Plus d’un an après l’arrivée de Florence Damonoko à Abidjan pour les soins médicaux qui lui redonnent son visage, Nord-Sud Quotidien s’est rendu à Ouragahio, à la rencontre de ses parents.
Nous voici dans un taxi-brousse pour Krogbopa, le village de Damonoko Florence, la jeune fille de 22 ans, dont le visage a été déformé, dit-on, par des sorciers. C’est dans la sous-préfecture de Ouragahio, département de Gagnoa. Le chemin est envahi par la broussaille. Heureusement, une pancarte indiquant l’école primaire du village est là pour nous montrer que nous sommes à destination. Sans grande difficulté, le domicile du père de Florence est retrouvé. « Il vient d’arriver du champ mais est ressorti pour une course », nous renseigne la maisonnée. On nous installe sur des tabourets en attendant que le maître des lieux revienne au logis. Il ne tarde pas. Lorsqu’il nous aperçoit, il marque un temps d’arrêt, pour se souvenir : «Ah c’est vous les journalistes !» Le chef de famille reste convaincu que nous lui apportons des nouvelles de sa fille.
Les frères de Florence
Mais ignorant la nature de ces nouvelles, il est partagé entre doute et espoir. On le sent accroché à nos lèvres. Dans nos échanges, il avoue être coupé de sa fille. Nous lui tendons le dernier numéro de Nord-Sud Quotidien qui parle de l’amélioration de l’état de Florence. Il fixe longuement l’image de sa fille. «Les mots me manquent », se contente-t-il de répondre. Il fait l’effort de contenir son émotion. Pendant ce temps, la nouvelle de notre présence a fait le tour du village. Nous sommes entourés par une horde de curieux. Le journal passe de main en main. Chacun y allant de ses commentaires. La grand-mère et la tante de Florence sont heureuses de constater l’évolution positive de l’état de leur fille. « Nous rendons gloire au Seigneur et disons merci au père Abékan (Ndlr : le curé de la paroisse Notre Dame de la tendresse de la Riviera golf) pour ce qu’il fait pour Florence », se réjouissent-elle.
Derrière nous, un jeune garçon occupé à piler des padis de riz dans un mortier observait de loin ce qui se passait. Il s’agit de Arnold, le petit-frère de Florence à qui elle a fait allusion dans le journal. Il était le complice de Florence. Après lui, vient Marving. Damonoko a donc eu trois enfants avec la mère de Florence avant que les deux se séparent en 1998, au moment où leur première fille avait 6 ans. Aujourd’hui, elle vit dans un autre foyer à Ouragahio où elle a eu un garçon. Sur invitation du père, Arnold nous rejoint. Mais très avare en parole, c’est difficilement qu’il place des mots. Certainement ému par les bonnes nouvelles sur l’état de santé de sa complice et grande sœur. A côté de la case des Damonoko se trouve celle de ‘Bill’. L’on n’a pas voulu nous communiquer le nom à l’état-civil de ce voisin. Sa concubine serait à l’origine des malheurs de Florence. Malgré la mésaventure qu’a connue la victime, Bill et Damonoko s’entendent harmonieusement bien. La femme de Bill qui purgeait une peine de 5 ans à la maison d’arrêt et de correction de Gagnoa, a recouvré la liberté quand les prisons ont été cassées vers la fin de la crise post-électorale. « A sa sortie de prison, elle a regagné la maison conjugale, mais je l’ai répudiée. Une femme comme elle, je n’en veux pas surtout qu’elle a reconnu avoir tué ma maman», fulmine son compagnon. Pourtant, de leur union est né un enfant. « Qu’elle garde l’enfant, je lui en fais cadeau », poursuit le père. Après Krogbopa, nous nous mettons en route pour Ouragahio, à la rencontre de Bogro Dignan Martine, la mère biologique de Florence. Nous arrivons à son domicile à 20 heures sous la conduite de son ex-époux. Tout comme ce dernier, Martine non plus n’a pas de nouvelles de sa fille. A travers le journal que nous lui présentons, elle peut se faire une idée de la normalisation de son visage. Elle quitte l’obscurité où nous sommes installés pour venir à la lumière. Fixant la page de son regard. Un brin de sourire semble s’échapper de ses lèvres. Puis elle vient rejoindre le groupe pour partager ses impressions. Elle n’espérait pas que sa fille pouvait un jour trouver la guérison. Très émue par l’action du père Abékan (qui est allé recueillir la malade pour lui prodiguer des soins médicaux à Abidjan), elle bénit l’homme de Dieu durant tout le temps que nous passons ensemble.
Abékan, le sauveur d’une famille
A Ouragahio comme à Krogbopa, le scénario est le même. De bouche à oreille, l’information circule à la vitesse d’un éclair dans le quartier puis les curieux envahissent la concession. Certains ont accouru ayant cru au retour de Florence après ses soins à Abidjan. Tout le monde voulait donc la voir. Plutôt que de la voir physiquement, les curieux se sont contentés de sa photo dans le journal qui l’a révélée au grand public.
Sans même l’avoir vue, les populations de Krogbopa et de Ouragahio ne jurent que par son nom. Le père Abékan Norbert, le sauveur de Florence. Le papa, la maman et les proches de la malade ne tarissent pas d’éloges à l’endroit du guide religieux. « La date du lundi 31 mai 2010 restera à jamais gravée dans ma mémoire, car c’est ce jour-là que le père Abékan est venu chercher Florence pour la soigner », se souvient le père de la patiente. Dans les deux localités parcourues pour rencontrer les parents de Florence, des curieux n’ont cessé de nous demander qui est le père Abékan, pour avoir un cœur si généreux. Il a décidé d’aider une jeune fille par ailleurs aînée d’une famille de trois enfants à sortir d’une situation sanitaire qui la conduisait à la mort. Le père sans moyen est resté impuissant face au mal qui rongeait sa fille. Quant à la mère, son cadre de vie témoigne qu’il ne faut pas attendre grand-chose d’elle pour les soins de sa progéniture. Que serait devenue Florence sans le père Abékan ? Ici, tous les parents ont promis prier pour que le patron de la paroisse Notre-Dame de la tendresse se rétablisse de l’assassinat manqué dont il a été victime. Aussi ont-ils fait la promesse de prier pour Florence. Pour eux, Dieu ne permettra pas que le père Abékan « son digne fils » échoue dans son œuvre. Il est le sauveur de Florence mais au-delà de toute une famille pour ne pas dire de tout un village nommé Krogbopa.
Alain Kpapo
Nous voici dans un taxi-brousse pour Krogbopa, le village de Damonoko Florence, la jeune fille de 22 ans, dont le visage a été déformé, dit-on, par des sorciers. C’est dans la sous-préfecture de Ouragahio, département de Gagnoa. Le chemin est envahi par la broussaille. Heureusement, une pancarte indiquant l’école primaire du village est là pour nous montrer que nous sommes à destination. Sans grande difficulté, le domicile du père de Florence est retrouvé. « Il vient d’arriver du champ mais est ressorti pour une course », nous renseigne la maisonnée. On nous installe sur des tabourets en attendant que le maître des lieux revienne au logis. Il ne tarde pas. Lorsqu’il nous aperçoit, il marque un temps d’arrêt, pour se souvenir : «Ah c’est vous les journalistes !» Le chef de famille reste convaincu que nous lui apportons des nouvelles de sa fille.
Les frères de Florence
Mais ignorant la nature de ces nouvelles, il est partagé entre doute et espoir. On le sent accroché à nos lèvres. Dans nos échanges, il avoue être coupé de sa fille. Nous lui tendons le dernier numéro de Nord-Sud Quotidien qui parle de l’amélioration de l’état de Florence. Il fixe longuement l’image de sa fille. «Les mots me manquent », se contente-t-il de répondre. Il fait l’effort de contenir son émotion. Pendant ce temps, la nouvelle de notre présence a fait le tour du village. Nous sommes entourés par une horde de curieux. Le journal passe de main en main. Chacun y allant de ses commentaires. La grand-mère et la tante de Florence sont heureuses de constater l’évolution positive de l’état de leur fille. « Nous rendons gloire au Seigneur et disons merci au père Abékan (Ndlr : le curé de la paroisse Notre Dame de la tendresse de la Riviera golf) pour ce qu’il fait pour Florence », se réjouissent-elle.
Derrière nous, un jeune garçon occupé à piler des padis de riz dans un mortier observait de loin ce qui se passait. Il s’agit de Arnold, le petit-frère de Florence à qui elle a fait allusion dans le journal. Il était le complice de Florence. Après lui, vient Marving. Damonoko a donc eu trois enfants avec la mère de Florence avant que les deux se séparent en 1998, au moment où leur première fille avait 6 ans. Aujourd’hui, elle vit dans un autre foyer à Ouragahio où elle a eu un garçon. Sur invitation du père, Arnold nous rejoint. Mais très avare en parole, c’est difficilement qu’il place des mots. Certainement ému par les bonnes nouvelles sur l’état de santé de sa complice et grande sœur. A côté de la case des Damonoko se trouve celle de ‘Bill’. L’on n’a pas voulu nous communiquer le nom à l’état-civil de ce voisin. Sa concubine serait à l’origine des malheurs de Florence. Malgré la mésaventure qu’a connue la victime, Bill et Damonoko s’entendent harmonieusement bien. La femme de Bill qui purgeait une peine de 5 ans à la maison d’arrêt et de correction de Gagnoa, a recouvré la liberté quand les prisons ont été cassées vers la fin de la crise post-électorale. « A sa sortie de prison, elle a regagné la maison conjugale, mais je l’ai répudiée. Une femme comme elle, je n’en veux pas surtout qu’elle a reconnu avoir tué ma maman», fulmine son compagnon. Pourtant, de leur union est né un enfant. « Qu’elle garde l’enfant, je lui en fais cadeau », poursuit le père. Après Krogbopa, nous nous mettons en route pour Ouragahio, à la rencontre de Bogro Dignan Martine, la mère biologique de Florence. Nous arrivons à son domicile à 20 heures sous la conduite de son ex-époux. Tout comme ce dernier, Martine non plus n’a pas de nouvelles de sa fille. A travers le journal que nous lui présentons, elle peut se faire une idée de la normalisation de son visage. Elle quitte l’obscurité où nous sommes installés pour venir à la lumière. Fixant la page de son regard. Un brin de sourire semble s’échapper de ses lèvres. Puis elle vient rejoindre le groupe pour partager ses impressions. Elle n’espérait pas que sa fille pouvait un jour trouver la guérison. Très émue par l’action du père Abékan (qui est allé recueillir la malade pour lui prodiguer des soins médicaux à Abidjan), elle bénit l’homme de Dieu durant tout le temps que nous passons ensemble.
Abékan, le sauveur d’une famille
A Ouragahio comme à Krogbopa, le scénario est le même. De bouche à oreille, l’information circule à la vitesse d’un éclair dans le quartier puis les curieux envahissent la concession. Certains ont accouru ayant cru au retour de Florence après ses soins à Abidjan. Tout le monde voulait donc la voir. Plutôt que de la voir physiquement, les curieux se sont contentés de sa photo dans le journal qui l’a révélée au grand public.
Sans même l’avoir vue, les populations de Krogbopa et de Ouragahio ne jurent que par son nom. Le père Abékan Norbert, le sauveur de Florence. Le papa, la maman et les proches de la malade ne tarissent pas d’éloges à l’endroit du guide religieux. « La date du lundi 31 mai 2010 restera à jamais gravée dans ma mémoire, car c’est ce jour-là que le père Abékan est venu chercher Florence pour la soigner », se souvient le père de la patiente. Dans les deux localités parcourues pour rencontrer les parents de Florence, des curieux n’ont cessé de nous demander qui est le père Abékan, pour avoir un cœur si généreux. Il a décidé d’aider une jeune fille par ailleurs aînée d’une famille de trois enfants à sortir d’une situation sanitaire qui la conduisait à la mort. Le père sans moyen est resté impuissant face au mal qui rongeait sa fille. Quant à la mère, son cadre de vie témoigne qu’il ne faut pas attendre grand-chose d’elle pour les soins de sa progéniture. Que serait devenue Florence sans le père Abékan ? Ici, tous les parents ont promis prier pour que le patron de la paroisse Notre-Dame de la tendresse se rétablisse de l’assassinat manqué dont il a été victime. Aussi ont-ils fait la promesse de prier pour Florence. Pour eux, Dieu ne permettra pas que le père Abékan « son digne fils » échoue dans son œuvre. Il est le sauveur de Florence mais au-delà de toute une famille pour ne pas dire de tout un village nommé Krogbopa.
Alain Kpapo
