La Fédération ivoirienne de football (FIF) est en ébullition. Dans une semaine (s’il n’ya pas de report comme on en a l’habitude dans ce pays quand il s’agit d’élection), elle élira son nouveau président qui sera choisi parmi des figures usées du monde du football. C’est une campagne fabuleuse qu’on peut mettre en saga, truffée d’intrigues, d’acteurs, de retournements et de rebondissements de situations qui redessinent à leur manière le paysage politique avec ses fractures inattendues et ses récupérations douteuses.
Les Ivoiriens ont tort de ne suivre que les feuilletons venus d’ailleurs, notamment les séries interminables brésiliennes (ou portugaises) voire indiennes, et de n’accorder de l’intérêt qu’aux événements mondiaux palpitants (affaire DSK). Ils ignorent que l’élection à la FIF soutient la concurrence en mêlant l’ostentation et l’invraisemblance.
Une vraie comédie. Arrêt sur quelques instantanés pris au fil des scènes médiatisées à outrance. Au commencement, deux grands. Qui se positionnent et qui balisent leurs territoires.
Qui s’épient, se défient, se craignent et se retirent… pour manigancer à leur aise ! A partir de là, tout se déroule comme dans un western. L’impossibilité ou la difficulté à arrêter la liste des candidats, les crocs-en-jambe, les débauchages, alliances et désalliances en tout genre, l’argent à flot, les dons suspects, les dîners gratuits, mais intéressés. Sans oublier les tactiques qui ne s’embarrassent d’aucune morale, l’essentiel étant de séduire coûte que coûte.
Une aubaine pour un scénariste, même médiocre. Parbleu, c’est tout ça l’élection !
Et après ? Le football retrouvera sa catalepsie, ne produira aucune richesse, frustrera ceux qui y ont cru. S’enfoncera dans la monotonie et la médiocrité. L’élection à la FIF
donne à coup de scènes saugrenues et animées une image nébuleuse du pays dans les convulsions et les métamorphoses du moment. Une FIF inopérante, bruyante et pas tout à fait délivrée de ses démons.
L’ECOLE : SAUVER LES SYNDICATS
Le gouvernement a décidé de supprimer les syndicats à l’Ecole. Des esprits s’en réjouiront en estimant qu’il s’agit là d’une décision appropriée qui ouvre à l’Ecole la perspective,
mille fois souhaitée, de se consacrer à sa fonction primordiale : l’acquisition de la connaissance. C’est oublier que la référence à l’Ecole consiste d’abord à faire l’expérience
d’une vision du monde qu’elle saisit et propage en intégrant le diptyque formation/socialisation qui repousse toute position de surplomb, l’idéal étant de faire les deux choses à la fois.
On pouvait s’attendre donc que la volonté du gouvernement ne nourrît pas une plus que l’autre, mais l’une et l’autre, l’une par l’autre. Parce que l’autonomie conquise par le syndicat, inséparable de sa sociologie et de son histoire refuse sa réduction aux soubresauts d’une organisation de triste mémoire, terroriste et luciférienne, cruelle et vindicative, maîtresse des empêchements, des frustrations secrètes et des servitudes silencieuses. La survie du syndicat engage une fidélité à notre histoire et rappelle à bon nombre de hauts cadres dans l’Administration publique, certains ministres en premier, combien ils lui sont redevables dans la constitution de leur personnalité politique. De leur réussite aussi.
A la vérité, la suppression est un iceberg gigantesque qui déplace les réalités du monde scolaire, étant entendu que pour l’heure les principales préoccupations sont d’ordre pratique : réinstaurer la morale et l’instruction civique, construire des bâtiments pour réduire le nombre des élèves dans les classes, améliorer le cadre de vie dans les établissements, maintenir et rehausser le niveau des enseignants par l’animation d’une formation continue, créer des académies pour maîtriser les examens, revenir à la double correction, gage d’impartialité et d’objectivité, donc de crédibilité, réformer le baccalauréat… Devant un chantier aussi énorme, la suppression du syndicat est-elle une priorité ? L’essence de l’Ecole est la liberté.
AUTOCHTONES/ ALLOGENES : étrangers mêmes
La crise aigüe qui a traversé le pays, et facilement identifiable à une catastrophe historique par l’ampleur de la criminalité et son cortège d’exactions de toutes sortes qu’elle a engendrés exige un temps de réflexion pour retrouver de nouveaux repères à même d’ « encadrer » les consciences. De la crise, on en a tout dit ou presque, même si le besoin de s’exprimer des uns et des autres, de préférence avec animation, escamote la quintessence du débat par ses œillères et s’attarde sur les aspects politiques et militaires, davantage effets que causes en négligeant le fond : la mentalité. Car l’immédiateté de la crise, sa violence et sa haine manifestent une sémiologie de l’inquiétante étrangeté que traduit le couple infernal autochtones/ allogènes dont la particularité est d’animer des signes : de glisser de l’ordre du « dire » à l’ordre du « faire ».
(On se rappelle l’expulsion massive des Lobis dans le Sud- à nous-ouest). De fait la rencontre avec l’autre ne relève pas que des sens : vue, ouïe, odorat… elle concerne aussi le prêt à penser aussi facilement consommable que le prêt à porter ; il annihile parce qu’il nie.
Les Grecs qui ont systématisé les premiers la notion d’ « étranger » en désignant le non- Grec de « barbare », onomatopées imitatives de bla-bla, bara- bara, en donnent des définitions précises : autochtone : littéralement, « né spontanément de la terre », « fondateur » ; allogène : de allogenês, ( de allo= « autre », et –gène), c’est-à-dire, « d’une origine différente de celle de la population autochtone, et installée tardivement dans le pays ». En outre, le second se distingue du premier dans un sens péjoratif qui fait surgir l’autre comme un ennemi.
La Côte d’Ivoire est un cas paradoxal dans la mesure où il s’agit d’un pays qui a l’habitude de situer l’origine de ses habitants dans les pays voisins. On pouvait donc raisonnablement espérer qu’elle était armée pour être le creuset de la sous- région par brassage et mixage. Par métissage dont Albert Jacquart soulignait les atouts dans un livre stimulant et indiquait combien « les mots nous trahissent : « pur », ce n’est pas mieux qu’ « impur », mais signifie « pauvre ». Au demeurant, les exemples développés récemment par Dacoury-Tabley permettent de mesurer le recul : qui se souvient de « Medou, le seul bété du Racing club de Gagnoa, de père sénégalais et de mère bété ? De Kouao Samuel, le propriétaire des cars KS qui a joué dans les Onze frères ? »
Le plus désolant est l’appropriation de ces termes nocifs, dévastateurs et dangereux par les Ivoiriens en général et par l’Administration en particulier. Le mot peut être aussi cruel que l’épée.
A samedi !
Cissé Idriss. Université de Cocody.
idriwa@yahoo.fr
Le regard du Professeur par Cissé Idriss
Les Ivoiriens ont tort de ne suivre que les feuilletons venus d’ailleurs, notamment les séries interminables brésiliennes (ou portugaises) voire indiennes, et de n’accorder de l’intérêt qu’aux événements mondiaux palpitants (affaire DSK). Ils ignorent que l’élection à la FIF soutient la concurrence en mêlant l’ostentation et l’invraisemblance.
Une vraie comédie. Arrêt sur quelques instantanés pris au fil des scènes médiatisées à outrance. Au commencement, deux grands. Qui se positionnent et qui balisent leurs territoires.
Qui s’épient, se défient, se craignent et se retirent… pour manigancer à leur aise ! A partir de là, tout se déroule comme dans un western. L’impossibilité ou la difficulté à arrêter la liste des candidats, les crocs-en-jambe, les débauchages, alliances et désalliances en tout genre, l’argent à flot, les dons suspects, les dîners gratuits, mais intéressés. Sans oublier les tactiques qui ne s’embarrassent d’aucune morale, l’essentiel étant de séduire coûte que coûte.
Une aubaine pour un scénariste, même médiocre. Parbleu, c’est tout ça l’élection !
Et après ? Le football retrouvera sa catalepsie, ne produira aucune richesse, frustrera ceux qui y ont cru. S’enfoncera dans la monotonie et la médiocrité. L’élection à la FIF
donne à coup de scènes saugrenues et animées une image nébuleuse du pays dans les convulsions et les métamorphoses du moment. Une FIF inopérante, bruyante et pas tout à fait délivrée de ses démons.
L’ECOLE : SAUVER LES SYNDICATS
Le gouvernement a décidé de supprimer les syndicats à l’Ecole. Des esprits s’en réjouiront en estimant qu’il s’agit là d’une décision appropriée qui ouvre à l’Ecole la perspective,
mille fois souhaitée, de se consacrer à sa fonction primordiale : l’acquisition de la connaissance. C’est oublier que la référence à l’Ecole consiste d’abord à faire l’expérience
d’une vision du monde qu’elle saisit et propage en intégrant le diptyque formation/socialisation qui repousse toute position de surplomb, l’idéal étant de faire les deux choses à la fois.
On pouvait s’attendre donc que la volonté du gouvernement ne nourrît pas une plus que l’autre, mais l’une et l’autre, l’une par l’autre. Parce que l’autonomie conquise par le syndicat, inséparable de sa sociologie et de son histoire refuse sa réduction aux soubresauts d’une organisation de triste mémoire, terroriste et luciférienne, cruelle et vindicative, maîtresse des empêchements, des frustrations secrètes et des servitudes silencieuses. La survie du syndicat engage une fidélité à notre histoire et rappelle à bon nombre de hauts cadres dans l’Administration publique, certains ministres en premier, combien ils lui sont redevables dans la constitution de leur personnalité politique. De leur réussite aussi.
A la vérité, la suppression est un iceberg gigantesque qui déplace les réalités du monde scolaire, étant entendu que pour l’heure les principales préoccupations sont d’ordre pratique : réinstaurer la morale et l’instruction civique, construire des bâtiments pour réduire le nombre des élèves dans les classes, améliorer le cadre de vie dans les établissements, maintenir et rehausser le niveau des enseignants par l’animation d’une formation continue, créer des académies pour maîtriser les examens, revenir à la double correction, gage d’impartialité et d’objectivité, donc de crédibilité, réformer le baccalauréat… Devant un chantier aussi énorme, la suppression du syndicat est-elle une priorité ? L’essence de l’Ecole est la liberté.
AUTOCHTONES/ ALLOGENES : étrangers mêmes
La crise aigüe qui a traversé le pays, et facilement identifiable à une catastrophe historique par l’ampleur de la criminalité et son cortège d’exactions de toutes sortes qu’elle a engendrés exige un temps de réflexion pour retrouver de nouveaux repères à même d’ « encadrer » les consciences. De la crise, on en a tout dit ou presque, même si le besoin de s’exprimer des uns et des autres, de préférence avec animation, escamote la quintessence du débat par ses œillères et s’attarde sur les aspects politiques et militaires, davantage effets que causes en négligeant le fond : la mentalité. Car l’immédiateté de la crise, sa violence et sa haine manifestent une sémiologie de l’inquiétante étrangeté que traduit le couple infernal autochtones/ allogènes dont la particularité est d’animer des signes : de glisser de l’ordre du « dire » à l’ordre du « faire ».
(On se rappelle l’expulsion massive des Lobis dans le Sud- à nous-ouest). De fait la rencontre avec l’autre ne relève pas que des sens : vue, ouïe, odorat… elle concerne aussi le prêt à penser aussi facilement consommable que le prêt à porter ; il annihile parce qu’il nie.
Les Grecs qui ont systématisé les premiers la notion d’ « étranger » en désignant le non- Grec de « barbare », onomatopées imitatives de bla-bla, bara- bara, en donnent des définitions précises : autochtone : littéralement, « né spontanément de la terre », « fondateur » ; allogène : de allogenês, ( de allo= « autre », et –gène), c’est-à-dire, « d’une origine différente de celle de la population autochtone, et installée tardivement dans le pays ». En outre, le second se distingue du premier dans un sens péjoratif qui fait surgir l’autre comme un ennemi.
La Côte d’Ivoire est un cas paradoxal dans la mesure où il s’agit d’un pays qui a l’habitude de situer l’origine de ses habitants dans les pays voisins. On pouvait donc raisonnablement espérer qu’elle était armée pour être le creuset de la sous- région par brassage et mixage. Par métissage dont Albert Jacquart soulignait les atouts dans un livre stimulant et indiquait combien « les mots nous trahissent : « pur », ce n’est pas mieux qu’ « impur », mais signifie « pauvre ». Au demeurant, les exemples développés récemment par Dacoury-Tabley permettent de mesurer le recul : qui se souvient de « Medou, le seul bété du Racing club de Gagnoa, de père sénégalais et de mère bété ? De Kouao Samuel, le propriétaire des cars KS qui a joué dans les Onze frères ? »
Le plus désolant est l’appropriation de ces termes nocifs, dévastateurs et dangereux par les Ivoiriens en général et par l’Administration en particulier. Le mot peut être aussi cruel que l’épée.
A samedi !
Cissé Idriss. Université de Cocody.
idriwa@yahoo.fr
Le regard du Professeur par Cissé Idriss