La démission de son président intérimaire, Mamadou Koulibaly, ouvre le débat sur la survie du Front populaire ivoirien(Fpi). Dressant l`état des lieux au lendemain du départ en fanfare de celui qui apparaissait comme l`icône de ce parti après l`arrestation de Laurent Gbagbo, l`Afp titrait hier que le Fpi est aujourd`hui « un parti sans chef ni boussole ». Ce qui fait dire au politologue sénégalais, Justin Babacar N`diaye, que le Fpi « est en voie de dislocation » et mieux, « il va s`évaporer ». Dans une interview accordée à Onuci.fm hier, il s`est montré pessimiste quant à l`avenir de ce parti. Comme lui, bien des Ivoiriens s`interrogent sur la capacité de l`ancien parti au pouvoir à survivre au séisme politique qui a conduit à l`emprisonnement de son charismatique leader, Laurent Gbagbo et éparpillé ses dignitaires. Mais au-delà de l`impact de cette fragmentation du parti sur son devenir, ce sont surtout certaines idées et pratiques qui ont cours au sein du Fpi qui risquent d`en compromettre l`avenir. Des tares que Mamadou Koulibaly n`a de cesse de dénoncer et qui y sont pour quelque chose dans les déboires que vivent aujourd`hui bien des figures de la Refondation. Aussi longtemps que ce parti n`aura pas décidé de faire sa mue en se départant de ces « plaies », il lui sera difficile de survivre à la bourrasque qui a emporté l`ancien régime. Au nombre de ces maux, la rhétorique surannée de l`anti-néocolonialisme qui était loin d`être traduit dans les faits par l`ancien chef de l`Etat et ses partisans, comme l`a du reste admis Mamadou Koulibaly. Des années durant, les dirigeants de l`ancien régime ont développé des thèses anti-impérialistes au nom d`une volonté de rupture d`avec leurs successeurs qu`ils accusaient d`avoir pactisé avec le diable c`est-à-dire la puissance métropolitaine. Des esprits ont ainsi été matraqués par cette littérature anti-française, alors même que dans les faits, le régime Gbagbo sauvegardait des intérêts français. « On a passé des deals avec la France », a d`ailleurs confessé le désormais ex-baron du Fpi, Mamadou Koulibaly. Cette rhétorique anti-française y est pour beaucoup dans les malheurs que vivent aujourd`hui Laurent Gbagbo et les dignitaires de son régime. Au moment où ce parti est dans la tourmente, il est peut-être temps de changer de fusil d`épaule. C`est sans doute à cela que faisait allusion l`ex-président intérimaire quand il appelait au reformatage idéologique du parti. Par ailleurs, ce combat contre le spoliateur venu d`ailleurs a donné lieu à un discours ultra-nationaliste, qui a été perçu comme de l`exclusion voire de la xénophobie. Un discours qui a vite été présenté par les ressortissants du nord du pays comme un discours tendant à nier leur citoyenneté ivoirienne. D`où la crispation politique qui a rythmé les dix années de mandat de Laurent Gbagbo et conduit à cette forte mobilisation contre sa candidature au scrutin du 28 novembre 2010. La suite, on la connaît. Au moment où il est question pour le Fpi de signer son « retour » dans le paysage politique, les exilés du Ghana devraient peut-être revoir leur copie. Autre « plaie » à soigner dans la perspective de la « rédemption », cette propension à se « mur(er) dans l`idolâtrie, le culte de ses fondateurs ». A force de déifier son leader, Laurent Gbagbo, il ne s`est trouvé personne au sein du Fpi pour lui dire qu`il avait perdu les élections du 28 novembre 2010 et qu`il devait en tirer toutes les conséquences. Prisonnier du culte du leader, tous ses proches se sont faits complices de sa tentative de renverser les résultats du scrutin présidentiel à son avantage. Et partant de faire le lit de la tragédie dont le pays se relève difficilement. Pour un Fpi nouveau, il faut rompre avec ce culte de l`idolâtrie. Encore faut-il qu`on ne soit pas réfractaire à tout changement.
Assane NIADA
Assane NIADA