Même quand on n’aime pas le lièvre, il faut reconnaître qu’il court vite, dit en substance, un adage populaire. Trois mois après la chute de Laurent Gbagbo, il faut vraiment être aveugle pour ne pas voir l’évidence : Abidjan a vraiment changé. Oui, la capitale économique affiche aujourd’hui un visage qui, à défaut d’être très reluisant, est porteur d’espoirs. Espoirs d’une espérance nouvelle, faite celle-là de paix et de dynamisme économique.
Abidjan n’est donc plus la ville sans âme qu’elle était devenue il y a un peu plus de douze semaines. Les rues, en tout cas les grandes artères, sont désormais propres. Chaque matin, balais et pelles en mains, une cohorte de femmes, dont certaines, bravant le poids de l’âge et des vicissitudes de la vie, s’attèlent à nettoyer avec entrain les voies publiques. Fini également, les nombreuses décharges publiques qui pullulaient dans la capitale économique et obstruaient parfois la chaussée, comme c’était à le cas Marcory, sous le pont qui jouxte le centre culturel islamique Al Ghadir ou sur le boulevard Nangui Abrogoua à Adjamé. Preuve du renouveau d’Abidjan, cette voie, où circuler relevait d’un vrai parcours du combattant aussi bien pour les piétons que les automobilistes, est aujourd’hui « libérée » et assainie. Tous les commerçants qui occupaient la chaussée, ont été déguerpis. De même que les alentours de la grande mosquée d’Adjamé, où les minibus communément appelés « gbaka » ne sont plus autorisés à stationner. « Maintenant, la route est dégagée, tu peux rester à la mosquée et voir jusqu’au Forum », constate un riverain, qui ne cache pas sa joie de voir l’ordre rétabli. Ce n’est pas à Adjamé qu’Abidjan change seulement de visage. Partout, la ville est en mutation. Sur les deux ponts qui relient le Nord et le Sud d’Abidjan, les terre-pleins qui bordent le trottoir ont été peints en blanc, ce qui leur donne de l’éclat. Une esthétique étendue à d’autres voies bien connues de la perle des Lagunes, entre autres, le boulevard de la Corniche, où même de petits jardins fleurissent, histoire d’embellir davantage la voie, l’autoroute qui conduit d’Adjamé à Yopougon.
Ce n’est pas tout, l’éclairage public a été amélioré, la plupart des réverbères défectueux ont été réparés. Et dès la tombée de la nuit, Abidjan brille de milles feux, singulièrement ses boulevards et autres avenues connues. Autre signe que les choses ont vraiment changé, les embouteillages durant les heures de pointe et parfois en mi-journée. Les Abidjanais vont maintenant tôt au travail, en témoignent les terribles bouchons, entre 6h et 8h. Avant, la circulation n’était dense qu’après 9h. Mieux, confie M. Diomandé, éducateur dans un établissement de la place, « les bus sont bourrés déjà à 5h30, il y a longtemps qu’on n’avait pas vu ça ».
Dans l’administration, sur les ministères, les agents sont devenus plus studieux. Obligation de résultats oblige, on consacre maintenant peu de temps aux causeries inutiles.
Abidjan revit donc et prend de bonnes manières. Le racket policier semble avoir disparu. Et à certains carrefours, des policiers se limitent uniquement à réguler la circulation. Plus d’abus de pouvoir et de trafic d’influence sur les chauffeurs de taxis et gbaka. « On est vraiment à l’aise, maintenant. Si ça continue comme cela, on pourra gagner sereinement notre pain », jubile déjà Abou, jeune chauffeur de taxi compteur. Son confrère, Oury Bah reste lui encore ému par une scène qu’il a vécue. « J’attendais un client que je venais de déposer à Marcory pour une course urgente. J’avais mal garé. Le policier qui réglait la circulation est venu vers moi et m’a dit tranquillement d’avancer et de bien stationner pour ne pas gêner la circulation. Avant, il aurait pris mon permis ou les pièces de la voiture et j’allais forcément sortir de l’argent. En quinze ans de taxi, je n’avais jamais vécu cela. Abidjan et le pays en général sont vraiment en train de changer », témoigne t-il, avec sourire.
A l’image des acteurs du transport, c’est la population en général qui retrouve le sourire. L’école a repris. Les enseignements se déroulent normalement, sauf naturellement dans les Universités de Cocody et Abobo-Adjamé, qui sont encore fermées. Bien plus, les programmes sont en train d’être achevés avec célérité, afin de permettre aux élèves d’être prêts pour les examens à grand tirage.
Aussi les hôpitaux ne sont-ils plus devenus des mouroirs. Même si on n’y va pas en rigolant, on n’a plus peur, avec les soins gratuits, de se rendre dans les centres de santé publics. L’un des faits les plus encourageants de cette nouvelle ère, c’est l’engagement des autorités à se mettre au service des populations. Un pan de l’autoroute du nord, au niveau du corridor de gesco, s’écroule suite à un éboulement de terrain. Le ministre des Infrastructures économiques y accourt pour voir ce qu’il se passe. La baie du banco est inondée par les eaux pluviales, le ministre des Transports y fait un tour. Des hôpitaux manquent de médicaments et de matériels, le ministre de la Santé les sillonne pour s’imprégner des réalités sur le terrain. On n’oublie pas les visites du Premier ministre dans les hôpitaux publics, sur le site des universités publiques, ou encore dans la ville sous la pluie, pour constater de visu la dégradation des voies. Des actions inimaginables sous la refondation.
Bien entendu, tout n’est pas rose. Les nids de poule continuent d’essaimer beaucoup de routes, le marché demeure encore cher, surtout les denrées de première nécessité. De même, les prix des bonbonnes de gaz butane, malgré la mise en garde des autorités, continuent de flamber par endroits à Abidjan… Qu’importe, Abidjan n’est visiblement plus la ville qu’elle était sous le règne des frontistes. Laurent Gbagbo avait prédit l’apocalypse, après son départ du pouvoir. Dieu en a décidé autrement. Voici exactement seize semaines, qu’il ne dirige plus la Côte d’Ivoire. Et le pays se porte bien. Abidjan retrouve des couleurs. Et ce n’est que, comme on le dit si bien dans le monde du coupé décalé, le début du commencement…
Y. Sangaré
Abidjan n’est donc plus la ville sans âme qu’elle était devenue il y a un peu plus de douze semaines. Les rues, en tout cas les grandes artères, sont désormais propres. Chaque matin, balais et pelles en mains, une cohorte de femmes, dont certaines, bravant le poids de l’âge et des vicissitudes de la vie, s’attèlent à nettoyer avec entrain les voies publiques. Fini également, les nombreuses décharges publiques qui pullulaient dans la capitale économique et obstruaient parfois la chaussée, comme c’était à le cas Marcory, sous le pont qui jouxte le centre culturel islamique Al Ghadir ou sur le boulevard Nangui Abrogoua à Adjamé. Preuve du renouveau d’Abidjan, cette voie, où circuler relevait d’un vrai parcours du combattant aussi bien pour les piétons que les automobilistes, est aujourd’hui « libérée » et assainie. Tous les commerçants qui occupaient la chaussée, ont été déguerpis. De même que les alentours de la grande mosquée d’Adjamé, où les minibus communément appelés « gbaka » ne sont plus autorisés à stationner. « Maintenant, la route est dégagée, tu peux rester à la mosquée et voir jusqu’au Forum », constate un riverain, qui ne cache pas sa joie de voir l’ordre rétabli. Ce n’est pas à Adjamé qu’Abidjan change seulement de visage. Partout, la ville est en mutation. Sur les deux ponts qui relient le Nord et le Sud d’Abidjan, les terre-pleins qui bordent le trottoir ont été peints en blanc, ce qui leur donne de l’éclat. Une esthétique étendue à d’autres voies bien connues de la perle des Lagunes, entre autres, le boulevard de la Corniche, où même de petits jardins fleurissent, histoire d’embellir davantage la voie, l’autoroute qui conduit d’Adjamé à Yopougon.
Ce n’est pas tout, l’éclairage public a été amélioré, la plupart des réverbères défectueux ont été réparés. Et dès la tombée de la nuit, Abidjan brille de milles feux, singulièrement ses boulevards et autres avenues connues. Autre signe que les choses ont vraiment changé, les embouteillages durant les heures de pointe et parfois en mi-journée. Les Abidjanais vont maintenant tôt au travail, en témoignent les terribles bouchons, entre 6h et 8h. Avant, la circulation n’était dense qu’après 9h. Mieux, confie M. Diomandé, éducateur dans un établissement de la place, « les bus sont bourrés déjà à 5h30, il y a longtemps qu’on n’avait pas vu ça ».
Dans l’administration, sur les ministères, les agents sont devenus plus studieux. Obligation de résultats oblige, on consacre maintenant peu de temps aux causeries inutiles.
Abidjan revit donc et prend de bonnes manières. Le racket policier semble avoir disparu. Et à certains carrefours, des policiers se limitent uniquement à réguler la circulation. Plus d’abus de pouvoir et de trafic d’influence sur les chauffeurs de taxis et gbaka. « On est vraiment à l’aise, maintenant. Si ça continue comme cela, on pourra gagner sereinement notre pain », jubile déjà Abou, jeune chauffeur de taxi compteur. Son confrère, Oury Bah reste lui encore ému par une scène qu’il a vécue. « J’attendais un client que je venais de déposer à Marcory pour une course urgente. J’avais mal garé. Le policier qui réglait la circulation est venu vers moi et m’a dit tranquillement d’avancer et de bien stationner pour ne pas gêner la circulation. Avant, il aurait pris mon permis ou les pièces de la voiture et j’allais forcément sortir de l’argent. En quinze ans de taxi, je n’avais jamais vécu cela. Abidjan et le pays en général sont vraiment en train de changer », témoigne t-il, avec sourire.
A l’image des acteurs du transport, c’est la population en général qui retrouve le sourire. L’école a repris. Les enseignements se déroulent normalement, sauf naturellement dans les Universités de Cocody et Abobo-Adjamé, qui sont encore fermées. Bien plus, les programmes sont en train d’être achevés avec célérité, afin de permettre aux élèves d’être prêts pour les examens à grand tirage.
Aussi les hôpitaux ne sont-ils plus devenus des mouroirs. Même si on n’y va pas en rigolant, on n’a plus peur, avec les soins gratuits, de se rendre dans les centres de santé publics. L’un des faits les plus encourageants de cette nouvelle ère, c’est l’engagement des autorités à se mettre au service des populations. Un pan de l’autoroute du nord, au niveau du corridor de gesco, s’écroule suite à un éboulement de terrain. Le ministre des Infrastructures économiques y accourt pour voir ce qu’il se passe. La baie du banco est inondée par les eaux pluviales, le ministre des Transports y fait un tour. Des hôpitaux manquent de médicaments et de matériels, le ministre de la Santé les sillonne pour s’imprégner des réalités sur le terrain. On n’oublie pas les visites du Premier ministre dans les hôpitaux publics, sur le site des universités publiques, ou encore dans la ville sous la pluie, pour constater de visu la dégradation des voies. Des actions inimaginables sous la refondation.
Bien entendu, tout n’est pas rose. Les nids de poule continuent d’essaimer beaucoup de routes, le marché demeure encore cher, surtout les denrées de première nécessité. De même, les prix des bonbonnes de gaz butane, malgré la mise en garde des autorités, continuent de flamber par endroits à Abidjan… Qu’importe, Abidjan n’est visiblement plus la ville qu’elle était sous le règne des frontistes. Laurent Gbagbo avait prédit l’apocalypse, après son départ du pouvoir. Dieu en a décidé autrement. Voici exactement seize semaines, qu’il ne dirige plus la Côte d’Ivoire. Et le pays se porte bien. Abidjan retrouve des couleurs. Et ce n’est que, comme on le dit si bien dans le monde du coupé décalé, le début du commencement…
Y. Sangaré