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Économie Publié le samedi 29 octobre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Importation laitière en Côte d’Ivoire / M. Konan Banny Jean- Pierre (Coordonnateur du projet PROGIS) : ‘’L’Etat perd plus de 44 milliards de FCFA par an’’

A la faveur de la récente visite de terrain initiée par le ministre de la Production animale et des ressources halieutiques, Adjoumani Kobenan, sur l’ensemble du territoire national pour s’imprégner des réalités des stations et ranchs, nous avons rencontré M. Konan Banny Jean-Pierre, Inspecteur et coordonnateur de PROGIS (Projet de Gestion Intégrée des Ranchs et Stations). Il parle de la nécessité de créer les conditions de production de lait local.

Que vise l’Etat de Côte d’Ivoire à travers la mise en place du projet PROGIS?
Le projet gestion intégrée des ranchs et stations a été créé le 16 mars 2010 et a pour objectif global, l’amélioration de la productivité des élevages, la conservation des races locales en vue de renforcer la sécurité alimentaire et accroître les revenus agricoles. La Côte d’Ivoire dépendante de l’extérieur. La consommation des Ivoiriens en abat et viande est estimée à une production de 47%. Pour que l’Etat puisse avoir son autonomie en matière de viande, il s’est doté d’instruments. D’abord, nous avons le projet de gestion intégrée des ranchs et stations qui est en amont et qui produit des animaux performants. Secundo, on a le projet d’appui au développement de l’élevage en Côte d’Ivoire, ainsi que le projet de santé animale. Comme son nom l’indique, ce projet est censé couvrir tous les élevages en matière de santé animale.

Malgré tous les efforts de l’Etat ivoirien, le secteur de l’élevage a du mal à décoller. Qu’est-ce qui justifie cela?
Cela est lié à un problème de formation des éleveurs. Il faut qu’on quitte l’élevage extensif, qui consistait à l’époque à faire de l’élevage avec des animaux qui se promènent sur plusieurs kilomètres. Et appliquer un système intermédiaire qu’on appelle système sémi-intensif employé dans les pays développés. Dans ce système, l’animal est en « stabilisation dravée », c’est-à-dire il reste sur place. On lui donne la nourriture et de l’eau nécessaire pour s’abreuver. Si on met en évidence ce système, le prix de la viande sur le marché sera très élevé et ne pourrait plus être accessible à tous les Ivoiriens. Voici pourquoi l’Etat a opté pour la création des pâturages artificiels. Pour créer ces pâturages artificiels, on dispose d’une station à l’intérieur du projet qui produit des semences fourragées. En Côte d’Ivoire, le relief est variable, lorsqu’on veut installer un éleveur qui se trouve dans un endroit qui n’est pas du tout beau à voir, je prends un exemple, d’une zone hydromorphe (où il y a beaucoup d’eau), on a des espèces fourragées qui sont adaptées à cela. Pour chaque type de sols, il y a des espèces fourragées qui conviennent. Tout cela pour éviter un tant soit peu la divagation des animaux et réduire les conflits entre les éleveurs et les agriculteurs. La création de pâturages artificiels contribuera à mettre en exergue l’hygiène. A l’abattoir par exemple, on voit tous les matins des gens qui vont vendre à vélo, des herbes coupées en bordure de route. Et on sait qu’en bordure de route, il y a des gaz d’échappements et autres produits toxiques qui sont déposés sur ces herbes et on les utilise pour nourrir les animaux. Cela n’est pas normal. Cela peut entraîner un problème de santé publique. Avec des nouvelles réformes mises en place par le ministère, les choses sont en passe de s’améliorer.

En dehors de la reproduction bovine, quelles sont les autres spécificités du projet ?
En plus des trois projets cités plus haut, il y a aussi le projet national d’appui au développement laitier qui permet de faire l’amélioration génétique en vue de la production laitière. Tout en travaillant sur la race locale. C’est-à-dire la race «N’dama», une race bovine qui vient de la Guinée par rapport au même type de climats qu’en Côte d’Ivoire. Cette espèce résiste à toutes les maladies. Surtout à la trypanosomiase donnée par la mouche tsé-tsé. Le choix de cet animal n’est pas fortuit.

En quoi cet animal peut-il être profitable à la Côte d’Ivoire ?
A maturité, il pèse 250 kilogrammes au maximum. Et en matière de production laitière, le « N’dama » peut donner environ un litre et demi par jour. Or, en Côte d’Ivoire, nous sommes dépendants des importations en matière de lait, à hauteur de 83%. Notre pays ne produit que 17% de sa consommation. Tout le reste vient de l’extérieur. Voici pourquoi, nous voulons produire des animaux métissés et performants qui vont produire en moyenne sept (7) litres de lait par jour et par animal. Puisqu’il y aura un grand nombre de races métissées. On a aussi des croisements que nous avons faits avec une espèce animale appelée « montbéliarde » de couleur noire. C’est un animal potentiellement laitier. L’une des premières laitières mondiales. Aujourd’hui, avec le croisement que nous faisons, nous disposons déjà des animaux de 14 mois qui pèsent en moyenne 220 kg. Nous voulons à travers nos résultats scientifiques, inciter les éleveurs à produire du lait de qualité en quantité et suffisante. Un litre de lait bord champ coûte 300 FCFA. Imaginez-vous si un éleveur qui a près de dix (10) animaux et qu’un animal produit environ 7 litres de lait par jour, vous voyez le revenu journalier ? L’Etat ivoirien perd plus de 44 milliards de FCFA dans l’importation des produits laitiers chaque année. En un mot, il faut améliorer les conditions d’élevage en Côte d’Ivoire.

Vous parliez de l’amélioration des conditions de l’élevage. De quel moyen dispose l’Etat ivoirien pour atteindre ce rêve qui lui est cher ?
Ce ne sont pas les atouts qui manquent à notre pays. Le plus grand ranch d’Afrique de l’ouest est le ranch de la Marahoué avec une superficie de 100.000 hectares dont quarante-six (46) barrages à l’intérieur. C’est un potentiel, c’est un bijou pour l’Etat ivoirien. Ce ranch est une composante du projet. Il est en amont de toute la vision du projet. Avant la crise de 2002, il y a eu dans ce parc plus de 13.000 têtes. Lors de la crise post-électorale, la majorité des animaux a été emportée (les 90%).En ce moment, on se retrouve à moins de mille (1000) têtes. Ce ranch doit être réhabilité de manière physique (bâtiments) et équipé en animaux. C’est très important. Avant, ce parc était en zone CNO. Le ranch de la Marahoué est censé sélectionner les «N’dama» et les agronomes iront jusqu'à identifier les gênes et s’assurer que l’animal est génétiquement de race pure. Et produire au niveau de ce patrimoine des bœufs de culture attelée pour les mettre à la disposition des éleveurs du Nord, afin d’augmenter leurs surfaces de culture. Le budget global du projet s’élève à 13,7 milliards de FCFA. Dans ce budget, l’Etat de Côte d’Ivoire doit contribuer à hauteur de 25%. 5% par les collectivités décentralisées, 60% par les partenaires au développement et 10% comme ressources propres.

Réalisé par Diallo Harry
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