Déjà des mécontentements dans la formation de la nouvelle armée. Des éléments s'identifiant comme des ex-combattants des ex-Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) menacent de faire du bruit dans les jours à venir. Ils prévoient de tirer des coups de fusil à travers le Plateau, le siège du pouvoir à Abidjan, et n'écartent pas des attentats physiques sur certains de leurs supérieurs hiérarchiques qu'ils soupçonnent de manœuvres tribales visant à les exclure de l’intégration à la nouvelle armée, après la guerre. Le porte-parole de ces éléments, qui nous a joint pour nous porter l'information, est formel. «Nous allons tirer au Plateau. On ne va pas laisser faire. On a pris les armes pour combattre l'injustice, on n'acceptera pas qu'on nous fasse subir une autre injustice. Nous n'accepterons pas cette injustice. On a consacré notre vie, depuis, à la guerre. Quand vous allez entendre qu'on a tué un des chefs, c'est eux-mêmes qui auront creusé leur tombe...». Ces propos graves tenus par notre interlocuteur expriment clairement le ras-le-bol des révoltés qui se présentent comme des combattants faisant partie des 600 policiers et gendarmes formés en 2005 par l'Opération des nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) pour intégrer directement l'armée nouvelle dès la fin du scrutin présidentiel. Six (06) mois après le changement effectif du régime, ces soldats frustrés dénoncent une omission, voire ''un remplacement'' de leurs noms de la liste déposée à l'Etat-major où les concernés aurait commencé à percevoir des primes. «L'accord de Pretoria avait demandé qu'on forme 600 auxiliaires de police et de gendarmerie, qui devaient intégrer l'armée après les élections. Nous étions 535 qui avions été formés par la police des nations unies (UNPOL) et qui avions reçu nos diplômes signés du Gal Bakayoko et du Gal Yves Bouchard, patron de l'UNPOL. La liste devait être complétée à 600, 300 gendarmes et 300 policiers. Après la crise, on a demandé à ce qu'on nous intègre comme cela avait été prévu. Nommé directeur général de la police et de la gendarmerie, le dossier est géré par le ministre Tuo Fozié. Le Colonel-major Bamba Sinima nous a dit que le Gal Bakayoko a demandé à ce que la liste soit affichée pour que celui qui ne voit pas son nom puisse se présenter pour rectification. Au niveau de la gendarmerie, tout s'est bien passé. Mais, cela n'a pas été fait. Au début de ce mois, comme tout le monde, on s'est présenté au ministère de la Défense pour percevoir notre solde, et nous avons été surpris qu'il n'y avait pas nos noms sur la liste. On nous a renvoyés vers le capitaine Coulibaly à l'Etat-major, mais toujours rien. Le 4ème jour de la paie, on nous a annoncé que les 600 éléments allaient bénéficier d'une prime PNRRC (Ndlr: Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire). C'était l'occasion de vérifier que nous étions bel et bien sur la liste. Là aussi, surprise, nous n'y figurons pas». En définitive, conclut notre interlocuteur, lui et ses camarades, une quarantaine d'éléments formés par l'UNPOL, ne figurent point sur la liste des retenus pour la police. Menaçant de manifester, ils sont rappelés au calme, précise-t-il, par le commandant Big, directeur de cabinet du chef d'Etat-major (CEM), le Général Bakayoko. Le plus proche collaborateur du CEM, poursuit l'ex-combattant des FAFN, décide donc de prendre en main le dossier et de s'en occuper. «Cela fait deux semaines qu'on n'a pas de bonne nouvelle. On avait rendez-vous hier, mais on n'a pas pu se rencontrer. Quand c'est comme ça, on finit par péter les plombs». Pour ces plaignants, il peut y avoir eu des manœuvres orchestrées par leur hiérarchie, au moment de la transcription des noms sur la liste. Ils soupçonnent notamment leur directeur de les avoir écarter au profit de proches n'ayant pas fait la formation comme eux. Aussi interpellent-ils l'ONUCI, le formateur, afin qu'elle intervienne pour faire droit aux bénéficiaires qu'ils sont, de l'intégration à l'armée nouvelle. Joint pour en savoir davantage, c'est tout surpris que le ministre Tuo Fozié a accepté volontiers d'aborder la question. « Je suis très surpris qu'un seul de ceux qui ont été formés, qui ont composé, n'ait pas son nom sur la liste. Ce n'est pas possible. Je suis très surpris. Je leur ai demandé, moi-même, d'aller au ministère et que s'il y en a qui n'avaient pas leur nom sur la liste, qu'il fasse blocus et je me porte garant», a-t-il déclaré. Et l'ex-directeur général de la police et de la gendarmerie des Forces nouvelles de réagir sur les démarches que les éventuels plaignants en question disent avoir mené auprès de l'Etat-major. «Si c'est réel ce qu'ils disent- d'ailleurs je suis la personne la mieux indiquée pour régler ce problème- je suis surpris qu'un seul admis ne se trouve pas sur la liste», coupera net le ministre à l'idée que nos interlocuteurs, appelant d'un numéro voilé pour préserver leur anonymat, ne seraient pas des personnes crédibles. «Je vous connais, vous me connaissez et je vous ai donné moi-même mon numéro. Si ce sont des gens qui se cachent derrière des numéros voilés, avec tout le respect que je vous dois et pour la crédibilité de votre journal, j'arrête toute conversation avec vous, du moins pour ce qui concerne ce sujet». Du côté de l'Etat-major, nous ne réussirons pas à avoir au bout du fil le commandant Big pour attester de la véracité des faits à nous rapportés. Faut-il ignorer ou prendre au sérieux le contenu de ces coups de fil anonymes, qui peuvent révéler, parfois, de vrais problèmes? La question embarrasse quelquefois, mais le devoir ne recommande-t-il pas de dévoiler le contenu de ces coups de fil afin d'éviter au pays des surprises à l'horizon? Voilà qui justifie notre posture en portant au grand jours ces faits.
Félix D.BONY
Félix D.BONY