Les chauffeurs de taxis-compteurs sont les rares personnes qui sillonnent les rues de la capitale économique, Abidjan, tard dans la nuit, pour déposer les clients. Comment ces transporteurs vivent-ils leur métier ? Qu’est-ce qu’ils rencontrent surtout les nuits pendant leur travail ?
Mamadou Touré dit être à bord de son taxi-compteur dès 6 heures du matin et ce jusqu’au lendemain à la même heure. Soit 24 /24 heures. «Nous sommes deux qui exerçons avec ce taxi-compteur. Après 24 heures de travail, c’est mon collègue qui prend le relais», fait savoir celui qui dit être depuis plus de dix ans, dans ce métier, par passion. «Ce métier nourrit difficilement son homme. Le propriétaire peut par exemple vous demander de lui apporter 15 000 FCFA par jour et le reste vous revient. Le carburant est à notre compte. Ce n’est donc pas évident de retourner à la maison avec plus de 5 000 F CFA. Rentrer après 24 heures d’activités à la maison, avec 10 000 F CFA, relève de l’exception», renchérit Mamadou Touré. Des propos soutenus par Koné Ousmane, un autre chauffeur de taxi-compteur qui souligne que la crise a été et continue d’être préjudiciable pour leur secteur. «La crise a fait que les gens n’ont plus d’argent. Nos clients évitent qu’on utilise le compteur pendant le trajet. Ils préfèrent les arrangements. Ce qui ne nous arrange pas. Mais on n’a pas le choix, nous sommes obligés de faire avec», martèle-t-il. Puis d’ajouter que la crise a beaucoup affecté leur recette. «La nuit n’est plus profitable pour nous. Actuellement, dès 22 heures, on ne trouve presque plus personne dehors. Mais avant la crise, l’activité marchait bien à des heures très tardives, à savoir entre 24 heures et 5 heures du matin», déplore-t-il. Quant à Koffi Alphonse, exerçant ce métier depuis environ cinq ans, il fait savoir que l’activité est rentable dans les communes de Marcory, Treichville et Cocody. «Circuler dans les autres communes, c’est faire du gaspillage de carburant», a-t-il laissé entendre. Avant de dénoncer la « concurrence déloyale » des taxis intercommunaux. « Les populations préfèrent emprunter ces taxis qu’elles considèrent moins coûteux. Ces acteurs nous rendent la vie dure. Nous considérons leur concurrence déloyale puisqu’ils ne sont pas soumis aux mêmes taxes que nous. Il faut que les autorités se penchent sur cette situation », a-t-il souhaité.
Un travail à risque la nuit
Les chauffeurs de taxis-compteurs font régulièrement face, à en croire Mamadou Touré, à des clients véreux. «J’ai été à plusieurs reprises confronté à des clients malhonnêtes qui empruntent votre taxi et dès qu’ils arrivent à destination, ils descendent rapidement et prennent aussitôt la fuite sans payer le transport», dénonce-t-il. Etre à bord d’un taxi compteur et circuler à des heures tardives, à Abidjan, dans l’attente de la sollicitation d’un client, c’est prendre rendez-vous, poursuit Mamadou Touré, avec toutes sortes d’agressions. Les chauffeurs de taxis-compteurs, dira-t-il, sont régulièrement agressés, les nuits, par des bandits. «Lorsqu’une personne monte dans mon taxi surtout la nuit, je demande la protection du Seigneur. Parce que je ne sais pas ce qu’il me réserve », indique-t-il. Poursuivant, Mamadou Touré révèle les méthodes d’agression des quidams qui conduisent parfois, précise-t-il, à la mort des chauffeurs de taxi-compteur. «Soit la personne peut monter seul dans le taxi soit ils peuvent être à deux, trois, voire quatre. Le client qui emprunte au départ seul le taxi peut faire monter en plein trajet deux ou trois amis. Dans tous les cas, l’agression est presqu’identique. Les gangsters après une distance te prennent en otage avec leurs armes et te demandent la recette du jour. Tu es obligé de céder pour sauver ta vie», affirme-t-il. Abordant dans le même sens, Diomandé Maméry qui dit pratiquer ce métier depuis environ une décennie, déplore que des chauffeurs de taxi soient obligés de rembourser la recette de leur patron après une agression. « Ce n’est pas tous les propriétaires de taxis-compteurs qui croient lorsque nous leur disons que nous avons été braqués. Pour eux, c’est une manière de les arnaquer et garder par devers nous leur recette. Le patron vous demande de rembourser cette recette ou il la déduit dans votre paie du mois », déclare-t-il. Avant de regretter ceci : « Cette situation fait que certains de nos confrères ont été tués par ces agresseurs parce qu’ils ont voulu résister pour conserver la recette du propriétaire du véhicule ». Diomandé Maméry renchérit pour dire qu’il a été victime il y a plus d’un mois de cette situation. « J’ai été braqué récemment à Yopougon Nouveau Quartier par des gangsters qui ont emporté mes deux portables, les pièces du véhicule, ma carte d’identité et la recette du jour qui était de 23 000 F CFA ». L’expérience fait la différence, dit l’adage. Adama Sissoko, chauffeur de taxi depuis 19 ans, déclare qu’avec son expérience dans ce métier, il arrive, aujourd’hui, à détecter les clients agresseurs. « Dès qu’un client m’arrête pour emprunter le taxi, j’ai cette possibilité, en l’observant seulement, de savoir s’il va m’agresser par la suite. Aussi, un client qui, à la descente du taxi, ouvre la portière et met un pied dehors avant de vous régler est, en général, un agresseur. En fait, avec mon expérience, je suis devenu comme un policier qui a du métier et qui a cette capacité de désigner le véritable voleur parmi plusieurs personnes qu’on lui présente », affirme Adama Sissoko. Par ailleurs, à côté de ces cas d’agression, complète Mamadou Touré, les professionnelles du sexe sont « des compagnons » des chauffeurs, les nuits. «Nous sommes beaucoup en contact avec les prostituées parce que nous continuons à travailler très tard dans la nuit au moment où elles exercent leur activité. Et cette proximité a conduit à des situations», lâche-t-il. «Lorsqu’une prostituée n’a pas d’argent pour rentrer (aux environs de 5 heures du matin) chez elle, à la fin d’une activité non fructueuse, elle négocie avec un chauffeur de taxi- compteur. Généralement, elle propose au chauffeur de taxi de la déposer gratuitement chez elle moyennant une passe sans paye. Personnellement, j’ai été à plusieurs reprises confronté à ce genre de situations mais ma croyance religieuse ne m’a pas permis de succomber. Des confrères acceptent ce deal. Cela est même devenu courant entre des chauffeurs de taxis-compteurs et des prostituées. Dès que la fille a fini son activité, elle appelle le chauffeur de taxi qui la rejoint automatiquement. Il dépose la prostituée gratuitement chez elle après avoir couché avec elle sans rien payer».
Ces chauffeurs sauvent des vies
Le côté positif dans ce métier, dira Daly Serge, chauffeur de taxi depuis 1998, c’est tout d’abord la bonne connaissance des quartiers. « Franchement, à Abidjan, je maîtrise presque tous les secteurs. Après plus de cinq ans dans le métier, un chauffeur de taxi-compteur est pour moi le premier agent à même de donner les informations sur la position géographique d’un quartier quel que soit l’endroit où il se trouve », affirme-t-il. Puis de se féliciter de l’absence des ‘’ gnambolo’’ (coxer) dans le secteur. « Je vous informe que j’ai fait un an dans le secteur de Gbaka (transport commun) mais j’ai quitté ce milieu à cause de la multitude de syndicats qui y règnent en maîtres. Et qui rackettent les professionnels de ce métier à tout bout de champ », a-t-il décrié. Démontrant le rôle important de leur secteur dans la société, Koné Ousmane souligne que de nombreux hommes publics arrivent à se déplacer grâce aux taxis-compteurs. «Vous savez que des artistes, des comédiens, des cinéastes et des journalistes n’ont pas tous la possibilité de s’offrir une voiture ou s’ils en ont, le véhicule peut être en réparation. Le caractère public de leur activité impose à ces hommes célèbres qui se trouvent dans cette situation d’utiliser les taxis-compteurs et non les transports communs pour éviter de donner une mauvaise impression à leurs fans. Régulièrement, je transporte des artistes, des comédiens, des journalistes, ...», soutient-il. Quant à Diomandé Maméry, il considère les chauffeurs de taxis compteurs comme « des sauveurs ». « Nous sauvons des vies humaines en transportant rapidement des personnes malades à l’hôpital, notamment les nuits où les autres moyens de transport arrêtent de travailler. Aussi, c’est grâce aux chauffeurs de taxis-compteurs que les femmes dont la grossesse arrive à terme sont conduites très vite à l’hôpital pour accoucher dans les meilleures conditions », affirme-t-il.
R. Dibi
Mamadou Touré dit être à bord de son taxi-compteur dès 6 heures du matin et ce jusqu’au lendemain à la même heure. Soit 24 /24 heures. «Nous sommes deux qui exerçons avec ce taxi-compteur. Après 24 heures de travail, c’est mon collègue qui prend le relais», fait savoir celui qui dit être depuis plus de dix ans, dans ce métier, par passion. «Ce métier nourrit difficilement son homme. Le propriétaire peut par exemple vous demander de lui apporter 15 000 FCFA par jour et le reste vous revient. Le carburant est à notre compte. Ce n’est donc pas évident de retourner à la maison avec plus de 5 000 F CFA. Rentrer après 24 heures d’activités à la maison, avec 10 000 F CFA, relève de l’exception», renchérit Mamadou Touré. Des propos soutenus par Koné Ousmane, un autre chauffeur de taxi-compteur qui souligne que la crise a été et continue d’être préjudiciable pour leur secteur. «La crise a fait que les gens n’ont plus d’argent. Nos clients évitent qu’on utilise le compteur pendant le trajet. Ils préfèrent les arrangements. Ce qui ne nous arrange pas. Mais on n’a pas le choix, nous sommes obligés de faire avec», martèle-t-il. Puis d’ajouter que la crise a beaucoup affecté leur recette. «La nuit n’est plus profitable pour nous. Actuellement, dès 22 heures, on ne trouve presque plus personne dehors. Mais avant la crise, l’activité marchait bien à des heures très tardives, à savoir entre 24 heures et 5 heures du matin», déplore-t-il. Quant à Koffi Alphonse, exerçant ce métier depuis environ cinq ans, il fait savoir que l’activité est rentable dans les communes de Marcory, Treichville et Cocody. «Circuler dans les autres communes, c’est faire du gaspillage de carburant», a-t-il laissé entendre. Avant de dénoncer la « concurrence déloyale » des taxis intercommunaux. « Les populations préfèrent emprunter ces taxis qu’elles considèrent moins coûteux. Ces acteurs nous rendent la vie dure. Nous considérons leur concurrence déloyale puisqu’ils ne sont pas soumis aux mêmes taxes que nous. Il faut que les autorités se penchent sur cette situation », a-t-il souhaité.
Un travail à risque la nuit
Les chauffeurs de taxis-compteurs font régulièrement face, à en croire Mamadou Touré, à des clients véreux. «J’ai été à plusieurs reprises confronté à des clients malhonnêtes qui empruntent votre taxi et dès qu’ils arrivent à destination, ils descendent rapidement et prennent aussitôt la fuite sans payer le transport», dénonce-t-il. Etre à bord d’un taxi compteur et circuler à des heures tardives, à Abidjan, dans l’attente de la sollicitation d’un client, c’est prendre rendez-vous, poursuit Mamadou Touré, avec toutes sortes d’agressions. Les chauffeurs de taxis-compteurs, dira-t-il, sont régulièrement agressés, les nuits, par des bandits. «Lorsqu’une personne monte dans mon taxi surtout la nuit, je demande la protection du Seigneur. Parce que je ne sais pas ce qu’il me réserve », indique-t-il. Poursuivant, Mamadou Touré révèle les méthodes d’agression des quidams qui conduisent parfois, précise-t-il, à la mort des chauffeurs de taxi-compteur. «Soit la personne peut monter seul dans le taxi soit ils peuvent être à deux, trois, voire quatre. Le client qui emprunte au départ seul le taxi peut faire monter en plein trajet deux ou trois amis. Dans tous les cas, l’agression est presqu’identique. Les gangsters après une distance te prennent en otage avec leurs armes et te demandent la recette du jour. Tu es obligé de céder pour sauver ta vie», affirme-t-il. Abordant dans le même sens, Diomandé Maméry qui dit pratiquer ce métier depuis environ une décennie, déplore que des chauffeurs de taxi soient obligés de rembourser la recette de leur patron après une agression. « Ce n’est pas tous les propriétaires de taxis-compteurs qui croient lorsque nous leur disons que nous avons été braqués. Pour eux, c’est une manière de les arnaquer et garder par devers nous leur recette. Le patron vous demande de rembourser cette recette ou il la déduit dans votre paie du mois », déclare-t-il. Avant de regretter ceci : « Cette situation fait que certains de nos confrères ont été tués par ces agresseurs parce qu’ils ont voulu résister pour conserver la recette du propriétaire du véhicule ». Diomandé Maméry renchérit pour dire qu’il a été victime il y a plus d’un mois de cette situation. « J’ai été braqué récemment à Yopougon Nouveau Quartier par des gangsters qui ont emporté mes deux portables, les pièces du véhicule, ma carte d’identité et la recette du jour qui était de 23 000 F CFA ». L’expérience fait la différence, dit l’adage. Adama Sissoko, chauffeur de taxi depuis 19 ans, déclare qu’avec son expérience dans ce métier, il arrive, aujourd’hui, à détecter les clients agresseurs. « Dès qu’un client m’arrête pour emprunter le taxi, j’ai cette possibilité, en l’observant seulement, de savoir s’il va m’agresser par la suite. Aussi, un client qui, à la descente du taxi, ouvre la portière et met un pied dehors avant de vous régler est, en général, un agresseur. En fait, avec mon expérience, je suis devenu comme un policier qui a du métier et qui a cette capacité de désigner le véritable voleur parmi plusieurs personnes qu’on lui présente », affirme Adama Sissoko. Par ailleurs, à côté de ces cas d’agression, complète Mamadou Touré, les professionnelles du sexe sont « des compagnons » des chauffeurs, les nuits. «Nous sommes beaucoup en contact avec les prostituées parce que nous continuons à travailler très tard dans la nuit au moment où elles exercent leur activité. Et cette proximité a conduit à des situations», lâche-t-il. «Lorsqu’une prostituée n’a pas d’argent pour rentrer (aux environs de 5 heures du matin) chez elle, à la fin d’une activité non fructueuse, elle négocie avec un chauffeur de taxi- compteur. Généralement, elle propose au chauffeur de taxi de la déposer gratuitement chez elle moyennant une passe sans paye. Personnellement, j’ai été à plusieurs reprises confronté à ce genre de situations mais ma croyance religieuse ne m’a pas permis de succomber. Des confrères acceptent ce deal. Cela est même devenu courant entre des chauffeurs de taxis-compteurs et des prostituées. Dès que la fille a fini son activité, elle appelle le chauffeur de taxi qui la rejoint automatiquement. Il dépose la prostituée gratuitement chez elle après avoir couché avec elle sans rien payer».
Ces chauffeurs sauvent des vies
Le côté positif dans ce métier, dira Daly Serge, chauffeur de taxi depuis 1998, c’est tout d’abord la bonne connaissance des quartiers. « Franchement, à Abidjan, je maîtrise presque tous les secteurs. Après plus de cinq ans dans le métier, un chauffeur de taxi-compteur est pour moi le premier agent à même de donner les informations sur la position géographique d’un quartier quel que soit l’endroit où il se trouve », affirme-t-il. Puis de se féliciter de l’absence des ‘’ gnambolo’’ (coxer) dans le secteur. « Je vous informe que j’ai fait un an dans le secteur de Gbaka (transport commun) mais j’ai quitté ce milieu à cause de la multitude de syndicats qui y règnent en maîtres. Et qui rackettent les professionnels de ce métier à tout bout de champ », a-t-il décrié. Démontrant le rôle important de leur secteur dans la société, Koné Ousmane souligne que de nombreux hommes publics arrivent à se déplacer grâce aux taxis-compteurs. «Vous savez que des artistes, des comédiens, des cinéastes et des journalistes n’ont pas tous la possibilité de s’offrir une voiture ou s’ils en ont, le véhicule peut être en réparation. Le caractère public de leur activité impose à ces hommes célèbres qui se trouvent dans cette situation d’utiliser les taxis-compteurs et non les transports communs pour éviter de donner une mauvaise impression à leurs fans. Régulièrement, je transporte des artistes, des comédiens, des journalistes, ...», soutient-il. Quant à Diomandé Maméry, il considère les chauffeurs de taxis compteurs comme « des sauveurs ». « Nous sauvons des vies humaines en transportant rapidement des personnes malades à l’hôpital, notamment les nuits où les autres moyens de transport arrêtent de travailler. Aussi, c’est grâce aux chauffeurs de taxis-compteurs que les femmes dont la grossesse arrive à terme sont conduites très vite à l’hôpital pour accoucher dans les meilleures conditions », affirme-t-il.
R. Dibi