Il faut avoir vu Adamo à l’œuvre pour croire qu’il est l’auteur de ses tableaux. L’artiste, installé devant l’hypermarché Sococé est handicapé. Mais cela ne l’empêche pas de s’adonner à sa passion et d’espérer en vivre.
Il faut le voir pour croire. Les nombreuses personnes qui se rendent quotidiennement à l’hypermarché Sococé pour faire des emplettes, se laissent éblouir par les tableaux d’art posés à l’entrée principale du centre commercial. La séduction le dispute à l’étonnement quand ces amateurs d’art se rendent compte que les tableaux qu’ils découvrent sont l’œuvre d’un handicapé. Traoré Adama, dit Adamo, ne paie pas de mine. Né à Treichville le 1er décembre 1980, Adamo est infirme des membres inférieurs mais aussi manchot. Jusqu’à l’âge de neuf ans, il vit avec ses parents qui ne jugent pas utile de l’envoyer à l’école. C’est une femme, Marie Odile Bilberon, directrice du centre pour enfants handicapés, «La Providence», qui l’accueille quelque temps après et s’occupe de son éducation. «Son objectif était de permettre à tous les enfants handicapés du centre, environ 200, d’être autonomes», se souvient le jeune Traoré. Qui découvre au centre, une nouvelle voie, un nouveau moyen de faire face aux difficultés de la vie : le dessin. Sans avoir à forcer, Adamo se lance dans l’apprentissage de cet art. Il s’en imprègne très vite et se découvre des prédispositions naturelles. Le stylo entre le menton et le bout de bras qui lui reste, Adamo s’applique avec une précision inimaginable. Conscient de ses atouts, Adamo n’a plus qu’un rêve : se faire un nom grâce à son travail. L’artiste s’exprime sur du papier canson au stylo. «J’utilise la gouache pour faire les couleurs. Je fais moi-même les mélanges. Et, c’est là toute ma force. Je le dois à Marie Odile qui m’a appris à mettre les couleurs, à les harmoniser. C’est grâce à elle, que j’arrive à faire des choses moi-même aujourd’hui», témoigne-t-il reconnaissant. Les réalités de la vie rattrapent le créateur. Il est fouetté dans son orgueil par une scène qui le place devant ses responsabilités de fils. «Ma mère, qui avait urgemment besoin d’argent, est venue en demander, un jour, à la directrice du centre qui a refusé. Je n’ai pas pu supporter cela, vu tout ce que je faisais pour le centre», explique-t-il. Amer, il quitte les lieux et se retrouve à Abobo où il vit avec des amis. Mais, comment vivre dans une telle situation, où il manque le minimum vital ? «C’était une période de vache maigre. Je dormais parfois dehors », se rappelle-t-il. Habitué à cette vie à la dure, Adamo se réarme moralement et fonce tête baissée. En 2005, il quitte Abobo pour Les Vallons, aux Deux-Plateaux dans la commune de Cocody. «J’ai décidé de ne plus mendier. J’ai pris l’engagement de mettre en avant ce que je savais faire», affirme-t-il. Il s’installe dans un 1er temps devant la pâtisserie «Paco Gourmand», où il commence à vendre ses œuvres. Il y fait la connaissance de Sidiki Bakaba par l’entreprise d’Adama Dahico. En pleine réalisation du film «Roue libre», il est coopté pour jouer y jouer. Mais la collaboration ne fera pas long feu. «Sidiki Bakaba m’a fait plusieurs promesses qu’il n’a pas tenues», regrette-t-il. L’acteur de circonstance tourne cette autre page de son histoire et continue de croire en sa peinture. Il quitte Les Vallons et prend ses quartiers à Sococé, sur le boulevard Latrille. Ce n’est qu’une étape. Puisque le souhait d’Adamo, c’est d’avoir un lieu décent où il pourra faire montre de son talent. «Mon ambition aujourd’hui, c’est de sortir mes œuvres de la rue. Si je suis bien installé, c’est là que je montrerai ma vraie valeur», soutient-il. Adamo est capable de peindre en une journée un à deux paquets de papiers Canson, environ 24 feuilles. Les prix de ses tableaux, qui représentent la nature «pas encore corrompue par les hommes», oscillent entre 5.000 et 50.000 Fcfa. «La nature souffre à cause des actions inopinées des humains. Mes tableaux tirent la sonnette d’alarme sur les questions existentielles que sont l’écologie en Côte d’Ivoire et la biodiversité. Tels sont quelques sujets que je traite dans mes toiles», explique-t-il. D’environ un mètre et juché sur des béquilles, il affirme tirer son inspiration de la musique Zouglou. Espoir 2000, Molière,…sont ses artistes favoris. En plus de son rêve de voir son travail reconnu et apprécié, Adamo espère, au plus profond de lui-même, ne plus être regardé comme un handicapé qui «se débrouille» mais plutôt comme un artiste à part entière, capable de créer du beau.
M’Bah Aboubakar
Il faut le voir pour croire. Les nombreuses personnes qui se rendent quotidiennement à l’hypermarché Sococé pour faire des emplettes, se laissent éblouir par les tableaux d’art posés à l’entrée principale du centre commercial. La séduction le dispute à l’étonnement quand ces amateurs d’art se rendent compte que les tableaux qu’ils découvrent sont l’œuvre d’un handicapé. Traoré Adama, dit Adamo, ne paie pas de mine. Né à Treichville le 1er décembre 1980, Adamo est infirme des membres inférieurs mais aussi manchot. Jusqu’à l’âge de neuf ans, il vit avec ses parents qui ne jugent pas utile de l’envoyer à l’école. C’est une femme, Marie Odile Bilberon, directrice du centre pour enfants handicapés, «La Providence», qui l’accueille quelque temps après et s’occupe de son éducation. «Son objectif était de permettre à tous les enfants handicapés du centre, environ 200, d’être autonomes», se souvient le jeune Traoré. Qui découvre au centre, une nouvelle voie, un nouveau moyen de faire face aux difficultés de la vie : le dessin. Sans avoir à forcer, Adamo se lance dans l’apprentissage de cet art. Il s’en imprègne très vite et se découvre des prédispositions naturelles. Le stylo entre le menton et le bout de bras qui lui reste, Adamo s’applique avec une précision inimaginable. Conscient de ses atouts, Adamo n’a plus qu’un rêve : se faire un nom grâce à son travail. L’artiste s’exprime sur du papier canson au stylo. «J’utilise la gouache pour faire les couleurs. Je fais moi-même les mélanges. Et, c’est là toute ma force. Je le dois à Marie Odile qui m’a appris à mettre les couleurs, à les harmoniser. C’est grâce à elle, que j’arrive à faire des choses moi-même aujourd’hui», témoigne-t-il reconnaissant. Les réalités de la vie rattrapent le créateur. Il est fouetté dans son orgueil par une scène qui le place devant ses responsabilités de fils. «Ma mère, qui avait urgemment besoin d’argent, est venue en demander, un jour, à la directrice du centre qui a refusé. Je n’ai pas pu supporter cela, vu tout ce que je faisais pour le centre», explique-t-il. Amer, il quitte les lieux et se retrouve à Abobo où il vit avec des amis. Mais, comment vivre dans une telle situation, où il manque le minimum vital ? «C’était une période de vache maigre. Je dormais parfois dehors », se rappelle-t-il. Habitué à cette vie à la dure, Adamo se réarme moralement et fonce tête baissée. En 2005, il quitte Abobo pour Les Vallons, aux Deux-Plateaux dans la commune de Cocody. «J’ai décidé de ne plus mendier. J’ai pris l’engagement de mettre en avant ce que je savais faire», affirme-t-il. Il s’installe dans un 1er temps devant la pâtisserie «Paco Gourmand», où il commence à vendre ses œuvres. Il y fait la connaissance de Sidiki Bakaba par l’entreprise d’Adama Dahico. En pleine réalisation du film «Roue libre», il est coopté pour jouer y jouer. Mais la collaboration ne fera pas long feu. «Sidiki Bakaba m’a fait plusieurs promesses qu’il n’a pas tenues», regrette-t-il. L’acteur de circonstance tourne cette autre page de son histoire et continue de croire en sa peinture. Il quitte Les Vallons et prend ses quartiers à Sococé, sur le boulevard Latrille. Ce n’est qu’une étape. Puisque le souhait d’Adamo, c’est d’avoir un lieu décent où il pourra faire montre de son talent. «Mon ambition aujourd’hui, c’est de sortir mes œuvres de la rue. Si je suis bien installé, c’est là que je montrerai ma vraie valeur», soutient-il. Adamo est capable de peindre en une journée un à deux paquets de papiers Canson, environ 24 feuilles. Les prix de ses tableaux, qui représentent la nature «pas encore corrompue par les hommes», oscillent entre 5.000 et 50.000 Fcfa. «La nature souffre à cause des actions inopinées des humains. Mes tableaux tirent la sonnette d’alarme sur les questions existentielles que sont l’écologie en Côte d’Ivoire et la biodiversité. Tels sont quelques sujets que je traite dans mes toiles», explique-t-il. D’environ un mètre et juché sur des béquilles, il affirme tirer son inspiration de la musique Zouglou. Espoir 2000, Molière,…sont ses artistes favoris. En plus de son rêve de voir son travail reconnu et apprécié, Adamo espère, au plus profond de lui-même, ne plus être regardé comme un handicapé qui «se débrouille» mais plutôt comme un artiste à part entière, capable de créer du beau.
M’Bah Aboubakar