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Politique Publié le jeudi 23 juin 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Brissi Takaléa (vice-président du groupe parlementaire Fpi) : ‘’Je ne veux pas que Koulibaly parte’’

© L’intelligent d’Abidjan Par Emma
Application des recommandations de l`Union africaine: les partisans de Gbagbo rejettent la main tendue de la majorité présidentielle
Mercredi 25 mai 2011. Abidjan. Siège du Congrès national de la résistance pour la démocratie (Cnrd), à Cocody. Mamadou Koulibaly, président par intérim du Front populaire ivoirien (FPI) anime une réunion du comité central élargi au CNRD
Il faudra bien tirer tôt ou tard les leçons, mais toutes les leçons de l’un, des épisodes douloureux de l’histoire du Fpi. Un parti qui a été l’avant-gardiste du combat pour l’instauration de la démocratie en Côte d’Ivoire. Mais qui, une fois au pouvoir, la crise politico-militaire de 2002 aidant, s’est détourné de son idéologie du socialisme de marché comme l’estiment certains barons du parti. En attendant ce débat, on assiste néanmoins à un lever de bouclier dans le camp des bleus, porté par les puristes de l’idéologie socialiste. Ceux-là mêmes qui ont été au début de la gestation du parti. C’est le réveil des militants de la première heure qui n’ont de cesse qu’ils appelent leurs camarades à l’ordre. Le docteur chirurgien dentiste et député de la nation, l’honorable Brissi Takaléa Claude est de cette lignée. Les démarches durant la crise postélectorale, les critiques contre son propre camp, le président intérimaire du parti, la situation de tous les soutiens de Laurent Gbagbo…autant de sujets qu’il évoque ici sans complaisance.
Plus de deux mois après la chute de Laurent Gbagbo, quel regard jetez-vous aujourd’hui, avec un peu de recul sur ce qui vous est arrivé après le 28 novembre?
Après le 28 novembre, il y a eu plusieurs étapes avant la chute de Laurent Gbagbo. Pas besoin de 2 mois de recul pour avoir une meilleure lecture sur ces événements. Après la prestation de serment des deux présidents, je me suis dit que nous allions à une catastrophe. Nous avons alors pris attache, Mamadou Koulibaly et moi-même avec des collaborateurs du Président Ouattara pour voir ce qui pouvait se faire. Le Président Ouattara a bien voulu lui-même, nous recevoir. Nous avons rencontré Mgr Kutwa, M. Choï, animé une émission sur « Radio Espoir » une radio confessionnelle, nous avions même pris rendez-vous avec le facilitateur lorsqu’un contretemps de dernière minute a fait annuler le voyage. Toute cette débauche d’énergie, c’était pour éviter justement ce dont vous parlez. Je regrette que ceux qui travaillent au Fpi soient moins écoutés dans ces circonstances-là que ceux qui parlent à longueur de journée de trahison et qui ont eu le temps de se préparer financièrement au cas où. Tout ce que nous avons fait n’a rien donné. Cela s’est terminé de la pire des façons, par la guerre. Le résultat d’ensemble donne un énorme gâchis, une tragédie, une dette morale et matérielle incommensurable envers ceux qui ont cru en nous et qui après le 11 Avril, défraient la chronique des organisations des droits de l’Homme et des faits divers. Je pense au-delà de nos militants, à ces personnes du Pdci, du Rdr, etc. qui sont venues vers nous parce que nous leur avions dit que la vérité était de notre bord et qui sont pourchassées par leurs amis d`hier et qui nous appellent au secours et pour lesquelles on ne pouvait rien faire. Pour nous militants Fpi, mes récriminations, je les réserve à nos instances. La leçon que je tire de tout cela c’est que dans une nation, si vous avez un totem qui est adoré par tous, c’est une chance. Nous n’avons pas de totem propre aux Ivoiriens que nous respectons, c`est-à-dire un consensus sur quelque chose. Même notre constitution elle-même est attaquée, nos universités saccagées, des hôpitaux détruits. En cas de crise majeure, cela nous aurait permis de savoir jusqu’où ne pas aller. Si la réconciliation est sérieuse, son animateur peut en faire un sous-thème. Nous pouvons avoir un espace de marques déposées, reconnues comme telles. Mais hélas ! Nous avons tout souillé, même les écoles et les hôpitaux. Au Ghana par exemple, ces deux secteurs font l’objet de consensus quel que soit le gouvernement. Quelqu`un a dit que le diable est passé dans les environs.

Vous appartenez à un parti politique qui traverse des temps difficiles après avoir perdu le pouvoir. Est-ce une fatalité pour vous ? Croyez-vous que votre parti a les ressources nécessaires pour rebondir ?
Il y a bien longtemps que joyeusement le Fpi se donne en spectacle sans ticket payant. Notre parti a un potentiel humain. Seuls, sont touchés les potentiels idéologiques et matériels. A condition de revenir aux fondamentaux, nous pouvons rebondir.

Ne faut-il pas redouter le syndrome ‘’Adema’’ (Alliance pour la démocratie au Mali) qui s’est disloqué après avoir perdu le pouvoir exercé pendant 10 ans ?
Je vous ramène à ma réponse précédente.

Il se dit dans l’entourage du président intérimaire Mamadou Koulibaly qu’il veut voler de ses propres ailes en créant un parti politique. Est-ce votre sentiment, vous qui êtes un de ses proches ?
Je ne crois pas et je ne souhaite pas que Mamadou Koulibaly parte. Nous avons trop investi dans ce parti et nous sommes en droit de réclamer notre part d’héritage. Vous me ramenez à cette remarque de Blé Goudé, non membre du Fpi, qui disait que « quand une femme met la nudité de son mari sur la place publique, c’est qu`elle a déjà préparé ses valises pour aller chez son nouveau mari. En clair, Mamadou Koulibaly avait rejoint le Rdr ». Personne au Fpi n’a défendu le vice- président qu’il est ou encore refaire la moindre remarque à l’auteur des propos. Mais quand au deuxième tour des présidentielles on a eu besoin de lui, vous l’avez vu sur les plateaux de la télévision. Aujourd’hui encore ce sont les décisions impopulaires à savoir : reconnaissance du Président Ouattara, notre présence à sa prestation de serment qui permettent petit à petit de ramener le calme chez nos militants. La dernière en date est la libération de 17 de nos camarades de la Pergola dont moi-même, j’ai suivi à la demande de Koulibaly lui-même, le dossier avec le ministre Hamed Bakayoko. Je voudrais ici dire merci au ministre pour le respect de la parole donnée. De tels gestes devraient se multiplier pour une décrispation totale du climat politique. En fait, certains des nôtres ne veulent pas du tout que contact soit pris avec le Président Ouattara. Ils ne souhaitent aucune collaboration. Mamadou Koulibaly pense le contraire. Il pense surtout d’abord à la Côte d’Ivoire qu’il faut sauver, ensuite les hommes. Grande différence d`approche.

Mais il n’a pas été tendre avec son propre parti dans une interview à Jeune Afrique. Etait-ce opportun ? C’est la question que les militants se posent !
Sont-ce ces mêmes militants qui étaient au comité central ou ceux qui ont eu les moyens de se mettre à l`abri. Moi, je suis coorganisateur de ce comité central et nous savons comment ces choses s`organisent et ont été organisées. Mamadou Koulibaly mérite respect. Ceux qui s`époumonent aujourd’hui sont les mêmes qui l’ont brocardé quand il a osé dire que l`Accord Politique de Ouagadougou était une arnaque et qu’il fallait couper l’herbe sous les pieds du Rhdp, concernant la corruption dans nos rangs, en réglant le problème de l’école de police et ceci, avant les élections. Ils sont toujours en retard d’un train. Certaines personnes après une relecture des propos tenus, relativisent aujourd’hui. Il y a trop de passion et d’émotion encore et cela se comprend. Ces jours-ci, 17 personnes sont libérées à cause des actions de Mamadou Koulibaly ; ils disent quoi ?

Que répondez-vous à ce que d’aucuns qualifient aujourd’hui de rhétorique de la diabolisation du Fpi, à savoir que Laurent Gbagbo a acheté pour 800 milliards d’armes, que des cadres de votre parti ont financé des milices, que vous aviez adopté une posture dictatoriale, que vous étiez tribalistes. En un mot que le Fpi n’a rien fait pendant 10 ans. Est-ce votre avis ?
800 milliards d`armes achetées ! Je n’y crois pas. Rappelez-vous qu’il y a un journal qui a écrit, il n’y a pas longtemps, que des milliards avaient été virés de la Bni [banque nationale d’investissement, ndlr] vers l’île de Jersey et que ce serait un Ghanéen proche du Président Atta Mills qui aurait été le « end user » [destinataire final, ndlr]. La preuve par la publication du Swift a même été faite dans ce journal. La polémique s’est aussitôt éteinte quand la banque a démontré qu’à la date annoncée de la supposée transaction, elle était sous embargo, donc dans l’impossibilité matérielle de faire, ce dont elle était accusée. Le journal a encaissé le coup. Sauf preuve du contraire, je ne crois pas que 800 milliards de nos francs aient été dépensés en frais d’armement. Si c’était le cas, au moins, ce serait des dépenses en moins pour le nouveau régime. Pour le reste, je préfère ne pas y répondre pour faire sérieux.

Si le Fpi devait revenir au pouvoir qu’est-ce qu’il va s’interdire dans sa gestion des affaires ?
Posez-moi la question dans quelques mois, avant le congrès que je souhaite vivement et dont le thème pourrait inspirer la réponse à votre question. Et le plus tôt serait le mieux pour la tenue de ce congrès à cause des échéances futures.
Par S. Débailly
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