Koulibaly Mamadou est finalement parti du Front populaire Ivoirien ( Fpi). Ce militant qui a toujours le verbe haut, qui conteste violement les points de vue de ses propres camarades, dénonçant « dérives, corruption, clientélisme et népotisme », a quitté un « navire » qui prend de l’eau de toutes parts, depuis le 11 avril 2011, date de la chute du régime Laurent Gbagbo. Son destin politique est désormais lié à Lider (Liberté, démocratie pour la République ), le parti politique dont il a annoncé la création. Les uns ont cru à une « blague », les autres disent « avoir pleuré » ce départ qui intervient à un moment difficile de l’histoire du parti. Le départ du N° 3 du Fpi est d’autant plus reversant qu’il y a deux semaines, pour démentir la rumeur faisant état de son intention de créer un parti politique, il affirmait ne pas disposer de moyens, notamment financiers, pour le faire. « Je n’ai pas d’argent pour le faire. J’ai simplement dit à Miaka Oureto, le secrétaire général, que si les cadres du Fpi souhaitent continuer comme avant, j’arrêterai la politique pour me consacrer à l’enseignement et à la recherche. Mais s’ils souhaitent faire évoluer le parti, je suis prêt à les aider. Il faut moderniser nos structures, changer de nom et repenser notre idéologie » avait-il déclaré. Si Koulibaly n’est pas retourné en Amphi et qu’il a décidé de créer un parti politique, c’est qu’il a peut-être eu un coup de pouce financier d’une âme généreuse. En sus, le 11 mars 2010, répondant à une interpellation de Venance Konan quant à sa démission du Fpi, il rétorquait : « Démissionner et se tenir loin de la lutte sous prétexte que l’on n’est pas écouté et suivi par ses camarades du parti, au moment où ce qui se joue dépasse les partis et les destinées individuelles, est le propre de politiciens irresponsables. Je me suis battu pour les droits et les libertés individuelles avant d’être militants du Fpi. Je suis Refondateur. Mon combat pour la dignité des peuples et pour la fin du pacte colonial continue dans ce parti ». Koulibaly Mamadou a commis, dans sa démarche, des impairs qui peuvent lui couter cher dans l’avenir. Son manque d’élégance vis-à-vis de ses camarades qu’il n’a pas pris la peine d’informer de son départ. Même s’il soutient « n’avoir point manqué d’égards envers ses camarades », il est pourtant constant que c’est par voie de presse que la nouvelle de son départ leur est tombée sur la tête, comme un coup de massue. Le moment et le contexte du départ de Koulibaly Mamadou du Front populaire ivoirien dont il était le président par intérim joueront fortement contre lui, si l’on prend les choses sous un angle purement humain. Il a, en effet, montré qu’il n’était pas à l’écoute des plaintes, des pleurs et des appels à la libération de ses camarades et donné le sentiment qu’il n’avait que faire de leur sort…La libération de Laurent Gbagbo et des siens n’était pas, pour lui, une priorité. « Mon constat est que le Fpi, en sa forme actuelle ne peut devenir un grand parti d’opposition puisque son refus de toute évolution fige les perspectives… Suite au cataclysme que nous venons de vivre, la haute direction du Fpi refuse toujours un congrès-bilan et exclut tout changement, même indispensable qui pourrait, selon eux, les affaiblir » justifie-t-il sa décision. Si l’on fait une relecture de l’histoire des défections des hommes politiques de leur parti d’origine, tous ou presque ont fait un flop. Ils se sont tous cassés la figure, avant, soit de faire marche-arrière, soit de « mourir » politiquement. Commençons par le Front populaire Ivoirien. Ahoua Don Melon avait quitté le Fpi pour créer « la Renaissance ». Il est revenu au bercail après avoir sombré dans le « désert », avec son compagnon Guéi Robert Bombet. Anaky Kobena avec le Mfa est aujourd’hui à la remorque du Rhdp. Quant à Blé Blé Charles, après avoir quitté le Fpi, il y est revenu, avant de prendre de nouveau ses distances. Dakoury-Tabley Louis-André, lui, a atterri à Bouaké, au cœur de la rébellion. Le Rassemblement des Républicains (Rdr), le Pdci-Rda, l’Usd, le Psi ont aussi leurs « revenants » ou leur « cadavres politiques ». Zémogo Fofana, Coulibaly Adama Nibi Zana dit “ Adama Champion” se sont brulés les ailes à la tête de partis politiques sans véritable assise populaire, avant de faire marche-arrière. Mamadou Ben Soumahoro et Jean-Jacques Béchio, eux, ont rompu avec le Rdr pour atterrir dans la coalition de Lmp, sans véritable considération. La défection des frères Akoto (Félix et Paul) est apparue, sous plusieurs angles, comme une aventure. Des universitaires, tels Bernard Zadi Zaourou ( Usd), Bamba Moriferé ( Psi) et à un degré moindre Francis Romain Wodié, brillants théoriciens et redoutables politologues, cherchent avec peine leur place et leur équilibre dans le monde politique ivoirien. Il est donc fort à craindre que Koulibaly Mamadou ne connaisse leur destin et que son parti, Lider ne vienne grossir le rang des partis mort-nés en Côte d’Ivoire. A cela, il faut ajouter la dimension ethno-tribale des adhésions dans les partis politiques en Côte d’Ivoire. Avec Soro Guillaume et Ouattara Alassane qui tiennent, les populations du Nord, Koulibaly Mamadou sera-t-il écouté par celles-ci ? Rien n’est moins sûr…
Armand B. DEPEYLA
Armand B. DEPEYLA