Kamagaté Daouda dit Jean-David est un ancien détenu de la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Il y a séjourné du 11 octobre 2001 au 31 mars 2010 sous le matricule 001/0101/1/5010/2001 et le numéro d’écrou 5010. Après 9 ans de prison, l’ancien chef de la cellule du bâtiment C a été déclaré non-coupable.
Comment vous êtes-vous retrouvé en prison ?
Avant mon arrestation, j’étais vigile dans une société de gardiennage dénommée Amac-sécurité. Qui m’a affecté à la résidence du président de l’Assemblée nationale. Et c’est en ce lieu de travail que j’ai été arrêté.
Pourquoi ?
Le lundi 1er octobre 2001, un vol a été commis chez une dame qui habitait la cité où je travaillais. Cela s’est passé entre 9h et 10h du matin. Pourtant, moi je ne travaillais que les nuits, et la journée, je me reposais. Mardi nuit, un ami est venu me demander d’aller acheter des journaux de Pmu pour lui à Adjamé. Il m’a remis 1.500 francs dont 1000f pour les journaux et 500f pour le transport. Le lendemain, à ma descente du travail, comme je ne maîtrisais pas bien le quartier, j’ai demandé à un ami du nom d’Ibrahim dit Sommet de m’aider à emprunter un véhicule ‘’gbaka’’ pour me rendre à la gare d’Adjamé. Il m’a donc accompagné jusqu’au véhicule et quand la voiture a démarré, j’ai vu qu’il venait de se faire arrêter par la police.
Ensuite ?
La nuit quand je suis venu prendre service, un véhicule a stationné à mon lieu de travail. Trois hommes en sont descendus. L’un d’entre eux s’est présenté à moi comme étant un commissaire de police. Il m’a dit qu’il venait m’arrêter parce qu’un certain Sommet qu’on avait arrêté dans la journée leur a dit que j’étais le chef de gang du vol et du viol qui a eu lieu chez la dame en question.
Comment avez-vous connu Sommet ?
C’est d’abord le jour de mon arrestation que j’ai su qu’il s’appelait aussi Sommet, sinon c’est le nom Ibrahim que je connaissais le mieux. C’est un collègue vigile. Et comme je travaillais la nuit et qu’il fallait que je reste éveillé, je me joignais à eux chaque nuit pour boire du thé et on causait ensemble. C’est ainsi que je l’ai connu.
Que s’est-il passé après votre arrestation?
J’ai été conduit au commissariat du 18ème arrondissement de la Riviera. Sommet était dans l’un des violons et moi à part. Le lendemain, des lieutenants m’ont posé les mêmes questions auxquelles j’avais répondu la veille, sans toutefois me mettre en confrontation avec celui qui m’accusait. Car, je voulais qu’ils me disent réellement ce que j’avais fait. A ce propos, je n’ai pas eu de réponse. J’ai donc passé 9 jours au violon du 18ème arrondissement.
Comment a réagi votre employeur ?
Lorsque j’ai été placé sous mandat de dépôt, un représentant de la société est venu me voir en prison. Il m’a dit qu’au cas où j’étais déclaré non-coupable, il me paierait la totalité de mon salaire. Sinon je ne devais plus compter sur eux.
Comment s’est déroulé le procès ?
Au tribunal, j’ai dit au juge d’instruction que je ne reconnaissais pas les faits. Sommet aussi ne les a pas reconnus. Le juge a donc décidé de nous rappeler dans un mois, ce qui a été fait. Revenu au tribunal, j’ai réitéré au juge que j’ignorais pourquoi j’étais détenu à la Maca. Elle a donc fait appel à Sommet pour qu’il me dise ce dont on m’accuse. Et là, à la surprise du juge, il avoue qu’il ne m’a pas dénoncé comme étant un voleur mais qu’il a tout juste répondu à la question des policiers qui ont demandé de leur donner les coordonnés de celui avec qui il cheminait le jour de son arrestation. Et Madame le juge de nous répondre que dans le procès-verbal, il est écrit que c’est après avoir tabassé Sommet qu’il m’a dénoncé comme étant son complice. Elle a donc fait appel à la victime qui nous accusait de vol et de viol. Elle a désigné Sommet et un autre vigile que je connaissais. Le juge nous a renvoyés pour une semaine. Mais malheureusement, elle a été affectée et le dossier a été remis à un autre magistrat. Ce n’est que deux ans après que j’ai été présenté à un autre juge d’instruction. Une Française qui s’occupe des prisonniers a demandé au juge de revoir mon dossier parce qu’elle trouvait que j’étais quelqu’un de sincère et de crédible. Le juge a donc fait une demande de mise en liberté provisoire qui a été approuvée par le directeur. Mais le dossier n’a plus été suivi.
Que s’est-il passé plus tard ?
En 2004, lors d’une évasion à la Maca, suite à une pénurie d’eau, Sommet en a profité pour fuir. La veille, il m’a proposé de fuir avec lui, j’ai refusé car je voulais sortir de façon légale. C’est en 2010, après avoir constaté une injustice, que le juge d’instruction du 3ème cabinet a proposé que je me présente au tribunal correctionnel. Et, c’est 6 mois après que le juge m’a rappelé pour me dire « Daouda Kamagaté, vous êtes déclaré non-coupable des faits qui vous sont reprochés.» Le 31 mars 2010, j’ai reçu un billet de sortie de prison.
Vos parents vous ont-ils soutenu ?
Pas vraiment pendant cette épreuve. Ce n’est que ma mère qui, avant son décès en 2002, venait me voir. A part elle, personne.
Comment avez-vous été accueilli à la Maca?
Le premier jour, à notre arrivée au bâtiment C, les chefs prisonniers nous ont soumis à une fouille corporelle et nos pantalons ont été déchirés puis réduits en culottes car c’est la règle. Chaque nouveau détenu doit séjourner au « blindé » (cellule sans fenêtre) pendant plusieurs mois. Je me lavais 4 fois par semaine et mangeais une fois toutes les 20h. Le bâtiment est surveillé par un sergent-chef qui nomme des chefs de bâtiment et de cellule.
Avez-vous occupé un de ces postes ?
J’étais le chef de cellule des prisonniers mentalement atteints. C’est moi-même qui l’ai voulu parce que je voulais leur apporter volontairement soutien, réconfort et espoir. J’étais aussi le président de la chorale de toute la Maca et des autres confessions religieuses. J’ai appris à lire et à écrire à des détenus.
Que retenez-vous de la prison ?
La prison est un lieu instructif mais destructif. On y apprend à cohabiter avec toutes sortes de personnes. En prison, chacun reconnaît avec fierté son délit et les innocents sont faciles à reconnaître.
Quelle activité menez-vous aujourd’hui ?
Je vends du savon que je fabrique moi-même. Je l’ai appris à travers mes recherches dans les documents de chimie et grâce aux connaissances des uns et des autres, en la matière. C’est avec cela que je subviens à mes besoins.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes ?
Je leur demande d’arrêter tout ce qui est contre la loi; car la prison n’est pas un lieu que je conseille. Je leur demande aussi de savoir choisir leurs amis.
Entretien réalisé par Bahi K.
Comment vous êtes-vous retrouvé en prison ?
Avant mon arrestation, j’étais vigile dans une société de gardiennage dénommée Amac-sécurité. Qui m’a affecté à la résidence du président de l’Assemblée nationale. Et c’est en ce lieu de travail que j’ai été arrêté.
Pourquoi ?
Le lundi 1er octobre 2001, un vol a été commis chez une dame qui habitait la cité où je travaillais. Cela s’est passé entre 9h et 10h du matin. Pourtant, moi je ne travaillais que les nuits, et la journée, je me reposais. Mardi nuit, un ami est venu me demander d’aller acheter des journaux de Pmu pour lui à Adjamé. Il m’a remis 1.500 francs dont 1000f pour les journaux et 500f pour le transport. Le lendemain, à ma descente du travail, comme je ne maîtrisais pas bien le quartier, j’ai demandé à un ami du nom d’Ibrahim dit Sommet de m’aider à emprunter un véhicule ‘’gbaka’’ pour me rendre à la gare d’Adjamé. Il m’a donc accompagné jusqu’au véhicule et quand la voiture a démarré, j’ai vu qu’il venait de se faire arrêter par la police.
Ensuite ?
La nuit quand je suis venu prendre service, un véhicule a stationné à mon lieu de travail. Trois hommes en sont descendus. L’un d’entre eux s’est présenté à moi comme étant un commissaire de police. Il m’a dit qu’il venait m’arrêter parce qu’un certain Sommet qu’on avait arrêté dans la journée leur a dit que j’étais le chef de gang du vol et du viol qui a eu lieu chez la dame en question.
Comment avez-vous connu Sommet ?
C’est d’abord le jour de mon arrestation que j’ai su qu’il s’appelait aussi Sommet, sinon c’est le nom Ibrahim que je connaissais le mieux. C’est un collègue vigile. Et comme je travaillais la nuit et qu’il fallait que je reste éveillé, je me joignais à eux chaque nuit pour boire du thé et on causait ensemble. C’est ainsi que je l’ai connu.
Que s’est-il passé après votre arrestation?
J’ai été conduit au commissariat du 18ème arrondissement de la Riviera. Sommet était dans l’un des violons et moi à part. Le lendemain, des lieutenants m’ont posé les mêmes questions auxquelles j’avais répondu la veille, sans toutefois me mettre en confrontation avec celui qui m’accusait. Car, je voulais qu’ils me disent réellement ce que j’avais fait. A ce propos, je n’ai pas eu de réponse. J’ai donc passé 9 jours au violon du 18ème arrondissement.
Comment a réagi votre employeur ?
Lorsque j’ai été placé sous mandat de dépôt, un représentant de la société est venu me voir en prison. Il m’a dit qu’au cas où j’étais déclaré non-coupable, il me paierait la totalité de mon salaire. Sinon je ne devais plus compter sur eux.
Comment s’est déroulé le procès ?
Au tribunal, j’ai dit au juge d’instruction que je ne reconnaissais pas les faits. Sommet aussi ne les a pas reconnus. Le juge a donc décidé de nous rappeler dans un mois, ce qui a été fait. Revenu au tribunal, j’ai réitéré au juge que j’ignorais pourquoi j’étais détenu à la Maca. Elle a donc fait appel à Sommet pour qu’il me dise ce dont on m’accuse. Et là, à la surprise du juge, il avoue qu’il ne m’a pas dénoncé comme étant un voleur mais qu’il a tout juste répondu à la question des policiers qui ont demandé de leur donner les coordonnés de celui avec qui il cheminait le jour de son arrestation. Et Madame le juge de nous répondre que dans le procès-verbal, il est écrit que c’est après avoir tabassé Sommet qu’il m’a dénoncé comme étant son complice. Elle a donc fait appel à la victime qui nous accusait de vol et de viol. Elle a désigné Sommet et un autre vigile que je connaissais. Le juge nous a renvoyés pour une semaine. Mais malheureusement, elle a été affectée et le dossier a été remis à un autre magistrat. Ce n’est que deux ans après que j’ai été présenté à un autre juge d’instruction. Une Française qui s’occupe des prisonniers a demandé au juge de revoir mon dossier parce qu’elle trouvait que j’étais quelqu’un de sincère et de crédible. Le juge a donc fait une demande de mise en liberté provisoire qui a été approuvée par le directeur. Mais le dossier n’a plus été suivi.
Que s’est-il passé plus tard ?
En 2004, lors d’une évasion à la Maca, suite à une pénurie d’eau, Sommet en a profité pour fuir. La veille, il m’a proposé de fuir avec lui, j’ai refusé car je voulais sortir de façon légale. C’est en 2010, après avoir constaté une injustice, que le juge d’instruction du 3ème cabinet a proposé que je me présente au tribunal correctionnel. Et, c’est 6 mois après que le juge m’a rappelé pour me dire « Daouda Kamagaté, vous êtes déclaré non-coupable des faits qui vous sont reprochés.» Le 31 mars 2010, j’ai reçu un billet de sortie de prison.
Vos parents vous ont-ils soutenu ?
Pas vraiment pendant cette épreuve. Ce n’est que ma mère qui, avant son décès en 2002, venait me voir. A part elle, personne.
Comment avez-vous été accueilli à la Maca?
Le premier jour, à notre arrivée au bâtiment C, les chefs prisonniers nous ont soumis à une fouille corporelle et nos pantalons ont été déchirés puis réduits en culottes car c’est la règle. Chaque nouveau détenu doit séjourner au « blindé » (cellule sans fenêtre) pendant plusieurs mois. Je me lavais 4 fois par semaine et mangeais une fois toutes les 20h. Le bâtiment est surveillé par un sergent-chef qui nomme des chefs de bâtiment et de cellule.
Avez-vous occupé un de ces postes ?
J’étais le chef de cellule des prisonniers mentalement atteints. C’est moi-même qui l’ai voulu parce que je voulais leur apporter volontairement soutien, réconfort et espoir. J’étais aussi le président de la chorale de toute la Maca et des autres confessions religieuses. J’ai appris à lire et à écrire à des détenus.
Que retenez-vous de la prison ?
La prison est un lieu instructif mais destructif. On y apprend à cohabiter avec toutes sortes de personnes. En prison, chacun reconnaît avec fierté son délit et les innocents sont faciles à reconnaître.
Quelle activité menez-vous aujourd’hui ?
Je vends du savon que je fabrique moi-même. Je l’ai appris à travers mes recherches dans les documents de chimie et grâce aux connaissances des uns et des autres, en la matière. C’est avec cela que je subviens à mes besoins.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes ?
Je leur demande d’arrêter tout ce qui est contre la loi; car la prison n’est pas un lieu que je conseille. Je leur demande aussi de savoir choisir leurs amis.
Entretien réalisé par Bahi K.