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Politique Publié le mardi 8 novembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Témoignage / Alafé Wakili, DG de L’Intelligent d’Abidjan : ‘’Toute la vérité entre Désiré Tagro et moi’’

© L’intelligent d’Abidjan Par DR
Activités gouvernementales : le ministre des transports, Gaoussou Touré invité de la rédaction du quotidien l`intelligent d`Abidjan
Lundi 31 Octobre 2011. Abidjan. Siège du journal "l`intelligent d`Abidjan". L`invité de la rédaction est le ministre des Transports Gaoussou Touré. Plusieurs personnalités du monde des transports ont également fait le déplacement pour assister aux échanges. Photo: le DG, Assé Alafé
Décédé le 12 Avril 2001, Désiré Assignini Tagro a été inhumé le week-end dernier. Quelques amis et personnalités étaient discrètement à sa levée de corps, et ont participé à ses obsèques. Alafé Wakili, DG de l’IA, a accepté de répondre à nos questions, pour lever le voile sur certaines choses. Tout en précisant qu’il prépare un livre sur la question et bien d’autres choses.

Comment avez-vous connu le ministre Désiré Tagro ?
J’habitais un immeuble au Dokui qu’il fréquentait, et je le croisais quand il venait rendre visite à des personnes qu’il connaissait. Ensuite, je l’ai approché une fois quand il était au ministère de la Justice. Je n’avais pas eu de rapports directs avec lui, même quand il était porte-parole. C’est à partir de l’accord de Ouagadougou et de sa nomination au ministère de l’Intérieur, que j’ai eu l’occasion de le rencontrer plus souvent. Ce n’était pas une relation ancienne, mais plutôt une relation de travail et d’opportunité.

Racontez-nous votre première rencontre formelle avec lui….
Nous étions dans la période, après la signature de l’Accord de Ouaga, qui avait été signé pour 8 à 9 mois. Dès son premier message à la Nation, le Premier ministre Guillaume Soro a invité à faire fi du fétichisme des dates. J’ai alors estimé que nous étions partis pour une transition qui nous conduirait jusqu’à 2010. L’Intelligent d’Abidjan a creusé le dossier et mené des investigations, qui ont permis de savoir que Désiré Tagro et le Premier ministre étaient en désaccord sur la question. Puis il y a eu l’affaire de l’installation des préfets, des sous-préfets, et bien d’autres dossiers. L’Intelligent d’Abidjan prenait des positions pas favorables à la Primature. C’est alors qu’un patron de presse décédé (paix à son âme), a approché Désiré Tagro, pour lui demander s’il me connaissait, et si c’est lui qui me poussait à écrire. Le ministre de l’Intérieur a dit qu’il ne me connaissait pas, mais souhaitait me rencontrer. Il était au courant qu’on disait qu’il me manipulait pour écrire contre Guillaume Soro. Des gens passaient lui demander des moyens pour moi. Il appréciait certes les articles, mais Désiré Tagro souhaitait me rencontrer pour me donner des informations plus exactes, et éventuellement mieux me connaître, pour assumer et endosser les articles qu’on le soupçonnait de susciter. Il voulait vraiment être commanditaire, pour éviter qu’on ‘’gâte’’ son nom, alors qu’il ne l’était pas. C’est ainsi qu’un matin, nous sommes allés à son domicile. Il m’a encouragé pour le travail que l’IA faisait, alors que le journal n’était pas de leur bord. En tout cas, selon lui, l’Intelligent d’Abidjan n’était pas sur la liste des journaux estampillés pro-Gbagbo. Il voulait savoir mes motivations et mon pedigree. Il a promis des moyens, tout en disant qu’il n’a pas un budget de souveraineté, comme le Premier ministre Guillaume Soro ; que si je voulais de l’argent, il me conseillait de rejoindre Guillaume Soro. Désiré Tagro se plaignait de ce que l’entourage de Guillaume Soro lui reproche de vouloir être Premier ministre et répondait ceci : « Mais je ne peux pas être Premier ministre de Laurent Gbagbo. Même si je suis d’Issia et que lui est de Gagnoa, je suis quand même Bété ! Comment peut-on écrire que je veux être Premier ministre ; ce n’est pas possible. Le Premier ministre ne doit pas se saisir de cela, pour ruser avec Ouaga». Par la suite, nous nous sommes rencontrés souvent pour faire le point de la situation. Il m’a affecté deux gardes du corps, et a sécurisé la rédaction de l’Intelligent d’Abidjan, puisqu’à cette période, les rédactions faisaient l’objet d’attaques. L’Intelligent d’Abidjan paraissait anti-Ouaga, anti-Soro, ou pro-Tagro, il a donc estimé, qu’il ne fallait pas prendre de risque.

Combien d’argent vous a-t-il donné pour tout ça ?
L’argent n’est pas l’essentiel ; comme je l’ai dit, les écrits n’ont pas commencé pour de l’argent. Les écrits partaient du principe qu’avec l’accord de Ouaga, le Premier ministre Guillaume Soro bénéficiait d’un état de grâce, et que Laurent Gbagbo pouvait lui permettre tout pour cette raison. A ce titre, il devait aller vite à l’identification, au lieu de chercher à résoudre les questions de développement. Quand les Ivoiriens auraient leurs papiers et que l’élection se ferait, le candidat élu construirait alors des écoles, des hôpitaux et des routes. Selon L’Intelligent d’Abidjan, telle n’était pas la vocation de Guillaume Soro, encore moins l’esprit de l’accord de Ouagadougou. L’accord de Ouagadougou n’était pas un accord pour gouverner et développer le pays, mais pour sortir de la crise. Il ne fallait pas le faire durer. D’ailleurs, quand la période de grâce est passée, vous avez bien vu que Laurent Gbagbo a failli remettre en cause, un acquis important de Ouaga : l’enrôlement avec l’extrait de naissance. Alors que Ouaga avait réglé la question de l’enrôlement et de l’identification. Mais le fait de n’avoir pas commencé par cela immédiatement, a fait ressortir les craintes, et retardé tout le processus. Il y a eu la double dissolution, et les élections n’ont pas permis de sortir de la crise, malgré les quatre ans de Ouaga, qui n’ont pas permis de liquider vraiment tous les contentieux et les ressentiments. C’est ce que nous craignions et nous dénoncions ! Nous le faisions pour la Côte d’Ivoire. Pas pour Désiré Tagro, mais il s’est trouvé que le ministre de l’Intérieur partageait cette façon de voir.

Votre journal dénonçait les questions d’identification, parlait des fraudeurs, et voici que vous aussi, êtes épinglé pour faux et usage de faux, est-ce parce que vous gêniez ?
Mais qui est-ce que je gênais par mes révélations ? En tout cas, l’IA défendait la position de Marcoussis et de Ouaga sur l’identification. Donc, il devait y avoir une sorte d’amitié pour les cas éventuels de fraude. Mais patatras, voici que je suis épinglé. L’affaire est encore un peu pendante à la justice. Donc, je ne vais pas y aller dans le fond, même si j’ai tous mes papiers ivoiriens sans problème aujourd’hui.

Quel rôle Désiré Tagro a joué dans vos déboires ?
Jusqu’au bout, Désiré Tagro a essayé d’empêcher qu’on m’arrête. Et au FPI, les anti-Tagro riaient de ce Bété, qui protégeait les étrangers, dont des amis étaient des fils d’étrangers. D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur se plaignait du procès qu’on lui faisait toujours au sein du parti, pour avoir signé l’accord de Ouagadougou, alors qu’à l’époque, les FN lui reprochaient également de saboter le même accord. Désiré Tagro était emmerdé de part et d’autre. Donc la pression était forte sur lui contre moi, et il a fini par céder. Durant un mois, j’avais été convoqué à la police judiciaire et même à la gendarmerie. L’enquête suivait son cours sur plainte d’individus anonymes. Suivez mon regard… Les charges n’étant pas suffisantes, je n’avais pas encore été arrêté. Désiré Tagro suivait l’enquête. Il voulait avoir le cœur net sur ce qu’on disait, et laissait donc faire. Pendant ce temps, il continuait à me recevoir souvent. Ne me reprochant rien, et étant en plein dans ma campagne pour l’UNJCI, je n’ai pas voulu embarrasser le ministre de l’Intérieur avec cette histoire que je considérais comme un petit problème. Je partais donc répondre aux convocations de la police, sans mes avocats, et je retournais. Cela s’est passé à plusieurs reprises. Je n’ai même pas dit un mot à Ben Soumahoro, qui pouvait pourtant s’en ouvrir à Laurent Gbagbo pour déplorer et dénoncer les tracasseries dont j’étais l’objet. Et je pense que cela aurait pris vite fin. En fait, moi-même, je voulais que tout soit tiré au clair, pour que je cesse de subir le chantage de certaines personnes. J’étais serein, et je n’ai donc demandé l’aide de personne. On a trouvé que j’étais gonflé, et qu’il fallait me montrer que je ne suis rien. Moi, je ne voulais pas négocier des choses, pour éviter d’être un président faible et redevable à qui que ce soit si j’étais élu à la tête de l’UNJCI. Comme si la police judiciaire et la gendarmerie semblaient avoir peur de prendre le gros morceau que je suis, mon dossier a été transféré aux Renseignements généraux. Il me semble qu’il s’agissait un peu de dessaisir Désiré Tagro, et de faire suivre l’affaire directement par Laurent Gbagbo, dont certains conseillers comme Kadet Bertin et Alcide Djédjé voyaient d’un mauvais œil, ma prétention à diriger l’Unjci. On me soupçonnait de vouloir mettre l’association à la solde d’Alassane Ouattara et du RDR. Ils avaient fait un rapport disant que ma campagne était financée par le RDR. Les RG étaient à mes trousses. Je devais être arrêté un jeudi, puis un vendredi. Mais des interventions multiples y compris celles de Désiré Tagro et plusieurs ministres ont empêché que je sois arrêté le week-end.

Et pourtant c’est dans le bureau de Désiré Tagro que vous avez été arrêté et vous avez parlé d’un guet-apens, l’IA l’a même critiqué, que s’est-il passé ?
Ce lundi-là, à la veille de l’élection de Barack Obama, Désiré Tagro reçoit des pressions, parce qu’il empêche qu’on m’arrête. Le chef de l’Etat lui-même monte au créneau et le met en demeure de me trouver, car Laurent Gbagbo aurait appris que j’ai fui le pays. Le lundi matin, on m’attend à la police ; je refuse d’y aller sachant qu’on voulait m’arrêter. Je me mets en lieu sûr et je demande à mes interlocuteurs de se fatiguer pour me chercher, et me trouver, s’ils veulent me prendre. Le cabinet de Tagro m’appelle en vain. Son entourage me cherche. La République est en branle. Désiré Tagro appelle alors Ben Soumahoro, pour lui dire de me convaincre de venir à son bureau et non à la sûreté. Il lui promet que c’est dans son bureau que mon P.V serait signé, et que je rentrerai ensuite chez moi. Pour rassurer Ben Soumahoro, il lui demande de m’accompagner s’il veut. Avec toutes ces assurances, Ben Soumahoro me demande de sortir de ma cachette. Je me rends au Plateau et je suis introduit aussitôt dans le bureau de Désiré Tagro. Il me dit : mais Alafé, tu veux me créer des problèmes. Ton affaire avec Tapé Koulou (paix à son âme), devient sérieuse. On me menace. Tout le week-end, le chef de l’Etat m’a appelé pour me parler de toi, et a menacé de m’entendre si tu fuis le pays, ou si on ne t’arrête pas. Je ne comprends rien ». Le ministre me demande de ne pas m’inquiéter et qu’il ferait tout pour me protéger, puis appelle le directeur des Renseignements généraux, le commissaire Goulehi, qui attendait à son secrétariat. Au directeur des Renseignements généraux, il dit : « vous lui faites signer son PV et vous m’appelez pour les instructions ». Je dis au ministre, j’espère que ce n’est pas pour m’arrêter. Et Désiré Tagro, me rassure et me dit de ne pas m’inquiéter. En allant à la sûreté, je n’ai pas accès à mon véhicule. Je suis conduit dans une Peugeot 205 banalisée de la police, assis à l’arrière entre le commissaire et un autre élément. On me demande de ne plus téléphoner. On me reprochait de faire trop d’interventions. Donc il fallait m’isoler et mettre fin aux interventions et pressions intempestives, venant de partout. Finalement, je suis arrêté. De la sûreté, je suis conduit à la DST où je passe ma première nuit. Tout le monde connaît la suite.

Cela fait pratiquement trois ans jour pour jour, aujourd’hui. Avez-vous revu après Désiré Tagro et Laurent Gbagbo ?
Je n’avais pas envie de voir Désiré Tagro. A quoi cela sert de fréquenter un ministre de l’Intérieur si cela ne peut pas vous mettre à l’abri de l’injustice et de l’arbitraire ? Si Désiré Tagro n’avait pas fait le choix de sauver son fauteuil, et était resté sur les principes, cette affaire serait-elle arrivée ? Je crois que lui non plus n’avait pas envie de me voir. Mais à deux ou trois reprises, il a rencontré Ben Soumahoro et a demandé après moi. Il a dit qu’il allait trouver un moment pour qu’on règle nos contentieux et pour que les malentendus soient dissipés. Après avoir tout fait pour me protéger, Désiré Tagro a fini par être contaminé par la colère du président Laurent Gbagbo. Il est alors devenu plus royaliste que le roi, et s’est mis à la manœuvre. Refusant d’être dessaisi du dossier, il l’a alors récupéré et géré avec zèle. C’est symptomatique des dérives de la volonté du prince. Quand dans la période, Ben Soumahoro, après avoir parlé avec Simone Gbagbo, est allé voir Désiré Tagro, pour lui reprocher d’avoir abusé de sa confiance en le poussant à me promettre que je ne serai pas arrêté, le ministre de l’Intérieur lui a répondu ceci : «grand frère, tu cherches à rencontrer le président. Si tu le vois, ne lui parle pas d’Alafé. Le président me charge de te dire que cette affaire est bonne pour nous. Quand ça va se calmer, on va trouver une solution, mais ce n’est pas le moment.» Effectivement, la veille, Ben Soumahoro était avec Simone Gbagbo, pendant au moins deux heures. La première dame lui a avoué son impuissance devant la situation; elle a conseillé qu’il parle au président lui-même, tout en ajoutant que ce n’était pas le moment. Pendant qu’il partait de la résidence, Laurent Gbagbo est apparu. Il a été chaleureux comme d’habitude, comme si de rien n’était. Ayant encore en tête, les paroles de Simone Gbagbo, Ben Soumahoro n’a pas voulu aller plus loin, préférant rencontrer le lendemain Désiré Tagro. Pendant ce temps, mon élément filmé n’était pas encore passé à la télévision, et une bataille féroce se passait autour du sort qu’il fallait me réserver. Le jour de mon procès, c’est le procureur Tchimou qui a fait des confidences à Ben Soumahoro. Des magistrats révoltés se battaient pour avoir le dossier, ils étaient prêts à déclarer un non lieu, à me libérer ; mais pour éviter toute surprise, l’affaire avait été ficelée à ce niveau par le parquet. Laurent Gbagbo, je l’ai rencontré en Mai 2009, quelques mois après ma sortie à l’occasion d’une audience accordée au Gepci conduit par le président Denis Kah Zion. Il m’a salué chaleureusement et m’a demandé les nouvelles de l’Université. Pour lui, la Maca, c’était une école de formation, une université. Il a demandé si j’avais pu visiter sa cellule. La page était tournée pour lui.

Mais vous avez quand même revu Désiré Tagro après….
Oui, je l’ai vu lors de la crise de l’école de police. Nous avions une position pro-Koulibaly qui dérangeait certains de ses proches. Qui m’ont contacté et proposé de le rencontrer. Nous étions en Juin 2010. J’ai rencontré un homme angoissé et stressé. Un homme révolté contre Mamadou Koulibaly. Un homme apeuré, qui me reprochait de l’attaquer au profit de Koulibaly, et de vouloir me venger pour ce qui m’est arrivé. Je lui ai dit que je ne fais que mon travail. Il m’a expliqué sa version de l’affaire de l’école de police. Il a dit qu’il en a marre des coups bas du FPI, que son objectif était la victoire de Laurent Gbagbo et qu’après, il demanderait à partir; que Mamadou Koulibaly était un homme léger, qui voulait les faire perdre, qu’il ne reprochait rien en tant que ministre de l’Intérieur ; que malgré les réserves du FPI sur Ouaga, le parti avait fait bloc autour de lui contre Koulibaly. Le ministre Désiré Tagro était dans la paranoïa. Il pensait que j’avais un enregistreur caché. Il a parlé du coup d’un journaliste qui l’avait piégé et avait enregistré ses propos à son insu. Des propos qu’il est allé faire écouter à Mamadou Koulibaly. Il a palpé mes poches, a pris mes portables et les a éteints, tout le temps qu’on a causé. Mais ce qui semblait le déranger, c’était au moment où il me rencontrait, l’absence d’un soutien ferme et radical de Laurent Gbagbo qui était à l’époque au Maroc. Ce soutien viendra au retour du chef de l’Etat, qui tout en ménageant Mamadou Koulibaly, refusera de brûler Désiré Tagro, en confiant l’enquête à Tchimou sur proposition de Désiré Tagro. Cet épisode a été déterminant dans sa loyauté et son appui à Laurent Gbagbo jusqu’au bout. Cette affaire lui avait fait perdre de sa superbe, et le secrétariat général de la présidence après l’élection contestée. C’était sa sortie du système Gbagbo. Mais la crise est intervenue, et elle l’a encore repositionné. Concernant nos rapports personnels, je lui ai rendu gratitude au cours de l’entretien, pour ce qu’il avait fait pour empêcher qu’on m’arrête. Mais j’ai déploré qu’il n’ait pas apporté assistance au pensionnaire de la Maca que j’ai été pendant 45 jours. Il a dit qu’il estimait que ce n’était pas nécessaire, que son devoir était de m’empêcher d’être à la Maca. N’ayant pas réussi cela, c’était, selon lui, hypocrite de m’envoyer des gens et des choses. Quand je partais, il m’a remis une enveloppe de 5 millions de FCFA. Pas pour le défendre dans le journal, mais pour rembourser mes frais d’avocat. En matière d’argent, il tenait souvent ses engagements. Il disait en avoir assez pour les siens. Mais affirmait ne pas être hyper riche. Il refusait de prendre des engagements qu’il ne pouvait pas tenir. Par la suite, il n’a pas souhaité me rencontrer à nouveau, car des gens autour de lui, ne souhaitaient pas ce retour en force. Je suis donc resté dans mon coin, sans contact avec lui, jusqu’à l’élection, et tout le temps que la crise a duré.

Que retenez-vous de l’homme ?
Laurent Gbagbo l’aimait bien. C’était un homme direct et entier. Un grand bosseur, qui a mal pris pendant longtemps les mauvais rapports qu’il avait avec le Premier ministre Guillaume Soro. Il était souvent inaccessible, et aimait jouer les mystérieux, les policiers. Il disait à Laurent Gbagbo des choses que les autres ne pouvaient pas lui dire. Laurent Gbagbo aimait bien cet homme de vérité et de loyauté. Mais Laurent Gbagbo était le seul et vrai chef du système. Ceux qui paraissaient forts, comme Blé Goudé, Simone Gbagbo, Alcide Djédjé ou même Désiré Tagro, ne l’étaient que par la volonté du chef et avec son accord. Laurent Gbagbo savait dire non, et était intuitif. Dans la crise entre Soro et Tagro, Laurent Gbagbo a senti qu’il fallait continuer malgré tout avec Soro Guillaume contre les mises en garde de Tagro. Il n’avait pas d’autre choix, selon lui. Désiré Tagro s’est alors rangé à la vision de Laurent Gbagbo, alors qu’il avait un plan B, qui consistait à aller plaider la paix avec la France, en éjectant Guillaume Soro. Désiré Tagro proposait à Laurent Gbagbo de faire par le biais de (encore lui), Compaoré la paix avec Sarkozy et la France, en sacrifiant Guillaume Soro et en proposant au RHDP de trouver un Premier ministre RHDP. Mais il n’a pas pu emballer Laurent Gbagbo avec cette idée, qui ne voulait pas apparaître comme un irresponsable, après avoir entraîné contre le gré de bien de gens, et même de son camp ; l’ancien chef de l’Etat ne voulait plus d’aventure. Par exemple, dans l’affaire de la double dissolution, Laurent Gbagbo a mis Désiré Tagro devant le fait accompli. Un jour pour montrer le zèle des autres autour de Laurent Gbagbo, Désiré Tagro m’a raconté l’anecdote suivante : « on était en réunion et Laurent Gbagbo parlait. Je l’ai alors arrêté. Sokoury Bohui a réagi aussitôt pour déplorer que je coupe le chef de l’Etat, et pose des préalables. Selon lui, quand le chef de l’Etat parle, on ne doit pas le couper. Mais le président m’a autorisé à parler. J’ai dit que c’est Laurent Gbagbo, qui nous a appris qu’il faut un ordre du jour, et un PV pour toute réunion. Là nous n’avons ni ordre du jour, ni un rapporteur. Le président a apprécié, et un ordre du jour a été donné, un rapporteur a été désigné». Voilà Tagro ! Un homme entier, vrai et direct ! En fait, il rappelait à Laurent Gbagbo, feu Boga Doudou. Savez-vous que plusieurs observateurs estiment que si Maître Boga Doudou n’avait pas été tué, les tergiversations du camp Gbagbo entre Marcoussis, ou non et tout le reste jusqu’à Ouaga, n’auraient pas eu lieu ; et qu’une solution plus rapide à la crise aurait été trouvée. Moi, j’ai réglé mon problème personnel avec Désiré Tagro. Je pense qu’il n’a pas eu une bonne et juste mort. S’il était en vie, il aurait pu donner mauvaise conscience à tant d’acteurs du processus actuel. Mais qui sait : peut-être, sa connaissance profonde du processus aurait pu aider à faire avancer la réconciliation. Je crois que s’il n’avait pas été dans le bunker, et que s’il avait pu douter un seul instant de la victoire de Laurent Gbagbo, il aurait pu éviter qu’on arrive à la débâcle du 11 Avril 2011. Désiré Tagro n’a pas voulu être Boga Doudou jusqu’au bout ! L’homme qui dit à Laurent Gbagbo, que tel choix n’est pas le meilleur. Mais Allah sait ce qu’Il fait ! Je prie pour qu’il repose en paix.

Interview réalisée par Ismaël Dembélé et Joël T
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