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Société Publié le lundi 12 septembre 2011 | Le Patriote

Interview / Dr Thiam Augustin (Gouverneur du District de Yamoussoukro) : “Abidjan a atteint ses limites de développement”

Réduction du personnel du Palais présidentiel, factures impayées laissées par son prédécesseur, incompatibilité ou non de sa nouvelle fonction avec son titre de Chef de canton… Sans détours et avec le franc-parler qu'on lui sait, le Gouverneur du District de Yamoussoukro répond aux questions qui trottent sur les lèvres dans la capitale politique du pays. Entretien.

Le Patriote : Après votre prise officielle de fonction, quels sont les grands axes de votre programme ?

Dr Thiam Augustin : Pour l'instant, mon programme, c'est d'achever ce qui n'a pas été terminé par mon prédécesseur. Cela dit, je suis en train d'élaborer un programme d'actions qui n'a pas encore abouti, donc je ne peux pas en parler maintenant. Pour l'instant, je m'inscris dans la continuité. J'ai visité trois chantiers de construction de collèges, à Attiégouakro, Kossou et Moronoublé qui avaient été initiés par mon prédécesseur. Mais, les travaux étaient arrêtés depuis deux ans. Il fallait les poursuivre et les achever. J'ai pu avoir un appui budgétaire du ministre de l'Economie et des Finances et je le consacrerai à la reprise des chantiers et à la poursuite des travaux jusqu'à la livraison des bâtiments.

LP : Peut-on avoir une idée du montant de cet appui ?

Dr T.A : Non. Vous savez, l'argent du District, ce n'est pas qui décide tout seul de l'usage qu'on en fait. Il y a le conseil de trésorerie qui se réunit et moi je donne des orientations. Sur les orientations que j'ai données, nous avons privilégié l'éducation et la santé. Concernant l'éducation, nous avons décidé de terminer les trois collèges. Nous avons aussi prévu des prises en charge pour la rentrée scolaire 2011-2012. Pour la santé, nous avons accordé une subvention au centre ophtalmologique de Kami, pour qu'il puisse ouvrir. Voilà les trois axes qu'on a suivis pour utiliser cet argent qu'on nous a donné.

LP : Le transfert effectif de la capitale politique et administrative à Yamoussoukro a été annoncé par le Chef de l'Etat. Qu'en attendez-vous ?

Dr T.A : Vous savez, dans toute chose, il faut essayer de rester le plus objectif possible et faire parler la raison dans le cœur. Un tiers de la population de Côte d'Ivoire vit à Abidjan. C'est cette caractéristique de la Côte d' Ivoire qu'on retrouve dans tous les pays. Et Abidjan a atteint ses limites de développement, en termes de d'infrastructures, d'insalubrité. Et, pour remettre Abidjan complètement sur les rails, la masse d'argent est trop importante. Donc, il faut faire une autre capitale. Comme le Nigéria l'a fait avec Abuja. Et quand, on regarde à l'intérieur du pays, la seule ville où il y a eu déjà d'importants investissements en infrastructures, d'assainissement, de drainage, de construction, c'est Yamoussoukro. Puisqu'on ne peut plus arranger Abidjan, et qu'on n'a pas les moyens de construire tout d'un coup une nouvelle capitale, on va aller vers une ville où tous ces investissements ont été faits. C'est ce qui prédomine dans le choix de Yamoussoukro comme capitale de Côte d'Ivoire. C'est totalement objectif. Donc, transférer la capitale à Yamoussoukro, c'est une bonne chose. Voilà ce que j'en pense. Maintenant, il faut qu'on respecte les règles d'urbanisation. Il ne faut pas que Yamoussoukro se retrouve demain dans la situation qu'Abidjan vit aujourd'hui. Et nous allons veiller à cela en tant que Gouverneur du District.

LP : Dès votre premier conseil du District, vous avez dit : « Je ne suis pas venu pour poursuivre en justice mon prédécesseur». Pourtant, celui-ci a laissé des ardoises. Alors comment comptez-vous gérer cette situation ?

Dr T.A : J'ai dit certes que je ne suis pas là pour poursuivre qui que ce soit. Mais j'ai aussi ajouté que, Mahatma Gandhi a dit que, si on appliquait la politique de l'œil pour l'œil, dent pour la dent, sur la terre il n'y aurait que des borgnes et des édentés. Parce que si vous arrachez l'œil de quelqu'un, un autre arrachera votre dent. Donc, il faut arrêter cela. Je vais m'employer à payer les factures que m'a laissées le gouverneur. L'expérience ne doit pas nous conduire à la vengeance. L'expérience doit nous servir à ce que la faute ne se répète pas. Moi, j'ai choisi cette voie-là. Je vais faire un audit de la plantation de Toumbokro, je vais même demander à l'inspection administrative auditer le district. Mais, ce n'est pas pour mettre quelqu'un en prison. C'est pour viser deux choses. Primo : que ceux qui m'ont nommé, en particulier le chef de l'Etat, sachent, dans quel état j'ai trouvé le district. Secundo : que ça nous serve de leçon, afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs. C'est tout.

LP : M. le Gouverneur, après le troisième incendie du grand marché vous avez dit qu'il doit
être déplacé. Mais force est de constater aujourd'hui, que les commerçants sont revenus et
ont même reconstruit leurs magasins en dur …

Dr T.A : Rassurez-vous, le marché sera reconstruit. Mais, en attendant, on va laisser les commerçants se réinstaller. Parce qu'ils vivent du marché tous les jours. Un nouveau marché coûte 12 milliards de FCFA. Nous sommes à la recherche de ce financement. Un nouveau marché sera bâti, mais ce ne sera pas en un mois. Et ce qui explique qu'ils se soient réinstallés.

LP : D'aucuns s'interrogent si votre fonction de Gouverneur est-elle compatible avec celle de chef de canton ?

Dr T.A : Pourquoi ? Ai-je l'impression de quelqu'un qui ne dort pas la nuit ? Le Gouverneur est un rassembleur. Nanan aussi est un rassembleur. Il n'y a donc pas d'incompatibilité. Le Gouverneur reste gouverneur. Nanan est le Nanan de tous les Baoulé. Il ne trie pas. Tous les baoulé de son canton et même les non Baoulé de son canton sont tous ses enfants. Le Gouverneur est aussi le gouverneur de tout le monde.

LP : On vous accuse d'avoir imposé un certain Bailly à la tête du Palais présidentiel et surtout mis au chômage plus d'une centaine d'employés. A cela s'ajoute une sorte bicéphalisme à la tête du palais entre Bailly et une dame répondant au nom de Mme Zadi.
Que répondez-vous ?

Dr T.A : Je suis rentré m'installer à Yamoussoukro en 2003. Mme Zadi n'était plus au Palais. A l'époque, elle avait été déjà remerciée par M. Gbagbo lui-même. C'était Mme Boby Alphonsine, adjointe de Mme Zadi, jouait le rôle de la gouvernante. Donc si Mme Zadi vient dire que M. Bailly a pris sa place, elle ment. Depuis 2003, elle et le colonel Koffi Thomas, qu'on l'appelait cheval blanc, avaient disparu de Yamoussoukro. Ils avaient été rappelés Abidjan par le l'ex-président Gbagbo. Un jour, Mme Zadi vient me voir pour dire qu'elle vient pour reprendre sa place. Je dis c'est faux. Je lui ai dit d'aller à Abidjan, votre patron c'est le secrétaire général de la présidence. C'est avec lui que vous devez régler si vous devez reprendre le travail ou pas. Je n'ai plus revu Mme Zadi jusqu'à ce qu'on parle d'elle dans la presse. Mais, je ne comprends pas. Elle a été révoquée par le président Gbagbo. Qu'est-ce que M. Ouattara et M. Amadou Gon Coulibaly, l'actuel secrétaire général de la présidence ont à avoir dans cette affaire.

L.P : Et la question des agents renvoyés ?

Dr T.A : Il y avait 500 employés. Tout ce monde pour gérer quoi ? 99% des membres de la famille d'Houphouët sont absents. Ceux qui ne sont pas morts ne vivent pas ici. Moi-même, je ne vis pas dans le Palais. Donc les 500 personnes, c'est pour entretenir quoi et qui ? On a donc décidé de réduire le personnel. On parle de miliciens employés comme gardiens au Palais. Suite à des vols successifs, nous avons demandé et obtenu de M. Gbagbo que la garde du Palais ne soit plus assurée par la garde républicaine. Parallèlement Mme Boby Alphonsine a embauché des gens habillés en bleu et jaune qui doublaient la garde présidentielle. Ils étaient installés sur des tables à tous les portails du Palais. Et c'était des miliciens. Ce sont ceux qui ont été, pour la plupart, renvoyés et non les travailleurs recrutés par la Présidence.
Par Jacquelin Mintoh à Yamoussoukro
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