Le samedi 16 juillet dernier, des représentants de différentes familles du village de N’gokro se sont retrouvés pour réaffirmer leur attachement à Nanan Nvodjo comme le chef de ce village devenu Yamoussoukro. Quelques semaines auparavant, la chefferie traditionnelle de Kami, village ayant cédé une partie de ses terres à la création de N’gokro, remettait de façon publique les attributs de chef de village et surtout du canton Akoué au Dr Augustin Thiam dit Nanan Boigny Ndri 3. Du coup, l'on assiste à une sorte de bicéphalisme à la tête de la chefferie traditionnelle de Yamoussoukro. Pour en savoir davantage, nous avons approché
le neveu du chef de terre de Kami, M. N’guessan Amani Sylvain, qui faisait partie de la mission ayant remis les attributs de chef traditionnel au Dr Thiam Augustin.
Dans cet entretien, il dit tout sur la lignée successorale qui fait de M. Thiam le gardien du trône des Akoué.
Chef Amani, vous avez, avec le chef du village de Kami et bien d’autres membres de la chefferie de Kami, remis les attributs de chef traditionnel au Dr Thiam Augustin. Pourquoi à lui?
A lui, parce que c’est lui que les anciens du village de N’gokro, donc de Yamoussoukro, nous ont indiqué comme le chef du Canton. A la mort du chef précédent, Nanan Yablé II, il nous avait été confié les attributs du chef de canton et de Yamoussoukro par ces anciens, conformément à nos traditions. C’est notre village Kami, faut-il le savoir, qui, dans les années 1860, a cédé en héritage à sa fille Adoua, une partie de ses terres qui a finalement servi à bâtir N’gokro, devenu aujourd’hui Yamoussoukro. Maintenant que le deuil est passé et que la situation du pays qui nous obligeait donc à assurer l’intérim de cette chefferie s’est améliorée, nous venons remettre à César, ce qui est à lui.
On note pourtant que cette décision ne fait pas l'unanimité dans votre canton?
Je suis tenté, en réponse, de vous demander ''à qui devions-nous remettre ces attributs?'' Nous fonctionnons sur des principes traditionnels et pour rien au monde, nous ne devons travestir ces principes. Les anciens du village nous ont confié leur trésor, nous sommes venus leur remettre ce trésor, c’est tout. Nous ne voulons pas rentrer dans des considérations partisanes. C’est d’ailleurs pourquoi nous sommes venus remettre ces attributs. Maintenant, pour ce qui est de celui qui doit le garder, cela relève du village dans son ensemble. Mais, je crois pour ma part qu’il revient à Nanan Boigny N’dri III (le Dr Augustin Thiam, ndlr).
Il se dit qu'il est d'origine sénégalaise …
Qui des Ivoiriens n’a pas une origine étrangère? Il ne faut pas parler de choses qu’on
ne maîtrise pas. Chez nous les Akan, et particulièrement les Baoulé du canton Akoué,
c’est le système matrilinéaire qui régit la question de successions et d’héritage dans
nos familles. Cela veut dire que chez nous, pour une personne donnée, c’est son
neveu, précisément l’enfant de sa sœur qui hérite de lui. Parce que pour nous, l’on
peut se tromper de père mais jamais de mère. L’homme est toujours du même sang
que sa mère. Donc pour une personne donnée, le fils de sa sœur a forcément le même
sang que lui. C’est pourquoi c’est à ce fils que revient son héritage.
Quel est justement le véritable lien entre le Dr Augustin Thiam et le président Houphouët-Boigny, pour lui attribuer son héritage?
Selon l’arbre généalogique de la famille Boigny connu de tous ceux qui s’intéresse à l’histoire du président Houphouët-Boigny, Thiam est l’arrière petit-fils de la tante du président Houphouët. En effet, selon ce qui est rapporté, Brou, la grand-mère maternelle du président Houphouët a eu 5 enfants, que sont Kimou N’dri dite N’dri Kan, la plus âgée et mère du président, Kouassi N’go géniteur du vieux Simon, connu de tous pour avoir été très longtemps chef du village de Yamoussoukro, Kimou M’bra, mère de Nanan Kouassi N’go III qui fut le chef du canton Akoué le plus connu, Kimou dite Yaablé, la mère de Mamie Djénéba et Kimou Yamoussou dite Yaa Kan, la mère de Aka Amoin Thérèse. Et cette dernière, Aka Amoin Thérèse a eu avec son époux Papa Sow, deux filles que sont Berthe Sow vivant aujourd’hui en France, et Mariétou qui fut l’épouse du ministre Amadou Thiam également connu de beaucoup. Dr Augustin Thiam est le troisième fils de Mariétou. Avant lui, il a eu
Daouda et Boubakar. Et après lui, il y a eu Aziz, N’dèye Ana, Yamoussou et Tidiane.
Comme vous le voyez, Thiam est donc l’arrière-petit fils de la tante du président
Houphouët et donc conformément au fonctionnement du système matriarcal, il a le
droit d’hériter d’Houphouët-Boigny. D’ailleurs, le vieux lui-même, avant sa mort,
avait dit sur les écrans de la télévision nationale que ses héritiers étaient les enfants de
Thiam.
Donc la désignation du Dr Thiam comme le chef de Yamoussoukro ne souffre d’aucune anomalie?
A ma connaissance, non! Et ce, eu égard à ce que je vous ai expliqué. Le président
Houphouët avait évoqué tout ces sujets avant son décès. Mais comme il ne vit plus,
chacun veut s’affirmer. Et cela peut expliquer ces situations qui n’honorent pas tout
le canton Akoué. Le canton entier le reconnaît chef, c’est donc lui et lui seul qui peut
prendre toute décision qui engage le canton et la chefferie de Yamoussoukro. C’est la
tradition qui nous l’impose. Et nous n’avons pas le choix.
Vous-même, quel est votre place dans cette famille pour témoigner ainsi ?
Moi, je suis le neveu héritier de l’actuel chef de terre de Kami, le patriarche Koffi
Kouamé dit Kihouli. C’est lui, Kihouli, qui est présentement le détenteur de la chaise
royale de Kami. C’est donc à lui ou l’héritier que je suis, que revient le droit
d’exercer la chefferie, ou même de la déléguer à qui nous voulons. C’est le cas de
l’actuel chef, Nanan Konan Kan, descendant de la patriarche Kokohou Aya, venue en
son temps du village voisin de Lolobo. Notre choix s’est porté sur lui pour exercer la
chefferie en notre nom, cela ne peut souffrir d’aucune contestation. C’est comme ça
chez nous. Pour l’histoire, Kihouli est le fils unique de la patriarche Koliè Yobouè
qui était l’une des 9 enfants de Allani Wozo Adjoua. Allani Wozo Adjoua elle, est la
fille du fondateur de Kami, Koffi Allani. En effet, conduits par la Reine Wodo Kan,
nos ancêtres sont arrivés ici un peu avant la colonisation. Ils se sont installés à
Tricassou, notre site originel, site actuel de la Basilique Notre dame de la Paix. Par la
suite, Koffi Allani est allé s’établir à Bokpli, actuel Kami. N’doumi Koffi serait parti
s’installer à Adjoma N’dènou, près de la rivière Kpoussiti. Et Mangoua Allani est
resté à Tricassou. Koffi Allani, notre ancêtre, est donc le fondateur de Kami. Avec sa
femme Assouman Yamoin, arrivée d’Aboudé-Kouassikro (Tiassalé), il a eu trois
enfants. Allani Kouassi assassiné un peu plus tard dans le village voisin de N’zéré,
Allani Yao et Allani Wozo Adjoua. Devenu plus tard chef du village à la demande de
son père, Allani Yao a rebaptisé le village Klo Klessou, puis Agoualè et un peu plus
tard Kami. Fait prisonnier pour s’être opposé à la colonisation, Allani Yao, vaincu
par le Français Noguès, a été arrêté avec son père Koffi Allani. En transfert de la
prison de Bonzi (où se trouvait le poste français de la région) à Bingerville, le vieux
Koffi Allani affaibli par les tortures dont il a été objet, a trouvé la mort en mars 1910.
Allani Yao lui est mort 5 ans après en prison (…). Je voudrais surtout souligner que
Koffi Allani a été fait prisonnier, parce que arrivés dans le village de Kami qui ne
cessait de leur désobéir, les colons ont demandé à voir le chef de terre. Les habitants
ont répondu que c’était la propriété de Koffi Allani. C’est comme ça que les colons
sont partis avec lui et son fils Allani Yao qui était le chef du village. Avant leur
départ, ces derniers ont confié le village à Nanan N’gouakou, à qui ils avaient dit
ceci: «Prends soin du village jusqu’à notre retour. Mais si d’aventure nous ne
revenions plus jamais, confie-le à un de nos descendants». C’est pourquoi, quatre ans
avant sa mort, devant tous les habitants, N’gouakou a fait la révélation et à cédé la
chefferie à Anassou Kacou, également appelé Koliè Kacou. Ce dernier est décédé en
1975. Tout ceci, pour que vous connaissiez l’histoire du village mère de
Yamoussoukro et même de tous les villages du canton Akoué. Aujourd’hui, Kami
s’étend sur 8127 hectares.
Interview réalisée par Blaise BONSIE à Yamoussoukro
Code photo: Chef Amani
le neveu du chef de terre de Kami, M. N’guessan Amani Sylvain, qui faisait partie de la mission ayant remis les attributs de chef traditionnel au Dr Thiam Augustin.
Dans cet entretien, il dit tout sur la lignée successorale qui fait de M. Thiam le gardien du trône des Akoué.
Chef Amani, vous avez, avec le chef du village de Kami et bien d’autres membres de la chefferie de Kami, remis les attributs de chef traditionnel au Dr Thiam Augustin. Pourquoi à lui?
A lui, parce que c’est lui que les anciens du village de N’gokro, donc de Yamoussoukro, nous ont indiqué comme le chef du Canton. A la mort du chef précédent, Nanan Yablé II, il nous avait été confié les attributs du chef de canton et de Yamoussoukro par ces anciens, conformément à nos traditions. C’est notre village Kami, faut-il le savoir, qui, dans les années 1860, a cédé en héritage à sa fille Adoua, une partie de ses terres qui a finalement servi à bâtir N’gokro, devenu aujourd’hui Yamoussoukro. Maintenant que le deuil est passé et que la situation du pays qui nous obligeait donc à assurer l’intérim de cette chefferie s’est améliorée, nous venons remettre à César, ce qui est à lui.
On note pourtant que cette décision ne fait pas l'unanimité dans votre canton?
Je suis tenté, en réponse, de vous demander ''à qui devions-nous remettre ces attributs?'' Nous fonctionnons sur des principes traditionnels et pour rien au monde, nous ne devons travestir ces principes. Les anciens du village nous ont confié leur trésor, nous sommes venus leur remettre ce trésor, c’est tout. Nous ne voulons pas rentrer dans des considérations partisanes. C’est d’ailleurs pourquoi nous sommes venus remettre ces attributs. Maintenant, pour ce qui est de celui qui doit le garder, cela relève du village dans son ensemble. Mais, je crois pour ma part qu’il revient à Nanan Boigny N’dri III (le Dr Augustin Thiam, ndlr).
Il se dit qu'il est d'origine sénégalaise …
Qui des Ivoiriens n’a pas une origine étrangère? Il ne faut pas parler de choses qu’on
ne maîtrise pas. Chez nous les Akan, et particulièrement les Baoulé du canton Akoué,
c’est le système matrilinéaire qui régit la question de successions et d’héritage dans
nos familles. Cela veut dire que chez nous, pour une personne donnée, c’est son
neveu, précisément l’enfant de sa sœur qui hérite de lui. Parce que pour nous, l’on
peut se tromper de père mais jamais de mère. L’homme est toujours du même sang
que sa mère. Donc pour une personne donnée, le fils de sa sœur a forcément le même
sang que lui. C’est pourquoi c’est à ce fils que revient son héritage.
Quel est justement le véritable lien entre le Dr Augustin Thiam et le président Houphouët-Boigny, pour lui attribuer son héritage?
Selon l’arbre généalogique de la famille Boigny connu de tous ceux qui s’intéresse à l’histoire du président Houphouët-Boigny, Thiam est l’arrière petit-fils de la tante du président Houphouët. En effet, selon ce qui est rapporté, Brou, la grand-mère maternelle du président Houphouët a eu 5 enfants, que sont Kimou N’dri dite N’dri Kan, la plus âgée et mère du président, Kouassi N’go géniteur du vieux Simon, connu de tous pour avoir été très longtemps chef du village de Yamoussoukro, Kimou M’bra, mère de Nanan Kouassi N’go III qui fut le chef du canton Akoué le plus connu, Kimou dite Yaablé, la mère de Mamie Djénéba et Kimou Yamoussou dite Yaa Kan, la mère de Aka Amoin Thérèse. Et cette dernière, Aka Amoin Thérèse a eu avec son époux Papa Sow, deux filles que sont Berthe Sow vivant aujourd’hui en France, et Mariétou qui fut l’épouse du ministre Amadou Thiam également connu de beaucoup. Dr Augustin Thiam est le troisième fils de Mariétou. Avant lui, il a eu
Daouda et Boubakar. Et après lui, il y a eu Aziz, N’dèye Ana, Yamoussou et Tidiane.
Comme vous le voyez, Thiam est donc l’arrière-petit fils de la tante du président
Houphouët et donc conformément au fonctionnement du système matriarcal, il a le
droit d’hériter d’Houphouët-Boigny. D’ailleurs, le vieux lui-même, avant sa mort,
avait dit sur les écrans de la télévision nationale que ses héritiers étaient les enfants de
Thiam.
Donc la désignation du Dr Thiam comme le chef de Yamoussoukro ne souffre d’aucune anomalie?
A ma connaissance, non! Et ce, eu égard à ce que je vous ai expliqué. Le président
Houphouët avait évoqué tout ces sujets avant son décès. Mais comme il ne vit plus,
chacun veut s’affirmer. Et cela peut expliquer ces situations qui n’honorent pas tout
le canton Akoué. Le canton entier le reconnaît chef, c’est donc lui et lui seul qui peut
prendre toute décision qui engage le canton et la chefferie de Yamoussoukro. C’est la
tradition qui nous l’impose. Et nous n’avons pas le choix.
Vous-même, quel est votre place dans cette famille pour témoigner ainsi ?
Moi, je suis le neveu héritier de l’actuel chef de terre de Kami, le patriarche Koffi
Kouamé dit Kihouli. C’est lui, Kihouli, qui est présentement le détenteur de la chaise
royale de Kami. C’est donc à lui ou l’héritier que je suis, que revient le droit
d’exercer la chefferie, ou même de la déléguer à qui nous voulons. C’est le cas de
l’actuel chef, Nanan Konan Kan, descendant de la patriarche Kokohou Aya, venue en
son temps du village voisin de Lolobo. Notre choix s’est porté sur lui pour exercer la
chefferie en notre nom, cela ne peut souffrir d’aucune contestation. C’est comme ça
chez nous. Pour l’histoire, Kihouli est le fils unique de la patriarche Koliè Yobouè
qui était l’une des 9 enfants de Allani Wozo Adjoua. Allani Wozo Adjoua elle, est la
fille du fondateur de Kami, Koffi Allani. En effet, conduits par la Reine Wodo Kan,
nos ancêtres sont arrivés ici un peu avant la colonisation. Ils se sont installés à
Tricassou, notre site originel, site actuel de la Basilique Notre dame de la Paix. Par la
suite, Koffi Allani est allé s’établir à Bokpli, actuel Kami. N’doumi Koffi serait parti
s’installer à Adjoma N’dènou, près de la rivière Kpoussiti. Et Mangoua Allani est
resté à Tricassou. Koffi Allani, notre ancêtre, est donc le fondateur de Kami. Avec sa
femme Assouman Yamoin, arrivée d’Aboudé-Kouassikro (Tiassalé), il a eu trois
enfants. Allani Kouassi assassiné un peu plus tard dans le village voisin de N’zéré,
Allani Yao et Allani Wozo Adjoua. Devenu plus tard chef du village à la demande de
son père, Allani Yao a rebaptisé le village Klo Klessou, puis Agoualè et un peu plus
tard Kami. Fait prisonnier pour s’être opposé à la colonisation, Allani Yao, vaincu
par le Français Noguès, a été arrêté avec son père Koffi Allani. En transfert de la
prison de Bonzi (où se trouvait le poste français de la région) à Bingerville, le vieux
Koffi Allani affaibli par les tortures dont il a été objet, a trouvé la mort en mars 1910.
Allani Yao lui est mort 5 ans après en prison (…). Je voudrais surtout souligner que
Koffi Allani a été fait prisonnier, parce que arrivés dans le village de Kami qui ne
cessait de leur désobéir, les colons ont demandé à voir le chef de terre. Les habitants
ont répondu que c’était la propriété de Koffi Allani. C’est comme ça que les colons
sont partis avec lui et son fils Allani Yao qui était le chef du village. Avant leur
départ, ces derniers ont confié le village à Nanan N’gouakou, à qui ils avaient dit
ceci: «Prends soin du village jusqu’à notre retour. Mais si d’aventure nous ne
revenions plus jamais, confie-le à un de nos descendants». C’est pourquoi, quatre ans
avant sa mort, devant tous les habitants, N’gouakou a fait la révélation et à cédé la
chefferie à Anassou Kacou, également appelé Koliè Kacou. Ce dernier est décédé en
1975. Tout ceci, pour que vous connaissiez l’histoire du village mère de
Yamoussoukro et même de tous les villages du canton Akoué. Aujourd’hui, Kami
s’étend sur 8127 hectares.
Interview réalisée par Blaise BONSIE à Yamoussoukro
Code photo: Chef Amani