Le rideau est tombé, dans la soirée du vendredi 4 novembre 2011, sur la 13é édition du prix Ebony. Avec ses joies et ses regrets. Au chapitre des joies figure en bonne place le mérite reconnu des confrères qui ont chacun dans sa catégorie, remporté un prix. La joie était réelle, on le voit, sur les visages des lauréats qui pour certains sont nominés pour la toute première fois et pour d’autres après plusieurs années de tentatives infructueuses. Longue attente qui n’enlève rien à leur talent de journaliste. Nos confrères sont à encourager et même ceux qui n’ont pu compétir à cette édition pour diverses raisons sont également à encourager. Mais cette soirée des Ebony qui se veut glamour dans sa conception a tout de même eu son coté sombre et regrettable comme tout grand évènement de ce calibre. L’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci) qui est le creuset de tous les journalistes du pays a semblé ignorer le fait qu’environ dix neuf (19) de ses membres sont en prison ou en exil. Quelle maladresse ! Ce qui donne le triste constat que les invités et les téléspectateurs ont assisté à une soirée terne. Seulement ceux des journalistes qui peuvent encore circuler librement dans ce pays ont pu effectuer le déplacement du palais des congrès de l’hôtel Ivoire. Comment Mam Camara le président qui assure l’intérim de feu Criwa Zéli décédé un an seulement après son élection, a-t-il pu organiser une soirée des Ebony dans un contexte où des membres de l’association sont privés de leur liberté? Question pertinente dans la mesure où toutes les maisons d’édition des journaux proches de l’ancien régime sont saccagées, pillées, incendiées et leurs travailleurs exercent dans des conditions ne favorisant nullement l’excellence tant prônée. Autre aspect de la maladresse de l’Unjci version Mam Camara qui interpelle la conscience professionnelle et l’éthique du métier, c’est que les locaux des journaux Le Temps, Notre Voie, Le Nouveau Courrier d’Abidjan, Le Quotidien d’Abidjan sont vides de leurs occupants habituels. Ceux-ci ont dû se mettre à l’abri pour éviter d’être la cible des hommes en armes du nouveau régime. Beaucoup de confrères de l’effectif de la Rti sont en exil ou en prison. Des Ivoiriens ont dû remarquer l’absence notable des supers Ebony des éditions précédentes. C’est le cas du Super Ebony 2008, Claude Franck About de la Radio télévision ivoirienne (Rti), Yo Claude Armand Virgil Bailly Godo Ebony des Ebony 2009, Amos Béonaho ancien président de l’Unjci et ancien Ebony. Tous ces éminents journalistes sont en exil, hors du pays au moment où l’équipe dirigeante de l’Unjci célèbre «l’excellence». Sylvain Gagnétaud a été froidement assassiné à Yopougon par des combattants pro-Ouattara. Sylvain Gagnétaud a travaillé dans plusieurs journaux de la place dont Le Temps où il a occupé les fonctions de Secrétaire général de rédaction, son dernier point de chute était radio Yopougon. Chacun de ces confrères mérite ne serait-ce que la compassion de l’ensemble de la corporation. Mais cela n’a pas été le cas. A défaut de leur dédier des pages ou des journées ou pourquoi pas des prix, n’aurait-il pas été confraternel que la soirée des Ebony de cette année 2011 soit purement et simplement annulée ? Ne serait-ce que pour leur exprimer le soutien de leur corporation dans leurs épreuves. Quelle pression avait le comité exécutif de l’Unjci dont des membres sont privés de leur liberté, pour qu’il s’obstine à organiser une fête ? Est-ce pour une question de manque à gagner vis-à-vis des partenaires ? Si tel est le cas, ces partenaires ne savent-ils pas la situation des journalistes dans ce pays ? Pour notre part, nous pensons que la soirée des Ebony n’aurait pas eu lieu cette année 2011 et le ciel ne nous serait pas tombé dessus. Leçon : il y a des rendez-vous qui perdent leur caractère historique par l’entêtement et le mépris de ceux qui veulent coûte que coûte les tenir.
S. Allard
S. Allard