Natif de Guibéroua, cousin du leader de la galaxie patriotique Charles Blé Goudé, Blé Sépé, leader des jeunes patriotes de la région du Bas-Sassandra, est l'un des rares résistants pro-Gbagbo à n'avoir pas choisi l'exil au lendemain de la chute brutale de l'ex-président de la République. Dans cet entretien qu'il nous a accordé, l'homme, décidé à reprendre la lutte patriotique dans l'opposition, rompt le silence sur tout. Echange exclusif avec ce leader patriotique au langage cru et incisif.
Que devient le leader de la galaxie patriotique du Bas-Sassandra aujourd'hui?
Permettez que je commence par m’incliner devant la mémoire des disparus de la crise post-électorale que nous avons connue, et encourager ceux qui ont été marqués à vie et leur dire que le combat continue. Qu'est-ce que je deviens? Je suis le coordonnateur de la région du Bas-Sassandra, donc responsable de la galaxie patriotique dans cette zone. J’ai été délocalisé, pour la circonstance, mais je reste le même personnage. Aujourd’hui, je suis le vice-président national du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (COJEP) chargé de la coordination. Il y a un comité de crise qui a été mis sur pied par la direction de notre structure. Et je crois que moralement, ça va.
Comment avez -vous quitté San Pedro pendant la crise?
C’est Dieu. Vous savez, dans la vie, on a l’habitude de le dire mais les gens n’y crois pas; quand tu fais de bonnes choses, quand tu as une pensée positive, Dieu sait à son tour te sauver à tout moment quand le danger se présente à toi. Je crois que c’est comme ça. Je ne veux pas rentrer dans les détails, certains ont même parlé de manière mystique. Mais moi, je dis que c’est Dieu. C’est Dieu qui m’a fait sortir de la ville avec l’aide de certains éléments des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), qui avaient pris la ville d'ailleurs.
Il se dit que pendant cette crise, vous étiez le vrai patron du port dont vous auriez pris le contrôle avant d'être délogé manumilitari...
Je n’ai pas pris la direction du port. Pendant la crise, notre devoir était de sécuriser la ligne de San Pedro et de permettre à chacun de circuler librement. C’est ce que nous avons fait. Blé Goudé, notre chef, ne nous a jamais appris à prendre les armes ni à insulter qui que ce soit. Il nous a toujours enseigné d'être pacifique.
Est-ce votre devoir de sécuriser le port? Et les FDS?
Nous n’avions pas d’arme. Nous fournissions des renseignements à ceux qui sont chargés de la sécurité de la ville. Nous avons résisté, et tout le monde le sait. Nous avons failli perdre notre vie dans cette résistance-là. Vous avez bien entendu que j’ai été l’une des victimes de Licorne et de l’ONUCI à San Pedro. Les forces dites impartiales ont eu à m’attaquer à un moment donné. Mais, nous avons mené la résistance comme tout le monde l'a constaté en servant de service de renseignement aux forces de défense et de sécurité (ndlr: ex-armée ivoirienne) avec qui nous entretenions une parfaite collaboration.
Après San Pedro, quelle a été votre destination, l'exil?
Après San Pedro, je suis allé là où je devais être. Notez-le bien, je ne suis pas sorti de mon pays pour aller ailleurs. Je suis natif de la Côte d’Ivoire. Je demeure en Côte d’Ivoire. C’est ce que je voudrais que l’opinion retienne. Moi, je ne suis pas sorti de mon pays. J’ai été dans mon village à Guibéroua. Je suis là où je suis en ce moment, mais toujours est-il que je suis en Côte d’Ivoire.
Voulez-vous dire que ceux qui sont en exil ne sont pas de vrais patriotes?
Nous sommes des leaders, c’est vrai, mais nous évoluons par catégorie. Il y a des gens qui sont affichés. Sur le plan national et international, il y a des gens qui étaient au premier rang. Je prends les hommes comme Charles Blé Goudé, Konaté Navigué, Damana Pickas, Jean Yves Dibopieu, etc. C’est cette génération là, demain, qui va prendre les rênes de notre pays. Donc ceux-là, il faut les protéger. Ils ont simplement reculé mais ils n’ont pas fui. Ils ont reculé pour se préparer.
Croyez-vous encore en la galaxie patriotique avec tous ses leaders à l’extérieur, notamment Charles Blé Goudé?
Charles Blé Goudé? Il n’est pas à l’extérieur. Qui vous a dit que Charles Blé Goudé est à l’extérieur? Moi je ne vous ai jamais dit que Blé Goudé est à l’extérieur. Charles Blé Goudé est là où il doit être. Mais ce que vous devez retenir, Blé Goudé est un esprit. C’est ce que les gens et surtout les nouveaux tenants du pouvoir ne comprennent pas. Blé Goudé est un esprit. Blé Goudé est à l’intérieur, dans l’esprit et dans le cœur de chaque Ivoirien. Blé Goudé marche en nous. C’est ce que je voulais dire.
Que répondez-vous à son garde du corps qui dit qu’il se trouve au Ghana?
Retenez que le garde du corps de Blé qui a dit ces genres de choses n’est pas l’interlocuteur de Blé Goudé. Il ne sait même pas ce qu’il fait. Et nous, ça ne nous dit rien. Vous voyez qu’on n’a pas répondu à tout ce qu’il a dit. On ne sait pas par qui il est payé ou qui le suit. Mais tout ce qu’il dit n’engage que lui seul. Vous savez que les gardes du corps ne parlent pas comme ça. Un garde du corps, c’est celui qui est fidèle à son chef. Donc, nous, nous ne voulons pas qu’on étale notre chef sur la place publique. Ça, c’est des problèmes personnels. Vous savez, nous n'avons pas souhaité cette crise; la crise nous a tous surpris. Et je vous dis et je répète que Blé Goudé n'est pas à l'extérieur.
Vous n'avez pas encore répondu à la question sur l'avenir de la galaxie patriotique?
La galaxie patriotique vit. C'est vrai que la crise nous a un peu bousculés. Mais, nous revenons prendre notre place dans la vie de notre pays. Vous avez vu Koua Justin de la JFPI. Me voici, moi, avec vous. Tous les animateurs de la galaxie patriotique sont à Abidjan et en Côte d'Ivoire. Bientôt, nous allons prendre les choses en main. Nous sommes en train de remobiliser nos troupes dans toutes les coordinations. Je crois que bientôt les activités vont reprendre. Et à partir du 15 octobre, vous allez voir notre nouvelle orientation.
A quoi sert aujourd'hui le COJEP que vous êtes en train de restructurer ?
Le Cojep reste le mouvement que la Côte d'Ivoire a toujours connu. C'est une structure de résistance en Côte d'Ivoire et en Afrique. C'est vrai que nous avons connu cette période creuse avec la crise, mais la résistance n'est pas terminée dans la mesure où nous voulons reprendre notre combat, qui reste le même d'ailleurs. Notre problème, c'est le néocolonisateur. Pour nous la Côte d'Ivoire ne peut rester une colonie et vivre selon les humeurs d'une autre nation. Nous sommes un pays indépendant et nous devons disposer de nous-mêmes. Aujourd'hui, la Côte d'Ivoire ne vit pas et ne fonctionne pas. Suivez l'actualité, l'insécurité partout, les agressions gratuites, les violations des droits humains, la misère, l'absence de liberté des citoyens et la montée d'une certaine forme de ''clanisation'' du pays avec la prédominance d'un peuple dans toutes les sphères d'activités, même dans les administrations publiques. Vous avez suivi les agressions contre les dirigeants du FPI le samedi dernier au meeting de Koumassi Campement. C'est le recul de la démocratie. En plus, l'économie ne bouge pas, l'école est plus que jamais en agonie. Vous avez vu les résultats catastrophiques de fin d'année au Baccalauréat. Je crois que les Ivoiriens doivent se réveiller pour prendre leur destin en main. Ils doivent réfléchir plusieurs fois pour interpeller le pouvoir en place et lui dire que rien ne va.
Vous parliez du meeting de Koumassi. N'était-ce pas une provocation de le tenir dans une zone comme ''Campement'' réputée favorable au RHDP?
Attendez! Ce que je voudrais qu'on enlève dans notre esprit, c'est cela. Alassane Ouattara, quand il était dans l'opposition, disait qu'il était attaqué parce qu'il était musulman. Il disait qu'on ne veut pas qu'il soit candidat simplement parce qu'il était du Nord. Attention! Il ne faut pas attribuer des zones à un parti politique spécifique. Non! Koumassi Campement n'est pas en dehors de la Côte d'Ivoire. C'est un sous-quartier de Koumassi. Là-bas, vivent les Ivoiriens de tous les bords politiques. Donc, ce n'est pas une provocation. Le pouvoir en place parle de démocratie. Cette démocratie, comment la mène-t-on? Qu'est-ce qu'il entend par le mot démocratie? La démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple. Donc, on doit donner la liberté à chaque Ivoirien de s'exprimer là où il se sent libre, là où son message peut passer. Mais s'attaquer à des gens parce qu'on estime que c'est notre bastion, je crois que c'est pas beau.
A propos de condition sécuritaire, si le Cojep arrive à se relancer, n'est-ce pas un signe que la sécurité commence à se rétablir sur le terrain?
Beh, c'est ce que nous voulons essayer. Effectivement, il y a des attaques par-ci, des braquages par-là. J'ai lu tout à l'heure dans un journal qu'il y a un village qui a été attaqué pour un problème foncier. Bref, le Cojep veut sortir. Nous voulons tenter, mais nous n'allons pas nous laisser distraire. C'est vrai qu'on avait été bousculé un moment, mais nous sommes en train de nous reconstituer. Dans les jours à venir, nous allons sortir et entreprendre nos activités comme nous le faisions auparavant.
Si vous arrivez à organiser des activités, cela n'est-il pas la preuve que les exilés peuvent rentrer maintenant?
Il faut d'abord que nous soyons rassurés de ce que quand nos exilés vont rentrer, ils seront libres de circuler, de s'exprimer. C'est ça le plus important. Comprenez donc que nous rentrons en activité, mais en même temps nous préparons le terrain pour le retour de nos camarades. De toutes les façons, nous les Ivoiriens, nous nous connaissons. Un Ivoirien ne peut pas prendre une arme contre son frère Ivoirien. Un Ivoirien ne peut pas lever une machette contre son frère. Ce n'est même pas possible. Donc pour ceux qui pensent que nous sommes en train de préparer des choses, qu'ils se ressaisissent. Je crois que nos actions que nous avons à mener, c'est de travailler à amener les tenants du pouvoir à accepter que nos leaders, nos responsables regagnent la Côte d'Ivoire pour que la vie puisse reprendre.
Vous voulez dire que derrière la reprise de vos activités, il n'y a pas de velléité de déstabilisation comme certains le pressentent?
D'abord nous sommes les enfants de Laurent Gbagbo, donc de la démocratie. Charles Blé Goudé, comme Gbagbo, n'aime pas la force. Il n'y a jamais eu recours depuis 1981. Pourtant, il pouvait bien choisir cette voie rapide. Blé Goudé a appelé les jeunes au drapeau pour leur enrôlement de façon officielle dans l'armée. Il n'a pas créé une milice. Et donc nous, nous ne sommes pas des gens qui sont prêts à prendre les armes. Ceux qui prennent les armes se connaissent. C'est de manière démocratique que nous allons mener notre combat. C'est de manière démocratique que nous allons inquiéter Alassane Ouattara. Et c'est de manière démocratique qu'Alassane Ouattara va quitter la tête de la Côte d'Ivoire.
Avec le meeting du 15 octobre qui sonne comme le début de vos actions?
Oui. Mais je vous le dis, moi je ne cache rien. En 2000, pendant ses meetings, Alassane a dit:''Moi je rendrai ce pays ingouvernable''. Et nous tous, nous avons vu ce qui s'est passé. Mais nous, on dit qu'on va l'emmerder de manière démocratique. Avec des personnes démocratiques, nous allons l'emmerder au maximum.
Comment?
Vous savez, nous demandons simplement à Alassane Ouattara d'appliquer la justice. Ce n'est pas le fait d'amener Gbagbo à la CPI qui nous inquiète. Car nous savons bien que si Gbagbo doit partir à la CPI, il doit partir avec Alassane et Soro. Là-dessus, il n'y a pas de doute. Parce qu'en 2002, ce n'est pas Gbagbo qui a pris les armes pour attaquer la Côte d'Ivoire. Nous savons qui a attaqué son régime. Gbagbo s'est trop humilié pour le bien-être de sa population et pour que la Côte d'Ivoire soit là où elle doit être. Malheureusement, les ennemis de notre pays ne l'ont pas voulu ainsi. Aujourd'hui, par le soutien des forces extérieures, Laurent Gbagbo est déchu du pouvoir depuis le 11 avril dernier. Il est emprisonné. Qui a égorgé des gendarmes à Bouaké? Qui a éventré des femmes à l'Ouest? Qui a découpé des Ivoiriens en 2002, 2003 et 2004? Voilà des questions qui méritent des réponses. Donc, pour qu'il y ait une vraie réconciliation, pour qu'Alassane soit ce qu'il pense l'être, il faut qu'il libère Laurent Gbagbo. Sinon, si Gbagbo va à la CPI, ils iront ensemble. Dans le cas contraire, nous rendrons ce pays démocratiquement ingouvernable.
Vous-même, ne craignez-vous pas la CPI pour vos actions dans le Bas-Sassandra?
J'ai été un homme fort dans le Bas-Sassandra de façon démocratique. Je n'ai tué personne. Personne ne peut me dire que j'ai commis un crime dans cette région. C'est de manière pacifique que j'ai mené mon combat, par les marches, les meetings, les sit-in, les conférences, etc.
A quoi devons-nous nous attendre au meeting de ce samedi ?
Je crois que ce meeting va donner le top départ des actions à mener pour la libération de la Côte d'Ivoire. A cet effet, nous appelons tous les militants du Cojep, tous les militants de la galaxie patriotique, tous ceux qui se reconnaissent en Gbagbo, à venir massivement à cette manifestation, habillés de leur T-shirt aux couleurs nationales.
N'est-ce pas trop osé et risqué après l'expérience de Koumassi de la semaine dernière?
Ce ne devait pas être un risque puisque Alassane lui-même a dit qu'il veut évoluer dans un environnement sain. Il veut apporter la démocratie aux Ivoiriens, d'après lui-même. Donc il doit mettre tout en œuvre, instruire ses services pour sécuriser le meeting de ce samedi. C'est tout ce que nous attendons de lui.
Pendant que certains de vos leaders sont à l'extérieur et dans les prisons, d'autres ici ont créé leur propre parti, notamment Mamadou Koulibaly et Gervais Coulibaly. Va-t-on vers une friction et un affaiblissement de ''la majorité présidentielle (LMP)?
Mamadou Koulibaly pense qu'il est aimé par le peuple de Côte d'Ivoire. Mais c'est parce qu'il était au FPI que le peuple de Côte d'Ivoire l'aimait. Mais moi, je ne suis pas surpris par ses actes. Vous vous rappelez, pendant les discussions de Linas Marcoussis, Mamadou Koulibaly avait claqué la porte parce que, disait-on, il remettait les accords en cause. Mais que non. En réalité, il était dans une logique bien connue et savamment murie. Pour lui, Gbagbo allait être saisi en France, à Marcoussis. Donc, une fois en Côte d'Ivoire, en tant que N° 2 du régime, il prend les rênes du pouvoir. Dieu merci, le président Gbagbo n'est pas resté en France. Il est revenu. Sinon ce n'est pas parce que Mamadou Koulibaly aimait le peuple qu'il a claqué la porte. Les Ivoiriens doivent le comprendre aujourd'hui. Par contre, Gervais Coulibaly, lui, je le comprends. Il n'était pas membre du FPI. Il n'était pas d'un parti politique. C'est en tant qu'individu libre et admirateur qu'il suivait Gbagbo. Donc, si le président qu'il a suivi est déchu, il est libre de donner une orientation à sa vie politique. Sa logique est compréhensible. Moi je l'encourage et je le félicite d'ailleurs pour son courage.
N'empêche, il était le porte-parole de Gbagbo qui est en détention. N'est-ce pas une forme de trahison de sa part aussi?
Il n'a pas trahi en ce sens que, quand il a créé son parti politique, dans ses premières phrases, il a dit que c'est pour accompagner les partis proches du président Laurent Gbagbo. Il s'est inscrit au Congrès national pour la résistance démocratique (CNRD), et en même temps il lutte pour la libération de Gbagbo. Donc il n'a pas trahi du tout. Mieux, en créant son parti, il devient un vrai appui à ceux qui sont déjà sur le terrain.
Mamadou Koulibaly vous dira aussi qu'il n'a pas trahi, parce qu'il garde l'essence du FPI et qu'il mène le même combat pour la libération de Gbagbo...
Mais Mamadou Koulibaly était le N°2 du régime et président par intérim du FPI. On ne peut pas occuper un tel poste, une telle responsabilité et démissionner en ces moments-ci. C'est une forme de trahison. La plus grande d'ailleurs, parce que ceux qui l'ont fait, je parle de Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo, Affi Nguessan, Aboudramane Sangaré et autres, sont en prison. C'est à ce moment qu'il crée un autre parti politique. Il était question pour lui de continuer la lutte au sein du FPI et non d'aller créer un parti en son nom. C'est cela qu'on appelle trahison.
Il vous répond pour dire qu'il a été contraint à la démission
Par qui? C'est ce qu'il fait croire. Personne ne peut contraindre Mamadou Koulibaly à démissionner, d'autant plus qu'il est le premier responsable assurant l'intérim du président du FPI.
Après la crise, l'heure est maintenant à la réconciliation nationale lancée par le président Alassane Ouattara, en créant pour ce faire une commission Dialogue – Vérité- Réconciliation. Croyez-vous en cette réconciliation?
Notre souhait est que les Ivoiriens se parlent et que ce que nous avons vécu ne se répète plus. Vous avez vu les combats que nous avons menés à travers la Côte d'Ivoire, c'était des manifestations pacifiques. Donc quand on parle de réconciliation, c'est quelque chose à saluer. Mais je suis un peu inquiet. Est-ce qu'on pourra faire cette réconciliation? Parce que les vrais ennemis de Banny, c'est ceux qui l'ont nommé. C'est eux qui vont lui créer des problèmes car pour nous, nous sommes déjà partants pour la réconciliation. Or, dans cette histoire, il y en a qui font des calculs politiques, parce qu'ils savent que si Banny réussit la réconciliation, il rentre dans l'histoire. Vous comprenez que ceux qui l'ont nommé le redoutent déjà et c'est eux qui vont le combattre. Cela dit, je précise que le président Gbagbo est un acteur important dans la réconciliation. Donc, il doit être libéré pour donner un sens à cette réconciliation nationale sinon, ça ne va pas marcher. La condition pour réussir cette réconciliation, c'est la libération de Laurent Gbagbo et de ses proches qui sont emprisonnés à Korhogo, Katiola, Boundiali, Bouna... Il y a eu deux camps qui se sont opposés à un moment donné : LMP et RHDP. Il y avait deux candidats, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo qui se disputaient le fauteuil présidentiel avant que les forces dites impartiales ne prennent parti pour un. On ne peut pas faire la réconciliation avec un seul camp, il faut que Gbagbo et Alassane Ouattara se parlent et qu'on tire des leçons des crises passées. Donc, on ne peut pas parler de réconciliation tandis que l'autre est en prison. Moi, je veux être clair là-dessus. Sans Gbagbo, il ne peut pas y avoir de réconciliation en Côte d'Ivoire.
Où mettez-vous les procédures judiciaires engagées contre lui ?
Nous sommes d'accord pour que la justice s'applique en Côte d'Ivoire, mais à tous les niveaux. Il ne faut pas qu'il y ait une justice des vainqueurs contre une justice des vaincus. En 2002, la Côte d'Ivoire a été attaquée, des Ivoiriens ont été massacrés, des gendarmes égorgés à Bouaké, des femmes enceintes éventrées et violées, etc. On parle aujourd'hui des Marcellin Yacé, Boga Doudou, des colonels Dagrou Loula, Daly Yoblé et autres dans le passé. Tous ceux-là, que fait-on pour eux? Depuis 2002 jusqu'en 2011, il n'y a eu que des morts dans ce pays. Après la crise post-électorale, il y a eu encore et encore des morts, des massacres dans des familles, des innocents exécutés sommairement sur la base de leurs appartenances ethniques, etc. Des témoins sont encore vivants pour en parler. Il faut régler tous ces problèmes avant de parler de réconciliation. C'est pourquoi je salue l'idée de remonter les débats jusqu'aux crimes de 2002. Pour toutes ces raisons que j'ai citées, je pense qu'il n'est pas juste de maintenir Gbagbo en prison. Il faut qu'il soit libéré et que lui et Ouattara se parlent franchement, parce que sans Gbagbo, j'imagine difficilement ce que sera cette réconciliation prônée.
Blé Sépé est-il prêt, lui-même, à jouer une partition dans cette réconciliation?
J'ai dit tantôt que nous sommes pour la réconciliation, pourvu que les gens fassent des concessions. Il ne faudrait pas que cette réconciliation se passe dans un seul sens et au profit d'un camp. Si la réconciliation est élargie à toute la Côte d'Ivoire, nous sommes prêts à tous nous y engager. Je connais personnellement le président Banny et je crois que c'est un homme de rigueur. Donc il doit mettre en pratique cette rigueur-là dans la commission qui lui a été confiée. Il faut qu'il lutte pour son indépendance, pour son autonomie afin qu'on puisse avoir une vraie réconciliation nationale.
Après la fin de la crise, envisagez-vous de retourner à San Pedro?
Permettez que je salue le maire de la ville, Nabo Clément, qui a été promu ministre des Eaux et forêts et qui fait en sorte que toute la jeunesse et toutes les couches politiques de San Pedro demeurent dans la cohésion. Il y a aussi le commandant Bema de la zone Sud-Ouest basée à San Pedro, qui est en contact avec moi et qui demande que je rentre. Je suis prêt à retourner, mais mes nouvelles responsabilités ne me donnent pas assez de temps. Toutefois, je crois que mon retour sera pour bientôt.
La galaxie patriotique n'est pas une fonction, que faites-vous dans la vie actuellement?
Je suis agent de la mairie de San Pedro. A la suite de la crise post-électorale, mon salaire a été suspendu. Je ne sais pas si je suis renvoyé. En plus, j'étais dans le cabinet de l'ex-directeur du port autonome de San Pedro. Mais tout s'est arrêté, et pour le moment je suis là. Cependant, mes collaborateurs sont en train de mettre tout en œuvre pour que je puisse retrouver mes fonctions d'agent de mairie.
Entretien réalisé par F.D.BONY et Solange KOBLAN
Que devient le leader de la galaxie patriotique du Bas-Sassandra aujourd'hui?
Permettez que je commence par m’incliner devant la mémoire des disparus de la crise post-électorale que nous avons connue, et encourager ceux qui ont été marqués à vie et leur dire que le combat continue. Qu'est-ce que je deviens? Je suis le coordonnateur de la région du Bas-Sassandra, donc responsable de la galaxie patriotique dans cette zone. J’ai été délocalisé, pour la circonstance, mais je reste le même personnage. Aujourd’hui, je suis le vice-président national du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (COJEP) chargé de la coordination. Il y a un comité de crise qui a été mis sur pied par la direction de notre structure. Et je crois que moralement, ça va.
Comment avez -vous quitté San Pedro pendant la crise?
C’est Dieu. Vous savez, dans la vie, on a l’habitude de le dire mais les gens n’y crois pas; quand tu fais de bonnes choses, quand tu as une pensée positive, Dieu sait à son tour te sauver à tout moment quand le danger se présente à toi. Je crois que c’est comme ça. Je ne veux pas rentrer dans les détails, certains ont même parlé de manière mystique. Mais moi, je dis que c’est Dieu. C’est Dieu qui m’a fait sortir de la ville avec l’aide de certains éléments des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), qui avaient pris la ville d'ailleurs.
Il se dit que pendant cette crise, vous étiez le vrai patron du port dont vous auriez pris le contrôle avant d'être délogé manumilitari...
Je n’ai pas pris la direction du port. Pendant la crise, notre devoir était de sécuriser la ligne de San Pedro et de permettre à chacun de circuler librement. C’est ce que nous avons fait. Blé Goudé, notre chef, ne nous a jamais appris à prendre les armes ni à insulter qui que ce soit. Il nous a toujours enseigné d'être pacifique.
Est-ce votre devoir de sécuriser le port? Et les FDS?
Nous n’avions pas d’arme. Nous fournissions des renseignements à ceux qui sont chargés de la sécurité de la ville. Nous avons résisté, et tout le monde le sait. Nous avons failli perdre notre vie dans cette résistance-là. Vous avez bien entendu que j’ai été l’une des victimes de Licorne et de l’ONUCI à San Pedro. Les forces dites impartiales ont eu à m’attaquer à un moment donné. Mais, nous avons mené la résistance comme tout le monde l'a constaté en servant de service de renseignement aux forces de défense et de sécurité (ndlr: ex-armée ivoirienne) avec qui nous entretenions une parfaite collaboration.
Après San Pedro, quelle a été votre destination, l'exil?
Après San Pedro, je suis allé là où je devais être. Notez-le bien, je ne suis pas sorti de mon pays pour aller ailleurs. Je suis natif de la Côte d’Ivoire. Je demeure en Côte d’Ivoire. C’est ce que je voudrais que l’opinion retienne. Moi, je ne suis pas sorti de mon pays. J’ai été dans mon village à Guibéroua. Je suis là où je suis en ce moment, mais toujours est-il que je suis en Côte d’Ivoire.
Voulez-vous dire que ceux qui sont en exil ne sont pas de vrais patriotes?
Nous sommes des leaders, c’est vrai, mais nous évoluons par catégorie. Il y a des gens qui sont affichés. Sur le plan national et international, il y a des gens qui étaient au premier rang. Je prends les hommes comme Charles Blé Goudé, Konaté Navigué, Damana Pickas, Jean Yves Dibopieu, etc. C’est cette génération là, demain, qui va prendre les rênes de notre pays. Donc ceux-là, il faut les protéger. Ils ont simplement reculé mais ils n’ont pas fui. Ils ont reculé pour se préparer.
Croyez-vous encore en la galaxie patriotique avec tous ses leaders à l’extérieur, notamment Charles Blé Goudé?
Charles Blé Goudé? Il n’est pas à l’extérieur. Qui vous a dit que Charles Blé Goudé est à l’extérieur? Moi je ne vous ai jamais dit que Blé Goudé est à l’extérieur. Charles Blé Goudé est là où il doit être. Mais ce que vous devez retenir, Blé Goudé est un esprit. C’est ce que les gens et surtout les nouveaux tenants du pouvoir ne comprennent pas. Blé Goudé est un esprit. Blé Goudé est à l’intérieur, dans l’esprit et dans le cœur de chaque Ivoirien. Blé Goudé marche en nous. C’est ce que je voulais dire.
Que répondez-vous à son garde du corps qui dit qu’il se trouve au Ghana?
Retenez que le garde du corps de Blé qui a dit ces genres de choses n’est pas l’interlocuteur de Blé Goudé. Il ne sait même pas ce qu’il fait. Et nous, ça ne nous dit rien. Vous voyez qu’on n’a pas répondu à tout ce qu’il a dit. On ne sait pas par qui il est payé ou qui le suit. Mais tout ce qu’il dit n’engage que lui seul. Vous savez que les gardes du corps ne parlent pas comme ça. Un garde du corps, c’est celui qui est fidèle à son chef. Donc, nous, nous ne voulons pas qu’on étale notre chef sur la place publique. Ça, c’est des problèmes personnels. Vous savez, nous n'avons pas souhaité cette crise; la crise nous a tous surpris. Et je vous dis et je répète que Blé Goudé n'est pas à l'extérieur.
Vous n'avez pas encore répondu à la question sur l'avenir de la galaxie patriotique?
La galaxie patriotique vit. C'est vrai que la crise nous a un peu bousculés. Mais, nous revenons prendre notre place dans la vie de notre pays. Vous avez vu Koua Justin de la JFPI. Me voici, moi, avec vous. Tous les animateurs de la galaxie patriotique sont à Abidjan et en Côte d'Ivoire. Bientôt, nous allons prendre les choses en main. Nous sommes en train de remobiliser nos troupes dans toutes les coordinations. Je crois que bientôt les activités vont reprendre. Et à partir du 15 octobre, vous allez voir notre nouvelle orientation.
A quoi sert aujourd'hui le COJEP que vous êtes en train de restructurer ?
Le Cojep reste le mouvement que la Côte d'Ivoire a toujours connu. C'est une structure de résistance en Côte d'Ivoire et en Afrique. C'est vrai que nous avons connu cette période creuse avec la crise, mais la résistance n'est pas terminée dans la mesure où nous voulons reprendre notre combat, qui reste le même d'ailleurs. Notre problème, c'est le néocolonisateur. Pour nous la Côte d'Ivoire ne peut rester une colonie et vivre selon les humeurs d'une autre nation. Nous sommes un pays indépendant et nous devons disposer de nous-mêmes. Aujourd'hui, la Côte d'Ivoire ne vit pas et ne fonctionne pas. Suivez l'actualité, l'insécurité partout, les agressions gratuites, les violations des droits humains, la misère, l'absence de liberté des citoyens et la montée d'une certaine forme de ''clanisation'' du pays avec la prédominance d'un peuple dans toutes les sphères d'activités, même dans les administrations publiques. Vous avez suivi les agressions contre les dirigeants du FPI le samedi dernier au meeting de Koumassi Campement. C'est le recul de la démocratie. En plus, l'économie ne bouge pas, l'école est plus que jamais en agonie. Vous avez vu les résultats catastrophiques de fin d'année au Baccalauréat. Je crois que les Ivoiriens doivent se réveiller pour prendre leur destin en main. Ils doivent réfléchir plusieurs fois pour interpeller le pouvoir en place et lui dire que rien ne va.
Vous parliez du meeting de Koumassi. N'était-ce pas une provocation de le tenir dans une zone comme ''Campement'' réputée favorable au RHDP?
Attendez! Ce que je voudrais qu'on enlève dans notre esprit, c'est cela. Alassane Ouattara, quand il était dans l'opposition, disait qu'il était attaqué parce qu'il était musulman. Il disait qu'on ne veut pas qu'il soit candidat simplement parce qu'il était du Nord. Attention! Il ne faut pas attribuer des zones à un parti politique spécifique. Non! Koumassi Campement n'est pas en dehors de la Côte d'Ivoire. C'est un sous-quartier de Koumassi. Là-bas, vivent les Ivoiriens de tous les bords politiques. Donc, ce n'est pas une provocation. Le pouvoir en place parle de démocratie. Cette démocratie, comment la mène-t-on? Qu'est-ce qu'il entend par le mot démocratie? La démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple. Donc, on doit donner la liberté à chaque Ivoirien de s'exprimer là où il se sent libre, là où son message peut passer. Mais s'attaquer à des gens parce qu'on estime que c'est notre bastion, je crois que c'est pas beau.
A propos de condition sécuritaire, si le Cojep arrive à se relancer, n'est-ce pas un signe que la sécurité commence à se rétablir sur le terrain?
Beh, c'est ce que nous voulons essayer. Effectivement, il y a des attaques par-ci, des braquages par-là. J'ai lu tout à l'heure dans un journal qu'il y a un village qui a été attaqué pour un problème foncier. Bref, le Cojep veut sortir. Nous voulons tenter, mais nous n'allons pas nous laisser distraire. C'est vrai qu'on avait été bousculé un moment, mais nous sommes en train de nous reconstituer. Dans les jours à venir, nous allons sortir et entreprendre nos activités comme nous le faisions auparavant.
Si vous arrivez à organiser des activités, cela n'est-il pas la preuve que les exilés peuvent rentrer maintenant?
Il faut d'abord que nous soyons rassurés de ce que quand nos exilés vont rentrer, ils seront libres de circuler, de s'exprimer. C'est ça le plus important. Comprenez donc que nous rentrons en activité, mais en même temps nous préparons le terrain pour le retour de nos camarades. De toutes les façons, nous les Ivoiriens, nous nous connaissons. Un Ivoirien ne peut pas prendre une arme contre son frère Ivoirien. Un Ivoirien ne peut pas lever une machette contre son frère. Ce n'est même pas possible. Donc pour ceux qui pensent que nous sommes en train de préparer des choses, qu'ils se ressaisissent. Je crois que nos actions que nous avons à mener, c'est de travailler à amener les tenants du pouvoir à accepter que nos leaders, nos responsables regagnent la Côte d'Ivoire pour que la vie puisse reprendre.
Vous voulez dire que derrière la reprise de vos activités, il n'y a pas de velléité de déstabilisation comme certains le pressentent?
D'abord nous sommes les enfants de Laurent Gbagbo, donc de la démocratie. Charles Blé Goudé, comme Gbagbo, n'aime pas la force. Il n'y a jamais eu recours depuis 1981. Pourtant, il pouvait bien choisir cette voie rapide. Blé Goudé a appelé les jeunes au drapeau pour leur enrôlement de façon officielle dans l'armée. Il n'a pas créé une milice. Et donc nous, nous ne sommes pas des gens qui sont prêts à prendre les armes. Ceux qui prennent les armes se connaissent. C'est de manière démocratique que nous allons mener notre combat. C'est de manière démocratique que nous allons inquiéter Alassane Ouattara. Et c'est de manière démocratique qu'Alassane Ouattara va quitter la tête de la Côte d'Ivoire.
Avec le meeting du 15 octobre qui sonne comme le début de vos actions?
Oui. Mais je vous le dis, moi je ne cache rien. En 2000, pendant ses meetings, Alassane a dit:''Moi je rendrai ce pays ingouvernable''. Et nous tous, nous avons vu ce qui s'est passé. Mais nous, on dit qu'on va l'emmerder de manière démocratique. Avec des personnes démocratiques, nous allons l'emmerder au maximum.
Comment?
Vous savez, nous demandons simplement à Alassane Ouattara d'appliquer la justice. Ce n'est pas le fait d'amener Gbagbo à la CPI qui nous inquiète. Car nous savons bien que si Gbagbo doit partir à la CPI, il doit partir avec Alassane et Soro. Là-dessus, il n'y a pas de doute. Parce qu'en 2002, ce n'est pas Gbagbo qui a pris les armes pour attaquer la Côte d'Ivoire. Nous savons qui a attaqué son régime. Gbagbo s'est trop humilié pour le bien-être de sa population et pour que la Côte d'Ivoire soit là où elle doit être. Malheureusement, les ennemis de notre pays ne l'ont pas voulu ainsi. Aujourd'hui, par le soutien des forces extérieures, Laurent Gbagbo est déchu du pouvoir depuis le 11 avril dernier. Il est emprisonné. Qui a égorgé des gendarmes à Bouaké? Qui a éventré des femmes à l'Ouest? Qui a découpé des Ivoiriens en 2002, 2003 et 2004? Voilà des questions qui méritent des réponses. Donc, pour qu'il y ait une vraie réconciliation, pour qu'Alassane soit ce qu'il pense l'être, il faut qu'il libère Laurent Gbagbo. Sinon, si Gbagbo va à la CPI, ils iront ensemble. Dans le cas contraire, nous rendrons ce pays démocratiquement ingouvernable.
Vous-même, ne craignez-vous pas la CPI pour vos actions dans le Bas-Sassandra?
J'ai été un homme fort dans le Bas-Sassandra de façon démocratique. Je n'ai tué personne. Personne ne peut me dire que j'ai commis un crime dans cette région. C'est de manière pacifique que j'ai mené mon combat, par les marches, les meetings, les sit-in, les conférences, etc.
A quoi devons-nous nous attendre au meeting de ce samedi ?
Je crois que ce meeting va donner le top départ des actions à mener pour la libération de la Côte d'Ivoire. A cet effet, nous appelons tous les militants du Cojep, tous les militants de la galaxie patriotique, tous ceux qui se reconnaissent en Gbagbo, à venir massivement à cette manifestation, habillés de leur T-shirt aux couleurs nationales.
N'est-ce pas trop osé et risqué après l'expérience de Koumassi de la semaine dernière?
Ce ne devait pas être un risque puisque Alassane lui-même a dit qu'il veut évoluer dans un environnement sain. Il veut apporter la démocratie aux Ivoiriens, d'après lui-même. Donc il doit mettre tout en œuvre, instruire ses services pour sécuriser le meeting de ce samedi. C'est tout ce que nous attendons de lui.
Pendant que certains de vos leaders sont à l'extérieur et dans les prisons, d'autres ici ont créé leur propre parti, notamment Mamadou Koulibaly et Gervais Coulibaly. Va-t-on vers une friction et un affaiblissement de ''la majorité présidentielle (LMP)?
Mamadou Koulibaly pense qu'il est aimé par le peuple de Côte d'Ivoire. Mais c'est parce qu'il était au FPI que le peuple de Côte d'Ivoire l'aimait. Mais moi, je ne suis pas surpris par ses actes. Vous vous rappelez, pendant les discussions de Linas Marcoussis, Mamadou Koulibaly avait claqué la porte parce que, disait-on, il remettait les accords en cause. Mais que non. En réalité, il était dans une logique bien connue et savamment murie. Pour lui, Gbagbo allait être saisi en France, à Marcoussis. Donc, une fois en Côte d'Ivoire, en tant que N° 2 du régime, il prend les rênes du pouvoir. Dieu merci, le président Gbagbo n'est pas resté en France. Il est revenu. Sinon ce n'est pas parce que Mamadou Koulibaly aimait le peuple qu'il a claqué la porte. Les Ivoiriens doivent le comprendre aujourd'hui. Par contre, Gervais Coulibaly, lui, je le comprends. Il n'était pas membre du FPI. Il n'était pas d'un parti politique. C'est en tant qu'individu libre et admirateur qu'il suivait Gbagbo. Donc, si le président qu'il a suivi est déchu, il est libre de donner une orientation à sa vie politique. Sa logique est compréhensible. Moi je l'encourage et je le félicite d'ailleurs pour son courage.
N'empêche, il était le porte-parole de Gbagbo qui est en détention. N'est-ce pas une forme de trahison de sa part aussi?
Il n'a pas trahi en ce sens que, quand il a créé son parti politique, dans ses premières phrases, il a dit que c'est pour accompagner les partis proches du président Laurent Gbagbo. Il s'est inscrit au Congrès national pour la résistance démocratique (CNRD), et en même temps il lutte pour la libération de Gbagbo. Donc il n'a pas trahi du tout. Mieux, en créant son parti, il devient un vrai appui à ceux qui sont déjà sur le terrain.
Mamadou Koulibaly vous dira aussi qu'il n'a pas trahi, parce qu'il garde l'essence du FPI et qu'il mène le même combat pour la libération de Gbagbo...
Mais Mamadou Koulibaly était le N°2 du régime et président par intérim du FPI. On ne peut pas occuper un tel poste, une telle responsabilité et démissionner en ces moments-ci. C'est une forme de trahison. La plus grande d'ailleurs, parce que ceux qui l'ont fait, je parle de Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo, Affi Nguessan, Aboudramane Sangaré et autres, sont en prison. C'est à ce moment qu'il crée un autre parti politique. Il était question pour lui de continuer la lutte au sein du FPI et non d'aller créer un parti en son nom. C'est cela qu'on appelle trahison.
Il vous répond pour dire qu'il a été contraint à la démission
Par qui? C'est ce qu'il fait croire. Personne ne peut contraindre Mamadou Koulibaly à démissionner, d'autant plus qu'il est le premier responsable assurant l'intérim du président du FPI.
Après la crise, l'heure est maintenant à la réconciliation nationale lancée par le président Alassane Ouattara, en créant pour ce faire une commission Dialogue – Vérité- Réconciliation. Croyez-vous en cette réconciliation?
Notre souhait est que les Ivoiriens se parlent et que ce que nous avons vécu ne se répète plus. Vous avez vu les combats que nous avons menés à travers la Côte d'Ivoire, c'était des manifestations pacifiques. Donc quand on parle de réconciliation, c'est quelque chose à saluer. Mais je suis un peu inquiet. Est-ce qu'on pourra faire cette réconciliation? Parce que les vrais ennemis de Banny, c'est ceux qui l'ont nommé. C'est eux qui vont lui créer des problèmes car pour nous, nous sommes déjà partants pour la réconciliation. Or, dans cette histoire, il y en a qui font des calculs politiques, parce qu'ils savent que si Banny réussit la réconciliation, il rentre dans l'histoire. Vous comprenez que ceux qui l'ont nommé le redoutent déjà et c'est eux qui vont le combattre. Cela dit, je précise que le président Gbagbo est un acteur important dans la réconciliation. Donc, il doit être libéré pour donner un sens à cette réconciliation nationale sinon, ça ne va pas marcher. La condition pour réussir cette réconciliation, c'est la libération de Laurent Gbagbo et de ses proches qui sont emprisonnés à Korhogo, Katiola, Boundiali, Bouna... Il y a eu deux camps qui se sont opposés à un moment donné : LMP et RHDP. Il y avait deux candidats, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo qui se disputaient le fauteuil présidentiel avant que les forces dites impartiales ne prennent parti pour un. On ne peut pas faire la réconciliation avec un seul camp, il faut que Gbagbo et Alassane Ouattara se parlent et qu'on tire des leçons des crises passées. Donc, on ne peut pas parler de réconciliation tandis que l'autre est en prison. Moi, je veux être clair là-dessus. Sans Gbagbo, il ne peut pas y avoir de réconciliation en Côte d'Ivoire.
Où mettez-vous les procédures judiciaires engagées contre lui ?
Nous sommes d'accord pour que la justice s'applique en Côte d'Ivoire, mais à tous les niveaux. Il ne faut pas qu'il y ait une justice des vainqueurs contre une justice des vaincus. En 2002, la Côte d'Ivoire a été attaquée, des Ivoiriens ont été massacrés, des gendarmes égorgés à Bouaké, des femmes enceintes éventrées et violées, etc. On parle aujourd'hui des Marcellin Yacé, Boga Doudou, des colonels Dagrou Loula, Daly Yoblé et autres dans le passé. Tous ceux-là, que fait-on pour eux? Depuis 2002 jusqu'en 2011, il n'y a eu que des morts dans ce pays. Après la crise post-électorale, il y a eu encore et encore des morts, des massacres dans des familles, des innocents exécutés sommairement sur la base de leurs appartenances ethniques, etc. Des témoins sont encore vivants pour en parler. Il faut régler tous ces problèmes avant de parler de réconciliation. C'est pourquoi je salue l'idée de remonter les débats jusqu'aux crimes de 2002. Pour toutes ces raisons que j'ai citées, je pense qu'il n'est pas juste de maintenir Gbagbo en prison. Il faut qu'il soit libéré et que lui et Ouattara se parlent franchement, parce que sans Gbagbo, j'imagine difficilement ce que sera cette réconciliation prônée.
Blé Sépé est-il prêt, lui-même, à jouer une partition dans cette réconciliation?
J'ai dit tantôt que nous sommes pour la réconciliation, pourvu que les gens fassent des concessions. Il ne faudrait pas que cette réconciliation se passe dans un seul sens et au profit d'un camp. Si la réconciliation est élargie à toute la Côte d'Ivoire, nous sommes prêts à tous nous y engager. Je connais personnellement le président Banny et je crois que c'est un homme de rigueur. Donc il doit mettre en pratique cette rigueur-là dans la commission qui lui a été confiée. Il faut qu'il lutte pour son indépendance, pour son autonomie afin qu'on puisse avoir une vraie réconciliation nationale.
Après la fin de la crise, envisagez-vous de retourner à San Pedro?
Permettez que je salue le maire de la ville, Nabo Clément, qui a été promu ministre des Eaux et forêts et qui fait en sorte que toute la jeunesse et toutes les couches politiques de San Pedro demeurent dans la cohésion. Il y a aussi le commandant Bema de la zone Sud-Ouest basée à San Pedro, qui est en contact avec moi et qui demande que je rentre. Je suis prêt à retourner, mais mes nouvelles responsabilités ne me donnent pas assez de temps. Toutefois, je crois que mon retour sera pour bientôt.
La galaxie patriotique n'est pas une fonction, que faites-vous dans la vie actuellement?
Je suis agent de la mairie de San Pedro. A la suite de la crise post-électorale, mon salaire a été suspendu. Je ne sais pas si je suis renvoyé. En plus, j'étais dans le cabinet de l'ex-directeur du port autonome de San Pedro. Mais tout s'est arrêté, et pour le moment je suis là. Cependant, mes collaborateurs sont en train de mettre tout en œuvre pour que je puisse retrouver mes fonctions d'agent de mairie.
Entretien réalisé par F.D.BONY et Solange KOBLAN