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Afrique Publié le vendredi 5 août 2011 | L’Inter

Nigeria : Vers un mandat présidentiel unique ? / Un projet qui présente des avantages certains

Bientôt les députés nigérians vont se prononcer sur un amendement de la Constitution qui pourrait aboutir à un mandat présidentiel unique. Si ce projet venait à être concrétisé, il pourrait atténuer dans ce pays les violences électorales qui se soldent par des centaines de morts.

Trois mois après son élection d'avril 2011, le président nigérian Goodluck Jonathan veut soumettre au parlement un projet de loi introduisant le mandat présidentiel unique. Jusque- là, la Constitution prévoit un mandat de quatre ans renouvelable une fois. S'il obtient gain de cause, tout président élu du Nigeria devra désormais se contenter d'un seul et unique mandat. Concernant la durée de ce mandat unique, il pourrait être de 6 ans, soit un prolongement de deux ans de l'actuel mandat. Après donc six années passées à la tête du pays, le président ne pourra plus se représenter. Les élections des gouverneurs des 36 Etats de la fédération seront également soumises à la même modification, selon la proposition de loi. Pourquoi le président fraichement élu propose-t-il déjà cette modification du mandat? Pour ceux qui soupçonnent Goodluck Jonathan de vouloir prolonger son actuel mandat, un de ses proches a assuré que si l'amendement est adopté, il n'en serait d'aucune manière le bénéficiaire. D'ailleurs en privé, M. Jonathan aurait à plusieurs reprises confié qu'il n'allait pas briguer un second mandat, si l'actuel arrivait à échéance en 2015. La véritable raison de ce projet est, selon le pouvoir d'Abuja, d'éviter désormais les conflits pré ou post- électoraux qui ensanglantent le pays le plus peuplé d'Afrique, (150 millions d'habitants). La dernière présidentielle, pourtant unanimement jugée crédible par les observateurs nationaux et internationaux et remportée par Goodluck Jonathan au détriment du Général à la retraite Mohamadu Buhari, a fait quelque 800 morts. Les élections au Nigeria comme dans nombre de pays africains, sont très budgétivores et se soldent finalement par des hécatombes. La dernière présidentielle ivoirienne qui a englouti la bagatelle de 189 milliards a été l'une des plus chères au monde. Or si le mandat présidentiel nigérian passait de 4 ans à 6 ans non renouvelables, en 12 ans, il n' y aura que deux scrutins au lieu de trois, ce qui ferait beaucoup d'économie pour le géant africain aussi bien en vies humaines qu'au plan financier.

Faciliter l'alternance politique

Au- delà de toutes ces raisons, l'un des plus gros avantages du mandat unique, c'est de faciliter l'alternance politique. La durée d'exercice du pouvoir en Afrique relève d'un secret divin. On sait quand elle commence, mais on ignore quand elle finit. Aussi, la fin d'un mandat présidentiel dans nos pays, suscite-t-elle la même frayeur que ressent un homme sentant l'imminence de sa mort. Le branle-bas constaté dans son entourage est comparable à la panique qui s'empare des parents accourus au chevet d 'un patient dont le pronostic vital est engagé. C'est cette crainte de passer la main, un acte ressenti comme une mort politique, qui amène de plus en plus de chefs d 'Etat à « malmener » leur loi fondamentale, en vue d'en faire sauter ce verrou gênant de limitation de mandat. Les conséquences de cette propension à s'éterniser au pouvoir sont hélas lourdes dans une Afrique qui continue de végéter dans une innommable précarité, où la durée de vie politique des dinosaures, est inversement proportionnelle à celle de leurs concitoyens. Le mandat présidentiel unique éviterait certainement tout ce gâchis et clarifierait les règles du jeu politique, aussi bien pour le pouvoir que pour l'opposition. Dans le premier cas, c'est lorsqu'un président sortant n'est pas sûr de conserver le pouvoir à l'épreuve des urnes qu'il se donne tous les moyens, y compris les plus déloyaux, pour parvenir à ses fins. Dans le second cas, l'opposition persuadée de mener un combat perdu d'avance, n'a d'autre choix que d'arracher de force ce pouvoir. Les violences post- électorales qui ont récemment ensanglanté le Kenya, le Zimbabwe, le Togo (5000 morts), le Nigeria, ( 800 morts) et la Côte d'Ivoire (3000 morts), illustrent bien la situation. Si la trouvaille de Goodluck Jonathan peut être perçue comme une idée lumineuse, reste à savoir si les politiques se montreront loyaux dans l'application des règles qu'ils auront eux- mêmes édictées. « L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais d'institutions fortes » a affirmé Barack Obama, le président américain, lors de son dernier passage sur le continent noir. Mais quand nos dirigeants le comprendront- ils?


Charles d'Almeida
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