi), affirme que la première cause de l’épisiotomie en Côte d’Ivoire est l’excision. Selon elle, tout type d’excisions, à savoir l’ablation du clitoris, des petites lèvres et des grandes lèvres, ne facilite pas l’accouchement par voie basse. Des causes diverses « Il y a de nombreuses femmes qui ont été excisées. Et, la cicatrice de l’excision ne permet pas au périnée de bien se dilater pour laisser passer l’enfant », a-t-elle expliqué. Dr Adjobi Roland, gynécologue-obstétricien au Centre hospitalier universitaire de Cocody, note que l’épisiotomie doit être réalisée nécessairement dans certaines conditions. Lorsque l’accouchement se fait avec des instruments. « Il y a certains accouchements qui nécessitent l’utilisation d’instruments que sont les forceps et les ventouses. Ces instruments aident à l’extraction du bébé à naître », a-t-il signifié. Denise Koffi, institutrice dit avoir subi l’épisiotomie au cours de l’accouchement. Ne pouvant pas accoucher seule, les sages-femmes ont dû utiliser des instruments pour l’aider à le faire. Le praticien indique qu’une mère doit impérativement subir cette opération lorsque la masse du bébé qu’elle doit mettre au monde dépasse 3,5 kilos. Et selon madame Gnonsahé, la masse de l’enfant est la deuxième cause de la pratique de l’épisiotomie. « Comme les bébés sont en moyenne plus gros aujourd’hui grâce à la meilleure alimentation de la future mère et aux progrès de la surveillance obstétricale, le risque de déchirure du périnée est donc plus élevé », a-t-elle explicité. A ce sujet, presque toutes les femmes sont unanimes. Félicienne K., enseignante au collège moderne de Koumassi, a subi cette petite chirurgie. Selon elle, les sages-femmes lui ont signifié que l’enfant était trop gros et qu’il fallait qu’elle subisse l’épisiotomie pour ne pas se léser des parties génitales. Chose qu’elle a acceptée sans broncher. L’épisiotomie est, selon un autre gynécologue qui a requis l’anonymat, également indispensable au cours des accouchements où l’enfant est prématuré. Les accoucheurs ont recours à cette technique pour éviter que l’enfant ait des traumatismes au niveau de la tête. Toutefois, certaines femmes subissent cette opération bien qu’elles n’aient pas de problèmes pour expulser l’enfant. Des attitudes mafieuses Rose K. est juriste. Elle note avoir subi l’épisiotomie pendant l’accouchement de sa fille aînée, au service de gynéco-obstrétique au Chu de Cocody. Son enfant ne pesait que 2,7 kilos. Et ce qui l’a surprise, c’est que la chirurgie a eu lieu lorsque l’enfant était presque sorti. Interrogée sur le fait qu’elle pouvait accoucher sans subir cette déchirure, l’accoucheuse lui a répondu que ce n’est pas à elle de lui apprendre son métier. « Bien que n’étant pas du corps, je suis sûre qu’il n’était nécessaire de m’inciser », a-t-elle confié. Madame Zady relate le cas de sa belle-fille qui a été déchirée. « L’enfant n’était pas gros, il n’y avait aucun problème. J’explique la fréquence de cette opération chirurgicale par le fait que, d’une part, les sages-femmes ne sont plus compétentes, d’autre part, elles veulent à tout prix vendre le kit de l’épisio aux femmes qui viennent accoucher. « On peut soupçonner des sages-femmes de vouloir pratiquer l’épisiotomie à des fins mercantiles », dénonce Dr Adjobi Roland. Il y a quelques années, l’un de ses amis lui a fait venir une parente au Chu de Cocody. Selon lui, la femme avait subi une épisio dans un hôpital de la capitale économique. « Elle était arrivée avec une infection sévère. En effet, au cours de la naissance, l’accoucheuse a pratiqué l’épisio. N’ayant plus d’argent pour faire face à cette dépense supplémentaire, la praticienne a donc refusé de coudre la partie déchirée », raconte-t-il. Dr Adjobi indique que c’est un mois après qu’elle est arrivée en consultation. Malheureusement, il y avait une infection aggravée au niveau du périnée. Et quelques jours après, elle est décédée.
Adélaïde Konin
Adélaïde Konin