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Économie Publié le jeudi 20 octobre 2011 | Le Patriote

Interview exclusive / Pascal Abinan (Directeur General des Impôts) : “En zone CNO, déjà 1,3 milliard mobilisé pour 800 millions de Fcfa attendus”

A la tête de la Direction générale des impôts, depuis mai 2011, Pascal Abinan a décidé de se confier en exclusivité au quotidien ‘‘Le Patriote’’. A bâtons rompus, le Directeur général des impôts fait des révélations sur les résultats obtenus par cette régie financière et sa fierté de travailler aux côtés du président Ouattara.

Le Patriote : Depuis quelques mois, vous êtes le Directeur général des Impôts. Quel était l’état des lieux à votre prise de fonction?

Pascal Abinan : Dès ma prise de fonction, j’ai trouvé une administration totalement décapitée. Cette crise a été préjudiciable à la Direction générale des impôts. Au plan humain, nous avons perdu trois de nos agents qui ont été brûlés vifs. Au plan matériel, nous avons des sites qui n’existent aujourd’hui que de nom. A savoir Yopougon, Abobo, Adjamé. Même notre site du Plateau a été touché. Au total, nous avons perdu plus de 1200 micro-ordinateurs, 700 imprimantes. 140 véhicules sont portés disparus. J’ai pris service dans une administration totalement en lambeaux. Heureusement, grâce au Président de la République et au gouvernement, un programme d’urgence a été mis en place. Ce qui nous a permis d’avoir des micro-ordinateurs. A ce jour, nous en avons entre 900 et 1000 mais nous ne sommes même pas encore à notre niveau d’avant- crise. Au niveau des véhicules, le gouvernement nous a donnés les moyens d’en avoir au moins 70. Nous avons bon espoir que la commande passée se matérialisera. Il ne faut également pas occulter tout le traumatisme que cela a créé au niveau des agents. Il fallait tout reprendre. Pour les traumatismes, nous avons mis en place un centre d’écoute par le biais de notre sous direction des actions sociales, pour écouter les agents, leur parler, leur remonter le moral et les mobiliser.

LP : Quel est aujourd’hui le moral de vos agents ?

A.P. : Le moral est au beau fixe. Nous avons, durant des mois, essayé de leur remonter le moral. Dieu merci, les agents ont compris le message. Ils se sont remis immédiatement au travail avec les moyens de bord. Sur notre site de Yopougon, on a été obligé de louer des chaises blanches. Rien que pour permettre aux agents de s’asseoir parce qu’il n’y avait plus de bureau, en terme de mobilier. Même les fenêtres ont été emportées, les disjoncteurs et tout ce qui est électricité a été détruit et pillé. Malgré cela, nous avons mis les agents au travail et le taux de présence a progressivement évolué. Aujourd’hui, c’est pratiquement 99% des agents des impôts qui sont sur place et qui sont au travail.

L.P. : A Combien se chiffre le préjudice financier de tous ces dommages que vous évoquiez tantôt ?

P.A. : Cela, je ne peux le dire aujourd’hui. Nous avons commis un huissier pour faire le tour de tous nos sites qui ont été saccagés et faire le constat qui s’impose. Les rapports a été remis à qui de droit. Notre ministère de tutelle (Ndlr : Ministère de l’Economie et des Finances) lui-même a dépêché des experts pour évaluer tous les préjudices. Ce que je peux dire, c’est que construire un centre des impôts comme Yopougon, Abobo, Adjamé et autres, cela va se chiffrer à des milliards de nos francs.

L.P. : Quelles sont les mesures prises par l’Etat pour les allègements et exonérations d’impôts ?

P.A. : Les mesures d’allègements prises par le gouvernement sont à l’endroit des opérateurs économiques. Autant, nous, administration des impôts avions subi des préjudices, autant plusieurs entreprises ont enregistré des dégâts. Conscient de ce fait, le gouvernement par l’annexe fiscale 2011 a donc pris des dispositions pour alléger un temps soit peu le poids de l’impôt pour leur permettre de reconstituer leur outil de travail. Il y a un comité d’évaluation présidé par le directeur général adjoint Claver N’cho. Et c’est un comité paritaire avec le secteur privé pour l’évaluation des dégâts. Afin que le moment venu, le gouvernement se saisisse de ce dossier pour ce qui est du dédommagement. La mesure a donc été prise pour alléger le poids de la fiscalité et permettre aux entreprises de reconstituer leur outil de travail pour que l’année 2012, comme le Président de la République l’a annoncé, soit l’année de reconstruction de la Côte d’Ivoire. Voilà ce qui a motivé les mesures d’allégement. Vous savez que déjà depuis l’hôtel du Golf, la première ordonnance que le Président a signée était relative aux impôts, précisément la suspension du paiement de la vignette. Une mesure qui a profité à tout le monde. Aussi bien les particuliers que les transporteurs. Ensuite, il y a eu la mesure de suspension de la patente-transport. A cela, s’ajoute la mesure de réduction de la patente commerce. C’est la patente payée de moitié par les commerçants, c’est-à-dire 50%. Donc tout un train de mesures prises par le Président de la République.

L.P. : A combien peut s’évaluer les sacrifices consentis par l’Etat de Côte d’Ivoire à l’endroit des opérateurs économiques ?

P.A. : Il y a eu 50 milliards d’allègement. Et tout ce dont l’Etat s’est dessaisi, comme patente, vignette, etc.

L.P. : Des pharmaciens prétendent n’avoir pas travaillé de décembre 2010 à avril 2011 et l’on leur demande de s’acquitter de l’impôt.

P.A: Il ne faut pas qu’ils confondent les choses. Ce n’est pas nous qui leur demandons de payer des impôts sur cette période puisque nous n’étions pas là. De décembre 2010 à avril 2011, nous n’étions pas là. A cette période, le Président Alassane avait demandé de ne pas payer d’impôt. Il y a certains opérateurs qui l’ont fait sous la pression, d’autres au contraire parce qu’ils voulaient donner des moyens au gouvernement illégitime de l’époque. Des pharmaciens ont aussi respecté le mot d’ordre du Président Ouattara. J’ai pris service en réalité le 18 avril 2011 mais c’est au début du mois de mai que nous avons commencé à travailler véritablement. Sur la question, nous étudions au cas par cas. Parce qu’il y a beaucoup qui veulent s’engouffrer dans cette brèche pour se soustraire à l’impôt. C’est pour cela que nous convoquons tout le monde. J’ai reçu justement une correspondance de l’ordre des pharmaciens et leur dossier est à l’étude.

L.P. : M. le Directeur général, avec la crise, est-ce que les Ivoiriens s’acquittent réellement de leurs impôts ?

P.A. : Oui. Mais oui ! Je crois que vous suivez l’actualité. Vous voyez les résultats.

L.P. : Justement, il se raconte que les chiffres que vous annoncez ne sont pas vrais ?

P.A. : Ah bon ! Nos chiffres sont vrais. Nous n’avons aucun intérêt à communiquer de faux chiffres. Ce qui est bien en économie, c’est qu’on ne triche pas. C’est ce que d’autres ont essayé de faire. Ils se sont brûlés les doigts. Un Monsieur comme le Président Ouattara sait de quoi il parle. Il est économiste, financier et banquier. On ne peut pas tromper une telle personne avec des chiffres qui n’existent pas. Tous les jours que Dieu fait, il a la situation de la trésorerie de l’Etat. C’est-à-dire qu’il sait jusqu’au soir, combien nous avons encaissé dans la journée. Il est informé en temps réel parce qu’il sait comment ça se passe. Nous, nous sommes à l’aise de travailler avec lui. A l’époque, quand tu parles de taux de croissance à quelqu’un, il ne sait pas ce que sait. Comment on fait pour calculer, il ne connait pas. Lui il dit : « envoyez moi l’argent je vais dépenser ». Le reste là ne l’intéresse pas. Il l’a dit publiquement. Il faudrait rassurer vos lecteurs ou le peuple de Côte d’Ivoire. Dites leur que les chiffres que nous annonçons sont des chiffres réels. Si la Banque mondiale, le FMI, toutes ces structures qui contrôlent l’économie mondiale viennent et donnent un satisfecit au Président de la République, c’est que nous ne sommes pas là pour nous amuser ou pour bluffer. Nous ne sommes pas là pour arnaquer qui que se soit. C’est de la réalité. Aujourd’hui, nos objectifs sont atteints et même dépassés. Sur le troisième trimestre, parce que nous abordons le quatrième trimestre, j’ai fait le point à notre dernier séminaire. Vous avez les chiffres, sur 254 milliards d’objectif, on a fait 460 milliards FCFA. Ce sont des montants qu’on a recouvrés et effectivement versés à la BCEAO pour le compte du Trésor.

L.P. : Qu’est-ce qui explique ces performances ?

P.A. : Les raisons sont simples. C’est vrai que nos performances étonnent des gens qui pensaient avoir le Président à l’usure, croyant que l’état de délabrement dans lequel se trouvait le pays, serait un facteur bloquant pour le Chef de l’Etat. Et qu’il serait difficile de se relever en si peu de temps. Ils pensaient que le Président n’aurait pas les moyens de sa politique. C’était leur souhait. L’économie ivoirienne est tellement forte que les fondamentaux existant, il a suffit d’un tour de baguette magique comme le pensent certaines personnes pour qu’on en arrive à ces résultats. A la réalité, ces résultats sont le fruit de la confiance aux dirigeants, à commencer par le Président de la République. C’est cette confiance qui fait qu’aujourd’hui, les gens paient leurs impôts, les investisseurs accourent. C’est ce qui a manqué à la Côte d’Ivoire pendant dix ans. Personne n’avait confiance à des gens sans parole. Comment un investisseur sérieux peut-il coopérer avec quelqu’un qui ne tient pas parole ! Quelqu’un qui dit et se dédit. Cela fait fuir les capitaux. Aujourd’hui, la confiance étant rétablie, les investisseurs viennent pour payer les impôts et taxes. Ceux qui étaient déjà là, ont retrouvé la confiance. Idem pour les banques. Notre ministre de l’Economie et des Finances disait il y a quelques jours que les banques sont toutes devenues liquides. Il y a de l’argent à la disposition de ceux qui vont emprunter. Si vous interrogez mon collègue du Trésor, il ne dira pas autre chose. Il a lancé un emprunt obligataire sur le marché monétaire de l’Uemoa pour l’obtention de 100 milliards FCFA. Finalement, il a récolté 160 milliards FCFA. C’est aussi simple que cela l’économie, quand on connait, bien sûr.

L.P. : La facture normalisée continue toujours d’inquiéter ?

P.A. : La facture normalisée, c’est notre bébé. Il a grandi, nous l’entretenons pour qu’il devienne adulte. De mauvaises langues annonçaient partout sa suppression. Il n’en n’est rien. Bien au contraire, nous allons intensifier le contrôle. Elle a fait école dans tout le monde entier. Nous ne l’avons pas inventée. Cela s’est fait ailleurs, dans un pays anglophone pas loin de chez nous et nous l’avons adoptée et perfectionnée. Aujourd’hui, tous les Etats de l’Uemoa, la Cedeao viennent en Côte d’Ivoire pour s’en inspirer. C’est une avancée notable dans les transactions commerciales. Nous n’allons pas reculer. Ceux qui pensaient qu’on allait le faire se trompent. Parce que nous allons mener une campagne et un contrôle rigoureux. Celui qui se fera prendre parce qu’il n’aura pas délivré la facture normalisée, sera conduit en prison parce que c’est une fraude sur la TVA. C’est un détournement de deniers publics et cela se juge en pénal. Il faut que vos lecteurs, commerçants et opérateurs économiques le comprennent. Nous allons mener une lutte sur la facture normalisée. Elle nous a permis de booster les recettes au niveau de la TVA. Mais il y encore de petits margoulins qui y échappent et qui ne délivrent pas de factures. Et qui font des ventes sans factures. Nous irons partout même dans les zones industrielles parce que cela favorise le commerce souterrain. Ce qui fausse le jeu de la concurrence. Celui qui ne délivre par la facture peut vendre sa marchandise à n’importe quel prix alors que ceux qui délivrent la facture deviennent plus chers. Ce n’est pas normal et nous n’allons pas accepter cela !

L.P. : Il y a aussi le cas des ‘‘bana-bana’’ ou si vous préférez, les vendeurs ambulants aux différents carrefours d’Abidjan ?

P.A. : En son temps, on avait mené une lutte contre eux. On a même réalisé des films institutionnels. Mais ils sont revenus parce que nous n’avons pas eu le soutien nécessaire des forces de l’ordre. Je le dis et c’est cela la vérité. Mais je crois qu’avec le nouveau ministre de l’Intérieur, nous allons reprendre cette lutte. Parce que c’est par eux que passent ceux qui vendent sans facture normalisée. Aux feux tricolores, vous achetez sans qu’on vous délivre une facture. Nous avons compris le système. Ces vendeurs ne sont pas indépendants. Ils se ravitaillent chez le commerçant qui est à Adjamé ou à Treichville et ils viennent vendre. Et le soir, ils font le point. C’est une grosse perte pour l’Etat.

L.P. : A combien se chiffre-t-elle ?

P.A. : Nous n’avons pas une idée exacte mais nous savons que c’est des déperditions énormes. Nous allons donc repasser les films institutionnels, reprendre cette lutte avec le soutien du ministre de l’Intérieur. Voila des gens organisés par rapport à des grossistes ou demi-grossistes, en tout cas des commerçants bien installés qui leur donnent des marchandises qu’ils vendent à la criée et à qui ils font un versement dans la soirée. En retour, ils ont une petite commission. Ce n’est pas normal. Dans les pays développés et sérieux, et la Côte d’Ivoire, veut en être un, on ne voit pas les gens vendre dans la rue. Ce n’est pas possible.

LP : quel est l’avantage pour un citoyen à s’acquitter de ses impôts?

P.A. : C’est une très belle question (Rire). On est citoyen et on doit contribuer aux charges publiques, aux charges de l’Etat. Quand on le fait, on est heureux. Ailleurs, les gens sont fiers. Le premier avantage, c’est la participation au civisme fiscal. Vous êtes conscients que vous êtes dans un Etat qui doit travailler pour vous-même et pour la communauté. Vous contribuez pour que l’Etat puisse jouer son rôle. Le deuxième avantage, pour les opérateurs économiques, c’est qu’en payant leurs impôts, ils n’ont pas de problèmes. Si tous les opérateurs économiques sont corrects, nous, on se croise les bras. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Nous avons toujours des soucis, il faut continuer de sensibiliser. Quand les gens comprennent le bien- fondé de l’impôt, en principe ils doivent pouvoir le payer. Il faut qu’on arrive à faire en sorte qu’un jour, les contribuables que nous appelons les clients maintenant paient l’impôt en souriant. Je pense que nous sommes sur la bonne voie. Quand les gens paient leurs impôts, ils doivent savoir en retour ce à quoi cela va servir. En ce moment- là, ils le paient avec beaucoup de plaisir. Même s’ils grincent les dents quelques fois, ils savent l’objectif de ce paiement. Cela a commencé. En trois mois, vous voyez déjà Abidjan. Il n’y a plus d’immondices. On se demande même comment les gens font pour qu’Abidjan soit débarrassé de ses ordures. Il y a une réduction des nids de poule sur les routes. Même le fleuve que j’appelle, le fleuve de Mel (Ndlr : ex-ministre de la salubrité sous Laurent Gbagbo) est devenu praticable en temps de pluie. C’est la Côte d’Ivoire dont nous rêvions. C’est une réalité, ce n’est pas un rêve aujourd’hui. Les Ivoiriens se surprennent à redécouvrir leur pays. Cela se fait avec le produit de leur contribution : les impôts, les taxes.

Il y a des dirigeants qui ont la notion de l’Etat, qui savent que l’Etat doit travailler. Ils ont commencé à travailler. Les Ivoiriens paient leurs impôts et au fur et à mesure, cela va s’amplifier et les recettes vont augmenter pour le bien de tous.

L.P. : L’impôt se paie-t-il aussi bien au Nord comme au Sud ?

P.A.: Mes services y sont redéployés depuis longtemps. Même en pleine crise, de 2002 à 2011, les sociétés logées là-bas et organisées payaient les impôts à Abidjan. On avait ouvert un guichet à la Tour E où les grosses entreprises qui étaient dans cette partie du pays payaient leurs impôts ici et sans problème. Nous avons été déployés en 2010, après le Trésor qui y était en 2009. Nous venons de créer de nouveaux services dans des localités comme Touba, Minignan, Dabakala où nous n’existions pas. Les bureaux ont commencé à être fonctionnels. J’ai nommé des responsables il n’y a même pas un mois. Les Directeurs régionaux étaient en place depuis deux ans et les services comme Korhogo et Bouaké sont ouverts.

L.P. : Vous y exercez normalement?

P.A. : Bien sûr. Je pourrai même vous dire que pour un objectif de reprise fixé à 800 millions de FCFA dans les zones Cno (Centre-nord-ouest) pour la fin de l’année 2011, à fin septembre, nous étions déjà à 1,3 milliard 3 FCFA comme recettes effectivement recouvrées. Ce ne sont pas des chiffres en l’air.

L.P. : Qu’en est-il de l’objectif global pour l’exercice 2011 ?

P.A. : Nous avons tablé sur 733 milliards FCFA. Nous sommes déjà à plus de 500 milliards. Il nous reste 233 milliards pour 3 mois (Octobre-novembre-décembre). On va dépasser cet objectif.

L.P. : Au niveau de la réorganisation de votre service, comment se passent les choses ?

P.A. : Beaucoup de choses restent à faire en matière d’équipement. Dans les zones Cno, nous n’avons pas subi beaucoup de saccages. C’est dans la zone sud que nous avons eu des pillages. Je vous ai parlé d’Abobo, Yopougon. Cela nécessite beaucoup d’argent pour remettre nos services au niveau d’avant-crise. Nous avons soumis le dossier à l’Etat, nous avons une oreille attentive auprès de notre ministère de tutelle. Nous avons fait des travaux sommaires pour recouvrer les impôts. Mais nous avons besoin d’une réhabilitation totale pour nous mettre au niveau d’avant-crise. L’Etat va prendre des dispositions pour le faire.

L.P. : Votre personnel est-il disposé au travail ?

P.A. : Je dois féliciter les travailleurs. Sortir d’une crise comme ça, avec tout le traumatisme, y compris les pertes en vies humaines et se remettre immédiatement au travail, en moins de trois mois et atteindre ce résultat, mérite des félicitations. Bien entendu, dans tout groupe, il y a des brebis galeuses. Un autre combat est de faire en sorte de moraliser, d’assainir le milieu pour que les quelques brebis galeuses se mettent dans les rangs ou soient totalement extirpées si on a des cas avérés.

L.P. : Comment cela se fera concrètement ?

P.A. : Déjà nous sensibilisons, nous faisons des séminaires. Nous venons d’en faire un, récemment. Nous saisissons chaque occasion pour attirer l’attention de nos collaborateurs.

La bonne gouvernance, la nouvelle gouvernance commandent que chacun ait un comportement digne. Un agent des impôts, qui plus est, est un agent assermenté, doit pouvoir être intègre, digne. Je sais que vous faites allusion à la corruption. Nous n’avons pas peur des mots. Nous sommes à l’aise pour en parler. C’est un phénomène mondial malheureusement qui nous touche, nous pays pauvres alors que nous nous avons besoin de mobiliser assez de moyens pour que l’Etat puisse développer nos pays.

Malheureusement, il y a certains qui pensent qu’ils sont à un poste et que c’est pour eux une occasion de s’enrichir rapidement par des comportements qui sont répréhensibles. On nous en parle, malheureusement, les opérateurs eux-mêmes sont de connivence avec les agents qu’ils protègent. Quand on m’interpelle, je demande de me citer des noms et je suis prêt à sévir sans état d’âme (Ndlr : il insiste là-dessus). Si cette lutte est menée en partenariat avec ceux qui subissent ces choses, je pense que nous allons pouvoir y remédier rapidement.

Souvent, ce sont les opérateurs eux-mêmes qui proposent. Ils ne peuvent donc pas les dénoncer. Heureusement que ce n’est pas la majorité des agents qui ont un tel comportement sinon nous n’aurions pas ces résultats.

L.P. : Ne prétextez-vous pas de cette volonté d’assainir le milieu pour faire la chasse aux sorcières?

P.A. : Il n’y a pas de chasse aux sorcières, puisqu’il n’y a pas de sorcières.

L.P. : Que répondez-vous alors à ceux qui parlent de mutations tous azimuts ?

P.A.: Une administration doit être dynamique. Elle n’est pas statique. Quand on fait des affectations, ce n’est pas parce qu’on en veut à quelqu’un. La plupart ont connu de la promotion. Nous avons créé de nouveaux services. Il y a le service d’assiette foncier qui n’existait pas. Nous en avons créé près de 34 parce qu’il faut nommer les gens. J’estime que les jeunes doivent avoir de la promotion. Par rapport à notre vision, on déplace un agent qui était à Treichville pour l’amener à Marcory ou même à l’intérieur. Ce n’est pas une sanction.

L.P. : Cette promotion induit forcément un coût !

PA : Il y a certes un coût. Quand vous nommez un chef de service, il y a des indemnités, des primes de responsabilités. Mais c’est la voie pour atteindre le résultat. C’est une stratégie. En multipliant les services, plus on est proche du contribuable, on encaisse mieux. Tout acte engendre des coûts, mais au finish, les gains que cela rapporte, c’est sans commune mesure avec les coûts.

L.P. : On évoque un audit interne au niveau des Impôts…

P.A. : (Ndlr : Il nous interrompt). Il faut remettre les mots à leur place. Ce n’est pas un audit. Nous avons un programme que nous appelons la démarche qualité. C’est une démarche que nous avons initiée. La Direction générale des impôts est certes un service de l’Etat, mais nous avons une méthode de travail qui est semblable à celle du privé. Chez nous, nous descendons au delà de l’heure réglementaire. Personne ne descend avant 19h. Nous sommes au travail et nous voulons offrir un service de qualité à nos clients. C’est ainsi que nous avons initié cette démarche qualité pour être certifié comme l’un des meilleurs services de l’administration, après le Trésor. Nous souhaitons avoir une certification avant la fin de l’année. Cela induit un nouveau comportement de nos agents. Ils sont au travail et aucun d’eux ne se tourne les pouces. A moins que ce ne soit pas un agent des impôts.

L.P. : Le prix de l’excellence…

P.A. : Ah oui ! Il sera organisé. L’année dernière, nous ne l’avons pas fait pour les raisons que tout le monde sait. Cette année, le prix sera décerné. Le comité est en plein travail et nous ferons ce prix, certainement en début d’année prochaine.

L.P. : Dans l’espace Uemoa, il y a les Centres de gestion agréés (CGA)…

P.A. : (Ndlr : Il nous interrompt encore). Ah oui, ce sont de bons produits. Les Centres de gestion agréés existent depuis longtemps en France et fonctionnent comme des associations. Ici, nous avons innové en créant ces centres sous forme de Société à responsabilité limitée. Un expert comptable sera entouré d’associés comme des Bts comptabilité et autres pour tenir ces centres, former les gens qui sont dans le secteur informel, tenir leur comptabilité, les former à la fiscalité et à la comptabilité. Et petit à petit, on les sortira du secteur informel pour les amener vers le formel. Aujourd’hui, nous sommes à près de 50 Cga, repartis sur l’ensemble du territoire dont la majeure partie est à Abidjan. La Côte d’Ivoire est précurseur de tous les Cga de l’Uemoa.

Réalisée par Jean Eric ADINGRA et Thiery Latt (Ph A Messmer)
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