Le Directeur général de la Rti, Aka Sayet Lazare, a pris des mesures dont la mise en chômage technique de 322 agents. Dans cette interview, il justifie ses mesures et déballe sa politique générale pour rendre cette entreprise de service public compétitive.
De quelle Rti avez-vous hérité après la crise post-électorale ?
Pour parler d’héritage, je vous avoue que ce n’était pas du tout un bon héritage. Ce n’est pas un héritage dont on peut être fier. Nous avons trouvé une Rti qui n’existait que nom. C’est-à-dire qu’il n’y avait que les bâtiments. Si les pillards en avaient eu les moyens, ils auraient pu emporter les bâtiments et les centres émetteurs. Dieu merci. C’était une Rti à l’état zéro parce qu’une Rti, dont les chaînes de télé et de radio, ne peuvent émettre, ce n’est pas une Rti. Donc c’est ce que nous avons trouvé en arrivant. La Rti était en état de ruine. C’était vraiment déplorable et dramatique.
A la suite de cela, l’Etat a eu à faire des investissements pour remettre la Rti sur pied. A combien peut-on estimer ces investissements ?
L’Etat et le gouvernement ont pris leur responsabilité et ça, il faut les en féliciter, parce que l’actionnaire de la Rti, c’est l’Etat. L’importance de la Rti est telle que l’Etat a dû mettre en place un programme d’urgence, pour permettre à la Rti de redémarrer. Et c’est ce qui a été fait. Nous avons donc bénéficié d’un programme d’urgence pour l’équipement de nos studios (radios et télé), à Abidjan comme à Bouaké. Il se chiffre à environ 5 milliards de F Cfa. C’était un effort important en ces temps de crise économique et de redémarrage de l’Etat lui-même. Je crois que c’est un geste à saluer. Maintenant, la responsabilité nous incombe de faire un très bon usage de ce matériel et de faire en sorte que nous soyons capables d’offrir à l’Etat et au public ivoirien, ce qu’ils attendent de nous. C’est mon souci principal aujourd’hui. Il ne faut pas trahir la confiance des Ivoiriens, de l’Etat et du gouvernement qui attendent beaucoup de nous, en termes de confiance.
Alors, pendant qu’on parle d’investissements à la Rti, nous avons été quelque peu surpris de la décision de mise en chômage technique de certains agents. A quoi répond cette décision ?
Quand une entreprise en vient à mettre en chômage technique une bonne partie de son personnel, c’est toujours pour des motifs économiques. La Rti était asphyxiée. Excusez-moi du terme. Il lui fallait un bol d’oxygène, c’est ce qui a été fait.
Un homme comme moi, dans ma culture d’entreprise que j’ai, je ne peux supporter qu’une entreprise, de surcroît de service public, se permette de vivre sur des déficits chroniques, des dettes. Ce n’est plus une entreprise. Or, on m’a nommé pour gérer la Rti et donc pour gérer une entreprise. Donc, j’ai estimé qu’il fallait faire quelque chose. Et Dieu merci, j’ai été encouragé en cela par le Conseil d’administration qui, dès sa première session, m’a fait injection de procéder à une réduction d’effectifs. Voilà, c’est une recommandation forte du Conseil qui répond absolument à ce que j’attendais. Et je n’ai eu qu’à la mettre en application. Comment procéder en pareil cas ? C’est d’abord de demander aux agents de se désigner, afin de se faire connaître, s’ils sont intéressés par un départ volontaire. C’est la première mesure que j’ai prise. Le départ volontaire se fait normalement sans douleur puisque c’est une négociation entre l’agent et l’employeur. C’est ce que j’ai demandé aux agents. J’ai rencontré les syndicats, je leur ai expliqué et ils m’ont compris. Ils ont ensuite passé le message à leurs camarades. J’ai même réuni tous les agents sur le stade de la haute fréquence et je leur ai parlé. Mais cette circulaire, cette possibilité que je leur ai offerte n’a pas rencontré l’adhésion du grand monde. Donc je n’ai eu aucun départ volontaire. Ce qui restait à faire donc, c’était un peu de chirurgie pour permettre à la Rti d’avoir un bol d’oxygène. Mais, comme je ne pouvais pas tout de suite prendre mon stylo et licencier, de façon mécanique, les gens, il me fallait donc un minimum de délai pour faire l’état des lieux. C’est ce qui justifie la mise en chômage technique de 322 agents. Mais ce nombre là, ce sont des agents dont les directeurs respectifs nous ont communiqué les noms, à notre demande. Ce sont ceux qui ne viennent pas souvent au travail, les malades, ceux qui sont à quelques mois de la retraite, et que les directeurs respectifs connaissent mieux que moi. C’est en fonction de tous ces critères que nous avons constitué la liste des 322 personnes. Cela nous a donc permis de voir un peu plus clair. Ceux qui travaillent sont là. Cela veut dire que quelque part, le Conseil avait raison de dire qu’il y avait un sur effectif. Même aujourd’hui, je peux vous dire qu’on peut encore faire partir 100 personnes, sur la base de critères objectifs et même scientifiques. On sait avec combien d’agents, une rédaction comme la première peut fonctionner normalement, on peut le savoir. Et si donc on fait cette étude-là et c’est ce qui se passe actuellement, on va peut-être encore se séparer d’une centaine de personnes et la Rti fonctionnera. Donc c’est une opération qui n’est pas terminée. Alors le plan A est terminé avec le chômage technique, bien sûr, il y a les mesures d’accompagnement : les salaires sur deux mois. Après, ils peuvent revenir pour certains. Pourquoi revenir ? Mais parce qu’après l’opération, on peut se rendre compte que dans le lot, il y a des gens qui peuvent encore nous servir.
Que répondez-vous à ceux qui parlent de chasse aux sorcières ?
Je peux simplement dire à ces personnes de bien regarder la liste. Chasse aux sorcières par rapport à quoi ? Par rapport à quels critères.
Peut-être par des critères politiques ?
Qu’ils voient bien la liste. Moi, comme je ne suis pas politicien, je ne peux pas le dire. Mais sur la liste il y a tous les bords. J’ai même sur la liste, des personnes qui me sont très proches. Alors pourquoi est-ce que la maison fonctionne ?
On dit que les pro-Gbagbo seraient très nombreux dans le lot de ceux qui partent ?
Ça n’engage que ceux qui le disent. Ce sont des histoires. Il y a encore des pro-Gbagbo à l’heure où nous parlons à la Rti. Pourquoi ne sont-ils pas sur la liste ?
Peut-on revenir sur ces critères de mise en chômage technique ?
Oui, on peut revenir là-dessus. Ce sont des critères que j’allais dire universels. Quand une entreprise veut se séparer de quelques collaborateurs pour des motifs économiques, c’est toujours des critères de compétence, de performance, mais aussi des critères d’ancienneté qui jouent c’est-à-dire qu’il y a ceux qui sont arrivés dans la maison, il n’y a pas longtemps parce que leur accompagnement coûte moins cher. Mais il faut retenir que la raison fondamentale à laquelle obéit cette opération, c’est la raison économique. Il faut passer par là pour sauver la Rti. C’est ce qui compte d’abord.
Donc, vous ne réglez pas de compte à certaines personnes ?
Absolument pas. Aucun compte. Le seul compte, c’est le compte de la survie de l’entreprise. C’est ce seul compte qui a joué et qui m’a guidé. Voilà et cela n’a pas de prix, parce que sans l’entreprise , il n’y a pas de personnel. Il fallait faire un choix : entre le statu quo qui conduira inexorablement à la dissolution de la Rti… Car n’oubliez pas que la Rti pouvait être dissoute comme ça a été le cas de Air ivoire, et reconstituer par une nouvelle équipe. Soit le changement chirurgical même si cela fait mal pour sauver la Rti, c’est ce choix que j’ai fait, parce que la dissolution de la Rti aurait été catastrophique pour les 840 agents. Il vaut mieux sacrifier 300 ou 400 agents entre guillemets, bien sûr, que de sacrifier tous les agents et la Rti elle-même. On perd l’entreprise et on sacrifie le personnel, donc il fallait faire un choix raisonnable. C’est le choix que toutes les entreprises en difficulté opèrent. C’est d’abord la mise en chômage technique pour 2 mois, renouvelable. Ensuite, quand ça ne marche pas toujours, on procède à des licenciements pour motif économique. Et là, c’est sans appel, parce que c’est ça ou la mort.
Certaines personnes ne comprennent pas le départ de certains dinosaures de la Rti?
Que ces dinosaures sachent, eux-mêmes, que j’ai dit à tous que chacun s’apprête à payer sa part de sacrifice. Qu’ils sachent aussi que ce n’est pas un licenciement. Cela s’appelle un chômage technique. Ça veut dire qu’ils vont perdre un mois de salaire sur deux et qu’ils peuvent revenir. Mais pour qu’ils reviennent, il faut que nous constations, après leur départ qu’il y a un vide. Ce n’est pas parce qu’on est icône, qu’on est forcément indispensable. Quand on est icône, on doit travailler, on ne doit passer son temps à voyager, passer son temps dans des lieux autre que l’entreprise qui vous emploie, qui vous paie pour travailler pour elle. Voilà, l’icône doit aussi donner l’exemple. J’ai entendu certaines icônes dont vous parlez, pour ne pas citer de nom, s’exprimer depuis Paris. Mais, ils sont à Paris avec quelle permission? Je n’ai pas signé de feuille de mission, ni de permission à ces icônes qui se sont exprimées depuis Paris. Vous voyez, c’est ça aussi.
Sur quels critères certains agents pourraient-ils revenir ?
Si une secrétaire s’est retrouvée sur la liste parce que son directeur l’a trouvée peu performante, elle ne reviendra pas. Si par contre, elle s’est retrouvée sur la liste et qu’après on se rend compte, si elle n’est pas là, ça ne va pas, alors elle est prioritaire et elle revient.
A propos, il semblerait qu’au même moment, vous faites des recrutements.
Jamais, jamais, jamais. Depuis que cette opération a été déclenchée, il n’y a pas eu un seul recrutement. Parce que nous connaissons bien quand même les règles du jeu.
Laissons ce domaine pour aborder un peu vos ambitions. Concrètement, quelle politique comptez-vous entreprendre aujourd’hui pour rendre la Rti plus competitive ?
Alors, la Rti que je voudrais pouvoir arriver à mettre en place avec mon équipe, c’est d’abord une Rti en termes de contenu et de programmes, une Rti qui répond aux attentes des Ivoiriens. Donc, cela interpelle les travailleurs que nous sommes. Nous sommes-là pour vendre entre guillemets du contenu de qualité aux Ivoiriens et à tous ceux qui nous regardent de par le monde. C’est déjà un premier challenge. Je souhaite que nous ayons une Rti. Pour arriver à cet objectif, ce n’est pas avec 840 personnes, dont la moitié ne travaille pas non. C’est avec une Rti redimensionnée au niveau de tous les aspects, de ses organes, de ses ressources humaines, techniques et financières. Tout cela doit être redimensionné à la mesure des moyens de l’entreprise. Donc, ce sont ces ambitions quand vous voulez être une Rti compétitive. Car quand on parle de compétitivité, on parle aussi de concurrence. Il faut que ce soit une Rti où l’on travaille et produise des résultats mesurables. Pour nous, ce n’est pas compliqué. Moi je veux arriver à ce que la qualité des images que vous appréciez aujourd’hui corresponde à la qualité des hommes, qui mettrait un contenu de qualité à ces images. Donc, voici l’enjeu. Nous ne voulons pas être défavorise par la concurrence qui va arriver, parce qu’on n’ aura rien fait, immobiles, à attendre que l’Etat vienne nous donner des subventions, jamais.
Aujourd’hui, de combien d’agents dispose la Rti ?
Avant la mise en chômage technique, nous étions 840 agents, avec l’arrivée des agents de Tci. Ma vision, c’est d’arriver à un effectif qui soit au plus égal à 400 agents. Je dis au plus parce qu’on peut faire mieux. Mais je suis persuadé que la Rti peut fonctionner avec moins de 300 agents. A Tci, au Golf, la Radio fonctionnait avec moins de dix agents. La télé avec moins de quarante agents. Certains exemples vous montrent bien vers quoi, nous devons aller.
Il se raconte aussi que vous préférez les journalistes de Tci à ceux qui étaient là. Qu’en est-il exactement ?
Ce sont des rumeurs malveillantes. Mais je dis que Tci a fonctionné avec des journalistes et des animateurs que les gens appréciaient. C’est leur manière de faire. Et la plupart de ces journalistes par exemple sont venus d’un peu partout. Mais aujourd’hui, les journalistes de Tci radio sont à la radio et y travaillent. Leurs responsables sont satisfaits de leur travail. Ces journalistes, tout comme des techniciens des réalisateurs aussi bien à la radio qu’à la télévision travaillent bien. Donc ce sont des histories. Tous les agents de Tci que j’ai intégrés, ont leur compétence. Maintenant, si vous me parlez de performance, là c’est un autre domaine, qu’on peut rattraper tout simplement par la formation des agents.
Quel rôle entend jouer la Rti, sous votre contrôle, dans le processus de réconciliation nationale ?
Alors, ce n’est pas par hasard que le slogan de la "Rti 1 est Rti 1, la chaîne qui rassemble". "Rti 2, un autre regard." La radio a un autre slogan : une autre démarche, je crois. Alors, tout cela pour dire tout simplement que nous voulons que la Rti ne soit plus une arme contre les Ivoiriens, mais un outil de réconciliation. C’est une option fondamentale à laquelle je tiens. C’est même notre guide et notre feuille de route. La Rti doit aujourd’hui s’inscrire résolument dans cette vision, à savoir, être un outil qui réconcilie et qui rassemble les Ivoiriens. Et pour y arriver, c’est très simple. C’est un support qui doit montrer, d’abord ce que fait les Ivoiriens et ce que sont les Ivoiriens. Il doit montrer ce que fait le gouvernement et ce que sont les gouvernants. Il doit aussi permettre aux Ivoiriens, de s’exprimer, de se vider, d’aller à la rencontre des autres. Nous ouvrons nos antennes à toutes les tendances. C’est ça la nouvelle Rti. Tous les discours sont autorisés, à condition bien sûr que ce soit des discours de paix comme ça doit être le cas dans tous les autres organes de presse. Tant qu’un Ivoirien s’inscrit dans cette vision, il sera toujours la bienvenue.
Je veux aussi ramener les Ivoiriens vers la Rti. C’est aussi un axe important parce que la Rti a vu les Ivoiriens, s’éloigner d’elle, de sa propre faute, sinon de celle qui ont eu à la gérer durant cette période, et même avant. J’ai toujours dit quand j’étais Dga, que la Rti n’est pas la propriété d’un parti politique, mais qu’elle appartient à tous les Ivoiriens. C’est pour quoi en tant que manager, nous devons avoir ce souci là, de résister aux pressions extérieures et politiques, pour sauvegarder l’intérêt général des Ivoiriens.
Interview réalisée par François Konan
Coll : MT (Stagiaire)
De quelle Rti avez-vous hérité après la crise post-électorale ?
Pour parler d’héritage, je vous avoue que ce n’était pas du tout un bon héritage. Ce n’est pas un héritage dont on peut être fier. Nous avons trouvé une Rti qui n’existait que nom. C’est-à-dire qu’il n’y avait que les bâtiments. Si les pillards en avaient eu les moyens, ils auraient pu emporter les bâtiments et les centres émetteurs. Dieu merci. C’était une Rti à l’état zéro parce qu’une Rti, dont les chaînes de télé et de radio, ne peuvent émettre, ce n’est pas une Rti. Donc c’est ce que nous avons trouvé en arrivant. La Rti était en état de ruine. C’était vraiment déplorable et dramatique.
A la suite de cela, l’Etat a eu à faire des investissements pour remettre la Rti sur pied. A combien peut-on estimer ces investissements ?
L’Etat et le gouvernement ont pris leur responsabilité et ça, il faut les en féliciter, parce que l’actionnaire de la Rti, c’est l’Etat. L’importance de la Rti est telle que l’Etat a dû mettre en place un programme d’urgence, pour permettre à la Rti de redémarrer. Et c’est ce qui a été fait. Nous avons donc bénéficié d’un programme d’urgence pour l’équipement de nos studios (radios et télé), à Abidjan comme à Bouaké. Il se chiffre à environ 5 milliards de F Cfa. C’était un effort important en ces temps de crise économique et de redémarrage de l’Etat lui-même. Je crois que c’est un geste à saluer. Maintenant, la responsabilité nous incombe de faire un très bon usage de ce matériel et de faire en sorte que nous soyons capables d’offrir à l’Etat et au public ivoirien, ce qu’ils attendent de nous. C’est mon souci principal aujourd’hui. Il ne faut pas trahir la confiance des Ivoiriens, de l’Etat et du gouvernement qui attendent beaucoup de nous, en termes de confiance.
Alors, pendant qu’on parle d’investissements à la Rti, nous avons été quelque peu surpris de la décision de mise en chômage technique de certains agents. A quoi répond cette décision ?
Quand une entreprise en vient à mettre en chômage technique une bonne partie de son personnel, c’est toujours pour des motifs économiques. La Rti était asphyxiée. Excusez-moi du terme. Il lui fallait un bol d’oxygène, c’est ce qui a été fait.
Un homme comme moi, dans ma culture d’entreprise que j’ai, je ne peux supporter qu’une entreprise, de surcroît de service public, se permette de vivre sur des déficits chroniques, des dettes. Ce n’est plus une entreprise. Or, on m’a nommé pour gérer la Rti et donc pour gérer une entreprise. Donc, j’ai estimé qu’il fallait faire quelque chose. Et Dieu merci, j’ai été encouragé en cela par le Conseil d’administration qui, dès sa première session, m’a fait injection de procéder à une réduction d’effectifs. Voilà, c’est une recommandation forte du Conseil qui répond absolument à ce que j’attendais. Et je n’ai eu qu’à la mettre en application. Comment procéder en pareil cas ? C’est d’abord de demander aux agents de se désigner, afin de se faire connaître, s’ils sont intéressés par un départ volontaire. C’est la première mesure que j’ai prise. Le départ volontaire se fait normalement sans douleur puisque c’est une négociation entre l’agent et l’employeur. C’est ce que j’ai demandé aux agents. J’ai rencontré les syndicats, je leur ai expliqué et ils m’ont compris. Ils ont ensuite passé le message à leurs camarades. J’ai même réuni tous les agents sur le stade de la haute fréquence et je leur ai parlé. Mais cette circulaire, cette possibilité que je leur ai offerte n’a pas rencontré l’adhésion du grand monde. Donc je n’ai eu aucun départ volontaire. Ce qui restait à faire donc, c’était un peu de chirurgie pour permettre à la Rti d’avoir un bol d’oxygène. Mais, comme je ne pouvais pas tout de suite prendre mon stylo et licencier, de façon mécanique, les gens, il me fallait donc un minimum de délai pour faire l’état des lieux. C’est ce qui justifie la mise en chômage technique de 322 agents. Mais ce nombre là, ce sont des agents dont les directeurs respectifs nous ont communiqué les noms, à notre demande. Ce sont ceux qui ne viennent pas souvent au travail, les malades, ceux qui sont à quelques mois de la retraite, et que les directeurs respectifs connaissent mieux que moi. C’est en fonction de tous ces critères que nous avons constitué la liste des 322 personnes. Cela nous a donc permis de voir un peu plus clair. Ceux qui travaillent sont là. Cela veut dire que quelque part, le Conseil avait raison de dire qu’il y avait un sur effectif. Même aujourd’hui, je peux vous dire qu’on peut encore faire partir 100 personnes, sur la base de critères objectifs et même scientifiques. On sait avec combien d’agents, une rédaction comme la première peut fonctionner normalement, on peut le savoir. Et si donc on fait cette étude-là et c’est ce qui se passe actuellement, on va peut-être encore se séparer d’une centaine de personnes et la Rti fonctionnera. Donc c’est une opération qui n’est pas terminée. Alors le plan A est terminé avec le chômage technique, bien sûr, il y a les mesures d’accompagnement : les salaires sur deux mois. Après, ils peuvent revenir pour certains. Pourquoi revenir ? Mais parce qu’après l’opération, on peut se rendre compte que dans le lot, il y a des gens qui peuvent encore nous servir.
Que répondez-vous à ceux qui parlent de chasse aux sorcières ?
Je peux simplement dire à ces personnes de bien regarder la liste. Chasse aux sorcières par rapport à quoi ? Par rapport à quels critères.
Peut-être par des critères politiques ?
Qu’ils voient bien la liste. Moi, comme je ne suis pas politicien, je ne peux pas le dire. Mais sur la liste il y a tous les bords. J’ai même sur la liste, des personnes qui me sont très proches. Alors pourquoi est-ce que la maison fonctionne ?
On dit que les pro-Gbagbo seraient très nombreux dans le lot de ceux qui partent ?
Ça n’engage que ceux qui le disent. Ce sont des histoires. Il y a encore des pro-Gbagbo à l’heure où nous parlons à la Rti. Pourquoi ne sont-ils pas sur la liste ?
Peut-on revenir sur ces critères de mise en chômage technique ?
Oui, on peut revenir là-dessus. Ce sont des critères que j’allais dire universels. Quand une entreprise veut se séparer de quelques collaborateurs pour des motifs économiques, c’est toujours des critères de compétence, de performance, mais aussi des critères d’ancienneté qui jouent c’est-à-dire qu’il y a ceux qui sont arrivés dans la maison, il n’y a pas longtemps parce que leur accompagnement coûte moins cher. Mais il faut retenir que la raison fondamentale à laquelle obéit cette opération, c’est la raison économique. Il faut passer par là pour sauver la Rti. C’est ce qui compte d’abord.
Donc, vous ne réglez pas de compte à certaines personnes ?
Absolument pas. Aucun compte. Le seul compte, c’est le compte de la survie de l’entreprise. C’est ce seul compte qui a joué et qui m’a guidé. Voilà et cela n’a pas de prix, parce que sans l’entreprise , il n’y a pas de personnel. Il fallait faire un choix : entre le statu quo qui conduira inexorablement à la dissolution de la Rti… Car n’oubliez pas que la Rti pouvait être dissoute comme ça a été le cas de Air ivoire, et reconstituer par une nouvelle équipe. Soit le changement chirurgical même si cela fait mal pour sauver la Rti, c’est ce choix que j’ai fait, parce que la dissolution de la Rti aurait été catastrophique pour les 840 agents. Il vaut mieux sacrifier 300 ou 400 agents entre guillemets, bien sûr, que de sacrifier tous les agents et la Rti elle-même. On perd l’entreprise et on sacrifie le personnel, donc il fallait faire un choix raisonnable. C’est le choix que toutes les entreprises en difficulté opèrent. C’est d’abord la mise en chômage technique pour 2 mois, renouvelable. Ensuite, quand ça ne marche pas toujours, on procède à des licenciements pour motif économique. Et là, c’est sans appel, parce que c’est ça ou la mort.
Certaines personnes ne comprennent pas le départ de certains dinosaures de la Rti?
Que ces dinosaures sachent, eux-mêmes, que j’ai dit à tous que chacun s’apprête à payer sa part de sacrifice. Qu’ils sachent aussi que ce n’est pas un licenciement. Cela s’appelle un chômage technique. Ça veut dire qu’ils vont perdre un mois de salaire sur deux et qu’ils peuvent revenir. Mais pour qu’ils reviennent, il faut que nous constations, après leur départ qu’il y a un vide. Ce n’est pas parce qu’on est icône, qu’on est forcément indispensable. Quand on est icône, on doit travailler, on ne doit passer son temps à voyager, passer son temps dans des lieux autre que l’entreprise qui vous emploie, qui vous paie pour travailler pour elle. Voilà, l’icône doit aussi donner l’exemple. J’ai entendu certaines icônes dont vous parlez, pour ne pas citer de nom, s’exprimer depuis Paris. Mais, ils sont à Paris avec quelle permission? Je n’ai pas signé de feuille de mission, ni de permission à ces icônes qui se sont exprimées depuis Paris. Vous voyez, c’est ça aussi.
Sur quels critères certains agents pourraient-ils revenir ?
Si une secrétaire s’est retrouvée sur la liste parce que son directeur l’a trouvée peu performante, elle ne reviendra pas. Si par contre, elle s’est retrouvée sur la liste et qu’après on se rend compte, si elle n’est pas là, ça ne va pas, alors elle est prioritaire et elle revient.
A propos, il semblerait qu’au même moment, vous faites des recrutements.
Jamais, jamais, jamais. Depuis que cette opération a été déclenchée, il n’y a pas eu un seul recrutement. Parce que nous connaissons bien quand même les règles du jeu.
Laissons ce domaine pour aborder un peu vos ambitions. Concrètement, quelle politique comptez-vous entreprendre aujourd’hui pour rendre la Rti plus competitive ?
Alors, la Rti que je voudrais pouvoir arriver à mettre en place avec mon équipe, c’est d’abord une Rti en termes de contenu et de programmes, une Rti qui répond aux attentes des Ivoiriens. Donc, cela interpelle les travailleurs que nous sommes. Nous sommes-là pour vendre entre guillemets du contenu de qualité aux Ivoiriens et à tous ceux qui nous regardent de par le monde. C’est déjà un premier challenge. Je souhaite que nous ayons une Rti. Pour arriver à cet objectif, ce n’est pas avec 840 personnes, dont la moitié ne travaille pas non. C’est avec une Rti redimensionnée au niveau de tous les aspects, de ses organes, de ses ressources humaines, techniques et financières. Tout cela doit être redimensionné à la mesure des moyens de l’entreprise. Donc, ce sont ces ambitions quand vous voulez être une Rti compétitive. Car quand on parle de compétitivité, on parle aussi de concurrence. Il faut que ce soit une Rti où l’on travaille et produise des résultats mesurables. Pour nous, ce n’est pas compliqué. Moi je veux arriver à ce que la qualité des images que vous appréciez aujourd’hui corresponde à la qualité des hommes, qui mettrait un contenu de qualité à ces images. Donc, voici l’enjeu. Nous ne voulons pas être défavorise par la concurrence qui va arriver, parce qu’on n’ aura rien fait, immobiles, à attendre que l’Etat vienne nous donner des subventions, jamais.
Aujourd’hui, de combien d’agents dispose la Rti ?
Avant la mise en chômage technique, nous étions 840 agents, avec l’arrivée des agents de Tci. Ma vision, c’est d’arriver à un effectif qui soit au plus égal à 400 agents. Je dis au plus parce qu’on peut faire mieux. Mais je suis persuadé que la Rti peut fonctionner avec moins de 300 agents. A Tci, au Golf, la Radio fonctionnait avec moins de dix agents. La télé avec moins de quarante agents. Certains exemples vous montrent bien vers quoi, nous devons aller.
Il se raconte aussi que vous préférez les journalistes de Tci à ceux qui étaient là. Qu’en est-il exactement ?
Ce sont des rumeurs malveillantes. Mais je dis que Tci a fonctionné avec des journalistes et des animateurs que les gens appréciaient. C’est leur manière de faire. Et la plupart de ces journalistes par exemple sont venus d’un peu partout. Mais aujourd’hui, les journalistes de Tci radio sont à la radio et y travaillent. Leurs responsables sont satisfaits de leur travail. Ces journalistes, tout comme des techniciens des réalisateurs aussi bien à la radio qu’à la télévision travaillent bien. Donc ce sont des histories. Tous les agents de Tci que j’ai intégrés, ont leur compétence. Maintenant, si vous me parlez de performance, là c’est un autre domaine, qu’on peut rattraper tout simplement par la formation des agents.
Quel rôle entend jouer la Rti, sous votre contrôle, dans le processus de réconciliation nationale ?
Alors, ce n’est pas par hasard que le slogan de la "Rti 1 est Rti 1, la chaîne qui rassemble". "Rti 2, un autre regard." La radio a un autre slogan : une autre démarche, je crois. Alors, tout cela pour dire tout simplement que nous voulons que la Rti ne soit plus une arme contre les Ivoiriens, mais un outil de réconciliation. C’est une option fondamentale à laquelle je tiens. C’est même notre guide et notre feuille de route. La Rti doit aujourd’hui s’inscrire résolument dans cette vision, à savoir, être un outil qui réconcilie et qui rassemble les Ivoiriens. Et pour y arriver, c’est très simple. C’est un support qui doit montrer, d’abord ce que fait les Ivoiriens et ce que sont les Ivoiriens. Il doit montrer ce que fait le gouvernement et ce que sont les gouvernants. Il doit aussi permettre aux Ivoiriens, de s’exprimer, de se vider, d’aller à la rencontre des autres. Nous ouvrons nos antennes à toutes les tendances. C’est ça la nouvelle Rti. Tous les discours sont autorisés, à condition bien sûr que ce soit des discours de paix comme ça doit être le cas dans tous les autres organes de presse. Tant qu’un Ivoirien s’inscrit dans cette vision, il sera toujours la bienvenue.
Je veux aussi ramener les Ivoiriens vers la Rti. C’est aussi un axe important parce que la Rti a vu les Ivoiriens, s’éloigner d’elle, de sa propre faute, sinon de celle qui ont eu à la gérer durant cette période, et même avant. J’ai toujours dit quand j’étais Dga, que la Rti n’est pas la propriété d’un parti politique, mais qu’elle appartient à tous les Ivoiriens. C’est pour quoi en tant que manager, nous devons avoir ce souci là, de résister aux pressions extérieures et politiques, pour sauvegarder l’intérêt général des Ivoiriens.
Interview réalisée par François Konan
Coll : MT (Stagiaire)