Le huis clos de Malabo sur la Libye a été houleux, vendredi. Si houleux que la clôture du sommet, prévue à 15 heures, n’a commencé qu’autour de 17 heures. Selon des sources bien introduites, le conclave des chefs d’Etat présents à ce 17e Sommet ordinaire de l’Union africaine a été marqué par un désaccord sur la position à adopter face à la situation au pays de Kadhafi. Dès l’ouverture des débats, des présidents d’Afrique centrale et australe ont pris la parole pour s’opposer à tout départ du guide libyen. Ils ont ressassé l’argument d’une ingérence occidentale dans ce conflit, en s’accrochant à l’idée d’une sortie de crise négociée, avec Kadhafi au pouvoir. Dans la salle, les pays étaient regroupés par sous-régions. Au côté de ses pairs d’Afrique de l’Ouest, Alassane Ouattara a pris la parole pour exprimer sa déception devant le manque d’objectivité qui entame la notoriété de l’union. Pointant du doigt les farouches partisans du dictateur libyen dont nous tairons les noms ici, le président ivoirien leur a reproché d’ignorer la souffrance du peuple de Libye. « C’est parce qu’il n’y a pas eu de guerre chez vous que vous réagissez ainsi. Nous avons connu la guerre en Côte d’Ivoire et j’ai vu les Ivoiriens souffrir et mourir chaque jour », a répondu Alassane Ouattara sous un ton de fermeté. Sa colère était si perceptible que le président de la Commission de l’UA a jugé nécessaire de se déplacer de la table de séance pour venir le calmer. Mais cette intervention de Jean Ping n’empêchera pas Ouattara d’aller jusqu’au bout de sa position. Pour lui, il appartient à l’union de prendre une décision qui tienne compte de la réalité en Libye. Le pays est dans une situation de révolution armée si avancée que la stabilité est quasi-inenvisageable tant que Kadhafi prétendra au pouvoir. C’est pourquoi, pendant les échanges, une autre tendance s’est opposée à toute position contraire, estimant que l’Union africaine pourrait se rendre responsable de nouvelles pertes en vie humaine. Le chef de l’Etat a aussi recommandé qu’en cas de crise dans un pays, l’UA accorde une prépondérance à l’organisation sous-régionale à laquelle appartient ce pays. « Lorsque la crise post-électorale a commencé en Côte d’Ivoire, la Cedeao (Ndlr : Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) l’a examinée et trouvé une solution qui devait limiter les souffrances des Ivoiriens. Mais dès que l’Union africaine s’est saisie du dossier, nous avons traîné, laissant mourir tant de personnes… », a regretté Alassane Ouattara. C’est le lieu de rappeler que la Ligue arabe s’est associée à l’adoption et à l’application de la résolution 1973 des Nations Unies. Sur la base de cette résolution, les puissances occidentales procèdent depuis lors à des bombardements aériens en Libye pour contraindre Kadhafi à partir. En outre, plusieurs pays ont déjà reconnu le Conseil national de transitions(Cnt) créé par les opposants libyens. La Ligue arabe a dépêché un représentant au sommet de Malabo pour convaincre les dirigeants africains à s’aligner derrière la communauté internationale. Selon Ahmed Ben Helt, les soulèvements aussi bien en Libye que dans d’autres pays arabes démontrent la volonté de ces peuples de vivre dans des sociétés modernes, libres et démocratiques. La Secrétaire générale adjointe de l’Onu, Asha Rose Migiro, représentant Ban Ki-moon, a elle aussi appelé l’UA à soutenir les actions de la communauté internationale pour une paix durable en Libye. Mais en définitive, les chefs d’Etat n’ont pu s’accorder que sur la création d’un cadre de discussion entre les parties libyennes, sans la participation personnelle de Kadhafi. Attendons de voir ce que cela donnera sur le terrain.
C..S. envoyé
spécial à Malabo
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