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Économie Publié le mercredi 27 juillet 2011 | Nord-Sud

Thierry Tanoh (vice-président de la Société financière internationale) : “L’autoroute du Nord ira jusqu’à Bouaké”

© Nord-Sud Par DR
Finance - Thierry Tanoh, vice-président pour l’Afrique sub-saharienne, l’Amérique latine et Caraïbes, et Europe de l’ouest de la Société Financière Internationale (SFI)
Le vice-président de la Société financière internationale (Sfi, filiale du groupe de la Banque mondiale) estime que les conditions sont en train d’être mises en place en Côte d’Ivoire, pour la relance économique. Thierry Tanoh a annoncé, hier, sur les antennes de Rfi, de grands projets en faveur d’Abidjan.


l Est-ce qu’il est facile d’investir en Côte d’Ivoire ?

Je pense que c’est le bon moment surtout pour une institution comme la nôtre qui met l’accent sur le développement. Donc, nous encourageons les autres, à nous accompagner.

l Est-ce que la capitale économique n’est-elle pas toujours quadrillée par les chefs de guerre Frci (Forces républicaines de Côte d’Ivoire). Des chefs d’entreprises ne risquent-ils pas de se faire rançonner ?

Comme dans toute situation post-conflit, il y a toujours des séquelles. Mais, ceci étant, je n’ai pas vu, lors de mon passage à Abidjan (où j’ai passé une semaine), beaucoup de mouvements de troupes, de militaires ou de chefs de guerre. Je n’ai personnellement jamais été arrêté à un barrage quelconque. Je pense que la sécurité s’est considérablement améliorée par rapport à ces derniers mois. Des efforts restent encore à faire, c’est certain, mais, il va falloir changer des habitudes qui ont été prises. Mais, je pense qu’on aura une situation très claire. Ou on est dans l’armée ou on ne l’est pas. Dans le premier cas, on va devoir se soumettre à des règles très strictes.



l L’un des fléaux de la Côte d’Ivoire, c’est le racket sur les routes entre la frontière nord et les grands ports du sud. Est-ce que cela prendra fin un jour ?

Si ça ne prend pas fin, les pays de la sous-région, qui ont un accès à la mer, vont être les privilégiés pour l’importation et l’exportation des produits. Donc, la Côte d’Ivoire perdrait un rôle important qu’elle pouvait jouer au niveau de la sous-région et, ce serait bien dommage.
l C’est-à-dire que la Côte d’Ivoire risque de payer cher ces dix dernières années où le Ghana et d’autres pays de l’Afrique de l’ouest ont pris la relève ?

Oui, tout à fait. Je pense que pendant que nous, on s’est arrêté au niveau de la construction de nos infrastructures, de l’établissement d’un meilleur environnement au niveau du climat des affaires, les pays de la sous-région se sont considérablement développés. Regardez les investissements qui ont été faits au Ghana, au Togo ou au Sénégal. Au niveau des infrastructures, il y a eu de grands pas qui ont été franchis. Par contre, la Côte d’Ivoire s’est arrêtée. Peut-être que la dernière infrastructure que nous avons bâtie, c’était l’amélioration de l’aéroport international d’Abidjan. Donc, je ne serai pas étonné si dans les années à venir, les pays comme le Ghana, le Togo, le Bénin et le Sénégal commencent à œuvrer de plus en plus dans ce sens. Et on voit une concurrence de plus en plus ardue pour justement attirer les investisseurs. Ceci va se faire avec un meilleur environnement des affaires mais aussi, avec de très bonnes infrastructures.

l Quelles sont les priorités justement. Est-ce que ce sont les centrales thermiques, la prolongation de l’autoroute du Nord ?

Nous avons discuté avec le gouvernement. Je pense que les premières priorités pour le secteur privé, c’est l’amélioration du climat des affaires, la bonne gouvernance, la transparence de la justice. Il s’agit d’avoir un climat sain pour que le secteur privé puisse se développer, pour qu’on puisse attirer, en Côte d’Ivoire, des investisseurs.

l Donc des juges honnêtes…

Oui, des juges qui donnent en fait au secteur privé, une bonne lisibilité.

l Mais, comment les rendre honnêtes après des années et des années où il suffisait quelquefois de donner un gros billet au juge pour avoir un bon jugement ?

J’ai donné l’exemple lorsque nous avons rencontré le ministre de la Justice. Nous lui avons dit (peut-être) de publier sur internet, toutes les décisions de juges. Il faut pouvoir retrouver les différents arrêtés qui sont pris par les juges et que ce soit vu par le monde entier. On verra très vite si des décisions sont prises à l’encontre des règles que la Côte d’Ivoire s’est fixées.

l Comme ça les juges assumeront leurs décisions…

Je l’espère bien. Le deuxième aspect, ce sont les infrastructures. A ce niveau, le premier point, c’est l’énergie. On a vu un petit peu comment une situation énergétique difficile peut même amener des troubles dans un pays comme cela s’est passé au Sénégal dans la sous-région. Il est très important (et je pense) que la Côte d’Ivoire arrive à se remettre une capacité de production qui soit à la hauteur des ambitions qu’elle a pour sa croissance économique.

l Quels sont les projets sur l’énergie ?

On a deux projets à court terme. Le premier, c’est dans le secteur du gaz. Il s’agit d’accroître la capacité de production de la centrale d’Azito de 50% en utilisant le gaz carbonique (Co2) qui est rejeté aujourd’hui. Sa capacité va donc passer de 300 à 450 mégawatts (MW). Le deu­xième qui est aussi un projet d’énergie propre avec une ressource hydraulique, c’est la cons­truction du barrage dans la région de Soubré. Si cet ouvrage pouvait être construit, il augmenterait encore la capacité de la Côte d’Ivoire aux alentours de 300 MW. L’avantage de Soubré, c’est qu’il permettra à la Côte d’Ivoire de distribuer aussi dans la sous-région et, j’espère en incluant un pays comme le Libéria qui en a énormément besoin. Donc, d’abord l’énergie. Le deuxième type d’infrastructures qui doit être impérativement développé, ce sont les routes. Nous avons discuté avec les autorités, d’abord de la réfection de l’autoroute du nord qui va jusqu’à Yamoussoukro pour ensuite voir dans quelle mesure, elle pourrait être prolongée jusqu’à Bouaké dans un premier temps, sous une forme de concession avec une voie à péages, comme on l’a fait au Sénégal. On peut concevoir de faire quelque chose de similaire au niveau de l’est de la Côte d’Ivoire. Une route qui va dans un premier temps d’Abidjan à Bassam et à Assinie et qui va nous ouvrir les portes sur le Ghana. Ensuite, nous allons travailler avec le gouvernement pour le port de San-Pedro, de sorte à désengorger celui d’Abidjan. Si on arrivait à faire l’autoroute qui part de la Côte d’Ivoire pour descendre jusqu’au Nigéria, nous ouvririons les portes de ce pays aux industriels ivoiriens. Je pense que c’est une opportunité qu’il faut saisir.
l Vous dites que les hommes d’affaires aiment bien avoir une visibilité. Est-ce que de ce point de vue, les prochaines législatives comptent?

Oui certainement, je pense que cela va permettre psychologiquement de tourner une page de l’histoire. On a fait l’élection présidentielle, les législatives et les municipales vont suivre. Une fois que tout ceci sera fait, on va se focaliser sur le développement.

Propos retranscrits par Cissé Cheick Ely
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