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Société Publié le jeudi 21 juillet 2011 | Nord-Sud

Florence Domonoko : “Je dis merci aux Ivoiriens”

l Comment as-tu appris l’accident de ton papa ?
Quand j’ai appris l’accident de mon papa Abékan, je n’ai pas dormi. Je suis même tombée malade. J’ai eu mal à la tête et au ventre. J’ai demandé à la sœur Chélina de m’envoyer auprès de lui à l’hôpital. Elle a refusé tout en me rassurant qu’elle allait s’y rendre pour avoir de ses nouvelles. Un jour, je suis partie prier chez maman Marie. J’ai prié le Seigneur de lui venir en aide. Comme je n’ai pas de Bible, je passais mon temps à prier seulement. Je prie pour mon papa Abékan et aussi pour ma famille biologique. J’aime toutes les sœurs d’ici. Elles m’ont bien accueillie. Je me sens épanouie. Je suis très contente. Quand je venais, j’étais seule. Aujourd’hui, je suis bien entourée.

l Et ton état de santé, comment te sens-tu ?
Je me sens mieux. Avant, je me couvrais le visage. Mais aujourd’hui, je ne le fais plus.

l As-tu des nouvelles de tes parents ?
Ma famille me manque aussi. Je demande qu’elle vienne me voir de temps en temps. Mon petit-frère me manque énormément. Quand le père Abékan est allé me chercher au village, j’ai voulu dire à mes parents de venir me voir souvent, mais en ce moment, je ne pouvais pas parler. Donc je n’ai rien pu dire. Sinon, je leur demande de venir. Je suis bien traitée ici. Et je suis très heureuse de revoir mon papa Abékan.

l Es-tu prête à reprendre ton traitement ?
Oui. Je remercie les Ivoiriens. Je dis merci à Dieu car la guerre est maintenant finie.
C.S.




L’abbé Norbert Abékan : ‘’Loin de Florence, j’ai souffert’’


L’abbé Abékan Norbert a vécu difficilement l’arrêt des soins de Florence. Au point d’oublier parfois son propre mal. Entretien.


l Quel sentiment vous anime en retrouvant votre fille ?
C’est un sentiment de joie et de bonheur. Vous vous pensez mort et vous revenez à la vie. Je constate qu’il y a une nette amélioration. Moi j’avais tellement peur de la revoir comme avant. Dieu merci, je suis heureux de la retrouver ainsi.

l Comment avez-vous vécu toute cette période de séparation ?
Eh bien, cela a été très douloureux. J’avais cette blessure mais régulièrement, je pensais à elle. Surtout qu’il y avait ses médicaments à prendre et il n’y avait personne avec qui faire le lien pour les médicaments. Les sœurs s’occupent d’elle, c’est sûr, mais elles étaient aussi dépassées par les événements. Le traitement qu’elle suit ne devrait en principe pas être interrompu. Or, cela a été le cas pendant trois mois. Je suis resté à l’hôpital trois mois également. C’était très difficile pour moi de vivre très loin d’elle.

l Comment comptez-vous poursuivre la prise en charge ?
Tous les trois mois, je dois régler une facture de 600 à 700 mille F Cfa. Cela nous fait maintenant 6 mois d’arriérés et c’est douloureux. Je dis merci aux personnes généreuses qui nous ont aidés jusqu’à présent. Elle retrouvegoût de la vie. Elle est très joviale. Elle aime les fleurs, la nature, elle a des amis maintenant. Avant, elle se couvrait complètement, et à présent, elle ne se couvre plus. Elle était complètement exclue de sa communauté de prière, du village. Que Dieu bénisse toutes ces personnes généreuses. Mon souhait est que d’autres personnes nous viennent en aide pour que nous aidions Florence à bien guérir.

l Etes-vous entré en contact avec ses médecins ?
L’occasion est bonne pour leur dire merci pour ce qu’ils font. Il y a un professeur qui venait la voir régulièrement avant la crise. J’ai vu le professeur qui est prêt à revenir et c’est cela ma joie.

l Avez-vous reçu un message de ses parents biologiques?
Depuis que j’ai été cherché Florence, nous sommes comme coupés. S’ils nous lisent, qu’ils réapparaissent. C’est vrai qu’ils sont démunis, mais que les parents réalisent qu’avec leur simple présence, on peut faire plus de progrès.

l Dites-nous un mot sur votre accident, comment avez-vous vécu votre séjour à l’hôpital, la convalescence ?
C’était le 29 mars. J’ai commencé avec la radio il y a une dizaine d’années. Il y a une émission que les gens apprécient bien, c’est le rendez-vous avec Dieu. Nous étions en pleine crise et je faisais cette émission en demandant aux personnes de faire des propositions de sortie de crise. L’émission commence à 21h 35 pour finir à 23h. Ce jour-là, l’émission est finie à 23h. Pour sortir de Port-Bouët, c’était difficile. Il y avait des barrages partout. Et, finalement j’ai réussi à sortir, moyennant quelques pièces d’argent. Je dépasse Akwaba, et du côté de Koumassi, je vois un taxi qui sort avec à son bord des personnes. Le taxi était devant moi et il n’avançait pas. La ville était comme morte, il n’y avait personne dans la rue. Finalement, je suis le taxi qui avance lentement. On amorce le pont, on descend le Stade Houphouet-Boigny, et à la hauteur de la cathédrale, entre la cathédrale et le café de Rome, voilà que le taxi s’arrête puis démarre. Je me dis qu’il est en panne. Or, c’était un signalement. Dès que j’arrive où le taxi était garé, deux personnes sortent et rafalent. J’ai vu qu’on ne voulait pas me tuer, mais plutôt m’anéantir. On tirait vers la tête, vers le cœur, finalement, une balle vient me déchirer complètement le pied droit. Et là, je fonce. Je ne sais pas comment on peut réussir à conduire avec un pied complètement anéanti. Je me dis, si je m’arrête-là, ils peuvent m’anéantir complètement. Donc, je me débrouille avec le pied en sang, des bouts de chair dans la voiture et du sang partout, toutes les vitres cassées. Puisque je perds trop de sang, je me dirige chez l’archevêque, je klaxonne. Puisqu’il était minuit, j’ai vu qu’il dormait complètement. Je continue avec des barrages de jeunes qui m’arrêtent. Un d’entre eux me reconnaît à la hauteur de l’hôtel Ivoire. Je me dis que je vais foncer à la nonciature et avec sa voiture diplomatique, le nonce va m’accompagner à l’hôpital. Je klaxonnais. Et selon ce que le nonce m’a dit plus tard, son secrétaire venait me chercher. Je faisais tellement de bruit que les militaires de la résidence du chef de l’Etat sont venus. J’ai cru que c’était mes tueurs, mais ce n’était pas eux. Un m’a reconnu, et ils ont fait venir une ambulance qui m’a transporté à la Pisam.

l Que s’est-il passé là-bas ?
Le lendemain, j’ai été opéré. Une opération assez délicate. La guerre avait commencé à Abidjan. Avec les tirs, le professeur qui m’a opéré ne pouvait plus venir. Et comme il y avait des infirmières sur place, j’ai été traité. Un ami médecin a continué les soins dans un centre de religieux où j’ai finalement été interné. Bien sûr, en lien avec le professeur qui donnait des indications. Je dis merci à tout ce personnel médical qui s’est occupé de moi.

l Il y a eu beaucoup de commentaires à propos de l’origine de cette attaque. Que pouvez-vous dire sur la question ?
Jusqu’à aujourd’hui, je me pose des questions. Qui a fait cela ? Pourquoi on m’a fait cela ? On me dit que c’est peut-être à cause de l’émission. Mais quand on écoute l’émission, c’est un appel à la réconciliation, un appel à faire des propositions de sortie de crise, donc je ne sais pas. Je ne veux même plus savoir cela, parce que j’ai pardonné. Mon souhait est que Dieu ôte de nos cœurs toute cette violence, ce désir de faire du mal, de tuer les autres. Le président de la République nous invite à la réconciliation, je le félicite et je lui dis merci. Je m’engage en plein sur ce chemin pour une paix durable.

l Vous avez été accueilli en fanfare par votre communauté. Comment avez-vous ressenti cette célébration ?
Cet accueil a été un démenti. Ceux qui me voyaient à gauche ou à droite ont compris que moi je suis pour la paix, la réconciliation, la justice. J’ai été accueilli par ma communauté et également par la communauté musulmane. Le président lui-même est passé par la grande chancelière pour me saluer. Cela m’a touché énormément. Je remercie toutes ces personnes qui m’ont soutenu et m’ont montré que j’ai ma place. Et que je peux apporter beaucoup à ce processus de réconciliation et de paix dans notre pays.

l Quel regard jetez-vous sur ce processus et quelle pourrait être votre contribution ?
Je félicite le journal Nord-Sud. Je me rappelle qu’en 2007, j’ai été interviewé par vous-mêmes. J’ai dit de ne pas précipiter les élections, de prendre le chemin de la commission Vérité et réconciliation de l’Afrique du Sud. Mon souhait est que le président Alassane puisse envoyer la Côte d’Ivoire à vraiment emprunter ce chemin. En pleine crise, j’ai mené des actions de paix avec ‘’les bandeaux blancs’’, cette association qui, dans la discrétion, existe encore. Nous l’avons fait avec les frères musulmans, avec les jeunes. Je ne fais que continuer dans ce sens. Ce que je puis dire, c’est le témoignage que nous vivons au niveau de la Riviera Golf, avec la communauté musulmane. Beaucoup parlent de réconciliation, on voit des gens aller faire la paix chez les musulmans. A la Riviera Golf, il y a plutôt une consolidation au lieu d’une réconciliation. Nous n’avons pas attendu la crise pour nous aimer. J’ai bien aimé ce que le nonce a dit récemment : la réconciliation ne doit pas être un slogan. Certains n’aimaient pas trop me voir avec les musulmans. J’ai co-animé une conférence avec l’imam Cissé Djiguiba. On a invité un frère responsable d’un autre groupe chrétien, il a refusé de venir parce qu’il y avait un musulman.

l Quelles sont, selon vous, les causes de la déchirure sociale en Côte d’Ivoire ?
On a semé des germes qui nous ont conduits où nous sommes. Dieu merci, la réconciliation se fait. On voit à la télévision comme un vernissage. Ce n’est plus le temps d’accuser qui que se soit. Quand on pointe l’index sur quelqu’un, les trois doigts se plient et reviennent sur nous-mêmes. Que chacun se remette en cause. Quel est ce diable qui nous a envahis tous ? Moi je crois que c’est l’exclusion, le népotisme, le racket, tout ce qui a poussé les gens à créer l’injustice, c’est cela. Il faut qu’on nomme cela pour que chacun prenne ses responsabilités. Parce que mettre tout le monde comme cela dans un fourre-tout, pour dire que le diable nous a tous eus, c’est trop facile. Que chacun nomme son diable à lui, pour que les responsabilités soient établies.

l Que comptez-vous faire ?
Il faut que nous aidions le président de la République. Est-ce que ce que nous avons vécu ne nous sert pas de leçon ? On est descendus tellement bas, quand on a commencé à attaquer des lieux sacrés et des religieux, quand des imams sont morts et que des prêtres ont été touchés, des églises et mosquées ont été touchées. Pour ceux qui croient que la guerre n’est pas encore finie, et qu’il faille faire la guerre, je dis non. Il faudrait résolument que chacun prenne cette décision en créant des conditions là où il se trouve.

Cissé Sindou
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