Maître DOGBEMIN KONE Gérard, membre de la prestigieuse section Business Law de l’American Bar Association, exerce comme avocat depuis près de 13 années. Inscrit au Barreau d’Abidjan, cet ancien président de l’Association des Jeunes avocats de Côte d’Ivoire a sorti aux éditions ``L’Harmattan`` en mai dernier en France, un livre sur le droit de la presse. Dans cet entretien, l’auteur de ‘’La nouvelle loi sur la presse ivoirienne: avancée ou recul?’’ nous livre son analyse de l’exercice de la liberté de la presse en Côte d’Ivoire.
Me Koné, vous avez exploré en profondeur le nouvelle loi sur la presse datant de 2004. Peut-on dire de la liberté de la presse qu`elle est respectée dans cette loi?
Dans un sens plein, la loi nouvelle protège la liberté de la presse. Le fait plus spectaculaire, c’est la courageuse dépénalisation qui est un gros acquis que rien ne doit nous faire perdre. Il faut encore lutter pour obtenir la dépénalisation complète. Car les peines d’amende sont souvent lourdes et par le truchement de la contrainte par corps, le résultat de l’emprisonnement qu’on a voulu éviter peut refaire surface. Je souhaite et propose que des groupes de pression s’activent sur le plan professionnel et au delà pour la défendre et travailler à son maintien.
Les libertés ne valent pas grand-chose sans leur promotion et leur protection dans la conscience de chaque citoyen. Pour parler de la liberté, le droit exige que le contrôle de la presse soit a posteriori et non a priori comme dans les régimes totalitaires. Ce qui signifie que les articles à paraître ne doivent pas faire l’objet de contrôle, autrement ce serait de la censure. Mais les articles, après publication, peuvent être critiqués par les autorités de contrôle en l’occurrence le Conseil National de la Presse dit CNP. Je considère que le Procureur de la République qui ne peut pas refuser sans motivation la déclaration d’existence d’un périodique et qui est soumis à un délai contraignant de quinze (15) jours, a compétence liée au profit de la liberté de la presse.
Vous avez sorti en mai dernier, un livre intitulé ‘’La nouvelle loi sur la presse ivoirienne: avancée ou recul?’’. Seriez-vous d’accord pour une révision de cette loi?
J’ai entendu dire, lors de la célébration en mai dernier de journée internationale de la liberté de la presse, que la loi sur la presse sera modifiée pour remettre en cause la dépénalisation des délits de presse, sous le prétexte que « ce n’est pas parce qu’on ne peut pas poursuivre les journalistes qu’ils vont écrire n’importe quoi ». Je me dis que l’auteur de cette phrase s’amusait, car nul n’acceptera la modification de cette loi quant à la dépénalisation des délits de presse. Car cette disposition et son principe protège la démocratie. Ce serait mettre la démocratie en danger que de le faire ou de le penser. La loi sur la presse que nous avons aujourd’hui, qui est certes imparfaite à plusieurs égards, ne doit pas être modifiée ni voir venir de manière rampante une modification quelconque sur la dépénalisation des délits de presse. Quiconque le fait est ennemi de la démocratie et acteur méprisant du peuple. La loi sur la presse a été imposée au pouvoir sortant et à tous les pouvoirs qui le suivront. La modifier, c’est surtout avouer le mépris de la démocratie et de la volonté du peuple. Je crois que ceux qui ont tant souffert des violations de la liberté de la presse devraient être les premiers à la défendre. Je suis conscient des dérives de la presse mais comme le disait Beaumarchais : « la liberté de louer n’a pas de sens sans la liberté de blâmer ». La presse dite aux ordres n’a de sens que parce qu’il existe une presse libre et indépendante. En ce sens, la liberté de la presse ressemble étrangement à l’indépendance de l’avocat et de la magistrature qui sont sacrées et réclament que le peuple défende ses avocats et ses juges partout où ils pourraient être outragés. En tant qu’avocat, des fois je n’ai pas compris certaines décisions mais je n’ai jamais pensé que la solution au problème qui se posait était de s’en prendre au Juge. Car celui qui touche au juge détruit la société, et les autres corps judiciaires devraient le faire savoir. Les clients des avocats ne comprennent pas que des avocats adverses prennent le café ensemble à la pause ou rigolent avec le représentant du Parquet qui les a souvent vertement tancés à l’audience. Les avocats savent faire la différence et je profite de cette interview pour soutenir le combat de tous les avocats qui ne se lassent jamais de soutenir les plus faibles et les marginalisés le plus souvent gratis pro-Deo.
Quelle place la nouvelle loi accorde aux droits des lecteurs?
La nouvelle loi est protectrice des droits des lecteurs par des mécanismes de haute portée. Les lecteurs ont un droit de réponse plus large que sous l’empire de la défunte loi entre cinquante (50) au minimum et deux cent (200) lignes au maximum. L’insertion du droit de réponse est gratuite et dans les formes identiques à ceux de l’article incriminé. C’est surtout l’absolue interdiction des commentaires de l’organe de presse qui est la vraie avancée. En effet, le commentaire ou la réaction des professionnels plus aguerris que le lecteur occultait la substance, ce qu’il y avait de meilleur dans le droit de réponse du lecteur mis en cause. L’équilibre au niveau du droit de réponse est réjouissant parce que le lecteur est freiné dans ses abus par l’interdiction de publier son droit de réponse dans des périodiques non concernés ou encore au delà du délai de six (06) mois. (…) Des voies de recours judiciaires et disciplinaires ont été prévues et organisées pour protéger les droits des lecteurs et vaincre toutes les résistances éventuelles des organes de presse. Les lecteurs sont également protégés par la publication de la carte de propriété des parts sociales et des actions de la société de l’organe de presse. Enfin, la structure imposée à la rédaction d’être majoritairement composée de journalistes professionnels rassure le lecteur sur la qualité des informations des périodiques. On pourrait ajouter que les nouvelles exigences de la profession de journaliste tenant aux diplômes exigés démontrent que le lecteur peut se fier à ses journalistes et s’attendre à des développements appropriés sur les sujets spécialisés. Ce qui à mon sens est une vraie avancée qui conserve les acquis de la presse et suscite les vocations les plus diverses dans ce domaine.
Avez–vous un appel ?
La presse d’opposition a besoin de nous tous car il faut éviter les rédactions volantes et ambulantes comme des maisons de placement. Il est temps de libérer les locaux des organes de presse au nom de la réconciliation et de la liberté de la presse.
Réalisée par C.K (stg)
Me Koné, vous avez exploré en profondeur le nouvelle loi sur la presse datant de 2004. Peut-on dire de la liberté de la presse qu`elle est respectée dans cette loi?
Dans un sens plein, la loi nouvelle protège la liberté de la presse. Le fait plus spectaculaire, c’est la courageuse dépénalisation qui est un gros acquis que rien ne doit nous faire perdre. Il faut encore lutter pour obtenir la dépénalisation complète. Car les peines d’amende sont souvent lourdes et par le truchement de la contrainte par corps, le résultat de l’emprisonnement qu’on a voulu éviter peut refaire surface. Je souhaite et propose que des groupes de pression s’activent sur le plan professionnel et au delà pour la défendre et travailler à son maintien.
Les libertés ne valent pas grand-chose sans leur promotion et leur protection dans la conscience de chaque citoyen. Pour parler de la liberté, le droit exige que le contrôle de la presse soit a posteriori et non a priori comme dans les régimes totalitaires. Ce qui signifie que les articles à paraître ne doivent pas faire l’objet de contrôle, autrement ce serait de la censure. Mais les articles, après publication, peuvent être critiqués par les autorités de contrôle en l’occurrence le Conseil National de la Presse dit CNP. Je considère que le Procureur de la République qui ne peut pas refuser sans motivation la déclaration d’existence d’un périodique et qui est soumis à un délai contraignant de quinze (15) jours, a compétence liée au profit de la liberté de la presse.
Vous avez sorti en mai dernier, un livre intitulé ‘’La nouvelle loi sur la presse ivoirienne: avancée ou recul?’’. Seriez-vous d’accord pour une révision de cette loi?
J’ai entendu dire, lors de la célébration en mai dernier de journée internationale de la liberté de la presse, que la loi sur la presse sera modifiée pour remettre en cause la dépénalisation des délits de presse, sous le prétexte que « ce n’est pas parce qu’on ne peut pas poursuivre les journalistes qu’ils vont écrire n’importe quoi ». Je me dis que l’auteur de cette phrase s’amusait, car nul n’acceptera la modification de cette loi quant à la dépénalisation des délits de presse. Car cette disposition et son principe protège la démocratie. Ce serait mettre la démocratie en danger que de le faire ou de le penser. La loi sur la presse que nous avons aujourd’hui, qui est certes imparfaite à plusieurs égards, ne doit pas être modifiée ni voir venir de manière rampante une modification quelconque sur la dépénalisation des délits de presse. Quiconque le fait est ennemi de la démocratie et acteur méprisant du peuple. La loi sur la presse a été imposée au pouvoir sortant et à tous les pouvoirs qui le suivront. La modifier, c’est surtout avouer le mépris de la démocratie et de la volonté du peuple. Je crois que ceux qui ont tant souffert des violations de la liberté de la presse devraient être les premiers à la défendre. Je suis conscient des dérives de la presse mais comme le disait Beaumarchais : « la liberté de louer n’a pas de sens sans la liberté de blâmer ». La presse dite aux ordres n’a de sens que parce qu’il existe une presse libre et indépendante. En ce sens, la liberté de la presse ressemble étrangement à l’indépendance de l’avocat et de la magistrature qui sont sacrées et réclament que le peuple défende ses avocats et ses juges partout où ils pourraient être outragés. En tant qu’avocat, des fois je n’ai pas compris certaines décisions mais je n’ai jamais pensé que la solution au problème qui se posait était de s’en prendre au Juge. Car celui qui touche au juge détruit la société, et les autres corps judiciaires devraient le faire savoir. Les clients des avocats ne comprennent pas que des avocats adverses prennent le café ensemble à la pause ou rigolent avec le représentant du Parquet qui les a souvent vertement tancés à l’audience. Les avocats savent faire la différence et je profite de cette interview pour soutenir le combat de tous les avocats qui ne se lassent jamais de soutenir les plus faibles et les marginalisés le plus souvent gratis pro-Deo.
Quelle place la nouvelle loi accorde aux droits des lecteurs?
La nouvelle loi est protectrice des droits des lecteurs par des mécanismes de haute portée. Les lecteurs ont un droit de réponse plus large que sous l’empire de la défunte loi entre cinquante (50) au minimum et deux cent (200) lignes au maximum. L’insertion du droit de réponse est gratuite et dans les formes identiques à ceux de l’article incriminé. C’est surtout l’absolue interdiction des commentaires de l’organe de presse qui est la vraie avancée. En effet, le commentaire ou la réaction des professionnels plus aguerris que le lecteur occultait la substance, ce qu’il y avait de meilleur dans le droit de réponse du lecteur mis en cause. L’équilibre au niveau du droit de réponse est réjouissant parce que le lecteur est freiné dans ses abus par l’interdiction de publier son droit de réponse dans des périodiques non concernés ou encore au delà du délai de six (06) mois. (…) Des voies de recours judiciaires et disciplinaires ont été prévues et organisées pour protéger les droits des lecteurs et vaincre toutes les résistances éventuelles des organes de presse. Les lecteurs sont également protégés par la publication de la carte de propriété des parts sociales et des actions de la société de l’organe de presse. Enfin, la structure imposée à la rédaction d’être majoritairement composée de journalistes professionnels rassure le lecteur sur la qualité des informations des périodiques. On pourrait ajouter que les nouvelles exigences de la profession de journaliste tenant aux diplômes exigés démontrent que le lecteur peut se fier à ses journalistes et s’attendre à des développements appropriés sur les sujets spécialisés. Ce qui à mon sens est une vraie avancée qui conserve les acquis de la presse et suscite les vocations les plus diverses dans ce domaine.
Avez–vous un appel ?
La presse d’opposition a besoin de nous tous car il faut éviter les rédactions volantes et ambulantes comme des maisons de placement. Il est temps de libérer les locaux des organes de presse au nom de la réconciliation et de la liberté de la presse.
Réalisée par C.K (stg)