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Politique Publié le samedi 25 juin 2011 | Le Patriote

Interview / Kima Emile : “Si je suis coupable, qu’on m’arrête”

Après un séjour passé à l’hôtel Pergola où il s’était réfugié au plus fort de la crise postélectorale, Kima Emile, ex-président du comité de soutien de l’accord de Ouagadougou, s’explique sur les nombreux griefs que lui font de nombreuses personnes, parmi lesquelles bon nombre de ses compatriotes burkinabè.

Le Patriote: Vous êtes parmi les personnalités qui étaient à la Pergola et qui ont été libérées. Qu’est-ce que vous y faisiez?
Kima Emile: Je suis allé à la Pergola par ma propre volonté pour des raisons sécuritaires. Sinon, je n’ai pas été interpellé. Donc, il faut que les choses soient très claires. Quand je suis arrivé là-bas, j’ai trouvé beaucoup de barons de LMP et on nous a dit que tout le monde était en résidence surveillée. Ce qui n’était pas mon cas.

LP: Votre vie était-elle menacée à ce point?
KE: Non, ma vie n’était pas menacée. Il y avait une situation de chaos et on ne cherchait pas à savoir qui était de LMP ou du RHDP. Je vivais dans un quartier populaire, qui était très divisé, où chacun avait son parti. Donc pris de peur, je me suis dit qu’il fallait me mettre à l’abri. C’est ainsi que je suis parti. Mais en mon absence, ma résidence a été pillée.

LP: Si vous n’aviez rien à vous reprocher, pourquoi votre maison a-t-elle été pillée et votre véhicule emporté ?
KE: En tout cas, je n’ai rien à me reprocher.

LP: Vous vous étiez présenté au départ comme le défenseur des Accords de Ouagadougou, mais au fil du temps, vous vous êtes érigé en jeune patriote…
KE: Merci ! Votre question me donne l’opportunité de clarifier les choses. Effectivement, je suis le président du comité de soutien aux accords de Ouagadougou. Tout le monde sait que mes compatriotes étaient menacés ici par certains partisans (de LMP, ndlr). On accusait le président Blaise Compaoré de parti-pris dans la crise ivoirienne. Je me suis dit qu’il fallait sauver mes compatriotes en prenant position. C’est ainsi que je suis rentré en campagne pour demander à mes concitoyens de ne pas se mêler de la politique ivoirienne. En le faisant, c’est le Burkinabé, le Malien, le Guinéen, en un mot, les ressortissants de la Cedeao que je défendais. Quand le panel des chefs d’Etat a été constitué pour régler la crise et que les gens étaient excités, j’ai encore fait un sit-in devant l’Ambassade du Burkina pour demander au président Blaise Compaoré de ne pas venir. Parce qu’il allait se faire humilier. Imaginez mon Président qui se ferait humilier, mais aussi la vie de mes compatriotes serait en danger.

LP: Apparemment, vous aviez décidé de suivre Laurent Gbagbo?
KE: Mais c’est lui qui était au pouvoir, donc avait la force ! Etre à ses côtés m’offrait des avantages qui me permettaient de défendre et d’aider mes parents. C’est ce que j’ai fait.

LP: Est-ce pour cela que vous avez lancé des piques au président Ouattara ? Par exemple sur la question de la carte de séjour.
KE: Je n’ai jamais accusé le président Ouattara. D’ailleurs, je n’ai jamais prononcé son nom. C’est vrai que depuis Marcoussis, la carte de séjour avait été supprimée. Mais sur le terrain, on ne voyait pas les effets. J’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé voir Laurent Gbagbo, qui a accédé à ma requête. Je n’ai jamais accusé ni insulté qui que ce soit. J’ai toujours demandé à mes compatriotes de se démarquer de la politique ivoirienne et j’ai toujours été à leurs côtés. J’en veux pour preuve, les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la Côte d’Ivoire où il y a eu 10 morts dont 8 burkinabés. J’ai obtenu du président Gbagbo une enveloppe de 5 millions que je suis allé leur remettre. Ces familles ont eu des difficultés pour entrer en possession des corps afin de les enterrer. Les exemples sont nombreux. Les gens racontent même que j’insultais le président Blaise Compaoré lors de mes meetings. Je ne me reconnais pas dans ces accusations. Si à un moment donné, j’ai mal agi, qu’on me pardonne.

LP: Peut-on savoir à quoi ont servi les fonds que vous avez recueillis avant la campagne électorale auprès des ressortissants de la CEDEAO?
KE: Ces fonds n’étaient pas destinés aux élections. Vous savez que le pays a traversé une longue crise. Et pendant mes tournées, j’ai demandé à chaque ressortissant ouest africain de cotiser la somme de 1000 FCFA. A cet effet, nous avons ouvert un compte à la Banque Atlantique. J’ai demandé aux gens de faire parler leur cœur sans obliger qui que ce soit. Ils ont fait parler leur cœur. Et je puis vous dire qu’aucun sou n’a été retiré sur ce compte. Très bientôt, nous allons le remettre à qui de droit pour la reconstruction du pays
.
LP: Combien avez-vous récolté?
KE: Je ne suis pas en mesure de vous dire combien nous avons sur ce compte. Mais tout le monde peut aller se renseigner. Il n’y a pas de secret. Le moment venu, nous organiserons une cérémonie officielle de remise aux autorités.

LP: On vous a vu plus souvent avec Blé Goudé qu’avec les autres présidents de jeunesse de partis politiques…
KE: Je peux vous dire que je n’ai jamais appartenu à la galaxie patriotique. Seulement, j’y ai des amis. Ils restent des amis, même si on n’a pas les mêmes idées. En Côte d’Ivoire, tout le monde se connaît. Certains jeunes patriotes travaillent aujourd’hui avec le nouveau régime. Celui qui est Premier ministre aujourd’hui, était Premier ministre dans l’ancien régime. Tout le monde se connaît. Il ne faut pas qu’on se mente. Autant Kima connaît des gens qui sont de tel bord politique, autant eux aussi connaissent d’autres personnes qui sont d’un autre bord politique. La politique ne doit pas nous diviser. On doit se serrer les coudes pour que notre pays avance. Pour moi, la Côte d’Ivoire est un modèle d’intégration. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire a un nouveau président. Il s’appelle Alassane Ouattara. Il faut que tous les Ivoiriens se donnent la main pour reconstruire le pays. Je sais que c’est un homme au grand cœur, je lui demande de faire un geste dans le sens de la libération des dignitaires de l’ancien régime, au nom de la paix. Dans cet élan de réconciliation, nous envisageons d’organiser le 24 juin prochain, au stade Champroux, un grand rassemblement des ressortissants de la CEDEAO pour soutenir le président Alassane Ouattara.

LP: Pourtant, on vous accuse d’avoir hébergé des mercenaires à la solde de Laurent Gbagbo.
KE: Je ne me reconnais pas dans ces accusations, qui me font rire d’ailleurs. C’est vrai que j’étais avec l’ancien pouvoir. Je ne peux pas fuir mon passé. Mais de là à héberger des mercenaires chez moi, c’est impossible. Moi-même, je suis contre ces pratiques. Je suis serein. Si je suis coupable qu’on m’arrête ! Mais le fait d’avoir été proche de l’ancien régime m’a permis de régler beaucoup de problèmes vécus par mes compatriotes.

LP: Mais est-ce pour ça qu’il faut insulter l’opposition en cherchant à vous intégrer? Vous l’avez fait.
KE: Qui est ce que j’ai insulté ? J’ai seulement dit qu’il fallait respecter les lois du pays où on est et se démarquer de la politique. Mes propos sont tellement clairs. Et je crois qu’il n’y a pas de parti-pris dans ce que je dis. Je n’ai jamais insulté Alassane Ouattara ni le RHDP. Celui qui dit le contraire, qu’il me montre les preuves.

LP: Pendant vos tournées, pourquoi demandiez-vous avec insistance aux ressortissants de la CEDEAO de ne pas prendre part aux élections. Ce qui n’était pas leur objectif.
KE: Vous convenez avec moi que 80% de nos compatriotes sont des analphabètes. Certains ont fraudé la nationalité ivoirienne, non pas parce qu’ils voulaient être Ivoiriens mais, ils voulaient éviter les tracasseries. Je me considère comme un leader, qui doit dire ce qui arrange ceux qu’il conduit. Je le faisais pour qu’ils n’aient pas des problèmes. Je profite aussi pour faire certaines éclaircies. On a raconté que Kima Emile naturalisait les gens. Il n’en est rien. Seulement, certaines personnes avaient leurs dossiers de naturalisation sur la table depuis 5, 6 voire 7 ans. J’ai donc aidé à faire aboutir leur dossier. C’est tout. Personne ne m’a remis de l’argent pour ça. Je mets quiconque au défi de prouver le contraire.

LP: Finalement vous êtes blanc comme neige?
KE: Oui, je suis blanc comme neige ! Celui qui pense que je l’ai offensé, qu’il me pardonne. Mais s’il pense que c’est aussi grave qu’il vienne sur la place publique et on va s’expliquer. Mais moi, je ne me reproche rien. La preuve en est que je n’ai pas quitté le pays. Après la signature de l’Accord politique de Ouagadougou, je me suis dit que je pouvais apporter un plus. Et c’est ce que j’ai fait. Les problèmes de mes compatriotes que j’ai eus à résoudre, je l’ai fait avec mes propres moyens.

LP: Vous avez dit une chose gravée dans les mémoires : «je suis avec le pouvoir, Pian!». Que voulez-vous qu’on retienne de vous?
KE: Oui, je suis avec le pouvoir Pian! Certaines personnes me demandaient pourquoi j’étais du côté du pouvoir? Mais je dis qu’il faut être à côté du pouvoir pour régler les problèmes. Entre nous, où se trouve la force? Les gens ne doivent pas oublier cela. Je pouvais me taire. Mais en me taisant, vous pensez que j’arrange la communauté ouest africaine? J’ai fait un choix. J’ai préféré sauver la vie de mes compatriotes. Je demande au président Alassane Ouattara de continuer à tendre la main et d’inviter ceux qui sont partis à revenir au pays. Il est maintenant le président de la République de tous les Ivoiriens et ceux qui vivent sur le territoire de la Côte d’Ivoire. Beaucoup parmi ceux qui sont partis vivent difficilement là-bas. Certains sont malades. D’autres nous appellent pour des recharges ou des mandats. Ici c’est chez eux.

LP: Vous invitez le président de la République à appeler ceux qui sont partis à revenir. Certainement qu’ils ont des choses à se reprocher.
KE: Mais ce n’est pas en restant là-bas qu’ils trouveront la solution. Qu’ils rentrent et qu’ils viennent s’expliquer. S’ils ne viennent pas, comment les problèmes peuvent se régler? Comment se fera la réconciliation? Elle ne peut se faire avec une moitié des Ivoiriens. C’est vrai que dans les deux camps, on trouve des extrémistes. Je dis à ceux-là qu’il est temps de mettre balle à terre.
Réalisée par Yves M. ABIET
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