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Économie Publié le mercredi 22 juin 2011 | Fraternité Matin

Affaire "chasse aux sorcières au Port autonome d`Abidjan": le DG clarifie tout

© Fraternité Matin
Le Port Autonome d`Abidjan
Monsieur le directeur général, comment se porte le Port Autonome d’Abidjan après les cinq mois de crise post-électorale?
Après cinq mois de crise postélectorale, et depuis la reprise des activités, je dirai qu’à ce jour, le Port d’Abidjan se porte bien. Je pense, tout de même qu’il aurait pu se porter mieux si les choses avaient été normales jusqu’à maintenant. Mais quand on voit d’où nous sommes venus, il est quand même loisible de dire que le port d’Abidjan se porte bien. Parce que nous sommes passés d’une moyenne d’un navire par jour, pendant la deuxième quinzaine d’avril dernier à une moyenne de six navires par jour actuellement. En temps normal, je prends pour référence mai-juin 2010, on était à une moyenne de sept à huit navires par jour. Atteindre six navires par jour après seulement deux mois d’activités, suite à un embargo qui a duré deux à trois mois, on peut dire que le port d’Abidjan se porte bien.

Et pourtant certaines informations qui parviennent du Port ne sont pas forcément rassurantes. On parle de caisses qui seraient vides. Quand est-il ?
Suite à notre prise de service le 20 avril dernier, la première des choses que nous avons faites a été de procéder à un état sommaire des lieux. Cette mesure a fait apparaître des anomalies importantes aux niveaux : Des finances, des ressources humaines, des infrastructures et des moyens logistiques. C’est pour clarifier tout cela qu’un audit est actuellement en cours. Cet audit va permettre de spécifier l’ampleur des choses. Mais, il faut reconnaître, de prime abord, que la situation économique et financière de l’entreprise n’est pas reluisante. Quand on le dit simplement, on n’en voit pas suffisamment l’ampleur.
N’empêche, je l’ai dit tantôt, les activités ont repris. Nous accueillons les navires. Le Port est le poumon de l’économie ivoirienne. Et si vous voyez que partout, l’économie a repris, c’est que ses activités ont repris malgré la situation financière difficile.
Evidemment, cette situation difficile a forcément des répercussions. Mais c’est plutôt en termes d’investissements nouveaux de modernisation et de réhabilitation. Si vous entrez dans le port, vous constaterez que pratiquement ce sont dix ans de non investissement. Nous avons, aujourd’hui, des superstructures et des infrastructures qui sont fortement dégradées. Mais pour l’essentiel, le port continue d’offrir des services aux navires. C’est d’ailleurs ce qui a permis d’atteindre la moyenne de six navires par jour dans des conditions acceptables que nous nous employons à améliorer.

Monsieur le directeur général, Vous n’avez pas attendu longtemps pour procéder à des départs de collaborateurs. On parle même de centaines d’agents qui seraient concernés. Qu’est-ce qui justifie un tel empressement ?
Nous sommes 1800 travailleurs au port sans compter ceux qui sont en contrat à durée déterminée (Cdd). Dans ce personnel, il y a des agents qui étaient retraités et qui ont été maintenus en activité. Ces derniers bénéficiaient de contrats à durée déterminée qui expiraient en mars 2011. En mars, le travail était arrêté à cause de la crise. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas eu de suite à leur situation. Toujours est-il que quand nous nous sommes retrouvés en avril avec ces contrats expirés, nous avons estimé qu’au port, le personnel était en nombre suffisant. Il ne semblait ni opportun ni indispensable de garder ces agents retraités.
L’autre volet concerne des personnes qui étaient en Cdd plus longs. Ce n’était pas des retraités. Ils étaient plus d’une centaine. Nous sommes 1800 actuellement au port, ai-je dit tantôt. En termes de rentabilité et de productivité, ce n’est pas intéressant. Je voudrais vous dire qu’au port du Havre, le ratio est de 68 tonnes par individu, au Port Autonome de San Pedro, ce sont environ 17 tonnes par agent. Au Port Autonome d’Abidjan, nous en sommes à moins de 10 tonnes par travailleur. Au vu de ces chiffres, il apparait clairement que nous sommes en surnombre en termes de productivité. Nous avons, alors décidé de ne pas renouveler ces contrats qui arrivent à expiration fin juin 2011. Ce ne sont donc pas des renvois. Ce sont des contrats qui sont arrivés à terme et qu’on n’a pas renouvelés.
Il y a des agents qui depuis la reprise des activités ne viennent pas au travail. Nous avons procédé à un constat en bonne et due forme de l’abandon de poste. Ils sont au nombre de sept. En toute responsabilité, si vous étiez à ma place que feriez-vous ? Nous gérons une société d’Etat. Nous défendons les intérêts de l’Etat. Il s’agit de faire en sorte que ceux qui ne travaillent pas pour l’Etat ne puissent être payés avec l’argent de l’Etat. C’est donc pour cela qu’en ce qui concerne ces personnes, nous avons tiré les conséquences de l’abandon de poste en décidant de nous séparer d’eux.
L’autre aspect est le petit mouvement du personnel qui a eu lieu. Vous êtes dans ce pays, et vous avez vécu un peu les péripéties des différentes crises avant et après les élections. Relativement au mouvement interne du personnel , quand vous êtes à un certain niveau de responsabilité, vous êtes bien obligé de faire en sorte à avoir une action homogène dans l’accomplissement de votre mission. Il vous faut alors des personnes avec qui vous pouvez travailler dans le sens de l’amélioration des choses afin d’atteindre des résultats. Par rapport à cela, on s’impose parfois des choix difficiles, mais qui sont faits dans l’intérêt de l’entreprise. Et comme je suis au Port depuis 17 ans, je connais les hommes. J’ai choisi dans cette période aussi difficile ceux qui peuvent nous permettre d’avancer sereinement dans l’intérêt de l’entreprise. C’est justement parce que la situation est difficile qu’il faut prendre des mesures difficiles. Mais elles permettent de créer une cohésion en termes de décisions stratégiques et de remotiver les travailleurs afin que chacun retrousse les manches pour faire face aux difficultés.
J’ai pris ces mesures en toute responsabilité.
On parle aussi de personnes que vous auriez mises à la disposition de la Fonction publique…
Oui. Dans l’entreprise, il y a des fonctionnaires qui étaient détachés depuis quelques temps. En raisonnant adéquation-profil- emploi, nous avons estimé qu’il n’était pas nécessaire de les maintenir. Et comme ce sont des personnes qui ont des ministères d’attache, nous avons décidé de les faire repartir dans leurs bases. Là aussi, ce n’est pas un renvoi. C’est juste un ajustement parce que nous sommes en nombre pléthorique.
En fait, compte tenu de ce que le personnel est trop nombreux, nous nous séparons de tous ceux qui peuvent partir sans grand dommage. Ces détachés au Port d’Abidjan ont apporté leur contribution à leur manière, à l’entreprise. Ils s’en vont, mais ils ne se retrouvent pas dans la rue.

Voulez-vous dire qu’il n’y a eu aucun travailleur renvoyé tout simplement ?
Non, à ce jour, nous n’avons renvoyé personne, en dehors de ceux qui n’ont pas repris le travail depuis la reprise, le 18 avril 2011. Il était difficile de continuer à payer des agents qui n’ont jamais pointé présents depuis lors. Le faire serait contraire à la volonté de rigueur que nous voulons imprimer à notre gestion.

Ces personnes occupaient-elles des postes importants dans l’entreprise ?
Les sept personnes concernées étaient des agents qui n’étaient pas dans le management. Il y a par contre un certain nombre de personnes qui ont produit des certificats médicaux. Parmi celles-là, il y en a qui font partie de l’encadrement, mais pas dans le top management. En ce qui les concerne, la procédure est en cours. Parce que, eux-aussi, n’ont pas encore repris le travail.

Alors, combien sont, au total toutes ces personnes qui doivent quitter la société?
Ceux qui sont déjà partis sont les retraités au nombre de huit (08), les six (06) fonctionnaires et les sept (07) personnes qui n’ont pas repris le travail depuis le 18 avril dernier. Il reste maintenant les cent six (106) Cdd dont les contrats expirent à la fin du mois de juin 2011.
Des informations ont pourtant fait état de ce que vous avez libéré tous ceux qui ont été embauchés après le 4 décembre 2010, en application de la décision présidentielle annulant toutes les mesures prises par le gouvernement et ses démembrements après cette date.
Vous avez entendu des choses. Mais là, il s’agit de personnes qui étaient en période d’essai. Elles étaient au nombre de quarante cinq (45). Dans toute entreprise bien organisée, avant d’embaucher une personne, il y a une période d’essai qui fait l’objet d’évaluation avant la décision. Les personnes dont vous parlez ont été recrutées en essai en début janvier 2011 et devaient faire l’objet d’évaluation à la fin du mois de Mars. A cette date personne ne travaillait à cause de la crise. Et donc l’évaluation n’a pas été faite. Ce qui veut dire donc que les personnes concernées n’ont jamais été embauchées.
Rien à voir donc avec l’ordonnance présidentielle ?
Bien sûr que si ! Nous avons tiré la conséquence de l’ordonnance présidentielle et ceux d’autant plus que ces n’étaient pas définitivement engagées au PAA.
La crise postélectorale a encore mis à mal le transit entre le port et les pays de l’hinterland. Quelle est la situation réelle aujourd’hui ?
Le transit et le transbordement créent de la valeur ajoutée pour les ports, au contraire du trafic captif pour l’économie nationale. La concurrence porte sur le transit et le transbordement, en termes de capacités et de performances portuaires. Concernant le trafic à destination du Burkina Faso, du Mali et du Niger, il est soumis aux péripéties de nos crises. Depuis 2000 il y a des soubresauts conjoncturels qui font que parfois ils sont totalement interrompus ou sont ralentis.
Pour ce qui est du trafic en transit je peux dire actuellement que les choses ont repris.
Il y a deux semaines de cela on a accueilli officiellement des convois de camions maliens et depuis ce trafic ne cesse de croître. Nous n’avons pas encore récupéré la totalité de notre trafic perdu qui est actuellement de 20% du trafic de l’ensemble des pays de cet hinterland, en concurrence avec Dakar, Cotonou, Lomé, etc. Mais nous sommes bien repartis pour reconquérir notre place et nous en avons les atouts. Qu’il s’agisse du Burkina Faso, le Mali ou du Niger, les opérateurs économiques ont un penchant naturel pour le Port d’Abidjan. Mais si les conditions d’une activité normale ne sont pas réunies, les opérateurs économiques peuvent aller vers d’autres ports ! Néanmoins, nous nous attelons à créer des conditions optimales pour l’exercice de leurs activités et pour leur retour au PAA. Ainsi, avant que nous puissions conduire une mission commerciale dans ces pays, j’ai adressé une correspondance à chacun de ces grands opérateurs pour les inviter à retrouver la destination Côte d’Ivoire. Nous avons réactivé les contrats de représentants locaux suspendus depuis janvier 2011 et avons mené des actions de proximité par des entretiens téléphoniques réguliers avec les opérateurs.
Concernant la fluidité routière et les tracasseries sur le corridor, le Ministre des Infrastructures Economiques, notre ministre de tutelle a saisi le gouvernement pour trouver une solution rapide à ce problème.

En attendant que l’audit se termine, quelles sont vos priorités ?
Les priorités sont de plusieurs ordres. Il s’agissait de voir comment reprendre les activités, parce que quand on revient après un arrêt complet – je pense qu’aucun directeur général n’a pris fonction dans de telles conditions – la priorité première est de faire reprendre les activités pour que l’économie reprenne à son tour. Par la grâce de Dieu, les choses vont bien avec le soutien de nos Autorités. Il faut savoir que, pour les opérateurs portuaires dans la situation de crise que nous traversons, les politiques sont les premiers commerciaux. Quand le Président de la République incite à la paix et à la réconciliation ; quand le Premier Ministre s’y joint pour démanteler les barrages anarchiques afin qu’il y ait la fluidité routière, nous opérateurs portuaires en profitons. En cela, je voudrais remercier le Président de la République pour son implication personnelle dans la reprise des activités. Je remercie aussi le Premier Ministre pour l’énergie qu’il ne cesse de déployer à faire en sorte de créer la fluidité au niveau des corridors. Je remercie également notre ministre de tutelle, Mr Achi Patrick, pour son soutien constant dans le cadre de la mise en œuvre de notre action. Pour notre part, nous nous attelons à assurer les services portuaires dans de bonnes conditions. Nous en avons les hommes, les idées et les moyens, même s’ils ne sont pas énormes. Mais nous consacrons totalement le peu que nous avons à l’accueil des navires, de sorte à assurer le déroulement des activités portuaires dans des conditions acceptables au vue des circonstances. L’autre priorité se situe au niveau de l’optimisation des ressources. Nous sommes 1800, vous comprenez que dans ce cas, les charges du personnel sont énormes et obèrent les capacités de financement.
Les infrastructures sont en désuétude. Il s’agit de leur donner un minimum d’âme. C’est ce que nous avons d’ailleurs commencé en ce qui concerne la voirie. Vous pouvez le constater au niveau du boulevard du port, sur le tronçon allant du pont Félix Houphouët Boigny aux cimenteries. L’autre partie allant des cimenteries à la SIR fera l’objet de travaux pilotés par le M.I.E (AGEROUTE). Tout cela montre la réelle volonté de restaurer l’image du port et de faire tourner les activités, de sorte à permettre aux opérateurs qui travaillent ici et qui emploient des milliers d’Ivoiriens de continuer à exercer dans de bonnes conditions pour que leurs employés puissent réinjecter leurs salaires dans l’économie.
Relativement aux ressources financières, l’autre volet, la priorité est d’assécher toutes les sources de déperditions, en attendant les résultats des audits qui nous permettrons de définir les orientations fortes, vu que l’entreprise est très endettée. Suite aux audits dont nous tirerons les conséquences, nous présenterons à la tutelle notre vision et notre stratégie de relance du port pour les prochaines années.

Cette énorme dette s’élève à combien ?
Des voix plus autorisées vous le diront. Mais, vous ne pouvez pas imaginer l’ampleur !

Interview réalisée par Alakagni Hala
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