Sur la question du transfèrement de l’ancien chef de l’Etat, le gouvernement n’a pas voulu faire fine bouche. Avant que le porte-parole du gouvernement en parle à l’issue du conseil des ministres d’hier, le Premier ministre a fait une intervention. Les autorités ont perçu qu’il s’agit d’un sujet majeur, d’une question lourde de conséquence dans la vie de la Nation, pour le continent africain et dans l’histoire des relations internationales. Alassane Ouattara et le gouvernement ivoirien ont posé un acte majeur. Dans les propos, le Premier ministre Guillaume Soro a joué sur le registre de l’émotion et du témoignage. Il a révélé que le président Alassane Ouattara avait la possibilité de soustraire Laurent Gbagbo à la CPI : « Comment auriez-vous pu légitimement vous battre pour le compte du FPI, quand ce parti a rejeté votre main tendue ?(..) Dès lors, quels arguments aviez-vous à faire valoir ». Selon Guillaume Soro, l’arrogance du FPI, le refus de la repentance, marqués par sa non participation aux législatives, et le refus d’entrer au gouvernement, peuvent expliquer et justifier le départ effectif à La Haye de l’ancien chef de l’Etat. En disant que si le FPI était entré au gouvernement, que s’il allait aux législatives, et s’inscrivait dans le processus de réconciliation, les données auraient changé concernant le sort de Gbagbo, le Premier ministre ne donne-t-il pas raison à ceux qui disent, que les raisons de l’inculpation et du transfèrement sont plus politiques, que tout autre ? Et qu’on aurait pu bien passer par pertes et profit, les victimes de la crise postélectorale, à condition que Laurent Gbagbo et le FPI fassent preuve de repentance….N’est-ce pas finalement Laurent Gbagbo, et le FPI, qui sans le vouloir, donnent la chance de lutter contre l’impunité et pour les victimes ? Ce point de l’analyse du Premier ministre interpelle et appelle une autre question : même si le bourreau ne s’est pas repenti, cela empêche-t-il la victime d’accorder son pardon ? Et puis que vaut le pardon, obtenu si le vainqueur veut encore humilier, le vaincu déjà couché, et déjà à terre ? Si le président Ouattara pouvait vraiment faire quelque chose, pour empêcher la CPI à Gbagbo, avait-il besoin que le FPI lui demande pardon pour cela, que Gbagbo se mette à ses pieds en lui envoyant des émissaires se mettre à ses pieds ? Le chef de l’Etat ne l’aurait-il pas fait simplement pour l’amour de son pays, et pour laisser à Allah, et le Seigneur lui rendre grâces ? Des agitateurs d’idées du régime Ouattara se demandent pourquoi Guillaume Soro n’a pas voulu communiquer sur l’aspect suivant : toute décision de la justice en Côte d’Ivoire aurait créé des problèmes. Par exemple si Laurent Gbagbo est acquitté dans le pays, cela aurait pu être pris pour de la faiblesse, et pour un arrangement politique à même de faire mal aux victimes. On pouvait aussi croire que c’était une manœuvre visant à protéger les personnes soupçonnées d’exactions dans le camp Ouattara. Par contre si Laurent Gbagbo était jugé sur place et condamné, on y verrait forcément une justice des vainqueurs. Le porte-parole du gouvernement, a tenté de faire ressortir cet aspect des choses. Le Premier ministre a, lui, joué sur le registre de l’émotion en donnant du grain à moudre à ses détracteurs et à ceux de la CPI: « Dans mon intime conviction, si le FPI était représenté au gouvernement participait aux législatives, et s’engageait dans la vraie réconciliation, ce serait autant d’espaces et d’arguments qui auraient peut-être permis de trouver un tout autre destin pour leur dirigeant », précise le chef du gouvernement, qui comme pour confirmer le caractère politique de la procédure, met en garde Blé Goudé, Simone Gbagbo et les autres : « il est temps de revenir à de meilleurs sentiments car l’entêtement de certains pourrait encore conduire bien d’autres sur les mêmes sentiers ». La conclusion du message du chef de gouvernement donne toutefois de l’espoir sur sa volonté et celle du gouvernement, à prendre en compte les exigences de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit : « Dans ce siècle nouveau, où l’universalité de la démocratie s’impose à toutes les nations, l’on ne peut se jouer du peuple indéfiniment. L’on ne peut être omnipuissant pour défier et mépriser l’histoire, l’on ne peut commettre des crimes de sang impunément. Cela a été vrai hier au Libéria et au Rwanda, c’est encore vrai aujourd’hui en Côte d’Ivoire ». Cela est valable pour tous ! Cependant, concernant le Libéria, aucun crime commis sur place ne fait l’objet d’aucune poursuite. Charles Taylor est officiellement poursuivi pour ce qui s’est passé en Sierra Léone. Au Libéria, une commission dialogue et réconciliation a demandé que des poursuites soient engagées contre Taylor, Sirleaf Johnson et d’autres chefs de guerre.
Charles Kouassi
Charles Kouassi