Nombreuses sont des femmes, revendeuses de poissons, qui se battent jour et nuit pour ravitailler le marché abidjanais en poissons ainsi que les villes environnantes. Contre vents et marées, bravent toutes sortes de difficultés pour s’approvisionner au port de pêche d’Abidjan. Pour en savoir davantage sur les conditions de travail de ces battantes, nous les avons suivies. Nous avons passé ensemble une nuit, en attente de l’arrivée des navires.
Il est 16 heures 30 minutes, ce samedi 1er octobre lorsque nous foulons le sol du port de pêche de Vridi situé en plein cœur du Port autonome d’Abidjan. Mais ce jour-là, nous avons eu la chance d’être insérés par une connaissance qui a bien voulu nous aider à y pénétrer. Car, avant d’avoir accès au port de pêche, ‘’il faut payer un droit d’accès’’, explique notre guide. Selon lui, cette première étape fait partie des entraves que bravent les revendeuses de poissons. «Ça, ce n’est pas nouveau, on nous rançonne ici chaque jour. C’est devenu une exigence», explique notre passeur. Qui indique avoir été une fois refoulé parce qu’il a refusé de payer. Malgré ces entraves, les revendeuses de poissons, dont certaines sont sans mari - divorcées ou veuves - se battent comme elles peuvent pour subvenir aux besoins de leurs familles.
Pas de place pour les paresseuses au port de pêche
Nous avons suivi avec beaucoup d’attention et d’intérêt ces femmes qui se privent de sommeil et d’autres plaisirs, contrairement à certaines jeunes filles d’aujourd’hui qui ne perdent pas de temps à se livrer à la prostitution, pourvu qu’on leur tende des espèces sonnantes et trébuchantes. Mais, celles qui ont décidé de vivre dignement à la sueur de leur front, ont accepté de passer des nuits blanches au port de pêche. Durant des heures tardives de la nuit, ces femmes, tenant des bassines et sacs, attendent que les bateaux arrivent. Cette nuit-là, elles eurent beaucoup de chance. Après une longue attente, arrive aux larges du port, un thonier. Ayant aperçu le navire s’approcher, elles se précipitent. Nous essayons de nous insérer dans le groupe en nous présentant comme une novice qui aimerait faire ses débuts dans la vente de thon. Une jeune fille du nom de T. Mariam, nous indique qu’il faut au minimum une semaine, période probatoire au cours de laquelle la novice doit nouer des contacts nécessaires pour son insertion dans le milieu. Juste à nos côtés, une dame d’une trentaine d’années environ exerce depuis près de deux ans, dans ce secteur d’activité. Pour cette dernière, la vente de thon nécessite beaucoup de courage parce que ce secteur d’activité est un peu compliqué. «Quand on explique aux gens, ils ont du mal à nous croire alors que la réalité est bel et bien là. Pour se ravitailler ici, il faut nécessairement connaître des gens ou précisément des dockers pour qu’ils te servent régulièrement», explique-t-elle.
Revente du poisson, un métier qui nourrit son homme
Il est pratiquement 22 heures ce jour lorsqu’un thonier procède au déchargement de sa cargaison dans les bennes appartenant aux sociétés qui en ont fait la commande. Massandjé, une vieille dame présente sur le lieu malgré cette heure tardive ne s’en plaint pas. A la question de savoir depuis quand elle exerce ce métier, elle répond: «J’ai toujours exercé cette activité qui permet de nourrir mes enfants qui sont encore à bas âge ». Sa commande se situe entre 7000 et 10.000 FCFA. «Souvent je ne gagne rien, mais je continue mon commerce pour nourrir mes enfants », s’est-elle confiée. Mme K. Irène relève pour sa part, les difficultés qu’elle rencontre dans la vente de têtes de thon. «Avant, le prix de la bassine nous revenait entre 2000 et 3000 FCFA. Aujourd’hui, on nous livre cette même quantité entre 5000 et 6000 FCFA. J’habite Abobo et le transport me revient à 2200 FCFA, en plus du chariot à 500 FCFA. A cela, s’ajoutent les frais de dédouanement. Imaginez-vous que souvent on se retrouve sans bénéfice. Mais comment on va faire?», s’interroge-t-elle. Elle ajoute que certaines revendeuses de poissons se voient obligées de collaborer avec les dockers. Et c’est A. Bernadette qui a éclairé notre lanterne sur la relation qui les lie aux dockers. ‘’Nous sommes amis aux dockers avec qui nous travaillons. Le plus souvent, nous leur offrons des habits, des bottes, des gants, des cigarettes et de la nourriture. Nous sommes à leurs petits soins pour qu’ils ne nous oublient pas lors du déchargement des navires’’, souligne-t-elle. Plusieurs femmes, pour des raisons diverses, préfèrent veiller des nuits après le déchargement des poissons.
Dormir à la belle étoile
Difficile de dire comment les femmes souffrent au port de pêche d’Abidjan. Après la lutte pour se ravitailler en poissons, certaines vendeuses préfèrent passer la nuit au bureau de vente, sur des supports en bois qu’elles louent entre 200 et 300F CFA. Ces femmes n’habitent pas toutes à côté du port. Elles préfèrent, pour des questions économiques ou sécuritaires, rester au port de pêche. Outre ces femmes qui y restent, on y trouve également des ouvriers du port (pêcheurs, dockers, raccommodeurs de filets et trafiquants). ‘’Quand vous vous promenez entre 2heures et 3 heures du matin, vous vous rendez compte que plusieurs personnes dorment un peu partout dans le port sur des pagnes posés à même le sol ou sur des morceaux de cartons’’, raconte un docker.
Au port de pêche, c’est une affaire de gros sous
Pas de répit pour les revendeuses de poissons au port de pêche. Même au lever du jour. C’est le cas de certaines commerçantes qui restent sur le site de livraison. Et il était 7 heures ce dimanche 2 octobre 2011 lorsque deux bateaux contenant des sardines ont fait leur entrée au port de pêche. Ne sont servies pour ce bateau que les femmes ayant des commandes à hauteur d’un million de FCFA. La priorité est accordée aux porteuses de gros sous. Une situation qui frustre. Mais Mme O. Akissi ne s’en plaint pas. Elle dit faire souvent des achats de poissons à hauteur d’un million de FCFA qu’elle revend dans des zones reculées (Aboisso, Azaguié…). «En allant dans une zone où on n’en trouve pas régulièrement, on a la possibilité de gonfler librement les prix pour entrer dans nos fonds et pourquoi pas faire de gros bénéfices », a-t-elle révélé.
L’hygiène, une denrée rare au port de pêche
Le traitement administré aux poissons lors de la revente qui a lieu entre les dockers et les femmes n’est pas des plus rassurants. Le bureau de vente qui donne sur la lagune est l’endroit par excellence où s’effectuent les échanges et qui reçoit le plus de monde pendant toute la journée. Plusieurs personnes y passent la journée et disposent de l’endroit comme bon leur semble, jetant des ordures ou en crachant un peu partout. Une situation que S. Fatou stigmatise en ces termes : « seul Dieu peut nous sauver face aux maladies car on ne peut pas faire autrement. On est obligé de s’accommoder parce qu’il faut bien qu’on nourrisse notre famille ». Mais c’est à cet endroit qu’on retrouve les poissons disposés à même le sol, dans des casiers ou autres supports et parfois à terre. Et un peu partout au port de pêche, l’hygiène semble avoir perdu son sens véritable.
Larissa G.
Il est 16 heures 30 minutes, ce samedi 1er octobre lorsque nous foulons le sol du port de pêche de Vridi situé en plein cœur du Port autonome d’Abidjan. Mais ce jour-là, nous avons eu la chance d’être insérés par une connaissance qui a bien voulu nous aider à y pénétrer. Car, avant d’avoir accès au port de pêche, ‘’il faut payer un droit d’accès’’, explique notre guide. Selon lui, cette première étape fait partie des entraves que bravent les revendeuses de poissons. «Ça, ce n’est pas nouveau, on nous rançonne ici chaque jour. C’est devenu une exigence», explique notre passeur. Qui indique avoir été une fois refoulé parce qu’il a refusé de payer. Malgré ces entraves, les revendeuses de poissons, dont certaines sont sans mari - divorcées ou veuves - se battent comme elles peuvent pour subvenir aux besoins de leurs familles.
Pas de place pour les paresseuses au port de pêche
Nous avons suivi avec beaucoup d’attention et d’intérêt ces femmes qui se privent de sommeil et d’autres plaisirs, contrairement à certaines jeunes filles d’aujourd’hui qui ne perdent pas de temps à se livrer à la prostitution, pourvu qu’on leur tende des espèces sonnantes et trébuchantes. Mais, celles qui ont décidé de vivre dignement à la sueur de leur front, ont accepté de passer des nuits blanches au port de pêche. Durant des heures tardives de la nuit, ces femmes, tenant des bassines et sacs, attendent que les bateaux arrivent. Cette nuit-là, elles eurent beaucoup de chance. Après une longue attente, arrive aux larges du port, un thonier. Ayant aperçu le navire s’approcher, elles se précipitent. Nous essayons de nous insérer dans le groupe en nous présentant comme une novice qui aimerait faire ses débuts dans la vente de thon. Une jeune fille du nom de T. Mariam, nous indique qu’il faut au minimum une semaine, période probatoire au cours de laquelle la novice doit nouer des contacts nécessaires pour son insertion dans le milieu. Juste à nos côtés, une dame d’une trentaine d’années environ exerce depuis près de deux ans, dans ce secteur d’activité. Pour cette dernière, la vente de thon nécessite beaucoup de courage parce que ce secteur d’activité est un peu compliqué. «Quand on explique aux gens, ils ont du mal à nous croire alors que la réalité est bel et bien là. Pour se ravitailler ici, il faut nécessairement connaître des gens ou précisément des dockers pour qu’ils te servent régulièrement», explique-t-elle.
Revente du poisson, un métier qui nourrit son homme
Il est pratiquement 22 heures ce jour lorsqu’un thonier procède au déchargement de sa cargaison dans les bennes appartenant aux sociétés qui en ont fait la commande. Massandjé, une vieille dame présente sur le lieu malgré cette heure tardive ne s’en plaint pas. A la question de savoir depuis quand elle exerce ce métier, elle répond: «J’ai toujours exercé cette activité qui permet de nourrir mes enfants qui sont encore à bas âge ». Sa commande se situe entre 7000 et 10.000 FCFA. «Souvent je ne gagne rien, mais je continue mon commerce pour nourrir mes enfants », s’est-elle confiée. Mme K. Irène relève pour sa part, les difficultés qu’elle rencontre dans la vente de têtes de thon. «Avant, le prix de la bassine nous revenait entre 2000 et 3000 FCFA. Aujourd’hui, on nous livre cette même quantité entre 5000 et 6000 FCFA. J’habite Abobo et le transport me revient à 2200 FCFA, en plus du chariot à 500 FCFA. A cela, s’ajoutent les frais de dédouanement. Imaginez-vous que souvent on se retrouve sans bénéfice. Mais comment on va faire?», s’interroge-t-elle. Elle ajoute que certaines revendeuses de poissons se voient obligées de collaborer avec les dockers. Et c’est A. Bernadette qui a éclairé notre lanterne sur la relation qui les lie aux dockers. ‘’Nous sommes amis aux dockers avec qui nous travaillons. Le plus souvent, nous leur offrons des habits, des bottes, des gants, des cigarettes et de la nourriture. Nous sommes à leurs petits soins pour qu’ils ne nous oublient pas lors du déchargement des navires’’, souligne-t-elle. Plusieurs femmes, pour des raisons diverses, préfèrent veiller des nuits après le déchargement des poissons.
Dormir à la belle étoile
Difficile de dire comment les femmes souffrent au port de pêche d’Abidjan. Après la lutte pour se ravitailler en poissons, certaines vendeuses préfèrent passer la nuit au bureau de vente, sur des supports en bois qu’elles louent entre 200 et 300F CFA. Ces femmes n’habitent pas toutes à côté du port. Elles préfèrent, pour des questions économiques ou sécuritaires, rester au port de pêche. Outre ces femmes qui y restent, on y trouve également des ouvriers du port (pêcheurs, dockers, raccommodeurs de filets et trafiquants). ‘’Quand vous vous promenez entre 2heures et 3 heures du matin, vous vous rendez compte que plusieurs personnes dorment un peu partout dans le port sur des pagnes posés à même le sol ou sur des morceaux de cartons’’, raconte un docker.
Au port de pêche, c’est une affaire de gros sous
Pas de répit pour les revendeuses de poissons au port de pêche. Même au lever du jour. C’est le cas de certaines commerçantes qui restent sur le site de livraison. Et il était 7 heures ce dimanche 2 octobre 2011 lorsque deux bateaux contenant des sardines ont fait leur entrée au port de pêche. Ne sont servies pour ce bateau que les femmes ayant des commandes à hauteur d’un million de FCFA. La priorité est accordée aux porteuses de gros sous. Une situation qui frustre. Mais Mme O. Akissi ne s’en plaint pas. Elle dit faire souvent des achats de poissons à hauteur d’un million de FCFA qu’elle revend dans des zones reculées (Aboisso, Azaguié…). «En allant dans une zone où on n’en trouve pas régulièrement, on a la possibilité de gonfler librement les prix pour entrer dans nos fonds et pourquoi pas faire de gros bénéfices », a-t-elle révélé.
L’hygiène, une denrée rare au port de pêche
Le traitement administré aux poissons lors de la revente qui a lieu entre les dockers et les femmes n’est pas des plus rassurants. Le bureau de vente qui donne sur la lagune est l’endroit par excellence où s’effectuent les échanges et qui reçoit le plus de monde pendant toute la journée. Plusieurs personnes y passent la journée et disposent de l’endroit comme bon leur semble, jetant des ordures ou en crachant un peu partout. Une situation que S. Fatou stigmatise en ces termes : « seul Dieu peut nous sauver face aux maladies car on ne peut pas faire autrement. On est obligé de s’accommoder parce qu’il faut bien qu’on nourrisse notre famille ». Mais c’est à cet endroit qu’on retrouve les poissons disposés à même le sol, dans des casiers ou autres supports et parfois à terre. Et un peu partout au port de pêche, l’hygiène semble avoir perdu son sens véritable.
Larissa G.