Ces marchés qu’ils ont conquis, Pouquoi ils ont peur de Ouattara
Majoritairement opérateurs économiques, les libanais ont régné comme les maîtres de l’économie en Côte d’Ivoire sous le régime de Laurent Gbagbo. Avec l’arrivée massive des investisseurs européens, américains, cette communauté aura du mal à poursuivre son règne.
La communauté libanaise est implantée en Côte d`Ivoire. Elle est devenue par la force des choses, une puissance économique très importante dans le pays. Première communauté non africaine en Côte d`Ivoire (plus de 60 000 personnes), économiquement bien implantée, elle a été très proche de l’ancien régime. Tout simplement, cette communauté d’hommes d’affaire a mis le miel à la disposition des tenants du régime pour être libre dans l’exercice de ses activités. De l’arrivée au pouvoir en octobre 2000 jusqu`à la chute le 11 avril 2011, certains Libanais étaient fortement liés à tous les proches de Gbagbo. «Les Libanais soutiennent traditionnellement le pouvoir en place. La communauté était liée à l’ancien régime dans le but de vaquer librement à ses affaires. C’est tout !. D’autres ont laissé le cadre des affaires pour faire la politique. C’est leur choix personnel », souligne un puissant opérateur économique libanais sous couvert de l’anonymat. Pour ce soutien, en 2006, lors de la guerre entre le Liban et Israël, Laurent Gbagbo avait accordé un accès sans visa aux ressortissants libanais en Côte d’Ivoire. Autrefois cantonnés au petit commerce, les Libanais de Côte d’Ivoire ont le monopôle dans plusieurs secteurs d’activités de l’économie ivoirienne depuis le début de la crise de 2002 avec le départ et la délocalisation de plusieurs entreprises françaises. En novembre 2004, avec les attaques des partisans de Gbagbo contre les biens des Français, les Libanais étaient libres dans leur mouvement. Ils sont devenus les maîtres de l’économie avec plein pouvoir de la part de leurs parrains refondateurs. Ils ne cachaient pas leur affinité avec l’ancien pouvoir. Du coup, certains membres de cette communauté étaient devenus trop arrogants envers les Ivoiriens. En 2010, un Libanais a tiré à bout portant par balles sur deux ouvriers qui effectuaient des travaux chez lui à domicile. Des manifestants s`en sont pris par la suite à des magasins et des maisons appartenant à la communauté libanaise. « Les Libanais étaient devenus comme des seigneurs dans notre propre pays. Si tu as un problème avec un des leurs, sache que c’est la police ou la gendarmerie qui va venir te prendre. Vraiment, c’était insupportable », dénonce Yao Parfait. Actuellement, ils sont désormais actifs dans des secteurs cruciaux comme les transports, les finances, les hydrocarbures, le commerce et l`immobilier. Après une implantation commerciale historique, la communauté libanaise a, non seulement, profité de la vague de privatisations d’entreprises d’Etat, à la fin des années 90, mais aussi des départs en cascades de patrons français dans le sillage des émeutes de novembre 2004. A la suite des événements, ils ont racheté les galeries ‘’Peyrissac, les magasins Bernabé et Technibat", de grands noms de la distribution spécialisée à Abidjan détenus par le passé par des grands investisseurs européens. "Ils tiennent l’économie" disait-on facilement dans le pays, une idée corroborée par les chiffres : selon Roland Dagher, grand patron libanais et ex-Conseiller économique et social, « 35 voire 40% de l’économie est aux mains de la communauté libanaise, qui fournit le même niveau d’emplois, sinon un peu plus, que la fonction publique ivoirienne ».
Ces marchés qu’ils ont conquis
Voyant leur mainmise sur l’économie ivoirienne et leur relation très étroite avec le régime de Gbagbo grâce aux sacs d’argent qu’ils convoyaient vers la présidence, les Libanais ont décidé d’asseoir définitivement leur base en Côte d’Ivoire. Ainsi en 2010, avec l’autorisation de Laurent Gbagbo, ils vont créer la Chambre de Commerce et d’Industrie Libanaise en Côte d’Ivoire (CCIL-CI), dirigée par le Dr. Joseph Khoury. « Certains étaient même fiers de dire que c’est l’économie libanaise qui soutient le PIB ivoirien, et non plus l’économie française », révèle un entrepreneur, sous couvert de l’anonymat. Le groupe Hyjazi ou encore la Global Manutention de Côte d’Ivoire (GMCI) du magnat ivoiro-libanais Ibrahim Ezzedine, sont aujourd’hui les fleurons des intérêts libanais en Côte d’Ivoire. Et d’après l’Ambassadeur libanais à Abidjan, Ali Ajami, qui s’exprimait en 2009 dans les colonnes du journal libanais ‘’L’Orient-Le Jour’’, 10 % des entreprises libanaises réalisent au moins un milliard de francs CFA de chiffre d’affaires annuel. Conséquence: cette omniprésence économique s’est toujours accompagnée de relations étroites avec le pouvoir. Dès sa prise du pouvoir en octobre 2000, Laurent Gbagbo avait nommé deux Libano-ivoiriens, Roland Dagher et Fouad Omaïs au Conseil économique et social. Certains avaient même reproché à l’ancien régime d’avoir été un peu trop indulgent dans son amitié avec le Liban. Les quartiers chiites de la capitale ont été, en effet, connus pour abriter des sympathisants du Hezbollah. Des drapeaux verts du Hezbollah flottaient, à un moment donné, sur certains balcons du quartier de Marcory, surnommé `le petit Beyrouth`, pendant la guerre israélo-libanaise de 2006. L’imam de la mosquée Al-Ghadir, Abdul Menhem Kobeissi a, un temps, été expulsé vers le Liban sous pression américaine en raison de sa proximité avec le Hezbollah avant de revenir à Abidjan. On l`a même vu prononcer un discours lors d`un meeting présidentiel de Laurent Gbagbo en octobre 2010. Roland Dagher, courroie de transmission entre la communauté libanaise et l’ancien régime, n’a jamais caché ses fortes sympathies pro-Gbagbo. Ainsi Jalal Kawar, patron d’Orca Déco, les hommes d’affaires Roger Abinader, Ibrahim Ezzédine, Oudaye Chalhoub, Sam l’Africain et Elie Hallassou n’ont pas tardé à prouver leur sympathie pour Laurent Gbagbo. D’autres l’ont fait à visages découverts et certains dans l’ombre. "Les Libanais, légitimistes, ont plutôt soutenu Gbagbo au premier tour, non pas par conviction mais parce qu’ils pensaient qu’il serait élu », nous révèle une source libanaise.
Pourquoi leur chute est inévitable sous Ouattara ?
Avec la révolution des investisseurs européens, américains, chinois, indiens…, en Côte d’Ivoire, les Libanais vont subir la concurrence dans tous les secteurs d’activités. La réalité est sur le terrain. Mais, il ne sera pas facile à ces opérateurs économiques de résister à la concurrence. Premièrement, ils n’ont pas de base solide y compris les grandes relations pour écouler leurs produits sur le marché internationale. Alors que les Européens et Américains auront tous les atouts pour écouler leurs produits sur le marché de l’Union Européenne. Les Libanais seront obligés de subir. Secundo, de nombreux Libanais ont fonctionné dans le faux durant ces années. Beaucoup exerçaient leurs activités dans la clandestinité, sans être inquiétés par les hommes forts du régime de son temps. Ils ne payaient pas les impôts et leurs employés n’avaient aucune garantie. Au lieu d’être mis aux arrêts, ils étaient au contraire couverts et protégés par le régime de Laurent Gbagbo. « Les Libanais payaient très mal. Ils nous faisaient du mal. Lorsque tu te plains, il te convoque à la police pour t’enfermer. Ils avaient tous les commissaires et les durs de l’Armée dans leur poche », révèle AK, contractuel dans une société libanaise. Avec tous ces défaveurs, les Libanais n’ont pas une renommée internationale.
BENJAMIN SORO
Majoritairement opérateurs économiques, les libanais ont régné comme les maîtres de l’économie en Côte d’Ivoire sous le régime de Laurent Gbagbo. Avec l’arrivée massive des investisseurs européens, américains, cette communauté aura du mal à poursuivre son règne.
La communauté libanaise est implantée en Côte d`Ivoire. Elle est devenue par la force des choses, une puissance économique très importante dans le pays. Première communauté non africaine en Côte d`Ivoire (plus de 60 000 personnes), économiquement bien implantée, elle a été très proche de l’ancien régime. Tout simplement, cette communauté d’hommes d’affaire a mis le miel à la disposition des tenants du régime pour être libre dans l’exercice de ses activités. De l’arrivée au pouvoir en octobre 2000 jusqu`à la chute le 11 avril 2011, certains Libanais étaient fortement liés à tous les proches de Gbagbo. «Les Libanais soutiennent traditionnellement le pouvoir en place. La communauté était liée à l’ancien régime dans le but de vaquer librement à ses affaires. C’est tout !. D’autres ont laissé le cadre des affaires pour faire la politique. C’est leur choix personnel », souligne un puissant opérateur économique libanais sous couvert de l’anonymat. Pour ce soutien, en 2006, lors de la guerre entre le Liban et Israël, Laurent Gbagbo avait accordé un accès sans visa aux ressortissants libanais en Côte d’Ivoire. Autrefois cantonnés au petit commerce, les Libanais de Côte d’Ivoire ont le monopôle dans plusieurs secteurs d’activités de l’économie ivoirienne depuis le début de la crise de 2002 avec le départ et la délocalisation de plusieurs entreprises françaises. En novembre 2004, avec les attaques des partisans de Gbagbo contre les biens des Français, les Libanais étaient libres dans leur mouvement. Ils sont devenus les maîtres de l’économie avec plein pouvoir de la part de leurs parrains refondateurs. Ils ne cachaient pas leur affinité avec l’ancien pouvoir. Du coup, certains membres de cette communauté étaient devenus trop arrogants envers les Ivoiriens. En 2010, un Libanais a tiré à bout portant par balles sur deux ouvriers qui effectuaient des travaux chez lui à domicile. Des manifestants s`en sont pris par la suite à des magasins et des maisons appartenant à la communauté libanaise. « Les Libanais étaient devenus comme des seigneurs dans notre propre pays. Si tu as un problème avec un des leurs, sache que c’est la police ou la gendarmerie qui va venir te prendre. Vraiment, c’était insupportable », dénonce Yao Parfait. Actuellement, ils sont désormais actifs dans des secteurs cruciaux comme les transports, les finances, les hydrocarbures, le commerce et l`immobilier. Après une implantation commerciale historique, la communauté libanaise a, non seulement, profité de la vague de privatisations d’entreprises d’Etat, à la fin des années 90, mais aussi des départs en cascades de patrons français dans le sillage des émeutes de novembre 2004. A la suite des événements, ils ont racheté les galeries ‘’Peyrissac, les magasins Bernabé et Technibat", de grands noms de la distribution spécialisée à Abidjan détenus par le passé par des grands investisseurs européens. "Ils tiennent l’économie" disait-on facilement dans le pays, une idée corroborée par les chiffres : selon Roland Dagher, grand patron libanais et ex-Conseiller économique et social, « 35 voire 40% de l’économie est aux mains de la communauté libanaise, qui fournit le même niveau d’emplois, sinon un peu plus, que la fonction publique ivoirienne ».
Ces marchés qu’ils ont conquis
Voyant leur mainmise sur l’économie ivoirienne et leur relation très étroite avec le régime de Gbagbo grâce aux sacs d’argent qu’ils convoyaient vers la présidence, les Libanais ont décidé d’asseoir définitivement leur base en Côte d’Ivoire. Ainsi en 2010, avec l’autorisation de Laurent Gbagbo, ils vont créer la Chambre de Commerce et d’Industrie Libanaise en Côte d’Ivoire (CCIL-CI), dirigée par le Dr. Joseph Khoury. « Certains étaient même fiers de dire que c’est l’économie libanaise qui soutient le PIB ivoirien, et non plus l’économie française », révèle un entrepreneur, sous couvert de l’anonymat. Le groupe Hyjazi ou encore la Global Manutention de Côte d’Ivoire (GMCI) du magnat ivoiro-libanais Ibrahim Ezzedine, sont aujourd’hui les fleurons des intérêts libanais en Côte d’Ivoire. Et d’après l’Ambassadeur libanais à Abidjan, Ali Ajami, qui s’exprimait en 2009 dans les colonnes du journal libanais ‘’L’Orient-Le Jour’’, 10 % des entreprises libanaises réalisent au moins un milliard de francs CFA de chiffre d’affaires annuel. Conséquence: cette omniprésence économique s’est toujours accompagnée de relations étroites avec le pouvoir. Dès sa prise du pouvoir en octobre 2000, Laurent Gbagbo avait nommé deux Libano-ivoiriens, Roland Dagher et Fouad Omaïs au Conseil économique et social. Certains avaient même reproché à l’ancien régime d’avoir été un peu trop indulgent dans son amitié avec le Liban. Les quartiers chiites de la capitale ont été, en effet, connus pour abriter des sympathisants du Hezbollah. Des drapeaux verts du Hezbollah flottaient, à un moment donné, sur certains balcons du quartier de Marcory, surnommé `le petit Beyrouth`, pendant la guerre israélo-libanaise de 2006. L’imam de la mosquée Al-Ghadir, Abdul Menhem Kobeissi a, un temps, été expulsé vers le Liban sous pression américaine en raison de sa proximité avec le Hezbollah avant de revenir à Abidjan. On l`a même vu prononcer un discours lors d`un meeting présidentiel de Laurent Gbagbo en octobre 2010. Roland Dagher, courroie de transmission entre la communauté libanaise et l’ancien régime, n’a jamais caché ses fortes sympathies pro-Gbagbo. Ainsi Jalal Kawar, patron d’Orca Déco, les hommes d’affaires Roger Abinader, Ibrahim Ezzédine, Oudaye Chalhoub, Sam l’Africain et Elie Hallassou n’ont pas tardé à prouver leur sympathie pour Laurent Gbagbo. D’autres l’ont fait à visages découverts et certains dans l’ombre. "Les Libanais, légitimistes, ont plutôt soutenu Gbagbo au premier tour, non pas par conviction mais parce qu’ils pensaient qu’il serait élu », nous révèle une source libanaise.
Pourquoi leur chute est inévitable sous Ouattara ?
Avec la révolution des investisseurs européens, américains, chinois, indiens…, en Côte d’Ivoire, les Libanais vont subir la concurrence dans tous les secteurs d’activités. La réalité est sur le terrain. Mais, il ne sera pas facile à ces opérateurs économiques de résister à la concurrence. Premièrement, ils n’ont pas de base solide y compris les grandes relations pour écouler leurs produits sur le marché internationale. Alors que les Européens et Américains auront tous les atouts pour écouler leurs produits sur le marché de l’Union Européenne. Les Libanais seront obligés de subir. Secundo, de nombreux Libanais ont fonctionné dans le faux durant ces années. Beaucoup exerçaient leurs activités dans la clandestinité, sans être inquiétés par les hommes forts du régime de son temps. Ils ne payaient pas les impôts et leurs employés n’avaient aucune garantie. Au lieu d’être mis aux arrêts, ils étaient au contraire couverts et protégés par le régime de Laurent Gbagbo. « Les Libanais payaient très mal. Ils nous faisaient du mal. Lorsque tu te plains, il te convoque à la police pour t’enfermer. Ils avaient tous les commissaires et les durs de l’Armée dans leur poche », révèle AK, contractuel dans une société libanaise. Avec tous ces défaveurs, les Libanais n’ont pas une renommée internationale.
BENJAMIN SORO