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Politique Publié le vendredi 8 juillet 2011 | Le Temps

Lacunes avérées du pouvoir : Le ‘’Banquier international’’ ou la grande mystification de la France

© Le Temps
Bonne gouvernance: le séminaire gouvernemental a pris fin
Mercredi 6 juillet 2011. Abidjan. Palais présidentiel du Plateau. Le chef de l`Etat, SEM Alassane Ouattara a mis fin aux travaux du séminaire qui a regroupé tous les membres du gouvernement
Difficile aujourd’hui pour Ouattara de demander aux Ivoiriens d’accepter qu’il soit un simple humain, qui a lui aussi ses limites. Tant la surenchère sur ses compétences d’économiste émérite a dépassé la normale.

Ouattara aura du mal à revendiquer un statut de simple homme politique qui a aussi ses limites. En effet, lorsque la France présente l’homme à Houphouët Boigny en 1989 et obtient du vieux qu’il fasse de lui son premier ministre, c’est le titre de gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) dont il est paré qui est mis en avant. Ouattara fait alors l’objet d’une opération de charme savamment montée pour séduire les Ivoiriens qui le découvrent à peine. Le banquier est présenté sans nuances comme un gestionnaire sans égal quand on lui confie les privatisations des secteurs stratégiques de l’économie ivoirienne qu’il vend à la France. On dit de lui qu’il est un magicien capable de tous les exploits sur le plan de la gestion. En 1990, il est bombardé Premier ministre et reçoit la lourde mission de redresser l’économie de la Côte d’Ivoire. Il demande «100 jours» puis «1000 jours» pour réaliser l’exploit. Mais il échoue après trois années de gestion controversée. Quand Konan Bédié arrive au pouvoir à la mort de Félix Houphouët-Boigny, la France qui tient vaille que vaille à faire de lui le président de la République de Côte d’Ivoire continue dans son opération d’embellissement de l’image de Ouattara. Introduit au Fonds monétaire international (Fmi), il a l’insigne honneur d’être nommé Dga –Afrique de cette institution en 1993. Paris veut le mettre en contact avec les milieux de la haute finance en lui faisant découvrir les arcanes de la politique et des diplomaties internationales. On le frotte aux “grands du monde”. Il s’agit pour la France de construire par tous les artifices un homme d’Etat à la carrure exceptionnelle, un banquier d’envergure mondiale capable de relever tous les défis en un temps record. L’objectif étant pour l’Elysée de démontrer aux Ivoiriens qu’il était la seule personne sur cette terre en mesure de réaliser le développement de la Côte d’Ivoire.

Surenchère autour d’un homme

Mais aussi et surtout d’ouvrir les yeux de Ouattara sur les intérêts français en Afrique gérés à partir du Fmi, afin de le réparer à mieux les servir quand le moment sera venu. On dit de lui, au milieu d’une campagne de médiatisation sur les chaînes étrangères, qu’il est ‘’l’ami de tous les grands de la planète, qui entre où il veut et quand il veut, qui mange à la table des personnalités les plus importantes de ce monde à tout moment’’. Aux dires de ceux qui le propulsaient en avant, jamais un humain avant lui n’avait eu un tel carnet d’adresses. Mais Ouattara a un handicap. Il ne connaît pas grand-chose à la politique, excepté son bref passage sur la scène ivoirienne, en qualité de Premier ministre. Il lui faut donc une étoffe politique. A près avoir été présenté comme le «mentor» du Rassemblement des Républicain depuis Paris, est fait il président de ce parti politique en août 1999, à la mort du père fondateur de Rdr, Djéni Kobina. Mais l’homme ne se passionne guère pour le terrain politique. Il passe le plus clair de son temps dans les salons douillets des capitales africaines et occidentales où la France l’introduit en le tenant par la main. L’Elysée lui préparait déjà les ‘’soutiens extérieurs’’ (qui ont joué par la suite leur rôle lors de la crise postélectorale créée de toutes pièces par la France. Le climat tempéré des puissants de ce monde lui sied mieux que la moiteur et l’humidité stressante de l’arène politique ivoirien où Laurent Gbagbo fait ses preuves, son le soleil des tropiques. Par la suite, c’est une pluie de coup d’Etat que la France fait tomber sur la Côte d’Ivoire. Bédié est renversé en 1999, avant que Laurent Gbagbo n’essuie à son tour un coup d’Etat qui se transforme en une rébellion armée qui occupe une partie du pays, en 2002.

Une opération de charme excessive

La France qui tire les ficelles de cette rébellion contraint Laurent Gbagbo à avaler toutes sortes de couleuvres. Celui-ci, en démocrate achevé et homme de paix, accepte de parcourir le monde pour signer des accords qui, d’obstacles en compromis, aboutissent à la candidature de Ouattara à la présidence, après une longue frustration. Au cours de la campagne électorale qui s’en suit, Ouattara et ses alliés s’en donnent à cœur joie, dans une opération de charme excessive. On insiste sur ses qualités exceptionnelles d’homme d’Etat puissant qui n’a pas besoin de demander audiences pour entrer chez Obama, le président des Etats-Unis d’Amérique. D’autant plus qu’il dine quand il veut avec les hommes les plus puissants de la terre. Il a le soutien, dit-on, des chefs des Etats les plus grands. On fait croire qu’ « il peut entrer à la banque mondiale et au Fonds monétaire international où il a travaillé comme il veut et quand il veut pour obtenir tout l’argent qu’il veut ». Mieux, on laisse croire que le monde entier est à ses pieds. L’Onu, les Etats unis, l’Union européen, la France, les Etats africains qui s’agitent dans la crise ivoirienne achèvent de convaincre les naîfs que Ouattara est vraiment en mesure de faire tomber les milliards qu’il promet sur la Côte d’Ivoire. Mais la réalité est là, aujourd’hui. Ouattara est rattrapé par la surenchère qui a été faite autour de ses prétendus ‘’compétences exceptionnelles’’. Il se trouve que ses amis et les grands de monde n’ont pas d’argent à distribuer. Et les illusions sur les soutiens de nouvel occupant du palais tombent, en même temps que les rêves qu’il a entretenus sur ses ‘’immenses qualités de gestionnaire’’. Ouattara ne fera pas de miracle. Mais comment avoir l’humilité de l’expliquer à ceux qui ont cru en lui ? Dur…dur d’être vu en soi même au pied du mur quand on a trop parlé alors qu’on n’a pas la carrure qu’on s’attribut. Car les Ivoiriens se rendent compte aujourd’hui que le pouvoir en place n’a rien à leur proposer de concret, sinon que de vagues promesses qui risquent fort de n’être jamais tenues.
K. Kouassi Maurice
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